N° 418

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 mars 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la proposition de résolution européenne en application de l'article 73 quinquies du Règlement, dénonçant les transferts forcés massifs d' enfants ukrainiens par la Fédération de Russie ,

Par MM. André GATTOLIN et Claude KERN,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin , président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Didier Marie, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, André Gattolin, Pierre Laurent, Mme Colette Mélot, M. Jacques Fernique, Mme Véronique Guillotin , vice-présidents ; M. François Calvet, Mme Marta de Cidrac, M. Jean-Yves Leconte, Mme Amel Gacquerre , secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, Mme Florence Blatrix Contat, M. Philippe Bonnecarrère, Mme Valérie Boyer, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Cuypers, Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mmes Pascale Gruny, Laurence Harribey, MM. Ludovic Haye, Jean-Michel Houllegatte, Patrice Joly, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Pierre Louault, Victorin Lurel, Franck Menonville, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Pierre Ouzoulias, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger .

Voir les numéros :

Sénat :

345 et 419 (2022-2023)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Conformément à l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat, la commission des affaires européennes est saisie d'une proposition de résolution européenne n° 345, de M. André Gattolin et plusieurs de ses collègues, visant à dénoncer les transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie.

De fortes présomptions laissent en effet penser que, depuis le 24 février 2022, début de la guerre d'agression et d'invasion qu'elle mène contre l`Ukraine, la Russie procède au transfert forcé d'enfants ukrainiens loin de leur famille et de leur pays, ce qui peut être qualifié de crime au regard du droit international pénal.

Grâce à l'initiative prise par M. André Gattolin, cette proposition de résolution européenne (PPRE) ferait du Sénat la première chambre parlementaire nationale de l'Union européenne à se positionner haut et fort pour dénoncer spécifiquement de tels crimes visant des enfants.

Le présent rapport s'attache à rappeler combien les enfants, victimes de la guerre, sont vulnérables et protégés à ce titre par des conventions internationales, puis à prendre la mesure d'un phénomène de grande ampleur, cependant difficile à évaluer précisément, qui semble néanmoins faire l'objet d'une politique systématique de la Russie. Il expose enfin les moyens de lutte contre cette politique, qui doivent être mis en oeuvre, par les autorités et ONG ukrainiennes, mais aussi par la France, les États membres de l'Union européenne, les institutions européennes et la Cour pénale internationale.

I. LES ENFANTS, VICTIMES DE LA GUERRE

La guerre d'agression brutale menée par la Russie contre l'Ukraine a ramené sur le sol européen une violence inédite depuis la deuxième guerre mondiale. Elle a infligé d'immenses souffrances et des destructions insensées à l'Ukraine et à ses populations civiles.

Les atrocités perpétrées et mises en évidence dès les tout premiers jours de l'invasion continuent à faire de trop nombreuses victimes : il s'agit, au-delà du crime d'agression, de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité.

Outre les agences des Nations unies qui ont mené une action intense sur le terrain, , des organisations non gouvernementales (ONG), des autorités judiciaires et des services d'enquête spécialisés d'Ukraine et de nombreux pays sont allés enquêter, identifier, recueillir des preuves : par exemple, plusieurs équipes de gendarmes et d'experts de l'institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale se sont rendues sur place dès le mois de mai 2022, tout de suite après que les forces ukrainiennes reprirent le contrôle des territoires concernés, à Boutcha notamment.

La guerre a fait de très nombreuses victimes civiles. Dès le tout début de l'invasion, les forces russes ont délibérément ciblé la population civile ukrainienne. Les enfants n'ont évidemment pas échappé à cette tragédie. Selon le bureau du procureur général de l'Ukraine 1 ( * ) , au moins 464 enfants seraient morts durant le conflit, à la date du 11 mars 2023. De plus, 934 auraient été blessés et 367 disparus, ajoute le bureau, qui précise que le bilan n'inclut pas les territoires occupés par la Russie ni ceux où des combats ont lieu 2 ( * ) .

A. UN NOMBRE DE RÉFUGIÉS TRÈS IMPORTANT

L'invasion russe de l'Ukraine a entraîné, depuis plus d'un an, le déplacement de plus de treize millions de personnes, dont plus de huit millions ont rejoint différents pays de l'Union européenne - un million et demi en Pologne, un million en Allemagne -, selon le dernier point du Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR), datant du 20 février 2023.

Trois millions de « réfugiés » seraient enregistrés en Russie et en Biélorussie, dont 700 000, voire un million d'enfants, toujours selon le HCR. En outre, plus de 5 350 000 personnes seraient déplacées à l'intérieur même de l'Ukraine, selon la même source. Les chiffres varient beaucoup.


* 1 Cf site en ukrainien : https://t.me/pgo_gov_ua/10310

* 2 L'Express (avec AFP), 11 mars 2023,

https://www.lexpress.fr/monde/europe/guerre-en-ukraine-presque-500-enfants-ukrainiens-tues-depuis-le-debut-du-conflit-H3DNPDFWBJBDPBSRCBPAOHDFWE/

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