II. LE TEMPS DE L'ACTION 

Après l'étape indispensable de la condamnation, l'essentiel est, désormais, d'agir pour permettre l'identification des enfants déportés, leur localisation et, surtout, pour faciliter leur retour en Ukraine. La résignation n'est pas permise. 327 enfants sont déjà revenus. L'ONG « Save Ukraine » a organisé le retour de 61 enfants depuis la Russie, et 120 depuis les territoires ukrainiens occupés. Le retour de tous les enfants enlevés est encore possible. Ces enfants et leurs familles ont besoin de notre aide.

Les mandats d'arrêt émis par la CPI constituent une étape essentielle, dans l'intérêt de la justice, mais aussi pour prévenir de futurs crimes en dissuadant leurs auteurs potentiels, comme l'indique, d'ailleurs, la communication de la CPI du 17 mars 2023.

C'est pourquoi le texte de la commission sur la proposition de résolution invite le gouvernement à lancer une initiative diplomatique en faveur des enfants ukrainiens, en lien avec les organisations humanitaires internationales. Cette initiative diplomatique pourrait impliquer l'UE bien sûr, mais aussi des pays plus neutres dans leur approche de la guerre, donc plus susceptibles d'être entendus par les Russes. Il s'agit de faire pression sur les autorités russes pour qu'elles permettent aux organisations humanitaires internationales, en particulier les instances des Nations unies, telles que l'Unicef, d'avoir accès aux enfants sur le territoire russe et dans les zones contrôlées par les Russies. Ces organisations pourraient dès lors évaluer la situation, estimer le nombre d'enfants concernés, leur localisation, les conditions dans lesquelles ils sont retenus en Russie, puis ouvrir des canaux de communication et des routes de retour vers l'Ukraine.

L'Unicef (Fonds des Nations unies pour l'enfance) a conservé un bureau de liaison en Russie, pays qui a ratifié la Convention sur les droits de l'enfant. L'action de cette organisation qui oeuvre au respect des droits et à l'amélioration de la condition des enfants dans 190 pays, est reconnue tant par l'Ukraine que par la Russie, ce qui pourrait lui donner un rôle clef. Mais elle n'a pour le moment pas accès aux enfants ukrainiens sur le territoire russe.

Le chemin du retour vers l'Ukraine n'est pas sans danger pour des enfants déjà traumatisés par la guerre : c'est pourquoi la résolution encourage par ailleurs le gouvernement et l'UE à aider les institutions et ONG ukrainiennes à accompagner ce retour sur le plan médial, psychologique et social.

Il s'agit aussi de soutenir, plus généralement, les efforts du gouvernement ukrainien pour réformer le système de prise en charge des enfants orphelins ou vulnérables en Ukraine. Avant la guerre, 91 000 enfants étaient en effet hébergés dans des institutions, soit 1,2 % des enfants, ce qui représente un taux élevé, comme c'est le cas d'ailleurs aussi en Russie. La plupart de ces enfants ne sont pas orphelins. D'après l'ONG Human Rights Watch (mars 2023), « Plus de 9 enfants sur 10 placés dans des institutions ukrainiennes ont des parents jouissant de tous leurs droits parentaux et ont été placés en institution en raison de la pauvreté de leur famille ou de circonstances de vie difficiles, ou parce que l'enfant est handicapé et que les institutions ont été présentées à tort comme la meilleure option ». Ces enfants sont confrontés à des difficultés encore accrues dans le contexte de la guerre.

Le texte de la commission appelle le gouvernement et l'UE à accroître leur soutien aux différents mécanismes d'investigation en cours, notamment leur soutien humain, matériel et financier à la CPI. La France coopère avec les autorités ukrainiennes depuis le début du conflit : deux missions d'experts médico-légaux ont été déployées en Ukraine pour assister les autorités judiciaires dans le recueil des preuves des crimes commis par la Russie. Deux laboratoires mobiles d'analyse ADN ont été donnés à l'Ukraine. La France a, en outre, apporté un soutien à la CPI par le biais d'une contribution financière exceptionnelle de 500 000 euros en 2022 et par la mise à disposition de magistrats et d'enquêteurs français. Ce soutien doit se poursuivre et s'intensifier afin que la CPI puisse élargir ses investigations pour identifier les personnes responsables des crimes commis contre les civils et, en particulier, contre les enfants en Ukraine.

La résolution invite l'Union européenne et ses États membres à veiller à la mise en oeuvre effective des mandats d'arrêt de la CPI sur le territoire de l'UE et à soulever cette question dans les relations et négociations avec les pays tiers, afin de contribuer à rendre la justice pénale internationale plus effective au plan mondial. Les parlements nationaux doivent veiller à ce que les gouvernements y soient attentifs. La mise en oeuvre des mandats d'arrêt de la CPI dépend maintenant de la coopération internationale.

La résolution suggère, enfin, d'étendre la liste des sanctions à l'encontre de tous les acteurs de la politique de déportation et de « russification » des enfants ukrainiens, comptant là encore, comme pour les mandats d'arrêt, sur l'effet dissuasif des sanctions individuelles.