B. UN SCHÉMA D'EMPLOIS DE NOUVEAU SOUS-EXÉCUTÉ EN 2022, ET QUI ILLUSTRE LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT RENCONTRÉES PAR LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE CES DERNIÈRES ANNÉES

Les dépenses de personnel (titre 2) de la mission, qui représentent près de 60 % des crédits, progressent de 5 % en 2022 par rapport à 2021, conformément à la hausse des effectifs prévue par la loi de finances initiale et au caractère prioritaire de cette mission depuis plusieurs exercices.

Dans la continuité des exercices précédents, le taux d'exécution de crédits de titre 2 connaît un niveau particulièrement élevé, à 101,5 % au niveau de l'ensemble de la mission, un taux supérieur à celui observé en 2021 (99,25 %). Plusieurs mouvements sont intervenus en cours de gestion pour permettre de couvrir les besoins supplémentaires, liés à des mesures catégorielles : une ouverture de crédits en loi de finances rectificative8(*), un dégel de fin de gestion et une répartition des crédits issus du programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » de la mission « Crédits non répartis », pour un montant de 101,1 millions d`euros.

Ces différents mouvements, avec la couverture par le programme 551 de l'augmentation du point d'indice (63 millions d'euros), ont conduit le contrôleur budgétaire et comptable ministériel à qualifier la gestion du titre 2 de « mouvementée »9(*). Les mesures générales et catégorielles ont ainsi représenté plus de 50 % de la hausse des dépenses de personnel, contre seulement 18 % pour le schéma d'emplois (50 % en 2020 et en 2021)10(*).

Fin 2022, le plafond d'emplois de la mission atteint 91 358 équivalents temps plein travaillé (ETPT), en hausse de 1 480 ETPT.

En exécution, le schéma d'emplois réalisé en 2022 s'élève à 1 334 équivalents temps plein (ETP), soit un taux d'exécution de 89 %, inférieur à celui constaté en 2021 (95 %). Cet écart correspond à une sous-exécution du schéma d'emploi de 162 ETP, le schéma ayant été augmenté en cours de gestion afin de pérenniser les agents contractuels recrutés initialement pour un an pour pallier les besoins liés à la mise en place des réformes dites de « justice de proximité » et au renforcement des effectifs dédiés à la lutte contre les violences infra-familiales.

Exécution du schéma d'emplois
de la mission « Justice » entre 2018 et 2022

(en équivalents temps plein)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

En dépit de la sous-exécution régulière des schémas d'emplois annuels, les objectifs de recrutement de la loi de programmation de la justice pour la période 2018-2022, fixés à 6 500 ETP, ont été atteints. Toutefois, en intégrant les réajustements opérés en gestion, pour tenir compte des réformes intervenues ces cinq dernières années, la cible d'emplois n'a pas été atteinte.

Si le rapporteur spécial se félicite donc de la progression globale des effectifs, absolument nécessaire pour répondre à l'encombrement des tribunaux et des établissements pénitentiaires, il réitère également ses inquiétudes quant à la capacité du ministère à recruter les personnels nécessaires. Alors que plus de 10 000 recrutements supplémentaires ont été annoncés sur la période 2023-2027, correspondant à la prochaine période de programmation, cet objectif ne pourra pas être atteint sans résoudre les problèmes d'attractivité auxquels font face les métiers du ministère.

Certaines évolutions ont été engagées, telles que la revalorisation de 1 000 euros bruts en moyenne du traitement des magistrats judiciaires, la reclassification en catégorie B des surveillants pénitentiaires ou encore la création des agents pénitentiaires. Alors que ces réformes ne seront mises en place qu'à la fin de l'année 2023 ou au début de l'année 2024, les premiers résultats ne seront pas visibles immédiatement. La question de la capacité des écoles - concernant les magistrats, greffiers, personnels de l'administration pénitentiaire - à former suffisamment de personnes n'est pas non plus résolue, ni celle du vivier de recrutement.

Ce chantier devra être une priorité dans le cadre de la future loi de programmation de la justice. Le rapporteur soutient à cet égard, comme il l'a rappelé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 202311(*), les évaluations en cours sur la charge de travail des magistrats, pour adopter une approche plus objective des besoins de recrutement dans les juridictions.


* 8 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 9 Rapport annuel du contrôleur budgétaire et comptable ministériel près le ministère de la justice relatif à l'exécution budgétaire et à la situation financière et comptable ministérielle, année 2022.

* 10 Cour des comptes, «  Le budget de l'État en 2022. Résultats et gestion », avril 2023.

* 11 Contribution sur la mission « Justice » de M. Antoine Lefèvre au rapport général n° 163 (2021-2022), fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2022, déposé le 18 novembre 2021 et contribution au rapport général n° 115 (2022-2023), fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2023, déposé le 17 novembre 2022.