D. RENFORCER L'ÉVALUATION ET LES OUTILS DE SUIVI, UN IMPÉRATIF POUR LA PROCHAINE LOI DE PROGRAMMATION DE LA JUSTICE

Plusieurs indicateurs de contexte ou de performance de la mission « Justice » pourraient être modifiés afin de mieux tenir compte des enjeux auxquels fait face le ministère et des demandes, politiques comme citoyennes, auxquelles la politique publique de la justice doit répondre.

Comme il l`avait déjà souligné dans son rapport budgétaire sur la mission « Justice » en 202213(*), l'indicateur de récidive14(*) est emblématique des difficultés de suivi et d'évaluation rencontrées par le ministère. Disparu en 2022, il est revenu dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2023. Ses modalités de calcul sont critiquables puisqu'elles ne retiennent que la récidive légale dans un délai de deux ans, à partir du casier judiciaire national, alors même que le délai est généralement de cinq ans dans les textes. L'indicateur transmis au Parlement dans les documents budgétaires diffère donc des taux de récidive calculés par le ministère, ce qui n'est pas de nature à favoriser la lisibilité de ces données, déjà difficiles à évaluer.

Par ailleurs, la récidive n'est constatée que lorsqu'elle est prévue par le code pénal, par exemple la commission de faits délictuels identiques dans un certain délai. L'indicateur n'inclut donc pas la réitération, une notion plus générale qui recouvre les situations dans lesquelles une seconde infraction est commise après la condamnation définitive pour la première infraction, et hors cas de récidive légale.

Un deuxième exemple concerne un enjeu budgétaire clé pour le ministère, ses dépenses immobilières. Le rapporteur souscrit ici pleinement à la recommandation de la Cour des comptes, qui souhaiterait que l'indicateur de performance énergétique du parc immobilier distingue les nouvelles constructions, qui répondent aux normes les plus exigeantes en la matière, des anciennes constructions, pour mieux évaluer les efforts de rénovation15(*). C'est d'autant plus important que le rapporteur spécial a rappelé à plusieurs reprises que les crédits mobilisés sur les programmes d'investissement de grande ampleur, tel que le « plan 15 000 », ne devaient pas conduire à occulter l'impératif de sanctuariser une partie des crédits immobiliers pour l'entretien des bâtiments existants. Il note à cet égard l'effort inédit pour l'entretien des établissements pénitentiaires, avec 160 millions d'euros consommés.

Enfin, alors que le projet de loi de programmation de la justice pour la période 2023-202716(*) est actuellement en cours d'examen au Parlement, le rapporteur spécial réitère les propos tenus lors de l'examen des derniers projets de loi de finances : la hausse significative des crédits alloués à la mission « Justice » doit impérativement s'accompagner d'une évaluation de cette dépense. Il rejoint à ce titre la conclusion du contrôleur budgétaire et comptable ministériel, qui estime qu'un « travail approfondi sur les déterminants des principales dépenses du ministère » est nécessaire17(*).


* 13 Contribution sur la mission « Justice » de M. Antoine Lefèvre au rapport général n° 163 (2021-2022), fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2022, déposé le 18 novembre 2021 et contribution au rapport général n° 115 (2022-2023), fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2023, déposé le 17 novembre 2022.

* 14 Un indicateur dit de contexte, et non de performance.

* 15 Cour des comptes, «  Analyse de l'exécution budgétaire 2022. Mission Justice », avril 2023.

* 16 Dossier législatif du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

* 17 Rapport annuel du contrôleur budgétaire et comptable ministériel près le ministère de la justice relatif à l'exécution budgétaire et à la situation financière et comptable ministérielle, année 2022.