EXAMEN DES ARTICLES

Article unique

Renforcement du rôle des maires dans les commissions d'attribution
des logements sociaux

Cet article vise à renforcer le rôle des maires dans les commissions d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements sociaux (CALEOL) en augmentant le nombre de représentants de la commune et en confiant la présidence de ces commissions aux maires.

La commission a adopté un amendement (COM1) supprimant l'accroissement du nombre des représentants de la commune et la voix prépondérante du maire, mais créant un droit de veto en sa faveur et généralisant la délégation du contingent de l'État au maire lors de la première attribution d'un programme neuf.

I. La situation actuelle - Le maire au centre du développement du logement social, mais marginalisé dans les attributions

A. Les responsabilités particulières du maire dans le développement du logement social

1) Les responsabilités éminentes du maire

Les maires ont une responsabilité éminente en matière de développement du logement social puisqu'il leur revient de prendre trois décisions clefs : accorder le permis de construire, apporter un terrain ou un financement et garantir des emprunts.

Cette responsabilité est d'ailleurs reconnue négativement par la « loi SRU » qui prévoit des sanctions importantes contre les maires qui ne respectent pas leurs obligations en la manière et dont la commune ne compte pas assez de logements sociaux.

Plus généralement, les maires sont responsables de la qualité de vie et du bien vivre ensemble des habitants de leur commune. Ils définissent les politiques de l'habitat et ce sont eux qui bien souvent reçoivent en premier les demandes et doléances de leurs habitants en matière de logement.

2) La gouvernance intercommunale de la politique du logement

Toutefois, dès 2014, la loi ALUR, complétée depuis, a souhaité positionner l'échelon intercommunal comme chef de file, car c'est lui qui dispose d'une vision large du bassin de vie, de travail et donc d'habitat.

Les EPCI doivent déployer une série d'outils que sont :

- le programme local de l'habitat (PLH), qui est un document stratégique déclinant sur six ans les réponses locales aux besoins d'habitat ;

- la conférence intercommunale du logement (CIL), instance de gouvernance de cette politique, qui doit notamment définir les orientations de la politique d'attribution, les objectifs en termes de mixité sociale ou de relogement des publics prioritaires bénéficiant notamment du droit au logement opposable (DALO) ;

- les orientations définies par la CIL sont mises en oeuvre via une convention intercommunale d'attribution (CIA) qui comporte les engagements précis annuels et quantifiés des bailleurs et de leurs partenaires locaux ;

- le guichet enregistreur de la demande de logement social si l'EPCI le souhaite ;

- le plan partenarial de gestion de la demande de logement social et d'information des demandeurs (PPGDID), document qui prévoit notamment les modalités de cotation des demandes et un dispositif de qualification du parc social et de son habitation (article L. 441-2-8 du CCH).

B. Des maires marginalisés malgré plusieurs dispositions correctives

1) Plusieurs dispositions ont été prises pour donner des marges de manoeuvre aux maires

Plusieurs dispositions partielles sont venues conforter les prérogatives des maires en matière d'attribution au regard de leur rôle clef dans le développement du parc, mais, il est vrai, sans y parvenir de manière complètement satisfaisante.

On peut citer notamment :

- Un droit de réservation de 20 % des logements dès lors qu'ils apportent une garantie d'emprunt, droit qui peut être majoré en cas d'apport de terrains et de financements (articles R. 441-5-3 et R. 441-5-4 du CCH) ;

- Dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), lorsque l'attribution d'un logement à un candidat proposé par un réservataire a échoué, le logement est mis à la disposition du maire pour qu'il désigne des candidats (article L. 441-1 du CCH) ;

- Dans ces mêmes quartiers, à la demande du maire, peut être créée une commission chargée de désigner d'un commun accord les candidats pour l'attribution des logements disponibles (article L. 441-1-5 du CCH) ;

- Enfin, le maire peut être entendu à sa demande par le conseil d'administration du bailleur (article L. 441-2-4 du CCH).

2) Les maires restent néanmoins marginalisés dans les attributions et ont un sentiment de dépossession

L'article L. 441 du code de la construction et de l'habitation (CCH) dispose que ce sont les bailleurs sociaux qui attribuent les logements sociaux dans les conditions prévues par l'article L. 441-1 du CCH qui définit notamment les règles de priorité et de réservation.

Pour l'attribution des logements sociaux, est créée, dans chaque organisme d'habitations à loyer modéré, une commission d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements, la CALEOL (article L. 441-2 du CCH).

La CALEOL est aujourd'hui composée de :

- six membres représentant l'organisme HLM, issus de son conseil d'administration et dont un représente les locataires. Ils élisent le président ;

- du maire ou de son représentant qui dispose d'une voix prépondérante en cas d'égalité des voix ;

- du préfet ou de son représentant ;

- du président de l'établissement public soit de coopération intercommunale soit territorial de la métropole du Grand Paris ou son représentant ;

- d'éventuellement un représentant d'un organisme ayant confié des logements en gérance.

Par ailleurs peuvent en être membres à titre consultatif :

- un représentant d'organismes sociaux agréés,

- les maires d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille,

- les réservataires qui ne sont pas membres de droit.

De ce fait, le maire, quoique membre de droit, est isolé et dispose de peu de poids au sein d'une commission composée d'une douzaine de membres. La voix prépondérante qui lui est attribuée depuis 20039(*), à la place du président de l'organisme de logement social, et qui lui avait été retirée en 201710(*) puis redonnée par la loi ELAN en 201811(*), n'est guère utile compte tenu de la composition de la commission où, mécaniquement, le partage des voix est rare.

Au-delà même de la CALEOL, nombreux sont ceux, aujourd'hui, qui déplorent le sentiment de dépossession des maires vis-à-vis de l'attribution des logements sociaux. Ces difficultés impactent négativement la construction et l'acceptation de nouveaux logements sociaux. Cette perception semble alimentée par quatre facteurs principaux :

- le manque de logements sociaux face à une demande croissante, alors que le parcours résidentiel, de la location vers la propriété, est bloqué ;

- la montée en puissance de politiques publiques conduisant à des relogements prioritaires, comme le renouvellement urbain, la politique du logement d'abord ou du droit au logement opposable (DALO), qui préemptent le peu de logements disponibles et échappent aux maires et, bien souvent, à leurs administrés ;

- la très grande complexité, et l'incompréhension qui en découle, de la gestion en flux et de la cotation des demandes de logements sociaux créées par la loi portant sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) du 23 novembre 2018 et qui doivent entrer en vigueur fin 2023 ;

- et, enfin, la montée en puissance des intercommunalités en matière de logement qui peut contribuer à complexifier encore plus les modalités de la décision.

II. Le dispositif envisagé - Renforcer le rôle des maires au sein des commissions d'attribution

Les auteurs de la proposition de loi souhaitent apporter des solutions aux difficultés des maires à maîtriser l'attribution des logements sociaux dans leur commune.

Dans ce but, il est proposé deux évolutions principales :

- porter le nombre des représentants de la commune au même niveau que ceux du bailleur social ;

- confier la présidence de la CALEOL au maire.

Comme cela a été rappelé, le bailleur dispose aujourd'hui de six sièges et de la présidence de la commission, alors que le maire ou son représentant ne dispose que d'une seule voix et se trouve en minorité. La voix prépondérante en cas de partage, dont il dispose à nouveau depuis 2018, ne suffit pas à rétablir un certain équilibre.

Le texte propose donc que les deux délégations du bailleur et de la commune soient à égalité. En sus du maire ou de son représentant, cinq membres supplémentaires seraient élus par le conseil municipal en son sein à la représentation proportionnelle au plus fort reste. La voix prépondérante du maire prendrait alors tout son sens dans la discussion avec les autres membres.

Par ailleurs, dans ces CALEOL rénovées, le maire exercerait la présidence de la commission, car il est le principal responsable du développement et du peuplement de sa commune.

Les auteurs soulignent qu'une telle formule est devenue habituelle dans la plupart des instances locales comme les conseils de surveillance des établissements publics de santé (article L. 6143-5 du code de la santé publique), les conseils d'administration des établissements publics sociaux et médicosociaux (article L. 315-10 du code de l'action sociale et des familles), les centres communaux d'action sociale (article L. 123-6 du code de l'action sociale et des familles) et d'autres organismes consultatifs tels que la commission consultative des services publics locaux (article L. 1413-1 du code général des collectivités territoriales) ou la commission communale pour l'accessibilité aux personnes handicapées (article L. 2143-3 du code général des collectivités territoriales), c'est-à-dire leur présidence par le maire et une représentation à la proportionnelle du conseil municipal, garantissant son pluralisme politique et la transparence des procédures.

III. La position de la commission - Renforcer les pouvoirs du maire lors des premières attributions et en lui donnant un droit de veto sur les attributions suivantes

La commission n'a pas retenu l'augmentation du nombre des représentants de la commune pour des raisons pratiques. Mais elle propose de la remplacer, tout comme la voix prépondérante du maire, par la création d'un droit de veto ainsi que la généralisation de la délégation du contingent préfectoral au maire lors de la première attribution d'un programme neuf.

A. Augmenter le nombre des représentants de la commune pose des problèmes pratiques

Quoiqu'accueillie favorablement par nombre d'élus, les auditions du rapporteur ont fait apparaître plusieurs obstacles pratiques et opérationnels à l'augmentation du nombre d'élus communaux dans les CALEOL.

En effet, à la différence d'autres instances locales, les commissions d'attribution peuvent se réunir plusieurs fois par mois, voire sur un rythme hebdomadaire. Il pourrait devenir très difficile de mobiliser suffisamment d'élus provoquant un défaut de quorum qui retarderait les attributions au bénéfice des demandeurs et créerait de la vacance. C'est d'autant plus le cas qu'une commission peut se réunir pour n'attribuer qu'un seul logement dans une commune donnée en même temps qu'elle en attribuera d'autres situés ailleurs.

Les bailleurs se sont en outre inquiétés du risque d'importer au sein de la CALEOL des débats politiques entre sensibilités différentes, alors qu'il s'agit d'une instance fonctionnant habituellement par consensus.

Enfin, donner la majorité à la commune dans les choix d'attribution et de classement des dossiers peut présenter des inconvénients en désignant cette dernière comme directement responsable.

La commission n'a donc pas souhaité retenir cette proposition.

B. Donner un droit de veto au maire sur les attributions de logements

En revanche, la commission propose de donner un droit de veto au maire sur les attributions de logements en lieu et place de sa voix prépondérante en cas de partage, qui n'est pas opérante.

Cette décision devrait naturellement être motivée puisque le demandeur a droit à ce que les motifs de refus d'un logement soient expliqués par écrit (article L. 441-2-2 du CCH).

L'objectif d'un tel droit de veto n'est pas de créer une situation de défiance au sein des CALEOL qui doivent rester un lieu de débat et de décision collégiale, mais de permettre au maire de s'opposer à des attributions qui présenteraient des risques.

Ce veto pourrait tout particulièrement s'appuyer sur le travail de qualification du parc social et de son occupation par le bailleur, et sur l'identification de résidences fragiles à enjeu priorité de mixité sociale, notion que le Sénat a fait inscrire aux articles L. 441-1-6 et L. 441-2-2 du CCH.

Si le décret d'application de ces dernières dispositions se fait attendre malgré les engagements à nouveau pris par le ministère du logement auprès du rapporteur, le travail de qualification du parc est d'ores et déjà entamé par les bailleurs dans de nombreux territoires.

Il s'agit de définir une stratégie d'équilibre territorial et d'identifier selon les secteurs et résidences des enjeux différenciés d'attribution sur la base de critères objectifs. Cette démarche doit être menée dans le cadre du Plan partenarial de gestion de la demande en logement social et d'information des demandeurs (PPGID) prévu par l'article L. 441-2-8 du CCH. Les critères utilisés s'articulent avec ceux retenus pour la cotation de la demande.

Cette démarche doit permettre d'identifier les secteurs ayant une capacité d'accueil et ceux qui ne l'ont pas.

L'Union sociale pour l'habitat (USH) a ainsi pu présenter au rapporteur plusieurs exemples de mise en oeuvre territoriale à Valenciennes, à Limoges, à Grenoble ou encore en région parisienne à Plaine Commune ou Boucle Nord Seine.

C. Généraliser la délégation du contingent préfectoral au maire lors de la première attribution des logements

La commission a également décidé sur proposition du rapporteur de généraliser la délégation du contingent préfectoral au maire lors de la première attribution des logements dans un programme neuf, à l'exception de ceux réservés aux fonctionnaires civils et militaires de l'État.

En effet, la première attribution est une occasion unique d'attribuer en une seule fois un nombre significatif de logements et d'agir effectivement sur le peuplement d'une résidence et d'un quartier en disposant d'environ la moitié des droits d'attribution.

C'est également un moment très important pour les maires, qui ont soutenu un programme de logement social, pour démontrer qu'il est au profit des demandeurs de la commune. On peut penser que ce sera une forte incitation et une facilitation pour l'application de la loi SRU qui reste difficile dans nombre de territoires.

Or, cette possibilité existe déjà et se pratique dans plusieurs territoires, dont les Yvelines, mais reste peu connue.

En effet, elle résulte de l'interprétation souple de l'article 2 du décret n° 2020-145 du 20 février 2020 qui a été codifié dans l'article R. 441-5 du CCH qui porte sur les conventions de réservation entre les réservataires et les bailleurs et la gestion en flux des attributions.

Si les réservations s'exercent dès la première mise en location des logements et au fur et à mesure qu'ils se libèrent, la convention de réservation peut préciser « les modalités de la concertation que l'organisme bailleur organise avec l'ensemble des réservataires concernés relativement aux désignations sur les logements mis en location lors de la première mise en service d'un programme ».

La commission a donc décidé de formaliser beaucoup plus explicitement et de généraliser dans la loi ce qui n'est aujourd'hui qu'une faculté.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.


* 9 Article 58 de la loi n° 2003-710 du 1 août 2003.

* 10 Article 75 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.

* 11 Article 109 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.