N° 128

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 13

ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : ACCORDS MONÉTAIRES INTERNATIONAUX,

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : PRÊTS ET AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS

Rapporteur spécial : M. Albéric de MONTGOLFIER

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », qui constitue désormais le deuxième poste de dépenses du budget de l'État après la mission « Enseignement scolaire » (en crédits de paiement, hors CAS Pensions et Remboursements et dégrèvements), s'élèvent en PLF 2024 à 60,818 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) et 54,156 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE).

Si ces crédits connaissent une stabilisation apparente par rapport à 2023, avec une diminution de 370 millions d'euros en CP (soit - 0,61 %), ils se maintiennent cependant à un niveau historiquement élevé, après l'augmentation spectaculaire de 15,8 milliards d'euros en CP constatée en 2022 (soit + 35,73 %), dans un contexte marqué par les effets de l'inflation et de la remontée des taux d'intérêt.

I. DANS UN CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE INCERTAIN, LA REMONTÉE DES TAUX D'INTÉRÊT POURRAIT AFFECTER LA SOUTENABILITÉ BUDGÉTAIRE DE LA DETTE DE L'ÉTAT À MOYEN TERME

A. FACE À LA REMONTÉE DES TAUX D'INTÉRÊT ET AU MAINTIEN D'UN NIVEAU DE DÉPENSES PUBLIQUES TOUJOURS ÉLEVÉ, LA CHARGE DE LA DETTE AUGMENTE SIGNIFICATIVEMENT

Les crédits évaluatifs du programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État » progressent de 550 millions d'euros par rapport à la LFI 2023, pour s'établir à 51,4 milliards d'euros (en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement). Si cette augmentation peut paraître relativement limitée en proportion, soit 1,08 %, elle fait suite à une hausse massive en LFI 2023, de 31,5 % par rapport à la LFI 2022.

En particulier, les crédits liés à la gestion de la dette s'élèvent à 50,86 milliards d'euros en 2024. Ce montant augmente sensiblement par rapport à la LFI 2023, de 1 milliard d'euros (+ 1,81 %), mais il marque une stabilisation provisoire par rapport au chiffre retenu dans le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 (PLFFG 2023), à 54,65 milliards d'euros.

Évolution des crédits (AE=CP) des deux actions du programme 117

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La charge de la dette, si l'on inclut la dette de SNCF Réseau reprise par l'État (800 millions d'euros), représenterait ainsi 51,7 milliards d'euros en 2024, soit 8,9 % des dépenses du budget général, contre 8 % en loi de finances pour 2022 et 10,8 % en loi de finances pour 2023.

Alors que la valeur nominale des intérêts de la dette de l'État avait nettement diminué sur la décennie 2010, elle connaît une augmentation spectaculaire depuis 2020. Le rebond constaté en 2021 s'est fortement amplifié en 2022 et en 2023. Il s'explique, d'une part, par la reprise de l'inflation, qui débutait en 2021 et s'est confirmée en 2022 et, d'autre part, par la remontée des taux d'intérêts dans le cadre du resserrement de la politique monétaire de la BCE depuis juillet 2022.

Évolution de la charge de la dette depuis 2013

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Note : le montant indiqué pour 2024 correspond à la prévision du PLF 2024.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

En 2024, le reflux de l'inflation permettrait de diminuer provisoirement la charge de la dette, en compensant les autres effets. Ainsi, entre 2023 (révisé suivant le projet de loi de finances de fin de gestion) et 2024, la charge de la dette diminuerait de 3,8 milliards d'euros, pour un effet inflation de - 7,2 milliards d'euros.

Cependant, cet effet inflation devrait progressivement être supplanté par un effet taux, désormais défavorable et qui s'est traduit, entre 2022 et 2023 (révisé), par un surcroît de charge budgétaire de + 6,8 milliards d'euros.

La remontée des taux d'intérêt fait suite au resserrement de la politique monétaire de la BCE entamé en juillet 2022 et qui s'est poursuivi jusqu'à un dernier relèvement des taux directeurs en septembre 2023, le taux de la facilité de dépôt étant désormais fixé à 4 %.

Ainsi, les taux auxquels l'État se finance ont enregistré une forte hausse sur les deux dernières années : tous instruments confondus, à l'exception des titres indexés dont le coût total dépend de l'inflation réalisée in fine, l'État a émis sa dette à - 0,3 % en 2021, 1,0 % en 2022 et, pour les 10 premiers mois de 2023, à 3,1 %.

Taux d'emprunt de l'État à 3 mois et à 10 ans
et taux de rémunération des dépôts par la BCE

(en pourcentage)

Source : Rapport sur la dette des administrations publiques 2024

S'ajoute un effet volume en augmentation, avec + 3,3 milliard d'euros entre 2023 (révisé) et 2024, qui s'explique par l'augmentation de l'encours de la dette négociable, lui-même héritage d'un niveau de dépenses publiques trop élevé et non maîtrisé.

Ainsi, en six ans, l'encours de la dette négociable de l'État a augmenté de plus de 45 % pour dépasser 2 560 milliards d'euros en 2024, contre 2 000 milliards d'euros en 2020 et 1 760 milliards d'euros à la fin de l'année 2018.

Évolution de l'encours de la dette négociable
de l'État depuis 2018

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Alors que le ratio de la dette sur le PIB demeure élevé, les hypothèses optimistes sur lesquelles le Gouvernement fonde ses projections pourraient être remises en cause, notamment s'agissant des perspectives de croissance, entraînant une nouvelle dégradation de ce ratio.

En particulier, l'exacerbation des tensions géopolitiques causée par le conflit au Proche-Orient pourrait se traduire par une augmentation sensible du prix du baril de pétrole, ce qui pourrait aboutir à des impacts significatifs sur l'inflation et plus encore sur le solde primaire. L'impact reste pour le moment contenu, avec un prix oscillant autour de 90 dollars le baril.

Effets potentiels d'une hausse du prix du baril sur l'inflation
et le solde primaire en France

(en pourcentage)

Hausse du baril

Hausse en dollar

Impact inflation année 1

Impact inflation année 2

Impact solde primaire année 1

Impact solde primaire année 2

8

7

0,2

0,3

0,0

0,1

28

25

0,8

1,0

0,1

0,5

66

59

1,9

2,4

0,3

1,2

Source : commission des finances, d'après les réponses de la direction générale du Trésor

B. LE MAINTIEN DU PROGRAMME 369 POUR AMORTIR LA DETTE DE L'ÉTAT LIÉE À LA COVID- 19 NE RÉPOND À AUCUNE JUSTIFICATION ÉCONOMIQUE OU DE CRÉDIBILITÉ BUDGÉTAIRE

Le programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid- 19 » vise à retracer l'amortissement du surcroît de la dette de l'État en 2020 et en 2021 liée à la crise sanitaire. 165 milliards d'euros ont ainsi été ouverts en 2022 en autorisations d'engagement sur ce programme.

Alors que 6,6 milliards d'euros en crédits de paiement ont été inscrits pour financer ce programme en 2023, soit 3,5 fois plus qu'en 2022 (1,9 milliard d'euros), un montant comparable de 6,5 milliards d'euros est prévu pour 2024. Or aucun argument économique ou budgétaire n'est de nature à justifier l'isolement de la « dette covid », les recettes fiscales supplémentaires pouvant tout aussi bien servir à réduire le déficit budgétaire courant.

C. LE RATTACHEMENT À LA MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT » DE LA DETTE DE SNCF RÉSEAU REPRISE PAR L'ÉTAT : UNE AVANCÉE PARTIELLE

Précédemment rattaché à la mission « Écologie », le programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » est transféré à la mission « Engagements financiers de l'État » par le PLF 2024. En effet, la justification du rattachement à la mission « Écologie » n'avait rien d'évident. D'une part, le programme 355, dont le responsable est le directeur général du Trésor, est géré depuis sa création par l'Agence France Trésor, qui assure la mise en paiement des échéances de la dette reprise de SNCF Réseau. D'autre part, et plus fondamentalement, l'extraction de la charge de la dette de SNCF Réseau en dehors de la mission « Engagements financiers de l'État » était source de confusion, en ce qu'elle alimentait un doute sur les crédits que devait consacrer l'État à la charge de la dette.

S'il convient donc de saluer cette avancée, on peut regretter que le Gouvernement n'ait pas retenu l'option consistant à supprimer le programme 355 et le mécanisme spécifique institué pour la reprise de la charge de la dette de SNCF Réseau, afin de réunir dans un programme unique (le programme 117) les crédits alloués à la charge de la dette assumée par l'État.

II. UNE DIMINUTION FORTE DES CRÉDITS DÉDIÉS AUX APPELS EN GARANTIE DE L'ÉTAT

Les crédits du programme 114 « Appels en garantie de l'État » connaissent en 2024 une baisse significative et passent de 2,58 milliards d'euros à 1,90 milliard d'euros (- 26 %), qui fait suite à une première diminution en 2023 (- 29 %) mais à une forte hausse en 2022 (+ 34 %). Ainsi, toutes les actions du programme voient leurs crédits diminuer, le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 prévoyant même une annulation de 491 millions d'euros en AE et en CP du fait de la baisse attendue de la sinistralité des garanties instituées pendant la crise sanitaire.

Concernant plus particulièrement les Prêts garantis par l'État (PGE et PGE Résilience), les décaissements d'appels en garantie anticipés pour 2024 s'élèvent à 1,442 milliard d'euros, soit une diminution de 500 millions par rapport à la prévision de la LFI 2023 (1,895 milliard d'euros). Ces prévisions sont basées sur les dernières estimations de perte réalisées avec la Banque de France et communiquées en juillet 2023 (scénario sous-jacent d'un nombre de défaillances d'entreprises revenant aux niveaux annuels moyens de la période de 2009 à 2015).

Estimations de pertes nettes dues aux PGE

(en millions d'euros)

 

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

Avances

- 5

- 191

- 1 373

- 1 699

- 1471

- 1 018

- 563

- 274

- 159

- 127

- 39

Solde sur pertes finales

0

0

14

102

141

107

73

40

18

10

7

Primes

277

1 774

564

225

0

0

0

0

0

0

0

Pertes nettes

772

1 583

- 795

- 1 372

- 1 330

- 911

- 489

- 234

- 141

- 117

- 32

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Selon la Banque de France, à fin juillet 2023, le capital restant dû sur les PGE s'élève à 76,5 milliards d'euros, soit 53 % du montant total octroyé. En revanche, depuis leur mise en place en avril 2022, seuls 3 177 PGE Résilience ont été octroyés pour un montant de 1,4 milliard d'euros (soit 1 % du total). Le PGE Résilience semble ainsi avoir été peu mobilisé par les entreprises.

S'agissant des besoins de trésorerie des entreprises, la situation apparaît globalement maîtrisée, même si plusieurs secteurs présentent des vulnérabilités. Ainsi, l'analyse de 1,6 million de liasses fiscales (disponibles à fin octobre 2023) indique qu'à fin 2022, la trésorerie des entreprises s'érode mais reste à des niveaux élevés. Après les hausses record enregistrées entre 2019 et 2021, sous l'effet notamment du recours aux PGE, la trésorerie des entreprises baisse en 2022 mais reste supérieure à son niveau de 2019, quelle que soit la catégorie d'entreprise. Néanmoins, les soldes d'opinion sur la situation de trésorerie se dégradent de nouveau dans l'industrie, tirés à la baisse par l'industrie du bois, papier, imprimerie, et de l'habillement, textile, chaussures ; ils s'améliorent légèrement dans les services marchands.

Dans ce contexte, le nombre de défaillances cumulé sur les douze derniers mois croît de nouveau modérément pour atteindre un peu plus de 51 100 défaillances à fin septembre 2023 (selon les chiffres provisoires) et rejoint son niveau de 2019. Il reste cependant inférieur au nombre moyen de défaillances observé sur la période 2009-2015, de 61 100 défaillances annuelles en moyenne.

III. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS ET AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS » : UNE NORMALISATION QUI SE POURSUIT

Avec un périmètre stabilisé en 2024, le compte de concours financiers « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » continue sa normalisation, y compris pour les programme 829 et 830 concernant les avances et prêts accordés à la métropole d'Aix-Marseille-Provence et à FranceAgriMer, dont les crédits diminuent respectivement de 100 % et 30 %.

Cette normalisation se traduit par un rétablissement du solde, attendu en excédent de 286 millions d'euros en 2024, contre un déficit de près de 102 millions d'euros en prévision pour 2023 et 190 millions en 2022.

Réunie le mercredi 8 novembre 2023, sous la présidence de M. Thierry Cozic, vice-président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, avec modification, des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et l'adoption, sans modification, des crédits des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision.

Au 10 octobre 2023, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 100 % des réponses portant sur la mission « Engagements financiers de l'État » et sur le compte de concours financiers « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » étaient parvenues au rapporteur spécial.

PREMIÈRE PARTIE
LA MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT »

Désormais deuxième mission pour les crédits de paiement1(*), la mission « Engagements financiers de l'État » se compose de huit programmes, dont un nouveau pour 2024, le programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État ».

Six programmes sont dotés de crédits dans le PLF pour 2024 :

- le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État », dont 98 % des crédits sont alloués au paiement des intérêts de la dette. Ce programme doit permettre de répondre à deux objectifs : garantir la solvabilité de l'État en lui permettant d'honorer ses engagements financiers dans les conditions les moins onéreuses et les plus sûres possibles ; s'assurer que le compte de l'État à la Banque de France, « le compte unique du Trésor », est créditeur à la fin de chaque journée2(*) ;

- le programme 114 « Appels en garantie de l'État », qui retrace les crédits destinés à couvrir les appels des garanties octroyées par l'État. L'État garantit principalement des dettes émises par des tiers, soit pour leur permettre de bénéficier de conditions de financement plus favorables, soit pour les garantir sur un engagement qu'ils ont pris pour le compte de l'État. Le programme retrace en particulier les crédits engagés dans le cadre de la provision sur les prêts garantis par l'État (PGE) ;

- le programme 145 « Épargne », qui est destiné à soutenir le secteur du logement et de l'accession à la propriété. Il se distingue toutefois par le poids des 26 dépenses fiscales qui lui sont rattachées, dont le coût est près de 98 fois supérieur aux crédits ouverts sur ce programme ;

- le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque », qui vise à soutenir les collectivités territoriales ayant souscrit aux prêts structurés à risque ou « prêts toxiques ». Créé par l'article 92 de la loi de finances pour 20143(*), il intervient de trois manières : en apportant une aide au remboursement anticipé des emprunts4(*), en prenant en charge une partie des intérêts dus sur les échéances dégradées (15 % des collectivités territoriales aidées) et en apportant une aide à la gestion de l'encours ;

- le programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid- 19 », qui porte les crédits affectés à la Caisse de la dette publique pour rembourser une somme équivalente au montant de la dette de l'État liée à la covid- 19, évaluée en 2022 par le Gouvernement à 165 milliards d'euros ;

- le programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État », qui porte les charges d'intérêt résultant de la reprise de dette de SNCF Réseau par l'État à hauteur de 25 milliards d'euros en 2020 et 10 milliards d'euros en 2022, à la suite de la réforme du système ferroviaire décidée en 2018. Ce programme permet de suivre la charge induite par cette dette sur le budget de l'État. Auparavant rattaché à la mission « Écologie, développement et mobilité durables », il est nouvellement rattaché, à compter du PLF 2024, à la mission « Engagements financiers de l'État », ce dont le rapporteur spécial se félicite.

Deux programmes ne sont pas dotés de crédits pour l'année 2024 :

- le programme 336 « Dotation du mécanisme européen de stabilité » a constitué le support de la contribution française au capital du Mécanisme européen de stabilité (MES), versée en cinq tranches entre 2012 et 2014. Par ailleurs, entre 2017 et 2022, la France a procédé à la rétrocession au MES des intérêts payés sur ses dépôts placés auprès de la Banque de France. L'évolution à partir de l'été 2022 du taux de facilité de dépôt de la Banque centrale européenne (BCE), qui devrait rester durablement positif, a mis fin à ce dispositif ;

- le programme 338 « Augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement », qui est le support budgétaire de la participation de la France à l'augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement.

Ces deux derniers programmes n'appelleront donc pas de commentaire particulier de la part du rapporteur spécial.

Dans le cadre du présent projet de loi de finances (PLF), les crédits demandés connaissent une stabilisation apparente, avec une légère baisse en autorisations d'engagement et en crédits de paiements pour s'établir à :

54,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), soit une baisse de 0,48 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2023 ;

60,8 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une baisse de 0,61 % par rapport à la LFI 2023.

Néanmoins, cette situation apparaît précaire au regard de l'évolution de la charge de la dette de l'État qui augmente encore de près de 1 milliard d'euros entre 2023 et 2024, à 50,9 milliards d'euros (+ 1,81 % par rapport à la LFI 2023) en AE et en CP.

I. DANS UN CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE INCERTAIN, LA REMONTÉE DES TAUX D'INTÉRÊT POURRAIT AFFECTER LA SOUTENABILITÉ BUDGÉTAIRE DE LA DETTE DE L'ÉTAT À MOYEN TERME

La remontée progressive des taux d'intérêt de la Banque centrale européenne (BCE) depuis juillet 2022, à un niveau historiquement élevé de 4 % pour le taux de la facilité de dépôt depuis septembre 2023, accroît le poids de la charge des engagements financiers de l'État. Alors que l'inflation commence à marquer un reflux au troisième trimestre 2023, l'exacerbation des tensions géopolitiques liée au conflit au Proche-Orient depuis début octobre pourrait avoir un impact significatif sur la conjoncture économique et sur le solde primaire, affectant notamment les programmes 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État » et 114 « Appels en garantie de l'État » qui représentent 87,6 % des crédits de la mission.

Il convient de rappeler ici que ces crédits, contrairement à ceux alloués à la majorité des programmes du budget général, ne sont pas limitatifs mais évaluatifs. Cette dérogation à l'autorisation parlementaire s'explique par la nécessité pour l'État de toujours être en mesure d'honorer ses engagements. Si ce principe rend ces programmes peu pilotables et limite les modifications pouvant être proposées au cours de l'examen parlementaire, il ne doit pas empêcher de s'interroger sur le niveau des crédits alloués aux programmes et sur les hypothèses qui sous-tendent ces abondements : en l'occurrence, ces crédits semblent sous-évalués.

A. FACE À LA REMONTÉE DES TAUX D'INTÉRÊT ET AU MAINTIEN D'UN NIVEAU DE DÉPENSES PUBLIQUES TOUJOURS ÉLEVÉ, LA CHARGE DE LA DETTE AUGMENTE SIGNIFICATIVEMENT

1. Un rebond de la charge de la dette en 2023 qui devrait se poursuivre en 2024
a) Un programme placé sous la responsabilité de l'Agence France Trésor

Le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État » est placé sous la responsabilité de l'Agence France Trésor (AFT). Service à compétence nationale créé en 2001, l'AFT s'appuie sur un effectif de 40 personnes (26 fonctionnaires et 14 contractuels), pour une masse salariale prévisionnelle estimée à 3,8 millions d'euros en 2023, un montant en baisse de 300 000 euros par rapport à l'année 2022. Les dépenses de personnel de l'AFT sont retranscrites dans le programme 305 « Stratégies économiques » de la mission « Économie ».

L'AFT doit en permanence contrôler les risques techniques et financiers qui pourraient nuire à sa mission. Le rapporteur spécial souligne l'expertise reconnue de l'agence dans ces deux domaines.

Au regard de la sensibilité des missions exercées par l'AFT, les dispositifs internes de pilotage des risques financiers et les procédures prudentielles mises en oeuvre sont soumis chaque année à une évaluation externe. L'audit doit mesurer l'adéquation des procédures internes de l'AFT à ses activités et aux risques associés, sous cinq angles5(*), et en prenant comme référence les dispositions règlementaires en vigueur dans les établissements financiers.

Neuf incidents dans l'exécution des opérations de dette et de trésorerie et susceptibles d'affecter le solde du compte à la Banque de France ont été constatés en 2022, contre 7 en 2021. Aucun d'entre eux n'a généré de risque pour la continuité financière de l'État. Le nombre total d'incidents s'est élevé à 80, du fait de difficultés techniques ou informatiques. S'ils augmentent par rapport à 2021 (71), ils demeurent inférieurs au nombre enregistré en 2020 (83), année marquée par le contexte de la crise sanitaire. Ces incidents ne sont souvent pas le fait de l'Agence France Trésor : dans ce cas ils sont suivis de mesures correctives chez ses partenaires6(*). Ils sont en tout cas toujours ou bien résolus avant la fin de la journée, ou bien, s'ils ont eu un impact sur le solde du compte à la Banque de France, au cours de la journée suivante.

b) Une hausse notable des crédits par rapport à la loi de finances initiale pour 2023

Les crédits demandés pour le programme 117 dans le PLF 2024 progressent de 550 millions d'euros par rapport à la LFI 2023, pour s'établir à 51,4 milliards d'euros (AE=CP). Si cette augmentation peut paraître relativement limitée en proportion, soit 1,08 %, elle fait suite à une hausse massive en LFI 2023, de 31,5 % par rapport à la LFI 2022. Les crédits du programme sont affectés à deux actions qui connaissent chacune, dans deux sens opposés, de nettes évolutions :

- l'action 01 porte les crédits liés à la gestion de la dette, soit 50,86 milliards d'euros en 2024. Ce montant augmente sensiblement par rapport à la LFI 2023, de 1 milliard d'euros (+ 1,81 %), mais il marque une stabilisation provisoire par rapport au chiffre retenu dans le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023, à 54,65 milliards d'euros.

- l'action 03 correspond à la gestion de la trésorerie et recouvre 1 % des crédits du programme, soit un montant de 512 millions d'euros en 2024. Le montant prévu pour 2024 est en baisse de 41 % par rapport à la prévision en LFI 2023 (868 millions d'euros), une amélioration significative résultant de la remontée des taux d'intérêt. Hors fonds non consommables destinés au financement des investissements d'avenir, la trésorerie générerait une recette nette de 0,8 milliard d'euros en 2023 et de 0,2 milliard d'euros en 2024.

Évolution des crédits (AE=CP) des deux actions
du programme 117

(en millions d'euros et en pourcentage)

Note : la mention « PLFFG 2023 » désigne le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Concernant la trésorerie de l'État , le Parlement a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi et destinées à prescrire le dépôt sur le compte du Trésor des disponibilités des personnes morales soumises aux règles de la comptabilité publique et d'organismes publics ou privés chargés d'une mission de service public, sous conditions7(*).

Comme la commission des finances l'avait relevé lors de l'examen de cette disposition8(*), la centralisation des trésoreries permet à l'État de diminuer son besoin de financement en réduisant ainsi la nécessité de recourir aux titres de court terme. Ce sont ces titres qui sont particulièrement mobilisés en cas de crise et de hausse brutale du besoin de financement. Entre 2000 et 2020, le niveau des emprunts aurait ainsi été réduit de 200 milliards d'euros, pour une économie cumulée de charge d'intérêts d'environ 70 milliards d'euros, grâce à la centralisation des dépôts des correspondants.

L'ordonnance a été publiée le 2 décembre 20209(*) et complétée par un décret du 14 janvier 202110(*). Elle liste les organismes publics ou privés chargés d'une mission de service public et concernés, à compter du 1er octobre 2021, par la centralisation au Trésor des disponibilités d'organismes publics ou privés chargés d'une mission de service public11(*). L'impact est estimé à 4,3 milliards d'euros12(*).

c) La remontée des taux d'intérêt qui fait suite à la hausse de l'inflation explique désormais l'essentiel de l'augmentation de la charge de la dette
(1) Une augmentation spectaculaire de la charge de la dette depuis 2020, qui dépasse pour la deuxième année consécutive la barre des 50 milliards d'euros

La charge de la dette, si l'on inclut la dette de SNCF Réseau reprise par l'État, représenterait 51,7 milliards d'euros en 2024, soit 8,9 % des dépenses du budget général, estimées à 581,1 milliards d'euros en incluant les prélèvements sur recettes, contre 8 % en loi de finances pour 2022 (après un pic à 10,8 % en loi de finances pour 2023). L'augmentation du dénominateur (les dépenses du budget général) entre la loi de finances pour 2022 et le PLF pour 2024 n'aura donc pas suffi à contrer la forte hausse du numérateur (la charge de la dette) sur la même période.

Quant à la valeur nominale des intérêts de la dette de l'État, si elle a connu une nette diminution sur la décennie 201013(*), on constate une augmentation spectaculaire depuis 2020. Le rebond constaté en 2021 s'est fortement amplifié en 2022 et en 2023. Il s'explique, d'une part, par la reprise de l'inflation, qui débutait en 2021 et s'est confirmée en 2022, d'autre part, par la remontée des taux d'intérêts dans le cadre du resserrement de la politique monétaire de la BCE depuis juillet 2022.

Évolution de la charge de la dette depuis 2013

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Ainsi, en décomposant les facteurs d'évolution de la charge de la dette, l'effet inflation explique l'essentiel de son augmentation entre 2021 et 2022, tandis que l'effet taux contribue fortement à la nouvelle hausse observée en 2023. S'ajoutent également les effets volume et calendaires (c'est-à-dire le moment de l'année auquel l'État procède aux opérations de financement14(*)), qui sont venus encore davantage alourdir la charge de la dette pour 2023.

Charge budgétaire de la dette négociable

(en milliards d'euros)

Source : documents budgétaires

En 2024, le reflux de l'inflation permettrait de diminuer provisoirement la charge de la dette, en compensant les autres effets. Ainsi, entre 2023 (révisé suivant le projet de loi de finances de fin de gestion) et 2024, la charge de la dette diminuerait de 3,8 milliards d'euros, pour un effet inflation de - 7,2 milliards d'euros.

Il en va différemment de l'effet taux. Celui-ci permettait jusqu'en 2022 de contenir la charge de la dette. Ce faisant, il exonérait le Gouvernement de tout effort significatif de maîtrise des dépenses publiques puisqu'il pouvait emprunter gratuitement voire en se faisant rémunérer. Toutefois, cet effet taux favorable ne fonctionne plus depuis 2023. De 2022 à 2023 (révisé), la charge budgétaire augmenterait ainsi de 9 milliards d'euros, portée par un effet taux de + 6,8 milliards d'euros.

À cet égard, les efforts fournis paraissent insuffisants puisqu'en 2024, les dépenses publiques progresseraient en volume de 0,5 % (en excluant les dépenses liées à la crise sanitaire, les mesures liées à l'inflation et les dépenses de relance)15(*), ce qui finira par alourdir encore la charge de la dette.

(2) Un effet taux qui devient très défavorable à l'évolution de la charge de la dette

La diminution de la charge de la dette sur la décennie 2010 provenait d'un contexte de taux extrêmement favorable, qui a longtemps permis à la France de financer ses nouvelles émissions et de refinancer ses titres à un coût toujours plus faible, régulièrement inférieur au taux de croissance nominale. Le taux apparent de la dette16(*) s'est ainsi établi à 1,5 % en 202117(*), contre 3,2 % en 2011.

Écart entre taux d'intérêt à 10 ans nominaux
et croissance nominale sur longue période

(en pourcentage)

Note : En 1970, l'écart entre le taux d'intérêt à 10 ans nominal et la croissance nominale parmi les pays du G7 était compris entre - 10,7 points et + 1,9 point, et il valait - 5,1 points en France.

Source : Direction générale du Trésor, « Taux d'intérêt, croissance et soutenabilité de la dette publique », Trésor-Eco n° 334, octobre 2023

Ce contexte de taux extrêmement favorable s'est effacé en 2023, à la suite du resserrement de la politique monétaire de la BCE entamé en juillet 2022 et qui s'est poursuivi jusqu'à un dernier relèvement des taux directeurs en septembre 2023, le taux de la facilité de dépôt étant désormais fixé à 4 %.

Ainsi, depuis 2022, les taux d'intérêt souverains à long terme des États de la zone euro ont connu une forte remontée.

Taux d'intérêt souverains à long terme (10 ans)

(taux harmonisé, en pourcentage)

Source : documents budgétaires

Dans ce contexte, les taux auxquels l'État se finance ont enregistré une forte hausse sur les deux dernières années : tous instruments confondus, à l'exception des titres indexés dont le coût total dépend de l'inflation réalisée in fine, l'État a émis sa dette à - 0,3 % en 2021, 1,0 % en 2022 et, pour les 10 premiers mois de 2023, à 3,1 %. L'augmentation des taux d'intérêt sur les émissions nouvelles traduit les décisions de la BCE relatives à son taux directeur, ainsi que la fin des achats nets et le réinvestissement partiel (uniquement sur le PEPP depuis juillet 2023) des tombées de dettes dans ses programmes d'achat.

Taux d'emprunt de l'État à 3 mois et à 10 ans et taux de rémunération des dépôts par la BCE

(en pourcentage)

Note : L'indice quotidien TEC 10 ans, taux de l'échéance constante 10 ans, correspond au taux de rendement actuariel d'une valeur du Trésor fictive dont la durée de vie serait à chaque instant égale à 10 années. Ce taux est obtenu par interpolation linéaire entre les taux de rendement actuariels annuels des deux valeurs du Trésor qui encadrent au plus proche la maturité 10 ans.

Source : Rapport sur la dette des administrations publiques 2024

Dans le sillage de la hausse des taux, le spread France contre Allemagne s'est écarté, d'une trentaine de points de base sur la maturité 10 ans passant de 25 points de base en janvier 2021 à 50 points de base en avril 2022. À cet égard, la plupart des émetteurs de la zone euro ont vu leur spread contre Allemagne s'écarter dans la période de remontée des taux, en particulier les pays plus endettés que l'Allemagne en proportion de leur PIB.

Depuis juin 2022, alors même que le taux à 10 ans continue d'augmenter et est passé de 1,5 % à 3,5 %, le spread France-Allemagne s'est stabilisé dans une fourchette comprise entre 0,45 % et 0,6 %. Les épisodes de tensions financières, telle la crise dite du « mini-budget » britannique en septembre-octobre 2022 ou la crise des banque américaines régionales et la faillite de Crédit Suisse en mars-avril 2023, ou géopolitiques, tel le conflit au Proche Orient en ce début de mois, ont entraîné des hausses temporaires de ce spread sans qu'il ne sorte de la fourchette dans laquelle il évolue depuis juin 2022, comprise entre 0,45 % et 0,6 %.

Cette stabilisation du spread manifeste la crédibilité de la politique budgétaire et du dispositif institutionnel en zone euro, par-delà les regains temporaires de volatilité. Quant aux difficultés rencontrées par l'économie allemande, à l'instar des autres indicateurs d'activité économique en zone euro, elles comptent parmi les éléments pris en compte par la BCE dans ses décisions de politique monétaires, et donc par les investisseurs dans leurs décisions d'investissement : elles ont pu induire des anticipations de taux plus basses mais n'ont sans doute pas eu d'incidence significative sur le spread France Allemagne.

S'ajoute un effet volume en augmentation, avec + 3,3 milliard d'euros entre 2023 (révisé) et 2024, qui s'explique par l'augmentation de l'encours de la dette négociable, lui-même héritage d'un niveau de dépenses publiques trop élevé, non maîtrisé.

Ainsi, en six ans, l'encours de la dette négociable de l'État a augmenté de plus de 45 %. Il dépasserait les 2 560 milliards d'euros en 2024, contre 2 000 milliards d'euros en 2020 et 1 760 milliards d'euros à la fin de l'année 2018. Désormais, l'évolution de la charge de la dette va dans le même sens que l'encours de dette négociable, mettant fin à une période de trajectoires paradoxalement inversées jusqu'en 2020.

Évolution de l'encours de la dette négociable
de l'État depuis 2018

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Entre 2023 et 2024, le ratio de dette rapportée au PIB connaîtrait une stabilisation, alors que le montant de la dette en valeur absolue continuerait d'atteindre un niveau historique. À la fin du deuxième trimestre 2023, la dette publique s'établissait ainsi à 3 046,9 milliards d'euros, soit 111,8 % du PIB18(*), contre 3 013,4 milliards d'euros à la fin du premier trimestre 2023 (112,5 % du PIB) et 2 949,3 milliards d'euros en 2022 (111,8 % du PIB).

Selon le Gouvernement19(*), le ratio d'endettement diminuerait sur l'année 2023 pour atteindre 109,7 % du PIB, soit une baisse de plus de 2 points de PIB par rapport à 2022. Cette baisse serait essentiellement portée par la dynamique de la croissance (avec une croissance nominale, c'est-à-dire augmentée de l'inflation, de + 6,8 % de PIB en 2023), conduisant à une baisse du solde stabilisant la dette qui deviendrait ainsi bien inférieur au solde public. En 2024, le ratio de dette publique serait stable, à 109,7 % du PIB. Les flux de créances compenseraient globalement l'écart entre le solde public effectif (- 4,4 %) et le solde stabilisant la dette (- 4,2 %).

d) Des risques liés à la conjoncture internationale qui restent à ce stade limités

Alors que le ratio de la dette sur le PIB demeure élevé, les hypothèses optimistes sur lesquelles le Gouvernement fonde ses projections pourraient être remises en cause à très court terme, notamment s'agissant des perspectives de croissance, entraînant une nouvelle dégradation de ce ratio. En particulier, l'exacerbation des tensions géopolitiques causée par le conflit au Proche-Orient pourrait se traduire par une augmentation sensible du prix du baril de pétrole, ce qui pourrait aboutir à des impacts significatifs sur l'inflation et plus encore sur le solde primaire.

Comme l'a rappelé la Banque de France en audition, la hausse des prix du pétrole suite aux événements au Moyen-Orient constitue une source d'incertitude non négligeable, qui pourrait affecter la croissance et l'inflation dans le monde et en France. L'impact reste contenu à ce stade, avec un prix oscillant autour de 90 dollars le baril depuis l'attaque du Hamas sur Israël le 7 octobre. Parmi les facteurs qui ont permis de limiter la hausse du prix du pétrole, l'on peut citer la déclaration de l'Arabie Saoudite se disant prête à stabiliser le marché et l'espoir d'une augmentation de la production au Venezuela. Le risque d'une hausse plus importante ne peut toutefois pas être écarté, en particulier si le conflit devait se propager en dehors d'Israël et de Gaza.

Interrogée par la commission des finances du Sénat, la direction générale du Trésor a confirmé avoir modélisé les conséquences potentielles des trois scénarios de hausse du prix du baril de pétrole envisagés par la Banque mondiale dans son dernier rapport « Commodity Markets Outlook » d'octobre 202320(*), à savoir :

- un « small disruption scenario », correspondant à une augmentation du prix du baril de 3 % à 13 % par rapport à la prévision de base de 90 dollars pour le quatrième trimestre 2023 ;

- un « medium disruption scenario », correspondant à une augmentation du prix du baril de 21 % à 35 % ;

- un « large disruption scenario », correspondant à une augmentation du prix du baril de 56 % à 75 %.

Selon les résultats du modèle Mésange de la direction générale du Trésor, les impacts potentiels sur le déficit primaire pourraient aller de 0,0 % en année 1 et 0,1 en année 2 dans le cas d'une hausse du prix du baril de 8 % (« small disruption scenario ») à 0,3 % en année 1 et 1,2 % en année 2 pour une hausse de 66 % (« large disruption scenario »).

Effets potentiels d'une hausse du prix du baril sur l'inflation
et le solde primaire en France

(en pourcentage)

Hausse du baril

Hausse en dollar

Impact inflation année 1

Impact inflation année 2

Impact solde primaire année 1

Impact solde primaire année 2

8

7

0,2

0,3

0,0

0,1

28

25

0,8

1,0

0,1

0,5

66

59

1,9

2,4

0,3

1,2

Source : commission des finances, d'après les réponses de la direction générale du Trésor

Néanmoins, ces éléments conjoncturels doivent à ce stade être relativisés. Ainsi que l'a détaillé l'Agence France Trésor en audition, la crise ouverte au Proche Orient le 7 octobre a eu successivement deux effets sur les taux d'intérêt, sur la dette française :

dans un premier temps, sur la semaine du 9 au 13 octobre en réaction à ce conflit, les taux obligataires ont baissé dans un mouvement d'aversion au risque qui fait s'apprécier les actifs surs que sont les obligations d'État en comparaison d'actifs davantage risqués et de crainte que ce conflit ne pèse sur l'activité économique. Ainsi le taux à 10 ans a perdu environ 20 points de base sur la semaine ;

dans un second temps, le marché a pris en compte le risque que ce conflit entraîne un rebond à moyen terme des prix de l'énergie, exacerbant les tensions inflationnistes et poussant les banques centrales à maintenir des directeurs élevés pendant une longue période. Ainsi au 20 octobre, le taux français à 10 ans avait retrouvé son niveau du 6 octobre.

Cet épisode n'a pas induit de mouvement « idiosyncratique » (c'est-à-dire spécifique) sur les taux français. Le marché des obligations assimilables du Trésor (OAT) évolue dans le sillage des marchés de taux mondiaux et se trouvent nécessairement affecté par le sentiment des investisseurs induit par une telle crise.

Il convient par ailleurs de relativiser l'amplitude de cet épisode de volatilité, au regard de ceux connus en 2022 dans le contexte de guerre en Ukraine, de crise énergétique et de tensions inflationnistes fortes. En outre, si la politique d'assouplissement quantitatif menée par l'Eurosystème a réduit la volatilité des taux entre 2015 et début 2022, la normalisation de la politique monétaire en réaction à l'inflation produite par la guerre en Ukraine restaure la volatilité des taux à son niveau historique antérieur à l'assouplissement quantitatif.

De surcroît, si le ratio d'endettement constitue un critère à prendre en compte pour apprécier la soutenabilité de la dette publique française, c'est surtout la dynamique future du poids de la dette combinée avec la remontée des taux d'intérêt qui présente le risque le plus important. Si ces éléments sont préoccupants, la charge de la dette française demeure à ce stade préservée de tout dérapage grâce aux mécanismes européens de la BCE.

e) Une gestion de la dette par l'Agence France Trésor qui atténue les risques de refinancement

La soutenabilité de la dette repose aussi sur la qualité de la gestion par l'Agence France Trésor, reconnue de façon répétée par la commission des finances du Sénat, mais également par la Cour des comptes laquelle salue « une stratégie robuste qui a permis de faire face à l'augmentation des besoins de financement avec la crise sanitaire », qui repose notamment sur un suivi fin de la demande de marché et sur une adaptation à cette demande via des échanges fréquents avec les spécialistes en valeur du Trésor21(*).

En particulier, la stratégie d'émission de l'Agence France Trésor a contribué à l'augmentation continue de la maturité moyenne de la dette depuis 2003 (alors égale à 5,8 ans) : la maturité moyenne de la dette de l'État s'élève ainsi actuellement à 8,5 ans22(*). Cette évolution a été soutenue par des maturités moyennes à l'émission nettement plus élevées. Alors que la maturité moyenne à l'émission était de 8,3 ans en 2003, celle-ci a ainsi progressé jusqu'à 11,5 ans en 2020 et même 12,6 ans en 2021 (année où a été lancée une nouvelle OAT de maturité 50 ans) pour s'établir en août 2023 à 11,2 ans.

L'augmentation de la maturité moyenne des émissions reflète la politique d'émission de l'AFT qui accompagne l'évolution de la demande des investisseurs. Ces derniers avaient allongé leur maturité cible afin de bénéficier de rendements plus importants dans un contexte de taux très bas voire négatifs. C'est par ce biais, en offrant les produits faisant l'objet d'une demande de marché, que l'AFT réduit le risque de financement de l'État au meilleur coût. La maturité moyenne élevée de la dette a pour effet de retarder les conséquences d'un choc de taux sur la charge de la dette.

À l'instar du cas français, les niveaux de maturité moyenne et leur évolution reflètent largement la base d'investisseurs de chacune de ces dettes. La dette d'État du Royaume-Uni dispose ainsi historiquement d'une maturité très élevée, en lien avec l'importance de l'industrie des fonds de pension domestiques et la concentration des investissements de cette dernière sur le segment obligataire. Concernant les autres pays de la zone euro inclus dans le graphique ci-dessous, la maturité moyenne de leur dette est légèrement inférieure à celle de la France (à 8,02 années fin 2022).

Maturité moyenne de la dette de plusieurs pays européens

(en années)

Source : Agence France Trésor, réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Cependant, l'allongement de la maturité moyenne de la dette ne constitue aucunement une « solution miracle » pour diminuer la charge d'intérêts. Pour assurer la sécurité des émissions et garantir le meilleur prix dans l'intérêt du contribuable, les titres choisis, avec leur maturité, doivent répondre à la demande des investisseurs, au risque sinon de nuire à la bonne exécution du programme de financement de l'État.

Alors que la liquidité de la dette française constitue l'un de ses principaux atouts reconnus par tous les investisseurs, il serait extrêmement dommageable de la mettre en péril en choisissant d'émettre sur des titres de maturité très longue, alors même que la demande des investisseurs est plus faible sur ces segments. Le contribuable risquerait in fine de payer plus cher cet allongement de la maturité, ce qui en retour accroîtrait la charge de la dette sur sa durée de vie.

2. Alors que le besoin de financement de l'État se maintient à un niveau élevé, la vigilance et la maîtrise stricte des dépenses s'imposent face à la charge de la dette de l'État
a) Un besoin de financement de l'État en forte augmentation, à un niveau bien plus élevé que celui d'avant-crise

Le besoin de financement de l'État devrait atteindre 299,7 milliards d'euros en 2024 sous les hypothèses favorables du Gouvernement, contre 310,3 milliards d'euros après révision pour l'année 2023 (304,9 milliards d'euros dans la prévision initiale). S'il est en reflux, donc, par rapport à 2023, ce niveau est bien plus élevé qu'en 2021 (+ 5,1 %) et qu'en 2022 (+ 7,0 %). Il approche ainsi le spectaculaire niveau de 2020 (309,5 milliards), et demeure donc bien plus élevé que celui d'avant-crise : il s'établissait à 220,5 milliards d'euros en 2019, soit près de 30 % de moins que celui prévu pour 2024.

Évolution du besoin de financement de l'État

(en milliards d'euros et en pourcentage)

 

2021

(exécuté)

2022 (exécuté)

2023 (LFI)

2023 (révisé)

PLF 2024

Évolution 2024 / LFI 2023

Évolution 2024 / 2023 révisé

Besoin de financement

Amortissement de titres d'État à moyen et long terme

118,3

145,7

149,5

149,6

160,2

7,2 %

7,1 %

Valeur nominale

117,5

140,8

144,5

144,5

155,5

7,6 %

7,6 %

Suppléments d'indexation dus

0,8

5,0

5,0

5,1

4,7

- 6,0 %

- 7,8 %

Amortissement des autres dettes (dettes reprises, etc...)

1,3

3,0

3,1

3,1

2,7

- 12,9 %

- 12,9 %

Déficit budgétaire

170,7

151,4

164,9

172,1

144,5

- 12,4 %

- 16,0 %

Autres besoins de trésorerie

- 5,1

- 20,2

- 12,6

- 14,5

- 7,7

- 38,9 %

- 46,9 %

Total

285,2

280,0

304,9

310,3

299,7

- 1,7 %

- 3,4 %

Ressources de financement

Émissions de titres à moyen et long termes, nettes des rachats

260,0

260,0

270,0

270,0

285,0

5,6 %

5,6 %

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

0,0

1,9

6,6

6,6

6,5

- 1,5 %

- 1,5 %

Variation de l'encours de titres à court terme

- 6,2

- 6,9

3,3

20,0

7,7

- 61,5 %

- 61,5 %

Variation des dépôts des correspondants

18,7

1,1

0,0

0,0

0,0

 

 

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésoreries de l'État

- 4,4

35,2

24,5

27,6

0,0

- 100,0 %

- 100,0 %

Autres ressources de trésorerie23(*)

17,2

- 11,3

0,5

- 13,9

0,5

   

Total

285,2

280,0

304,9

310,3

299,7

- 3,4 %

- 3,4 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

285 milliards d'euros d'obligations à moyen et long terme devront également être émis par la France en 2024, un chiffre en augmentation par rapport à celui observé depuis 2020 et la déformation brutale du besoin de financement de l'État.

Les émissions nettes à moyen et long terme représenteraient l'équivalent de 9,6 % du PIB en 2023 et 9,7 % du PIB en 2024. Si ce rapport baisse par rapport à 2020 (11,2 %), 2021 (10,4 %24(*)) et 2022 (9,9 %25(*)), il s'écarte toujours significativement de la moyenne constatée sur la décennie 2010, où elle oscillait entre 8,0 % et 8,9 %.

Programme de financement à moyen et long terme
de la dette de l'État, en proportion du PIB

(en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les données publiées par l'Agence France Trésor dans le bulletin mensuel du mois de septembre 2023

La stabilisation de ce taux à 9,7 % et la persistance de cet écart avec le régime passé témoignent du choix du Gouvernement de ne pas maîtriser les dépenses publiques ordinaires, hors mesures d'urgence et de relance de l'économie.

En conséquence, l'endettement est devenu la première source de financement de l'État en 2020. Il ne l'est plus en 2023 puisque les ressources du budget général, c'est-à-dire fiscales et non fiscales représentent 287,6 milliards d'euros26(*), après déduction des prélèvements sur recettes.

À la différence des années 2020 à 2023, la majorité des ressources de financement en 2024 sera affectée à l'amortissement des titres de moyen et long terme, et non au financement du déficit qui reste néanmoins toujours conséquent, puisqu'il est prévu à 144,5 milliards d'euros (soit 4,4 % du PIB).

Décomposition du besoin de financement de l'État

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

L'augmentation à 285 milliards d'euros en 2024 des émissions de titres à moyen et long terme, après les hausses déjà inédites à 260 milliards en 2021 et 270 milliards en 2023, s'explique donc par la progression des emprunts arrivant à maturité et appelés à être renouvelés (160,2 milliards d'euros). D'après les données figurant dans le compte général de l'État pour l'année 202227(*), 15 % des OAT devaient arriver à échéance d'ici la fin de l'année 2023 (7 %) et 2024 (8 %). 27 % des titres négociables à moyen et long terme seront exigibles entre la fin de l'année 2024 et la fin de l'année 2027.

Dans ce contexte, il convient de souligner, comme l'a indiqué un des spécialistes en valeur du Trésor entendus par le rapporteur spécial, que « la signature française continue d'être perçue comme liquide et de qualité ».

b) Évaluer les facteurs de risque à court, moyen et long terme pour la charge de la dette
(1) De façon générale, la crédibilité budgétaire de la France doit être maintenue

La crédibilité budgétaire, qui peut s'entendre de la capacité, pour un pays, d'adopter un budget financé, de le respecter, et de se conformer aux règles et au cadre dans lesquels il s'inscrit, est le premier prérequis pour accéder aux marchés financiers et se financer à des taux abordables. L'épisode britannique récent en est la preuve éclatante, puisque le Gouvernement d'Elizabeth Truss, qui aurait dû soumettre au bureau pour la responsabilité budgétaire (« office for budget responsibility ») le mini-budget non financé qu'elle a présenté en septembre 2022, s'est affranchi de cette formalité, ce qui a entraîné une remontée des taux sur les gilts, emprunts d'État au Royaume-Uni, allant jusqu'à 4,6 %.

Ainsi, dans l'appréciation de la dette souveraine française par les agences de notation28(*), ce n'est pas tant le niveau en absolu qui est scruté, en particulier depuis la crise sanitaire, que les perspectives de redressement à moyen et long termes et le comportement passé, ainsi que le contexte institutionnel (soit la stabilité politique). Par exemple, l'absence de consolidation dans la période précédant la crise est un facteur d'importance dans l'évaluation de la perspective (négative ou stable selon les agences) de l'évolution de la notation française, aujourd'hui AA (S&P), AA- (Fitch) ou Aa2 (Moody's). Or, de manière générale, la France se distingue par une absence d'effort antérieurement à la crise, avec une trajectoire du taux de dette/PIB qui restait bien supérieure à celle de la plupart de ses voisins et qui, surtout, ne diminuait pas. Ces dernières années, même en période de croissance, la France n'a pas saisi les opportunités qui s'offraient à elle pour restaurer ses finances publiques.

En avril 2023, Fitch a dégradé la notation de la France de AA à AA-, en questionnant notamment les capacités du pays à réduire le déficit et la dette, ainsi que des perspectives de croissance moins élevées qu'anticipé. S'agissant du contexte institutionnel, l'agence avait relevé que « l'impasse politique et les mouvements sociaux (parfois violents) constitu[ai]ent un risque pour le programme de réformes de [Emmanuel Macron] et pourraient créer des pressions en faveur d'une politique budgétaire plus expansionniste ou d'un renversement des réformes précédentes ».

Dans la période actuelle, il convient donc pour la France d'attester sa capacité à définir une trajectoire de désendettement durable et susceptible de respecter le Pacte de stabilité et de croissance29(*) lorsque la clause de suspension actuellement en vigueur aura expiré, au 1er janvier 2024. Comme l'ont confirmé les représentants de Standard & Poor's entendus par le rapporteur spécial, « la question primordiale pour la France est la trajectoire de la dette ».

Le rapporteur spécial reprendra ici les termes du Haut Conseil des finances publiques : « la soutenabilité à moyen terme des finances publiques continue donc à appeler la plus grande vigilance »30(*). Il importe à cet égard que la France retrouve rapidement une trajectoire de stabilisation puis d'assainissement de ses finances publiques, plus crédible que celle proposée dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027.

(2) À court terme, le maintien des taux directeurs de la BCE à un niveau élevé, ainsi que la volatilité des marchés financiers, pourraient nécessiter une révision des prévisions de taux du Gouvernement

En 2023, tout comme en 2022, l'évolution des rendements souverains en zone euro a été principalement orientée par la poursuite du resserrement de la politique monétaire de la BCE. Ce mouvement s'est prolongé jusqu'à la fin de l'été 2023, date à laquelle le relèvement des taux directeurs était de + 450 points de base (de 0,00 % à 4,50 %) pour la BCE par rapport à juillet 2022, et de + 525 points de base (de 0,25 % à 5,50 %) pour la Fed par rapport à mars 2022.

La combinaison d'un biais restrictif continûment réaffirmé par la BCE (ainsi que par la Fed) et des effets de ces décisions de hausse de taux directeurs a ainsi conduit les rendements souverains à se stabiliser durant le premier semestre 2023 ou à ne croître qu'à un rythme bien plus lent qu'en 2022, à compter de la mi-septembre 2023. Par ailleurs, au tournant de l'hiver et du printemps, les rendements souverains se sont aussi montrés marginalement et ponctuellement plus volatils en raison des turbulences intervenues dans le secteur bancaire américain (faillite de la Silicon Valley Bank) ainsi que de la tenue des élections régionales en Italie.

Au total, les rendements souverains à 10 ans en zone euro ont fluctué autour d'un étiage moyen relativement stable se situant entre 2 % et 4 % durant le premier semestre 2023, alors qu'ils évoluaient entre 0 % et 2 % jusqu'à la fin 2021.

L'écart (ou spread) de taux entre la France et l'Allemagne est, pour sa part, resté relativement stable autour de sa moyenne de 55 points de base depuis le début du resserrement monétaire de la BCE en juillet 2022, après s'être situé autour de 35 points de base dans le sillage de l'activation par la BCE de sa politique d'achats d'actifs en 2015. La hausse observée depuis 2022 est essentiellement imputable au processus de normalisation de sa politique monétaire par la BCE et, plus marginalement, à la reprise économique, moyennant les élargissements ponctuels mentionnés précédemment. Par ailleurs, et pour exactement les mêmes raisons, l'écart de rendement de l'Italie avec l'Allemagne a fluctué entre 150 et 200 points de base, tandis que l'écart de taux longs de l'Espagne s'est montré plus stable, autour de 100 points de base.

Évolution des rendements souverains à dix ans
entre janvier 2022 et septembre 2023

(en pourcentage)

Source : Bloomberg, réponses de l'Agence France Trésor au questionnaire du rapporteur spécial

(3) Alors que le retour de l'inflation a alourdi la charge de la dette dans la période récente, les incertitudes autour de son reflux invitent à la prudence

Le retour de l'inflation à la suite de la reprise économique en 2021 puis de la crise énergétique en 2022 s'est traduit par l'augmentation de la provision pour indexation du capital des titres indexés, représentant 11 à 12 % de l'encours.

Part d'OAT indexées dans l'encours total de dette

Source : rapport sur la dette des administrations publiques 2024

Ainsi, la provision pour indexation du capital des titres indexés devrait s'élever à 15,8 milliards d'euros en 2023, après 15,5 milliards d'euros en 2022, 3 milliards d'euros en 2021 et 458 millions d'euros en 2020.

Pour 2024, selon les prévisions du Gouvernement, la provision pour indexation devrait diminuer sensiblement avec le reflux de l'inflation (notamment sous l'effet du resserrement monétaire de la BCE), à 8,7 milliards d'euros.

Si le retour de l'inflation depuis 2021 s'est donc accompagné d'une hausse sensible de la provision pour indexation, le financement en obligations indexées, à hauteur de 30 % d'OAT indexées sur l'inflation française (OATi) et de 70 % d'OAT indexées sur l'inflation de la zone euro (OAT€i), demeure non seulement une source de diversification, mais présente également un effet neutre sur le long terme.

L'émission d'obligations indexées est une source importante de diversification, à laquelle recourent au demeurant tous les pays du G7, qui permet d'attirer des investisseurs variés, en particulier ceux qui doivent adosser un passif exposé à l'inflation (investisseurs rémunérant leurs propres clients en fonction de l'inflation, comme les déposants du Livret A). L'accès à des investisseurs les plus variés possibles est important puisque les volumes d'émission ont fortement augmenté depuis quinze ans.

Si la France n'émettait pas d'obligations indexées, elle se priverait de cette diversification. En l'absence de diminution substantielle du programme de financement, une baisse de la part des obligations indexées dans ce programme obligerait à monter les volumes d'émission sur le compartiment des titres nominaux, ce qui aurait pour effet de dégrader les conditions d'emprunt sur ce segment par le biais de taux moyens plus élevés, pesant à leur tour sur la charge de la dette.

Les titres indexés permettent également de diversifier les risques auxquels est exposée la dette de l'État. L'évolution future des taux comme de l'inflation étant inconnue, cette diversification conduit à une répartition des risques entre ceux auxquels sont exposées la dette de court terme, la dette de moyen terme, la dette de long terme, la dette de très long terme et la dette indexée sur l'inflation. Si la France n'émettait pas d'obligations indexées, elle se priverait là-aussi de cette diversification.

L'émission d'obligations indexées présente, en outre, un effet neutre, voire contra-cyclique sur le long terme.

En effet, en période de stabilité des prix, le « stock réel de dette publique » (ratio entre la dette et le PIB nominal) diminue peu et la part d'obligations indexées permet de diminuer la charge de la dette (en raison de la faiblesse de la charge d'indexation). En période d'inflation accrue, le ratio entre la dette et le PIB nominal diminue spontanément et en contrepartie la charge d'indexation des obligations indexées augmente, ce qui illustre leur caractère contra-cyclique.

Ainsi, durant la décennie 2010, l'inflation surprenant à la baisse s'est traduite par des provisions pour indexation généralement inférieures aux économies d'intérêts dues aux plus faibles coupons des titres indexés. Cette source d'économie pour le budget de l'État, en comparaison aux titres nominaux, a atteint certaines années jusqu'à trois milliards d'euros, compensant partiellement le coût supplémentaire enregistré en 2022 et 2023, face à un choc d'inflation d'une ampleur exceptionnelle.

Il est à noter toutefois que ce calcul ne tient pas compte du surcoût pour l'État émetteur d'un report des volumes d'émission actuellement réalisés sur des titres indexés vers les titres nominaux, pour lesquels les volumes émis sont déjà conséquents, et qui pourrait se traduire par une dégradation, vraisemblablement non linéraire, des conditions de financement afférentes.

L'impact du programme d'émissions indexées sur le budget de l'État

L'émission des titres indexés sur l'inflation (française depuis 1998 et européenne depuis 2002) par la France vise à réduire le coût de financement de la dette de l'État sur une longue période en répondant à la demande d'investisseurs prêts à payer une prime d'inflation pour s'assurer d'une couverture du risque d'inflation au-delà de l'inflation anticipée figée dans le taux d'émission de la dette à taux fixe. L'État peut proposer aux investisseurs cette couverture du risque d'inflation car ses recettes sont elles-mêmes très fortement corrélées à l'inflation, là où ses dépenses ne le sont que partiellement.

De 1998 à 2021, la France a réalisé grâce aux obligations indexées une économie totale de 14,5 milliards d'euros, très au-delà des seules primes d'inflation et résultant, du fait du passage en régime d'inflation faible, d'une accumulation des économies d'intérêt dépassant largement la provision pour indexation enregistrées sur la même période. En effet, la faiblesse de l'inflation en France et en zone euro ont induit une provision pour indexation très faible et systématiquement inférieure aux économies d'intérêts dues à ces émissions en comparaison aux titres nominaux, principalement à partir de 2012, produisant des économies annuelles qui ont pu atteindre certaines années jusqu'à trois milliards d'euros. À partir de 2022, les prix à la consommation ont fortement augmenté, en lien avec l'accentuation du déséquilibre offre-demande résultat de l'accumulation des chocs économiques. L'envolée des prix s'est traduite par une forte progression de la provision pour indexation, qui a atteint en comptabilité budgétaire environ 15 milliards d'euros sur les deux années, alors que les économies d'intérêt ont demeuré stables (à un peu plus de 3 milliards d'euros). À fin 2023, le coût d'opportunité cumulé des titres indexés (après déduction des économies d'intérêt) est de 9 milliards d'euros.

Coût et économies induits par le programme d'émissions indexées pour le budget

Source : réponses de l'Agence France Trésor au questionnaire du rapporteur spécial

(4) À moyen-long terme, un risque de « dédollarisation », qui demeure aujourd'hui très limité, pourrait affecter la demande des investisseurs non européens

Au deuxième trimestre 2023, 52,4 % de la dette négociable de l'État était détenue par des non-résidents (après 51,4 % au premier trimestre 2023 et 50,1 % au quatrième trimestre 2022), contre 47,6 % pour les résidents.

Détention actuelle des titres de la dette négociable de l'État par groupe de porteurs

(en pourcentage)

Source : Banque de France, rapport sur la dette des administrations publiques 2024

Selon un des spécialistes en valeur du Trésor entendus par le rapporteur spécial, si la politique monétaire plus restrictive de la Fed ne devrait pas avoir d'impact majeur et détourner les investisseurs internationaux des obligations souveraines européennes, la question de la « dédollarisation », et de ce qui pourrait en découler pour l'Europe et la France, pourrait avoir un impact sur le niveau des taux d'intérêt.

En effet, plusieurs événements récents convergent dans cette direction :

- l'élargissement des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) depuis août 2023, l'Arabie Saoudite, l'Argentine, les Émirats Arabes Unis, l'Éthiopie et l'Iran ayant été invités à rejoindre l'alliance ;

- un accord entre le Brésil et la Chine afin de commercer sans utiliser le dollar ;

- la liquidation d'actifs en dollars de la part de certains investisseurs chinois : 21 milliards de dollars d'actions et d'obligations du Trésor américain ont été vendues en août 2023, soit le montant le plus élevé en quatre ans.

À cet égard, ce mouvement de « dédollarisation » intervient dans une période où la position extérieure nette de la France, en pourcentage du PIB, est proche de son plus bas depuis près de 20 ans, avec une position négative de - 25 % du PIB. Alors que les Français ont reçu au cours des deux dernières décennies davantage de capitaux qu'ils n'ont investi à l'étranger, le retrait des investisseurs des pays émergents pourrait avoir des conséquences importantes sur la demande pour les titres de dette français. En raison des relations étroites existant entre les économies européenne et américaine, une désaffection pour le dollar pourrait en effet impliquer une désaffection pour les actifs européens, notamment les titres de dette.

Néanmoins, ce risque demeure très limité aujourd'hui. À l'exception des flux importants à la vente d'actifs en dollars observés pendant l'été 2023, le mouvement de « dédollarisation » semble à ce stade essentiellement viser les transactions commerciales et avoir une portée politique et symbolique. Compte tenu de la multiplicité des facteurs pouvant influer sur ce phénomène (géopolitique internationale, rivalité entre les États-Unis et la Chine en matière de technologies, contrôle des capitaux et des devises en Chine, accélération du développement des cryptomonnaies), il convient de souligner la difficulté à déterminer un horizon temporel ou même à définir la portée réelle d'un tel phénomène pour l'économie et les marchés obligataires.

B. LE MAINTIEN DU PROGRAMME 369 POUR AMORTIR LA DETTE DE L'ÉTAT LIÉE À LA COVID- 19 NE RÉPOND À AUCUNE JUSTIFICATION ÉCONOMIQUE OU DE CRÉDIBILITÉ BUDGÉTAIRE

Le programme 369 vise à retracer l'amortissement du surcroît de la dette de l'État en 2020 et en 2021 liée à la crise sanitaire, 70 milliards d'euros ayant déjà été repris au titre des années 2020 et 2021 pour la sphère sociale par le biais de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades)31(*). 165 milliards d'euros ont ainsi été ouverts en 2022 en autorisations d'engagement sur ce programme et 1,9 milliard d'euros en crédits de paiement. Alors que 6,6 milliards d'euros en crédits de paiement ont été ouverts pour financer ce programme en 2023, soit 3,5 fois plus qu'en 2022, un montant comparable de 6,5 milliards d'euros est prévu pour 2024.

Le caractère contestable des modalités de calcul de cette « dette Covid » a déjà été démontré par le précédent rapporteur spécial, qui avait proposé la suppression du programme dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 202232(*).

Pour rappel, les crédits de paiement inscrits sur le programme 369 correspondent à une part, par défaut fixée à 5,9 %, de la hausse des recettes fiscales due à la croissance par rapport à celles de 2020 (256 milliards d'euros). Par ailleurs, la formule de calcul peut être modifiée au cours du temps, l'objectif initial étant d'amortir la « dette covid » d'ici 2042.

Les crédits du programme sont affectés à la Caisse de la dette publique (CDP), via une dotation au programme 732 du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État »33(*), les montants étant ensuite re-transférés de la CDP vers l'Agence France Trésor (compte de commerce 903 « Gestion de la dette et de la trésorerie de l'État ») afin de financer l'amortissement des titres de dette arrivant à échéance.

Or, aucun argument économique ou budgétaire n'est de nature à justifier l'isolement de la « dette covid », les recettes fiscales supplémentaires pouvant tout aussi bien servir à réduire le déficit budgétaire courant. Il ne s'agit d'ailleurs pas là d'un cantonnement de la dette covid : il n'y a pas création d'une « caisse » séparée chargée de la gestion de cette dette, il n'y a toujours bien qu'une seule dette de l'État. Le programme porte d'ailleurs bien le nom d' » amortissement » et non de cantonnement. Cantonner la dette, en la « fragmentant », aurait d'ailleurs coûté plus cher en gestion à l'État, et donc au contribuable.

Dans ses choix, le Gouvernement a au moins pris la peine de ne pas perturber la gestion de la dette, ce qui illustre par ailleurs le fait que la création de ce programme est avant tout et seulement une opération de communication, dénuée de tout effet budgétaire.

Il faut par ailleurs souligner que les crédits ainsi ouverts sur le programme 369 ne financent pas d'hypothétiques titres émis pour la « dette covid », l'Agence France Trésor n'ayant pas émis de souches « spéciales covid » en 2020 et en 2021 qu'elle pourrait ensuite retracer : elle a simplement exécuté le programme de financement de la France, dont les émissions servent à la fois à financer le déficit (dont une part n'était pas liée à l'épidémie) et à refinancer les titres arrivés à échéance.

En conséquence, sur la proposition du rapporteur spécial, la commission des finances a, comme lors de l'examen du PLF 2023, adopté un amendement de suppression des crédits du programme 369.

C. LE RATTACHEMENT À LA MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT » DE LA DETTE DE SNCF RÉSEAU REPRISE PAR L'ÉTAT : UNE AVANCÉE PARTIELLE

La réforme du système ferroviaire décidée en 2018 s'était accompagnée de la décision de l'État de reprendre 35 milliards d'euros de dette de SNCF Réseau. Cette reprise a été mise en oeuvre en deux temps : 25 milliards d'euros en loi de finances pour 2020, et 10 milliards d'euros en loi de finances pour 2022.

Les charges d'intérêt résultant de cette reprise de dette fait l'objet du programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État », représentant 807 millions d'euros (AE=CP) en 2024.

Précédemment rattaché à la mission « Écologie », le programme 355 est transféré à la mission « Engagements financiers de l'État » par le PLF 2024. En effet, la justification du rattachement à la mission « Écologie » n'avait rien d'évident. D'une part, le programme 355, dont le responsable est le directeur général du Trésor, est géré depuis sa création par l'Agence France Trésor, qui assure la mise en paiement des échéances de la dette reprise de SNCF Réseau. D'autre part, et plus fondamentalement, l'extraction de la charge de la dette de SNCF Réseau en dehors de la mission « Engagements financiers de l'État » était source de confusion, en ce qu'elle alimentait un doute sur les crédits que devait consacrer l'État à la charge de la dette et rendait mal aisée la lecture des chiffres qui en rendaient compte.

Comme l'a indiqué l'Agence France Trésor en audition, le rattachement du programme 355 à la mission « Engagements financiers de l'État » a pour objectif de regrouper sur une même mission (EFE) de tous les programmes ayant trait aux charges de la dette ainsi qu'à son amortissement (programme 117, programme 355, programme 369), dans une optique de cohérence de la mission et d'affichage, notamment dans les projets annuels de performances. Par la même occasion, cela permet de regrouper tous les programmes du budget général hors du périmètre des dépenses de l'État.

S'il convient donc de saluer cette avancée, on peut regretter que le Gouvernement n'ait pas retenu l'option consistant à inclure directement la charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État dans le programme 117. En effet, cette solution présenterait l'avantage d'une plus grande clarté, en ce qu'elle représenterait plus fidèlement l'ensemble des crédits affectés à la charge de la dette.

D. UNE DIMINUTION FORTE DES CRÉDITS DÉDIÉS AUX APPELS EN GARANTIE DE L'ÉTAT

1. Des appels en garantie qui devraient diminuer sensiblement en 2024

Dans le cadre du présent projet de loi de finances, les crédits du programme 114 « Appels en garantie de l'État » connaissent en 2024 une baisse significative et passent de 2,58 milliards d'euros à 1,90 milliard d'euros (- 26 %), qui fait suite à une première diminution en 2023 (- 29 %) après une forte hausse en 2022 (+ 34 %).

Ainsi, toutes les actions du programme voient leurs crédits diminuer, le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 prévoyant même une annulation de 491 millions d'euros en AE et en CP du fait de la baisse attendue de la sinistralité des garanties instituées pendant la crise sanitaire.

Évolution des crédits des actions du programme 114
entre 2021 et 2023 (AE = CP)

(en millions d'euros et en pourcentage)

 

LFI 2023

Exécution au 31/08/2023

PLF 2024

Part dans les crédits du programme

Évolution PLF 2024 / LFI 2023

01 - Agriculture et environnement

0,1

--

0,1

0,0 %

0,0 %

02 - Soutien au domaine social, logement, santé

39,7

8,0

34,5

1,8 %

- 13,1 %

03 - Financement des entreprises et industrie

2 006,2

950,8

1 563,1

82,2 %

- 22,1 %

Prêts garantis par l'État

1 895,0

950,6

1 443,0

75,9 %

- 23,9 %

Prêts participatifs et obligations relance

0

0

87,9

4,6 %

--

Fonds de garantie contrats de fourniture d'énergie

100,0

--

30,0

1,6 %

- 70 %

04 - Développement international de l'économie française

121,5

115,5

111,5

5,9 %

- 8,2 %

Assurance-prospection

97,5

95,3

89,5

4,7 %

- 8,2 %

Garantie du risque exportateur

23,0

18,1

22,0

1,2 %

- 4,3 %

05 - Autres garanties

415,2

34,5

193,2

10,2 %

- 53,5 %

Fonds de garantie pan-européen

377,3

9,4

160,8

8,5 %

- 57,4 %

Total

2 582,7

1 108,8

1 902,4

100 %

- 26,3 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Sur l'action 2 « Soutien au domaine social, logement, santé », qui concerne les prêts garantis dans le cadre du Fonds de garantie de l'accession sociale à la propriété (FGAS), la sinistralité reste très faible au regard de l'encours de prêts garantis mais touche davantage les générations récentes de prêts compte tenu de la précocité avec laquelle interviennent les incidents de paiement et les sinistres.

L'évolution des dépenses sur cette action est liée aux prévisions de sinistres, sur les prêts à l'accession sociale, prêts à taux zéro garantis et écoprêts à taux zéro, résultant de l'évolution du marché immobilier. Cette évolution repose sur de nombreuses hypothèses dont l'appréciation reste délicate dans le contexte économique actuel. Au 31 août 2023, la dépense sur le programme 114 s'élève à 8 millions d'euros sur cette action.

La prévision d'appels en garantie en 2024 est fixée en cohérence avec la croissance tendancielle de l'encours sous garantie et avec le tendanciel des dépenses constatées en 2021 et en 2022, même si son impact sur la sinistralité n'est pas totalement mesurable.

Sur l'action 3 « Financement des entreprises et industries », qui porte très majoritairement les appels en garantie au titre des prêts garantis par l'État (PGE) mis en place en 2020, les projections budgétaires demeurent très incertaines, compte tenu de la nouveauté du produit, de l'incertitude élevée sur les perspectives économiques et de la sensibilité des estimations au comportement de remboursement des entreprises.

La prévision en loi de finances pour 2023 s'établissait à 1,895 milliard d'euros ; l'exécution 2023 devrait être inférieure à ce montant : au 31 août, les dépenses du programme 114 (couvrant sept mois sur douze) s'élevaient à 0,95 milliard d'euros.

Il est ainsi anticipé des décaissements d'appels en garantie sur l'année 2024 à hauteur de 1,442 milliard d'euros. Ces prévisions sont basées sur les dernières estimations de perte réalisées avec la Banque de France et communiquées en juillet 2023. Cette estimation repose sur un scénario sous-jacent d'un nombre de défaillances d'entreprises revenant aux niveaux annuels moyens de la période de 2009 à 2015.

Par ailleurs, la loi de finances initiale pour 2023 a créé le fonds de garantie pour les garanties exigées par un fournisseur en vue de la souscription d'un contrat de fourniture d'énergie (gaz ou électricité) et pour les contrats d'affacturage et risques d'assurance-crédit liés à ces mêmes contrats. Les sinistres sur ce fonds avaient été anticipés en loi de finances à 100 millions d'euros. Aucune dépense n'est intervenue au 31 août 2023 ; les prévisions actualisées laissent entrevoir une dépense de l'ordre de 10 millions d'euros. Compte tenu de la sous-exécution attendue en 2023, un montant prévisionnel de 30 millions d'euros est inscrit dans le PLF pour 2024.

Enfin, l'action 3 financera en 2024 les appels en garantie au titre des prêts participatifs et obligations relance ; ce dispositif, crée en 2021, a pour objectif de renforcer le bilan des entreprises françaises, soutenir leur capacité d'investissement en mobilisant jusqu'à 20 milliards d'euros de financements privés : l'État apporte jusqu'au 31 décembre 2023 une garantie aux investisseurs qui refinancent des prêts participatifs ou obligations relance. La garantie peut couvrir jusqu'à 30 % de l'encours total des fonds garantis.

L'estimation de la dépense pour 2024, à 87,9 millions d'euros, est établie à partir des encours respectifs estimés des dispositifs de prêts participatifs relance et d'obligations relance, auxquels s'applique un taux annuel moyen de défaillance évalué à partir du profil de risque des bénéficiaires au 31 décembre 2022.

Sur l'action 4 « Développement international de l'économie française », les appels en garantie de l'État sur les procédures de soutien au commerce extérieur se traduisent par un versement vers le compte de commerce 915 :

- le principal dispositif, l'assurance-crédit, est structurellement excédentaire ;

- le principal appel en garantie concerne l'assurance-prospection : les crédits budgétaires provisionnés dans le PLF 2024, à verser à l'issue de l'exercice 2023, se situent à 89,5 millions d'euros, en baisse par rapport aux crédits ouverts pour 2023 (97,5 millions d'euros dont 95,3 millions d'euros ont été versés) ;

- les prévisions du solde 2023 de l'assurance du risque exportateur sont déficitaires : le versement du programme 114 est estimé en PLF 2024 à 22 millions d'euros, pour plusieurs dossiers d'indemnisation ; il était estimé à 23 millions d'euros dans la LFI pour 2023, réalisé à hauteur de 18,1 millions d'euros.

Quant à l'action 5 « Autres garanties », elle retrace principalement les dépenses liées au fonds de garantie paneuropéen (PEGF) porté par le groupe Banque européenne d'investissement (BEI). Ce fonds créé en 2020 et doté par les États membres de l'UE d'un peu moins de 25 milliards d'euros permet au groupe BEI d'accroître son appui aux entreprises européennes (principalement aux PME) et dans une moindre mesure à des entités publiques actives dans le secteur de la santé (par la mobilisation de financements supplémentaires pouvant atteindre jusqu'à 200 milliards d'euros).

Les garanties couvrent les pertes encourues dans les opérations soutenues par le fonds. Toutes les pertes sont supportées de manière proportionnelle par les États membres participants.

La dotation sur le programme 114 pour financer en 2024 les dépenses d'appels en garantie émis par le groupe BEI s'élève à 160,8 millions d'euros, en baisse par rapport à la LFI 2023 (377,3 millions d'euros).

Le montant retenu pour 2023 correspondait à une estimation réalisée avec des hypothèses conservatrices, en fonction du coût potentiel pour la France de la sinistralité du PEGF. Un montant nettement inférieur devrait être réalisé en 2023, sur la base des dépenses constatées (9,4 millions d'euros au 31 août, actualisées à 23,6 millions d'euros au 26 septembre) et compte tenu du laps de temps nécessaire entre l'approbation des opérations, la signature et le décaissement aux bénéficiaires finaux (en moyenne 3 à 6 mois).

L'impact en dépense pour la France, qui a été nul en 2020 et très faible en 2021, se matérialise donc progressivement sur le programme 114 depuis l'année 2022 et devrait s'accroître lors des exercices à venir.

2. Les prévisions, quoique prudentes pour 2024, pourraient devoir être révisées en cas de dégradation de la conjoncture

Les crédits du programme 114 sont évaluatifs et s'appuient sur de multiples hypothèses quant aux risques de défaillances des acteurs bénéficiaires de la garantie de l'État. Il s'agit là d'un exercice difficile, les prévisions étant construites au début du second semestre de l'année n- 1, en regardant à la fois les appels en garantie passés et les risques à venir, compte tenu du contexte macroéconomique et des comportements des agents, par définition incertains.

Estimations de pertes nettes dues aux PGE

(en millions d'euros)

 

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

Avances

- 5

- 191

- 1 373

- 1 699

- 1471

- 1 018

- 563

- 274

- 159

- 127

- 39

Solde sur pertes finales

0

0

14

102

141

107

73

40

18

10

7

Primes

277

1 774

564

225

0

0

0

0

0

0

0

Pertes nettes

272

1 583

- 795

- 1 372

- 1 330

- 911

- 489

- 234

- 141

- 117

- 32

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Ainsi, le calibrage opéré en loi de finances pour 2023 s'est révélé large puisque sur les 2,6 milliards d'euros votés, le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 prévoit d'annuler 491 millions d'euros, du fait d'un taux de sinistralité moindre qu'anticipé. Si la programmation des crédits s'est avérée prudente dans le cadre du PLF pour 2023, il est possible qu'elle le soit un peu moins dans le cadre du présent PLF alors même qu'il est préférable de conserver une marge de précaution.

Selon la Banque de France, à fin juillet 2023, le capital restant dû sur les PGE s'élève à 76,5 milliards d'euros, soit 53 % du montant total octroyé.

En revanche, depuis leur mise en place le 8 avril 2022, seuls 3 177 PGE Résilience34(*) ont été octroyés pour un montant de 1,4 milliard d'euros (soit 1 % du total). Le PGE Résilience semble ainsi avoir été peu mobilisé par les entreprises. Dans la mesure où le plan de résilience sociale et économique face à la crise énergétique a permis aux entreprises de bénéficier à la fois d'aides ciblées et de mesures plus transversales et automatiques de réduction des prix de l'énergie, il est difficile d'isoler l'effet des PGE Résilience.

S'agissant des besoins de trésorerie des entreprises, la situation apparaît globalement maîtrisée, même si plusieurs secteurs présentent des vulnérabilités.

Ainsi, l'analyse de 1,6 million de liasses fiscales (disponibles à fin octobre 2023) indique qu'à fin 2022, la trésorerie des entreprises s'érode mais reste à des niveaux élevés. Après les hausses record enregistrées entre 2019 et 2021, sous l'effet notamment du recours aux PGE, la trésorerie des entreprises baisse en 2022 mais reste supérieure à son niveau de 2019, quelle que soit la catégorie d'entreprise. En France, les dépôts bancaires des sociétés non financières avaient d'ailleurs atteint un niveau historiquement haut en décembre 2022, à 832 milliards d'euros. De même, l'enquête trimestrielle sur l'accès au crédit réalisée par la Banque de France au deuxième trimestre 2023 indique que les demandes de crédit de trésorerie restent globalement stables et demeurent bien satisfaites.

Néanmoins, d'après la dernière enquête mensuelle de conjoncture réalisée par la Banque de France, les soldes d'opinion sur la situation de trésorerie se dégradent de nouveau dans l'industrie, tirés à la baisse par l'industrie du bois, papier, imprimerie, et l'habillement, textile, chaussures ; ils s'améliorent légèrement dans les services marchands. Ils restent par ailleurs dans l'ensemble très inférieurs à leur moyenne de long terme.

Dans ce contexte, le nombre de défaillances cumulé sur les douze derniers mois croît de nouveau modérément pour atteindre un peu plus de 51 100 défaillances à fin septembre 2023 (selon les chiffres provisoires) et rejoint son niveau de 2019. Il reste cependant inférieur au nombre moyen de défaillances observé sur la période 2009-2015, de 61 100 défaillances annuelles en moyenne.

Selon la Banque de France, la matérialisation des risques portés par les PGE pour 2024 devrait être limitée. Alors que les entreprises ont fait face à une succession de chocs majeurs dans la période récente (la pandémie de Covid en 2020, puis la hausse des prix de l'énergie, entamée en 2021 et amplifiée par l'invasion de l'Ukraine en 2022), l'analyse des liasses fiscales précitée indique qu'à fin 2022 les entreprises françaises continuaient de résister. En 2022, la valeur ajoutée a ainsi progressé sensiblement malgré la hausse du prix des intrants. La trésorerie s'est érodée mais est restée à des niveaux élevés (supérieur à ceux d'avant crise sanitaire). Les fonds propres se sont renforcés et la rentabilité a bien résisté. L'analyse des cotations Banque de France, qui mesure la capacité des entreprises à honorer leurs engagements financiers à horizon de trois ans, indique que leur capacité de remboursement est également préservée à fin 2022.

En réponse au choc inflationniste, la politique monétaire s'est normalisée en 2022 puis resserrée en 2023, avec le relèvement par la BCE de ses taux directeurs. Ceci a mécaniquement entraîné des hausses des coûts de financement des sociétés non financières. Néanmoins, si la croissance du crédit bancaire se modère, elle reste soutenue et demeure essentiellement tirée par sa composante investissement. Les demandes de crédit de trésorerie et d'investissement restent stables mais globalement bien satisfaites. Concernant les perspectives économiques pour la France, la Banque de France anticipe en octobre 2023 une croissance pour 2023 plus élevée que la prévision de juin 2023, suivie par une reprise plus progressive (avec une hypothèse de croissance pour 2024, à 0,9 %, inférieure à la prévision du Gouvernement, à 1,4 %). L'économie française parviendrait donc à sortir progressivement de l'inflation sans récession, même si un contexte international peu favorable peut peser sur la reprise.

II. LES CRÉDITS DES AUTRES PROGRAMMES DE LA MISSION NE SONT PAS AFFECTÉS PAR LES EFFETS DE LA CRISE SANITAIRE ET S'INSCRIVENT DANS LA DYNAMIQUE CONSTATÉE CES DERNIÈRES ANNÉES

A. LES PRIORITÉS DU PROGRAMME 145 SONT DAVANTAGE PORTÉES PAR LES DÉPENSES FISCALES QUI LUI SONT ATTACHÉES QUE PAR LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES OCTROYÉS EN LOI DE FINANCES

1. Des crédits budgétaires qui poursuivent leur baisse...

Le programme 145 « Épargne » se compose de deux actions :

l'action 01 - Épargne logement, qui porte plus de 99,9 % des crédits du programme. Ces crédits correspondent aux primes que peuvent obtenir, sous certaines conditions (date d'ouverture et souscription d'un prêt épargne logement), les détenteurs d'un compte épargne-logement (CEL) ou d'un plan d'épargne logement (PEL) ;

l'action 02 - Instrument de financement du logement, qui retrace l'intervention de l'État au niveau des prêts du secteur aidé géré par le Crédit foncier et des prêts conventionnés contrôlés par la SGFGAS (Société de gestion des financements et de la garantie de l'accession sociale à la propriété). Ce dispositif est en voie d'extinction.

Le tableau ci-dessous illustre la poursuite de la diminution des crédits attribués au programme, qui s'explique principalement par l'utilisation des produits d'épargne logement non plus comme un outil d'accession à la propriété mais comme un outil d'épargne. Un second effet devrait jouer à plus long-terme, la suppression de la prime pour les produits ouverts à compter du 1er janvier 2018. Cette trajectoire baissière, qui devrait s'inscrire dans la durée, demeure toutefois conditionnée au comportement des épargnants. Le dispositif de prime est en effet une dépense de guichet, le nombre de PEL ou de CEL bénéficiaires et le montant global des primes à payer n'étant pas contingentés.

Évolution des crédits du programme 145

(en crédits de paiement et en millions d'euros)

 

LFI 2022

LFI 2023

PLF 2024

Évolution 2024/2023

Épargne logement

60,13

59,11

70,77

19,7 %

Instrument de financement du logement social

0,08

0,1

0,3

200 %

Total

60,21

59,21

71,10

20,1 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

2. ... et des dépenses fiscales dont le coût ne cesse de progresser, à l'inverse de leur évaluation

À l'instar des années précédentes, force est de constater que ce sont moins les crédits budgétaires que les dépenses fiscales qui portent les politiques publiques attribuées au programme 145. La Cour des comptes avait par le passé attiré l'attention sur la diversité des moyens consacrés aux politiques publiques de l'État, en particulier ceux autres que le budget général, et qui faisaient généralement l'objet d'un moindre suivi35(*). Le programme 145 est particulièrement représentatif de cette tendance : le coût des 31 dépenses fiscales rattachées au programme 145 serait égal à 6,92 milliards d'euros dans le PLF 2024.

B. L'ACCOMPAGNEMENT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AYANT SOUSCRIT DES EMPRUNTS TOXIQUES, PAR LE BIAIS DU PROGRAMME 344, CONTINUE

Le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque » a été créé en loi de finances pour 2014 pour accompagner les collectivités territoriales ayant souscrit à des prêts dits « toxiques ». Il est aujourd'hui en voie d'extinction.

Le fonds est à la fois financé par l'État (environ 85 millions d'euros) et par le secteur bancaire, par le biais d'une taxe additionnelle à la taxe systémique36(*), qui devrait représenter près de 100 millions d'euros en 2024, comme en 2023. À ces crédits de paiement s'ajoutent, sous la forme de fonds de concours, 11,5 millions d'euros en provenance de la société de financement local et de sa filiale la Caisse française de financement local (10 millions d'euros), ainsi que de Dexia (1,5 million d'euros), toutes trois non assujetties à la taxe systémique. Le montant total des crédits de paiement proposés dans le présent projet de loi de finances s'élève à 187,67 millions d'euros, soit une hausse de 0,1 % par rapport à la LFI 2023 (185,85 millions d'euros). Il correspond à l'échéancier établi pour les décaissements du fonds, avec une hypothèse maximaliste sur le taux de recours.

La programmation et l'exécution de ces crédits n'appellent pas de remarque particulière, aucune difficulté de gestion n'ayant été remontée.

DEUXIÈME PARTIE
LES COMPTES SPÉCIAUX

I. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS ET AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS » : UNE MOBILISATION MOINDRE QU'EN 2023

A. UN PÉRIMÈTRE STABILISÉ EN 2024

Le compte de concours financiers (CCF) « Prêts et Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » retrace neuf catégories d'organismes bénéficiaires d'avances :

- sur le programme 821, les avances à l'Agence de services et de paiement (ASP) au titre du préfinancement des aides de la politique agricole commune. Ces avances sont généralement d'une durée très courte, en tout cas inférieure à un an ;

- sur le programme 823, les avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics, dont font partie par exemple l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, la Cité de la musique ou encore les chambres de commerce et d'industrie. Pour 2024, un montant de 100 millions d'euros est de nouveau prévu pour FranceAgrimer afin de répondre aux crises agricoles demandant la mise en place de dispositifs d'urgence. 10 millions d'euros sont par ailleurs ouverts pour l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (8,8 millions d'euros en 2023). Des crédits plafonnés à 100 millions d'euros sont enfin prévus au titre de la réserve d'urgence pour répondre à des besoins de trésorerie imprévus et limités (montant stable par rapport à 2023) ;

- sur le programme 824, les prêts et avances à des services de l'État, qui se résument en réalité exclusivement aux prêts et avances octroyés au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (Bacea). Pour 2024, 238,2 millions d'euros de crédits sont ouverts ;

- sur le programme 825, les avances à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) au titre de l'indemnisation des victimes du Benfluorex, destinées à couvrir l'indemnisation des victimes du Benfluorex (Médiator) si les Laboratoires Servier refusaient d'y accéder. En 2024, le montant de crédits ouverts s'établit à 15 millions d'euros. Aucune avance n'a encore été demandée. Si cela fait maintenant cinq ans que ces avances ne sont pas utilisées, leur inscription en loi de finances initiale répond à un principe de précaution. En 2017 par exemple, les Laboratoires Servier avaient refusé de payer les indemnisations pour deux dossiers et l'Oniam les avait assignés en justice ;

- sur le programme 826, les prêts aux exploitants d'aéroports touchés par la crise de covid- 19 au titre des dépenses de sûreté-sécurité, créé par la troisième loi de finances rectificative (LFR) pour 202037(*). Les avances correspondantes, renommées prêts en LFI 2023, visent à compenser la chute des recettes de la taxe d'aéroport, acquittée par les compagnies aériennes et affectée au financement des dépenses de sûreté-sécurité. Versés en 2020, 2021 et 2022 à respectivement 86, 84 et 62 exploitants, elles ont une durée maximale de 10 ans, la première échéance de remboursement devant intervenir en 2024. Comme en 2023, aucun crédit n'est prévu en 2024 au regard des perspectives de retour du trafic aérien à son niveau de 2019 ;

- sur le programme 827, les prêts destinés à soutenir Île-de-France Mobilités à la suite des conséquences de l'épidémie de la covid- 19, créé par la quatrième loi de finances rectificative pour 202038(*). L'avance, renommée « prêt » à partir de 2023, a été octroyée pour une durée maximale de 16 ans, avec une première échéance de remboursement en 2023. Comme en 2023, aucun crédit n'est prévu en 2024 ;

- sur le programme 828, les prêts destinés à soutenir les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) à la suite des conséquences de l'épidémie de la covid- 19, également créé par la quatrième LFR pour 2020. Encore une fois, ce programme qui ne prévoyait initialement que des avances, se limite désormais aux prêts. Si la date de remboursement ne peut être ultérieure au 1er janvier 2031 et la durée de remboursement inférieure à six ans39(*), les AOM bénéficiaires peuvent toutefois choisir, dans le respect de ces conditions, de ne commencer à rembourser les avances qu'au moment où les recettes tarifaires et le versement mobilité sont revenus à leur niveau moyen pour les années 2017 à 2019 (clause dite de « retour à meilleure fortune »). Comme en 2023, aucun crédit n'est ouvert en 2024 ;

- sur le programme 829, les prêts destinés au financement des infrastructures de transports collectifs du quotidien de la métropole d'Aix-Marseille-Provence, créé par la loi de finances pour 202240(*). Les avances correspondantes, également renommées prêts en LFI 2023, visent à permettre à l'État de contribuer au financement du volet « transports » du plan « Marseille en Grand » dont le pilotage est assuré par le groupement d'intérêt public Aix-Marseille-Provence Mobilité. Aucun prêt n'a été effectué, mais 100 millions d'euros avaient été ouverts en crédit de paiement pour 2023. Compte tenu de l'annonce par le Président de la République à l'été 2023 du doublement du montant du volet subvention du Plan Marseille en Grand (de 256 millions d'euros à 500 millions d'euros), il n'est pas prévu de versement d'avance par ce programme ni en 2023 ni en 2024. En conséquence, aucun crédit n'est ouvert en 2024 ;

- sur le programme 830, les prêts à FranceAgriMer au titre du préfinancement des aides européennes, créé par la loi de finances initiale pour 2023. Il vise à sécuriser les modalités de financement du Fonds social européen (FSE+) dans le cadre du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 et permettrait d'autoriser le préfinancement sous forme de prêts de l'Agence France Trésor des dépenses engagées par France AgriMer au titre de l'aide alimentaire. En effet, au début de chaque programmation des fonds européens, FranceAgriMer est amené à préfinancer des aides européennes avant un remboursement par l'Union européenne qui peut être tardif - cela a été le cas à de nombreuses reprises dans le cadre du CFP 2013-2020 en raison de difficultés de trésorerie du Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD), elles-mêmes dues à la reprise, à un rythme insuffisant des appels de fonds auprès de la Commission européenne pour obtenir le remboursement des campagnes annuelles précédentes. Pour tenir compte de ces décalages, les prêts seraient sollicités pour une durée de cinq à six ans. 70 millions d'euros de crédit sont prévus pour 2024 (contre 100 millions d'euros en 2023).

B. UN COMPTE MOINS MOBILISÉ EN 2024 QU'EN 2023

Au 31 décembre 2022, le montant résiduel des « avances » octroyées depuis la création du compte s'élevait à 6,40 milliards d'euros.

Les avances - en réalité des prêts comme en témoigne la nouvelle dénomination du CCF - sur le programme 828 ont toutes été engagées en 2020, mais des avances sur le programme 827, visant également à soutenir les autorités organisatrices de la mobilité côté Île-de-France, ont également été engagées fin 2021, à hauteur de 800 millions d'euros et pour 15 ans. Comme en 2022, aucun prêt n'est prévu pour ces deux programmes en 2023.

S'agissant du programme 826, dédié aux exploitants d'aéroports, l'avance complémentaire de 250 millions d'euros de crédits votée en loi de finances pour 2021 pour pallier les prévisions toujours dégradées du produit de la taxe d'aéroport, du fait d'un trafic aérien encore inférieur à son volume pré-crise sanitaire, a bien été utilisée dans le cadre de 84 conventions conclues du 6 août 2021 au 21 décembre 2021. Les crédits votés à hauteur de 150 millions d'euros en loi de finances pour 2022 ont également tous été utilisés dans le cadre de 62 conventions, conclues entre le 17 mai 2022 et le 18 juillet 2022. Comme en 2022, aucun prêt n'est prévu en 2023.

A contrario, les programmes 821, 823 et 825 présentent une dotation en crédits indépendante des effets de la crise sanitaire.

Évolution des dépenses, des recettes et du solde entre 2023 et 2024

(en crédits de paiement et en millions d'euros)

 

2022 (exécution)

LFI 2023

PLF 2024

Évolution 2024 / LFI 2023

Dépenses

[821] Avances à l'Agence de services et de paiement

8 081,1

10 000,0

10 000,0

0,0 %

[823] Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics

95,0

228,8

210,0

- 8,22 %

[824] Avances à des services de l'État

352,0

256,6

238,2

- 7,17 %

[825] Avances à l'Oniam

0

15,0

15,0

0,0 %

[826] Avances41(*) / Prêts42(*) aux exploitants d'aéroports

149,9

0

0

0,0 %

[827] Avances remboursables1 / Prêts2 destinés à soutenir Ile-de-France Mobilités

0

0

0

0,0 %

[828] Avances remboursables1 / Prêts2 destinés à soutenir les autorités organisatrices de la mobilité

0

0

0

0,0 %

[829] Prêts destinés au financement des infrastructures de transports collectifs du quotidien de la métropole d'Aix-Marseille-Provence

0

100,0

0

- 100,0 %

[830] Prêts à FranceAgriMer au titre des préfinancements de fonds européens

N/A

100,0

70,0

- 30,0 %

Total des dépenses

8 677,9

10 700,4

10 533,2

- 1,56 %

 

Recettes

[821] Avances à l'Agence de services et de paiement

8 081,1

10 000,0

10 000,0

0,0 %

[823] Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics

57,7

186,4

313,3

68,1 %

[824] Avances à des services de l'État

332,0

367,2

382,4

 

[825] Avances à l'Oniam

0

15,0

15,0

0,0 %

[826] Avances aux exploitants d'aéroports

0,1

0

78,5

N/A

[827] Avances remboursables destinées à soutenir Ile-de-France Mobilités

0

30,0

30,0

0,0 %

[828] Avances remboursables destinées à soutenir les autorités organisatrices de la mobilité

16,7

0

0

N/A

[829] Prêts destinés au financement des infrastructures de transports collectifs du quotidien de la métropole d'Aix-Marseille-Provence

0

0

0

N/A

[830] Prêts à FranceAgriMer au titre des préfinancements de fonds européens

N/A

0

0

N/A

Total des recettes

8 487,5

10 598,6

10 819,2

2,1 %

 

Solde du compte de concours financiers

- 190,4

- 101,8

286,0

N/A

Note : la mention N/A correspond aux années pour lesquelles le programme considéré n'existait pas ou aux statistiques non pertinentes (calculs avec des dénominateurs nuls ou de signe différent).

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Sur le volet « dépenses », et dans le présent PLF, la normalisation du compte de concours financiers semble se confirmer, y compris pour les programme 829 et 830 concernant les avances et prêts accordés à la métropole d'Aix-Marseille-Provence et à FranceAgriMer, dont les crédits diminuent respectivement de 100 % et 30 %. Cette normalisation se traduit par un rétablissement du solde, attendu en excédent de 286 millions d'euros en 2024, contre un déficit de près de 102 millions d'euros en prévision pour 2023 et 190 millions en 2022.

II. À L'INSTAR DES ANNÉES PRÉCÉDENTES, LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « ACCORDS MONÉTAIRES INTERNATIONAUX » N'EST PAS DOTÉ DE CRÉDITS

Le compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux » n'est plus abondé depuis plusieurs années, du fait des niveaux de réserves importants détenus par les banques centrales concernées et, par conséquent, de la faible probabilité d'un appel en garantie de l'État pour assurer la convertibilité des monnaies de la Zone franc43(*). Il ne fait d'ailleurs plus l'objet de documents annuels de performances.

Bien que non doté en crédits, ce compte ne peut être supprimé puisqu'il constitue le pendant budgétaire des accords de coopération monétaires passés entre la France et 7 pays africains, dans le cadre de la Zone franc.

 

Pays

Unité monétaire

Parité fixe

Union monétaire d'Afrique centrale (UMAC)

Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad

Franc CFA émis par la Banque des États de l'Afrique centrale (XAF)

1 euro = 656 XAF

 

Union des Comores

Franc comorien émis par la Banque centrale des Comores (KMF)

1 euro = 492 KMF

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Pour mémoire, la loi n° 2021-108 du 3 février 202144(*) a autorisé l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements des États membres de l'Union monétaire ouest-africaine (UMOA), qui réunit le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et Togo.

Le nouvel accord, signé le 21 décembre 2019 à Abidjan, a mis fin à l'obligation faite à la Banque centrale des États d'Afrique de l'Ouest de centraliser au moins 50 % de ses réserves de change auprès du Trésor45(*), tout en maintenant les piliers de la coopération monétaire entre la France et l'UMOA, à savoir la parité fixe avec l'euro et la garantie de convertibilité illimitée et inconditionnelle apportée par la France46(*).

En conséquence, la garantie de change ne bénéficie plus à la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), dont le compte d'opérations auprès du Trésor français a été clôturé en avril 2021.

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » n'ont pas été modifiés par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 8 novembre 2023, sous la présidence de M. Thierry Cozic, vice-président, la commission a examiné le rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial, sur la mission « Engagements financiers de l'État » et les comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

M. Thierry Cozic, président. - Nous examinons maintenant le rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial sur les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », et les comptes de concours financiers « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » et « Accords monétaires internationaux ».

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ». - Nous examinons la mission « Engagements financiers de l'État » qui a pour socle le chiffre un peu effrayant d'un peu plus de 3 000 milliards d'euros de dette publique dont 2 560 milliards d'euros pour la dette de l'État en 2024. Malheureusement, d'année en année, cette mission se présente de manière de plus en plus douloureuse car elle traduit la nécessité de payer le coût de l'accoutumance à une dépense publique non maîtrisée et à des comptes publics non équilibrés - le rapporteur général Jean-François Husson l'a souligné dans sa présentation du tome I du rapport général sur le projet de loi de finances pour 2024 et j'indique à mon tour que le Gouvernement poursuit sa politique du « quoi qu'il en coûte ». En conséquence, l'alourdissement de la charge de la dette depuis 2022 devrait se confirmer et s'amplifier à nouveau l'année prochaine avec un endettement qui dépasse le seuil symbolique de 3 000 milliards d'euros.

Le fait nouveau est que l'absence de maîtrise de la dépense publique est dorénavant couplée aux effets de l'inflation et de la remontée des taux d'intérêt : la dette a donc plus que jamais un coût qui porte désormais les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » au rang de deuxième poste de dépenses du budget de l'État après la mission « Enseignement scolaire », en crédits de paiement, hors CAS Pensions et Remboursements et dégrèvements. Si la trajectoire des finances publiques devait poursuivre sa dérive, ces crédits pourraient devenir le premier poste de dépenses du budget de l'État d'ici 2027avec, en comptabilité nationale, environ 84 milliards d'euros d'intérêts de la dette pour l'ensemble des administrations publiques selon les prévisions du Haut Conseil des finances publiques, ce qui correspond à peu près au produit de l'impôt sur le revenu ; je précise ici que la seule prise en compte du montant des charges d'intérêt s'explique par le fait que la mission ne fait pas apparaitre les remboursements en capital puisque cette dette n'est malheureusement pas amortissable.

Pour 2024, les crédits de la mission devraient s'élever à 54,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 60,8 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Si ces montants connaissent une stabilisation apparente par rapport à 2023, avec une diminution de 0,61 % en CP, soit 370 millions d'euros, ils se maintiennent donc à un niveau historiquement élevé. Pour mémoire, je rappelle que ces crédits ont augmenté de plus de 35 % en 2022 en CP, soit une hausse spectaculaire de 15,8 milliards d'euros par rapport à 2021. Ce que j'avais, dans un autre cadre, dénoncé depuis plusieurs années s'est donc malheureusement réalisé avec un bond de plus d'un tiers en une seule année

C'est ainsi à « l'arithmétique déplaisante » de l'alourdissement de la charge de la dette de l'État que je consacrerai l'essentiel de mon propos. Je reviendrai ensuite sur le sujet des appels en garantie au titre des prêts garantis par l'État (PGE), avant de conclure sur la situation des comptes spéciaux rattachés à la mission.

Nous sommes aujourd'hui sortis de l'insouciance de la fin de la décennie 2010 où s'est exercé l'effet quasi anesthésiant des taux qui diminuaient chaque année en permettant d'emprunter moins cher et il est vrai qu'on a constaté pendant un certain nombre de budgets une baisse du coût de cette dette. En effet, la maturation moyenne des prêts est d'environ 8 ans et lorsqu'on empruntait en fin d'échéance pour renouveler la dette, on bénéficiait de conditions plus favorables. Le temps où l'État pouvait emprunter à taux très bas ou négatifs est cependant révolu. Désormais, chaque euro d'endettement supplémentaire a un prix croissant. Les taux auxquels l'État se finance ont enregistré une forte hausse sur les deux dernières années : tous instruments confondus, à l'exception des titres indexés, l'État a émis sa dette en moyenne à - 0,3 % en 2021, à 1,0 % en 2022 et, pour les 10 premiers mois de 2023, à 3,1 %. Pour avoir mené un certain nombre d'auditions auprès de l'Agence France Trésor, la Banque de France, de spécialistes en valeurs du Trésor tels que la Société Générale et la Deutsche Bank, ainsi que d'analystes d'agence de notation, je signale que tous s'accordent à dire que le niveau des taux d'intérêt longs au voisinage de 3 % devrait perdurer dans les prochaines années, ce qui validerait l'hypothèse d'un coût de la dette représentant le premier poste du budget de l'État d'ici 2027.

Les crédits liés à la gestion de la dette devraient ainsi s'élever à 50,86 milliards d'euros en 2024. Si ce montant marque une stabilisation provisoire par rapport au chiffre retenu dans le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 (PLFFG 2023), à 54,65 milliards d'euros, il augmente sensiblement par rapport à la LFI 2023, de 1 milliard d'euros (+ 1,8 %). En incluant la dette de SNCF Réseau reprise par l'État (800 millions d'euros), la charge de la dette représenterait donc 51,7 milliards d'euros en 2024, soit 8,9 % des dépenses du budget général, contre 8 % en loi de finances pour 2022 et 10,8 % en loi de finances pour 2023. Je vous laisse imaginer les marges de manoeuvres que représenteraient ces 51,7 milliards d'euros si on pouvait les allouer aux infrastructures, à l'éducation ou à la sécurité, et je me limite ici aux sujets abordés pendant les questions d'actualité qui viennent d'avoir lieu ce mercredi.

J'ai indiqué que la charge de la dette connaîtrait en 2024 une « stabilisation provisoire » par rapport à 2023, révisé suivant le projet de loi de finances de fin de gestion. Je ne saurais trop souligner l'adjectif « provisoire ». En effet, la diminution de la charge de la dette prévue par le Gouvernement pour 2024, de 3,8 milliards d'euros par rapport à 2023, s'explique essentiellement par le reflux attendu de l'inflation, pour un effet favorable de - 7,2 milliards d'euros.

Cependant, cet effet inflation devrait progressivement être supplanté par un effet taux, désormais défavorable avec la remontée des taux d'intérêt et qui s'est déjà traduit, entre 2022 et 2023 révisé, par un surcroît de charge budgétaire de + 6,8 milliards d'euros. Cette remontée des taux d'intérêt fait suite au resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) entamé en juillet 2022 et qui s'est poursuivi jusqu'à un dernier relèvement des taux directeurs en septembre 2023, le taux de la facilité de dépôt étant désormais fixé à 4 %. S'ajoute un effet volume en augmentation, avec + 3,3 milliards d'euros entre 2023 révisé et 2024, qui s'explique par l'augmentation de l'encours de la dette négociable, lui-même héritage d'un niveau de dépenses publiques trop élevé et non maîtrisé.

Comme je l'ai rappelé en introduction de mon propos, l'encours de la dette négociable de l'État devrait dépasser 2 560 milliards d'euros en 2024. Depuis 2018, cet encours a augmenté de plus de 45 % : il s'élevait alors à 1 760 milliards d'euros. Je fais observer que dans sa présentation au Sénat du projet de loi de finances pour 2018, retracée par le compte rendu analytique que j'ai relu ce matin, le ministre Bruno Lemaire avait plusieurs fois répété la formule « c'est fini » pour annoncer la fin des dérives - endettement et déficits excessifs - des comptes publics de la France. Or l'augmentation de 45 % de l'encours de la dette depuis 2018 va très au-delà de l'effet imputable au « quoi qu'il en coûte » lié au Covid : on paye également ici sans doute l'absence de stratégie pour la maîtrise de la dépense publique.

De plus, dans le contexte macroéconomique incertain que nous connaissons, les hypothèses optimistes sur lesquelles le Gouvernement fonde ses projections pourraient être remises en cause. Je mentionne ici l'exacerbation des tensions géopolitiques causée par le conflit au Proche-Orient qui, selon les modélisations de la Direction générale du Trésor, pourrait se traduire par une augmentation sensible du prix du baril de pétrole, ce qui pourrait aboutir à des impacts significatifs sur l'inflation et plus encore sur le solde primaire. Les conséquences potentielles sur le déficit primaire pourraient ainsi aller de 0,0 % en année 1 et 0,1 % en année 2 dans le cas d'une hausse du prix du baril de 8 %, à 0,3 % en année 1 et 1,2 % en année 2 pour une hausse du prix du baril de 66 %. Le pire n'étant pas toujours sûr, l'impact reste néanmoins contenu pour le moment avec un prix du baril oscillant autour de 90 dollars.

S'agissant du périmètre de la mission, je souhaiterais, d'une part, saluer une avancée partielle et, d'autre part, souligner un artifice budgétaire persistant.

L'avancée partielle, c'est l'intégration à la mission « Engagements financiers de l'État » du programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État », précédemment rattaché à la mission « Écologie ». En effet, l'extraction de la charge de la dette de SNCF Réseau en dehors de la mission « Engagements financiers de l'État » était source de confusion, en ce qu'elle alimentait un doute sur les crédits que devait consacrer l'État à la charge de la dette. S'il convient donc de saluer cette avancée, on peut regretter que le Gouvernement n'ait pas retenu l'option consistant à supprimer le programme 355 et le mécanisme spécifique institué pour la reprise de la charge de la dette de SNCF Réseau, afin de réunir dans un programme unique, le programme 117, les crédits alloués à la charge de la dette assumée par l'État.

L'artifice budgétaire persistant, c'est le maintien du programme 369 «Amortissement de la dette de l'État liée à la covid- 19 », avec 6,5 milliards d'euros en CP ouverts pour 2024. Aucun argument économique ou budgétaire ne justifie l'isolement de la « dette covid », les recettes fiscales supplémentaires pouvant tout aussi bien servir à réduire le déficit budgétaire courant. Le Gouvernement cherche simplement à donner l'impression qu'il « gère la dette » alors que le maintien de sa politique du « quoi qu'il en coûte » et son absence totale de maîtrise de la dépense publique prouvent le contraire. Dans le même sens que l'initiative portée par notre collègue Claude Raynal pour les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » destinés à l'amortissement de la « dette covid », je proposerai donc d'amender les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » afin de supprimer le programme 369.

J'en viens aux crédits dédiés aux appels en garantie de l'État, dont le montant devrait diminuer en 2024 mais qui continuent de nécessiter une forte vigilance dans le contexte économique incertain que nous connaissons. Les crédits du programme 114 « Appels en garantie de l'État » connaissent en 2024 une baisse significative de 26 % et passent de 2,58 milliards d'euros à 1,90 milliard d'euros. Rappelons à cet égard que la baisse attendue de la sinistralité des garanties instituées pendant la crise sanitaire devrait même se traduire par une annulation de 491 millions d'euros (en AE et en CP) dans le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023.

Concernant plus particulièrement les prêts garantis par l'État (PGE et PGE Résilience), la direction générale du Trésor m'a tenu avant-hier soir en audition des propos rassurants mais une grande vigilance me semble s'imposer, notamment dans certains secteurs. La presse économique indique par exemple ce matin que de nombreuses petites entreprises du secteur de la micro-brasserie, très fragilisées par l'augmentation de leurs charges - surtout de leurs factures d'énergie -, risquent de ne pas pouvoir rembourser leurs prêts. Globalement, les décaissements d'appels en garantie anticipés pour 2024 s'élèvent à 1,4 milliard d'euros, soit une diminution de 500 millions d'euros par rapport à la prévision de la LFI 2023. À fin juillet 2023, le capital restant dû sur les PGE s'élève à 76,5 milliards d'euros, soit 53 % du montant total octroyé.

Certes il n'y a pas eu de sinistre important à ce stade mais 53 % du montant des PGE doit donc encore être remboursé. À cet égard, la situation en termes de besoins de trésorerie des entreprises apparaît globalement maîtrisée, mais plusieurs secteurs présentent des vulnérabilités. Nous risquons ainsi d'entrer dans une période plus difficile et restons attentifs au niveau de défaillances d'entreprises qui sera rencontré l'année prochaine.

Je conclurai mon propos par quelques mots sur les comptes spéciaux rattachés à la mission, à savoir les comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

Comme pour les années précédentes, le compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux » n'est pas doté de crédits pour 2024. Quant au compte de concours financiers « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », celui-ci se stabilise en périmètre et continue sa normalisation, y compris pour les programme 829 et 830 concernant les avances et prêts accordés à la métropole d'Aix-Marseille-Provence et à FranceAgriMer. Cette évolution permet ainsi la poursuite du rétablissement du solde de ce compte, attendu en excédent de 286 millions d'euros en 2024, contre un déficit de près de 102 millions d'euros en prévision pour 2023 et 190 millions en 2022.

Sur la base de ces différents constats, je vous propose donc d'adopter les crédits ainsi modifiés de la mission « Engagements financiers de l'État » ainsi que les crédits des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics. »

En conclusion, le Gouvernement a bénéficié d'un épisode extraordinaire de taux d'intérêt négatifs : ceux-ci ont joué un rôle anesthésiant et permis de justifier toujours plus de dépenses budgétaires puisque la dette coutait moins. Cette période est révolue et laisse place à une inexorable montée en puissance du coût de la dette. Je pense que les Français n'ont pas encore pleinement conscience du fait que l'équivalent du montant de l'impôt sur le revenu, soit environ un quart des recettes fiscales, pourrait à terme servir simplement à payer les intérêts de notre dette. Voilà pour mon analyse de cette situation sur laquelle nous n'avons guère de moyens d'action à ce stade, si ce n'est de la constater.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Je partage à titre personnel et avec au moins la majorité sénatoriale l'analyse du rapporteur spécial. Celle-ci n'est pas nouvelle et repose sur des constats devenus malheureusement récurrents. Le tableau le plus frappant figure dans la note qui nous a été distribuée : il retrace l'évolution de l'encours de la dette négociable de l'État depuis 2018 et sa pente ascendante contraste de façon surprenante avec l'intention initialement affichée de réduction de cet endettement.

Je me souviens effectivement qu'à l'automne 2020, quand nous avions évoqué le risque de devoir faire face au mur de la dette, le ministre de l'Économie et des Finances nous avait aimablement renvoyés dans nos buts en nous expliquant qu'il fallait profiter des taux négatifs. Sans contester cette réalité, nous avions fait observer qu'en cas de retournement de la conjoncture - ce qui n'était alors pas à exclure - et même en l'absence de hausse de taux, le réveil serait douloureux. Comme je l'ai indiqué ce matin, compte tenu de la situation critique de nos finances publiques, je ne comprends pas la poursuite du « quoi qu'il en coûte » : on en redemande, dans une forme de fuite en avant. Je rappellerai en séance publique le caractère extrêmement préoccupant de cette dépendance et le refus d'y apporter des soins pour une désintoxication. À un certain moment, l'opinion pourrait, un peu comme dans le cas de la taxe carbone, avoir le sentiment de faire l'objet d'une vaste duperie et je pense qu'il est de notre responsabilité d'envoyer des messages d'alerte : il ne s'agit pas de susciter des inquiétudes excessives mais ne pas dire la vérité nous expose à mon avis à des réveils douloureux. Face à la montée d'expressions de plus en plus radicales que nous percevons tous dans notre pays, nous avons un devoir de vérité et même d'honnêteté. Ne pas présenter un constat objectif est un mauvais calcul.

Bien entendu, je suivrai les préconisations du rapporteur spécial ainsi que la mesure de sincérisation budgétaire proposée.

Mme Christine Lavarde. - J'adresserai deux questions au rapporteur spécial. Tout d'abord, l'Italie essaye aujourd'hui d'orienter l'épargne des Italiens vers l'achat de titres de dette nationale, ce qui laisse craindre un effet d'éviction pour le financement des investissements du secteur privé. En comparaison, quel regard portez-vous sur la politique d'émission de la dette française, certains critiquant le fait que la dette française est en grande partie détenue par des non-résidents, ce qui nous expose à une dépendance vis-à-vis des choix de ces derniers plutôt qu'à la volonté des épargnants de notre pays ?

En second lieu, vous avez indiqué que le taux d'émission moyen de la dette de l'État avoisine 3,1 %, ce qui est très inférieur aux niveaux proposés aux collectivités territoriales, y compris à celles qui ont une situation financière très satisfaisante, avec un désendettement continu depuis 10 ans et un niveau de dette par habitant très inférieur à celui de la dette de l'État français : pourtant ces collectivités se voient proposer des taux quasiment supérieurs, d'un point de base supplémentaire. Pouvez-vous expliquer cette différence ?

Par ailleurs, je m'interroge sur le programme 829 « Prêts destinés au financement des infrastructures de transports collectifs du quotidien de la métropole d'Aix-Marseille-Provence » qui peut bénéficier à des collectivités locales. Quel est l'avantage pour une collectivité de bénéficier d'un prêt accordé par l'État plutôt que par un prêteur classique : le taux est-il inférieur ? Je me demande également quelles collectivités pourraient demain bénéficier d'un élargissement du périmètre de ce programme 829 au moment où on constate une augmentation des besoins de financement locaux en matière d'infrastructures.

M. Marc Laménie. - À mon tour de remercier notre rapporteur spécial pour sa présentation qui complète opportunément celle du président Claude Raynal sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». Ma première demande de précision porte sur le programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid 19 » et plus particulièrement sur l'échéancier de cette dette : de quel montant annuel s'agit-il ? En second lieu, les 51,7 milliards d'euros de charge de la dette prévus pour 2024 sont calculés en incluant la dette de SNCF Réseau : peut-on prévoir le calendrier de diminution de cette dernière alors même que SNCF Réseau doit poursuivre ses importants efforts d'investissement ?

M. Stéphane Sautarel. - Je m'interroge sur le reflux des intérêts de la dette dans le PLF pour 2024 : on constate une légère hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 2023 mais une baisse d'un peu plus de 3,8 milliards d'euros par rapport au projet de loi de finances de fin de gestion. Je comprends que l'inflation peut en partie expliquer cette baisse mais l'affichage de celle-ci me semble encore troubler la pédagogie dont on essaie de faire preuve sur l'accroissement de ce poste de dépenses dont la trajectoire doit aboutir à l'échéance 2027 à un montant qui, de mémoire, avoisinerait 84 milliards d'euros pour la dette de l'ensemble des administrations publiques, en comptabilité nationale. Je crains là aussi les faux-semblants ou une estimation dont la sincérité pourrait soulever des interrogations. Je me demande si cette baisse est bien liée à la prévision d'inflation du Gouvernement pour 2024 car j'avais compris qu'en 2023 on enregistrerait les conséquences de l'inflation mais pas encore l'effet de l'augmentation des taux tandis qu'à partir de 2024 l'effet cumulé - taux et inflation - s'exercerait : d'où mon interrogation.

M. Claude Raynal. - Quelques mots à propos de cette mission dont on peut d'abord regretter le périmètre : en effet, il s'agit d'une mission limitée à la constatation de dépenses liées à la problématique de la dette. Pour lui donner une dimension plus politique, et conformément à l'intitulé de cette mission qui se nomme « Engagements financiers de l'État », on aurait pu y intégrer les données relatives aux investissements de long terme. Nous examinons donc une mission de nature comptable et gestionnaire alors qu'on pourrait imaginer de lui donner une vision prospective et structurante pour la préparation de l'avenir. En l'absence de données sur les moyens de financement des multiples projets d'investissement, cette mission a un caractère « défensif » et non pas stratégique.

D'autre part, je note, comme cela a été dit ce matin, que l'augmentation de la charge de la dette de 15 milliards d'euros en 2023 est en grande partie imputable - à hauteur de 13 milliards d'euros selon l'Insee - à l'impact de la hausse de l'inflation. L'essentiel de la hausse est donc liée aux titres indexés sur l'inflation, qui représentent aux alentours de 10 % du montant total de la dette, mais qui ont aujourd'hui une incidence considérable : je comprends bien que cette hausse a un lien avec les taux d'intérêt actuels mais le facteur principal de dégradation réside bien dans ces titres indexés.

Au final, je ne peux qu'approuver l'amendement présenté par le rapporteur spécial mais le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain que je représente aura une vision négative qui le conduira à rejeter les crédits de cette mission.

M. Grégory Blanc.- Dans le prolongement des propos précédents, je crois qu'il ne faut faire de la dette ni un totem ni un tabou. Nous savons que notre pays doit financer un important stock d'investissements pour adapter notre pays et atténuer les chocs auxquels nous allons être confrontés. Le principal sujet est bien évidemment la soutenabilité de la dette actuelle qui ne s'inscrit pas dans une trajectoire qui va permettre de financer ce stock d'investissements, faute de politique suffisamment volontariste.

Pouvez-vous préciser le taux moyen du stock de la dette et dispose-t-on d'une trajectoire pluriannuelle de son évolution ? Je note qu'on est certes sortis des taux d'intérêts négatifs nominaux mais les taux d'intérêt réels restent négatifs. L'exposé présenté ce matin montre qu'à l'horizon 2027, on risque de conserver des taux d'intérêt élevés tandis que l'inflation reculerait ; il en résulterait un « effet ciseaux » au moment même où il va falloir investir massivement pour adapter notre pays aux chocs environnementaux.

M. Michel Canévet. -Comme notre collègue Stéphane Sautarel, je suis un peu étonné de l'évolution en 2024 du niveau de la charge de la dette car il me semblait qu'on était sur une tendance extrêmement croissante qui conduirait en 2027 à ce que cette charge de la dette devienne le premier poste de dépenses du budget de de l'État. La situation me semble paradoxale parce qu'on continue à emprunter de façon massive, ce qui devrait se traduire par une augmentation de la charge d'intérêt à rembourser.

Le rattachement de la dette de SNCF Réseau à la mission « Engagements financiers de l'État » m'amène à demander au rapporteur spécial si d'autres composantes de la dette apparaissent dans des missions budgétaires distinctes de celle que nous examinons, empêchant ainsi d'avoir une vision globale de la situation de l'endettement réel de l'État et des autres administrations publiques.

Ma troisième question concerne les prêts garantis par l'État dont on constate qu'environ la moitié de l'encours a aujourd'hui été remboursée. Le niveau des risques potentiels est-il connu sur les PGE restants ? De plus, est-on en mesure d'évaluer, au cours des trois années passées, le coût réel pour l'État des PGE ? Y en a-t-il beaucoup qui n'ont pas été remboursés ? Inversement, je note par exemple que le soutien accordé à Air France a été bénéfique pour les comptes de l'État grâce aux intérêts qui lui ont été versés par la compagnie aérienne.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - Tout d'abord, s'agissant de la question de Christine Lavarde qui a évoqué la politique italienne tendant à « domestiquer », en quelque sorte, sa dette publique : je rappelle d'abord que traditionnellement on indiquait que la dette française était détenue à hauteur d'un tiers par les résidents français, un tiers par les Européens et un tiers par les résidents étrangers hors Union européenne. Cependant, ces proportions ont évolué car la politique de déversement de liquidités par la BCE, à travers la Banque de France pour notre pays, a conduit notamment les banques et les investisseurs institutionnels français à acquérir de plus en plus de titres de dette si bien qu'aujourd'hui on est plutôt sur un partage de moitié entre la dette domestique et la dette détenue par des non-résidents. Schématiquement, retenez donc que la dette française est pour moitié détenue par les Français à travers différents produits d'épargne. Il est difficile de porter un jugement sur l'effet d'éviction de la dette publique à l'égard de l'investissement privé mais en tout état de cause la dette française est moins exposée qu'avant aux créanciers non-résidents. En particulier, des produits comme les obligations assimilables du Trésor (OAT) à 10 ans indexées sur l'inflation sont très demandés par la Caisse des dépôts et consignations ainsi que par les assureurs-vie pour garantir sécurité et rendement aux épargnants.

Vous vous demandez ensuite pourquoi une collectivité emprunte à des conditions plus onéreuses - environ 100 points de base - que l'État. J'y vois plusieurs raisons : la première qui vient à l'esprit est que les créanciers pensent que le crédit de l'État, même si celui-ci est moins bien noté qu'une collectivité, est assis sur l'épargne générale des Français, ce qui constitue une « super garantie ». La seconde raison, plus technique, tient à la liquidité de la dette. Il ressort des auditions de l'Agence France Trésor et des spécialistes en valeurs du Trésor que la dette française est très liquide et très diversifiée, avec des produits à 50 ans, trois jours ou six mois. De fait, les investisseurs recherchent souvent la possibilité de revendre leurs titres de dette sur un vaste marché secondaire ; or il est vraisemblable que la dette de telle ou telle commune se négocie moins facilement que la dette française sur le marché secondaire qui est très animé. Les transactions sont quotidiennes sur des produits à taux fixes ou variables et les émissions sont réalisées très régulièrement. C'est donc grâce à cette liquidité de marché que l'État emprunte moins cher que des collectivités qui pourtant et paradoxalement peuvent avoir une meilleure signature ; j'ajoute que celles-ci sont soumises à des ratios d'endettement, c'est-à-dire à une « règle d'or » à laquelle l'État ne s'astreint pas.

Enfin, le programme 829 me parait plutôt relever de l'affichage. Crée par la loi de finances pour 2022, il est destiné au financement des infrastructures de transports collectifs de la métropole d'Aix-Marseille. Aucun crédit n'y est ouvert en 2024 tandis que 100 millions d'euros ont été alloués en 2023 mais il semblerait qu'il n'y ait pas beaucoup de dépenses. N'espérez donc pas trop pouvoir financer les infrastructures locales de transport avec ce programme 829 qui n'est pas doté de crédits en 2024 et qui relève plutôt à mon avis de l'ornement budgétaire.

Grégory Blanc a soulevé la question essentielle de la soutenabilité de la dette et du niveau des taux d'intérêt réels, c'est-à-dire des taux d'intérêt nominaux corrigés de l'inflation. À cet égard, on peut également apprécier la soutenabilité de la dette au regard de l'écart entre taux d'intérêt et croissance : je vous invite à vous référer au tableau figurant page 22 du projet de rapport écrit qui retrace la période pendant laquelle l'endettement public a pu bénéficier de taux d'intérêt nominaux inférieurs au taux de croissance nominale, c'est-à-dire le taux de croissance incluant l'inflation. Selon les projections, le ralentissement de l'inflation conjugué au maintien de taux relativement élevés renverse la situation avec des taux d'intérêt réels positifs, ce qui renforce les inquiétudes sur le coût et la soutenabilité de la dette.

En réponse à Marc Laménie, je précise tout d'abord que la notion d'amortissement de la « dette covid » présente un caractère artificiel car il est extrêmement difficile de déterminer le périmètre de cette dernière. Plutôt que d'isoler cette « dette covid » en se demandant s'il faudrait y inclure les dépenses de santé et de soutien aux entreprises, nous étions favorables à l'intégration de cette dette dans l'endettement général de l'État.

En second lieu, nous avons salué le fait que l'État reprenne la dette de SNCF Réseau qui de toute façon est, au final, garantie par l'État. Je précise qu'il s'agit de la reprise de la dette antérieure de SNCF Réseau et que cette comptabilisation n'a pas d'influence sur les financements futurs qui seront alloués aux investissements considérables dont notre pays a besoin. Mais c'est un autre sujet qui fera l'objet d'un débat spécifique pendant l'examen du projet de loi de finances.

Michel Canévet s'est d'abord interrogé sur le périmètre global de la dette : je précise que sur les quelques 3000 milliards d'euros de dette publique, 2 560 milliards d'euros relèvent de l'État et le reste est essentiellement constitué par la dette sociale qui a théoriquement vocation à s'éteindre. La dette sociale est, elle aussi, gérée par l'Agence France Trésor avec des conditions de financement qui sont un peu moins favorables que celle de l'État - à quelques points de base près.

S'agissant des PGE, à ce stade aucun sinistre majeur n'est intervenu mais le Trésor a rappelé en audition que plus de 70% des entreprises ont choisi d'amortir les PGE sur une durée maximale et donc de les rembourser très lentement, ce qui appelle à la vigilance. Les grandes entreprises comme Air France qui ont contracté des montants de prêts très importants ne suscitent pas d'inquiétudes particulières mais un certain nombre de petites entreprises - comme les micro-brasseries que j'ai évoquées - ayant bénéficié d'un peu de trésorerie grâce aux PGE sont fragilisées et certaines risquent de fermer. Cela ne va sans doute pas représenter des montants considérables pour l'État : les pertes nettes dues aux PGE sont évaluées pour 2024 à 1,330 milliard d'euros, contre 1,372 milliard d'euros en 2023. Concrètement, en cas de défaillance de l'entreprise, les banques font appel à la garantie de l'État qui, au final, éteint la dette avec une sorte de « ticket modérateur » de 10 % restant à la charge de la banque. J'ajoute que, dans certains cas, les PGE ont pu renforcer la trésorerie d'entreprises qui n'étaient pas viables à long terme ou qui ont par la suite subi l'impact de facteurs exogènes comme l'augmentation du coût des matières premières ou de l'énergie. On peut également signaler le risque de défaillances dans le secteur du bâtiment qui a, comme les autres, bénéficié de ces prêts.

Notre collègue Stéphane Sautarel s'est interrogé sur la baisse de la charge de la dette prévue pour 2024. Elle est très largement due à l'effet de l'inflation car environ 10 % des OAT sont indexés sur la hausse des prix et, l'inflation étant aujourd'hui moins forte, il s'ensuit une baisse provisoire du coût de cette indexation d'une partie de la dette. Cette baisse sera malheureusement compensée dans les prochaines années par l'augmentation des taux d'intérêt, puisque ces derniers continuent à se maintenir à un niveau élevé, à quoi s'ajoute un effet volume car notre pays va, cette année, emprunter le montant record de 285 milliards d'euros. L'augmentation des besoins de financement de l'État et le maintien d'un niveau élevé de taux d'intérêt vont donc contrecarrer les effets de la diminution provisoire de la charge de la dette que permet le recul de ses composantes indexées sur l'inflation.

Claude Raynal a regretté que cette mission « Engagements financiers de l'État » se ramène à une mission de constat et le rapporteur spécial que je suis a bien conscience des capacités de proposition limitées offertes par l'examen de ces crédits. Comme vous, je fais des constats et le premier d'entre eux est que, sur tous les bancs, personne ne peut aujourd'hui se satisfaire que d'ici environ trois ans, le premier poste du budget de l'État devienne celui qui alimente la charge de la dette. Ensuite les divergences porteront sans doute sur les chemins permettant de réduire les déficits, certains privilégiant les réductions de dépenses et d'autres l'augmentation des prélèvements obligatoires. Cependant le constat que l'on peut faire collectivement est que l'État continue à s'endetter lourdement dans un contexte où la baisse des taux qui a facilité la tâche des gouvernements est terminée : personne, au cours des auditions que j'ai menées, n'a d'ailleurs envisagé un reflux des taux d'intérêt à 1 % ou 0 %, principalement en raison de la fin de la politique accommodante de la BCE. Cela signifie qu'il faut s'habituer à des taux élevés qui vont se traduire inexorablement par un coût élevé de la charge de la dette qui atteindra environ le quart de nos recettes fiscales.

Pour résumer en une phrase ma position sur ces crédits, je rappelle que s'agissant du stock de la dette, il faut reconnaitre que beaucoup d'États sont endettés même si la France l'est sans doute un peu plus que les autres. L'élément nouveau qui commence à poindre réside dans le coût de cette dette : après avoir été pendant longtemps un poste d'ajustement facilitateur des budgets en déficit, la charge de la dette va devenir l'un des postes les plus lourds du budget de l'État et dépasser celui de l'Éducation ou de la Défense ainsi que d'autres missions tout à fait essentielles de l'État.

C'est donc à regret que je vous invite à adopter ces crédits modifiés par l'amendement que je vous soumets.

M. Thierry Cozic, président. - Merci Monsieur le rapporteur spécial ; je vous laisse présenter votre amendement.

Article 35

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - L'amendement n°  II-1 (FINC.1) vise à supprimer le programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 », créé par la loi de finances initiale pour 2022 et maintenu dans la mission « Engagements financiers de l'État » pour 2024. Il s'agit de s'opposer à ce qui m'apparait comme un artifice comptable et que le Président Claude Raynal a également considéré comme tel.

L'amendement n°  II-1 (FINC.1) a été adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » sous réserve de l'adoption de son amendement.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » tels que modifiés par son amendement et d'adopter, sans modification, les crédits des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Agence France Trésor

- M. Antoine DERUENNES, directeur général ;

- M. Mathieu MARCEAU, chef du bureau Trésorerie.

Direction générale du Trésor

- M. Armel CASTETS, sous-directeur du financement des entreprises et du marché financier par intérim - FINENT ;

- M. Clément ROBERT, chef du bureau du financement et du développement des entreprises - FINENT2.

Banque de France

- Mme Marie-Laure BARUT-ETHERINGTON, directrice générale adjointe de la direction générale des statistiques, des études et de l'international ;

- Mme Caroline JARDET, cheffe du service d'études des politiques de finances publiques ;

- Mme Véronique BENSAID-COHEN, conseillère parlementaire.

Société Générale, banque spécialiste en valeurs du Trésor

- M. Olivier DE BOYSSON, chef économiste ;

- M. Olivier VION, managing director, responsable de la syndication dette souveraine ;

- M. Stéphane GIORDANO, direction des affaires publiques.

Deutsche Bank, banque spécialiste en valeurs du Trésor

- M. Emmanuel DUCLOS, managing director, dirigeant effectif de la succursale de Paris et responsable de Deutsche Bank France ;

- Mme Anne-Sophie BEAUMONT ANTOGNOLI, managing director, responsable de l'activité DCM origination.

Standard & Poor's Global Ratings

- M. Sylvain BROYER, chef économiste, Europe, Moyen-Orient et Afrique ;

- M. Rémy CARASSE, directeur, notations souveraines ;

- M. Gerben DE NOORD, chargé de mission affaires règlementaires, Europe, Moyen-Orient et Afrique.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2024.html


* 1 Hors remboursements et dégrèvements.

* 2 L'article 123 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose qu'il « est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées «banques centrales nationales», d'accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l'Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres; l'acquisition directe, auprès d'eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite ». Concrètement, la Banque de France ayant l'interdiction d'autoriser l'État à être en découvert, le compte unique du Trésor doit toujours être positif en fin de journée.

* 3 Article 92 de la loi n°2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 4 L'aide au remboursement est apportée dans la limite d'un taux maximal de 75 % des indemnités de remboursement anticipé, auquel s'ajoute un taux complémentaire maximal de 5 % pour les situations les plus graves.

* 5 Les cinq angles sont les suivants : le système de contrôle des opérations et des procédures internes, l'organisation comptable et du traitement de l'information, les systèmes de mesure des risques et des résultats, les systèmes de surveillance et de maîtrise des risques, et enfin le système de documentation et d'information.

* 6 D'après les informations figurant dans le projet annuel de performances de la mission « Engagements financiers de l'État » annexé au projet de loi de finances pour 2023 et les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.

* 7 Article 58 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

* 8 Avis n° 444 (2019-2020) de M. Albéric de MONTGOLFIER, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 mai 2020 sur le projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de covid-19.

* 9 Ordonnance n° 2020-1496 du 2 décembre 2020 relative à la centralisation des disponibilités de certains organismes au Trésor et prise en application de l'article 58 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

* 10 Décret n° 2021-29 du 14 janvier 2021 relatif à la centralisation des disponibilités de certains organismes au Trésor et au régime des dérogations à l'obligation de dépôt au Trésor.

* 11 Le Fonds de garantie des dépôts et de résolution, l'IFP-Énergies nouvelles, le Commissariat à l'énergie atomique, France Compétences, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, Pôle Emploi, l'Institut de France et ses académies, l'Institut national de l'audiovisuel, la Monnaie de Paris, l'EPIC Bpifrance, le Conseil économique, social et environnemental, les autorités publiques indépendantes, l'Agence française d'expertise technique internationale et l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.

* 12 Estimation hors rapatriement de la trésorerie de Pôle Emploi. Un arrêté ministériel doit en effet venir fixer les conditions de dépôt des fonds de Pôle Emploi.

* 13 Si on rapporte cet encours nominal au PIB, on constatera qu'il a encore davantage diminué, du moins jusqu'en 2019.

* 14 Selon les réponses apportées au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial, « l'effet calendaire est la variation du coût budgétaire des opérations d'émission et de rachats de titres à moyen et long terme l'année où elles ont lieu. Cette variation retrace les différences entre les dates, les volumes et les taux des opérations conduites les deux années ».

* 15 Chiffres obtenus en utilisant le déflateur du PIB, et retenus par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2024 : Avis n° HCFP-2023-8 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2024, 22 septembre 2023.

* 16 Le taux apparent de la dette publique mesure le rapport entre le montant de la charge de la dette au titre d'une année N et le stock de dette de l'année N-1.

* 17 « Finances publiques : une inflation qui rapporte ? », billet de blog d'Agnès Bénassy-Quéré, cheffe économiste de la Direction générale du Trésor, 5 juillet 2022.

* 18 Insee, Information Rapide, n° 250, 29 septembre 2023.

* 19 Rapport sur la dette des administrations publiques 2024.

* 20 Banque mondiale, Commodity Markets Outlook. Under the Shadow of Geopolitical Risks, octobre 2023.

* 21 « La gestion de la dette publique et l'efficience du financement de l'État par l'Agence France Trésor », Cour des comptes. Communication à la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale, février 2022.

* 22 Rapport sur la dette des administrations publiques 2024.

* 23 Il s'agit des primes à l'émission. Pour une description détaillée de ce dispositif, se reporter à l' annexe 13 « Mission Engagements financiers de l'État » du rapporteur spécial Jérôme BASCHER, dans le rapport général n° 138 (2020-2021) fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2021, par M. Jean-François HUSSON.

* 24 Chiffre définitif.

* 25 Chiffre définitif.

* 26 D'après le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023.

* 27 Compte général de l'État. Annexe au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour l'année 2022.

* 28 Le rapporteur spécial avait consacré un plus ample développement aux agences de notation dans le cadre de l' annexe 13 « Mission Engagements financiers de l'État » du rapporteur spécial Jérôme BASCHER, dans le rapport général n° 138 (2020-2021) fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2021, par M. Jean-François HUSSON.

* 29 Il s'agirait toutefois d'un Pacte de stabilité et de croissance réformé, dont le contenu n'est pas encore connu au moment de l'écriture de ce rapport. Il serait notamment question de l'introduction d'un seuil intermédiaire de dette publique de 90 % du PIB.

* 30 Haut Conseil des finances publiques. Avis n° HCFP-2023-8 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2024, 22 septembre 2023.

* 31 Lois organique n° 2020-991 et ordinaire n° 2020-992 du 7 août 2020 relatives à la dette sociale et l'autonomie.

* 32 Annexe 13 « Mission Engagements financiers de l'État » du rapporteur spécial Jérôme BASCHER, du rapport général n° 163 (2021-2022) fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2022.

* 33 Les crédits ouverts sur le programme 369 alimentent le programme 732 du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », qui alimente en retour la Caisse de la dette publique.

* 34 Dispositif de PGE spécifique mis en place pour les entreprises ayant un besoin significatif de trésorerie en raison des conséquences économiques du conflit en Ukraine.

* 35 Cour des comptes, Le budget de l'État en 2019 (résultats et gestion), 28 avril 2020.

* 36 Article 26 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

* 37 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 38 Loi n° 2020-1473 du 30 novembre 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 39 Sauf accord du bénéficiaire.

* 40 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021de finances pour 2022.

* 41 Jusqu'en 2022.

* 42 À partir du PLF 2023.

* 43 Pour une discussion détaillée des principes de fonctionnement de la Zone franc, se reporter au rapport d'information n° 729 (2019-2020) de Mme Nathalie Goulet et M. Victorin Lurel, fait au nom de la commission des finances, déposé le 30 septembre 2020.

* 44 Loi n° 2021-108 du 3 février 2021 autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements des États membres de l'Union monétaire ouest-africaine.

* 45 Dans les faits, il arrivait fréquemment que cette part soit dépassée.

* 46 Pour une présentation détaillée du contenu, du contexte et des conséquences de ce nouvel accord de coopération, se reporter au rapport n° 289 (2020-2021) de M. Jérôme Bascher, sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre la France et l'UMOA, fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 janvier 2021.

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