D. ADAPTER LES LYCÉES PROFESSIONNELS AUX ENJEUX DU MONDE PROFESSIONNEL, UNE RÉFORME ÉVALUÉE À 1 MILLIARD D'EUROS

En 2023, 627 100 élèves sont scolarisés dans le second degré professionnel (hors apprentissage, représentant environ 300 000 élèves supplémentaires). La hausse de la proportion des élèves scolarisés en CAP a contribué à ralentir la dynamique du nombre d'élèves scolarisés dans la voie professionnelle, dont les effectifs sont restés relativement stables au cours des années.

Effectifs des formations professionnelles depuis 1995

(en nombre d'élèves)

Source : commission des finances, État de l'école 2022

Toutefois, un quart des élèves de CAP (et 8 % de ceux en baccalauréat professionnel) ne sont ni employés ni en poursuite d'études six mois après leur diplôme. Afin de lutter contre ce constat, que le rapporteur spécial considère comme alarmant, la voie professionnelle fait l'objet à la rentrée d'une réforme d'ampleur afin de mieux adapter l'offre d'enseignement aux besoins de l'économie réelle, ce dont le rapporteur spécial se félicite.

Situation des sortants en 2021 de lycée professionnel en janvier 2022,
6 mois après la fin de formation

(en %)

Source : commission des finances d'après la DEPP

Dès la rentrée 2022, 12 nouveaux diplômes avaient été mis en oeuvre, parmi lesquels des baccalauréats professionnels (modélisation et prototypage 3D, accompagnement soins et services à la personne, etc.), des mentions complémentaires (encadrement secteur sportif) ou encore l'unité facultative secteur sportif du baccalauréat professionnel. À la rentrée 2023, ce sont 80 nouvelles formations d'avenir, visant à accueillir 1 050 élèves, qui ont été ouvertes. Le rapporteur spécial, s'il se félicite de la création de filières adaptées à la demande actuelle, insiste sur le fait qu'elle doit nécessairement aller de pair avec la fermeture des formations non insérantes, sous peine de maintenir dans certains secteurs des formations archaïques pour un nombre d'élèves parfois extrêmement faible.

En outre, les enseignants en lycée professionnel, peuvent, au-delà des possibilités ouvertes aux enseignants de la voie générale (remplacement de courte durée, appui à la prise en charge d'élèves à besoins particuliers, stages de réussite...), exercer des missions spécifiques dans le cadre du Pacte enseignant. Il s'agit de l'enseignement et l'accompagnement dans les périodes post-bac professionnel et de l'enseignement complémentaire en groupes d'effectifs réduits (pour une part fonctionnelle de 24 heures annuelles). Contrairement au second degré général et technologique, un pacte « complet » en lycée professionnel peut comporter jusqu'à six parts fonctionnelles. En conséquence, les missions « classiques » sont rémunérées 1 250 euros bruts par an, celles spécifiques à la voie professionnelle le sont davantage, pour un montant pouvant aller jusqu'à 7 500 euros bruts par an par professeur (6 786 euros nets). D'après les informations transmises au rapporteur spécial, à la fin septembre 2023, près d'un enseignant sur trois était engagé dans le Pacte en lycée professionnel.

Si ces efforts spécifiques à la voie professionnelle doivent être valorisés, ils ne permettront pas de répondre à la carence récurrente de professeurs en lycée professionnels, en particulier dans certaines filières. Ainsi, en 2022 et 2023, le nombre d'admis au concours d'enseignant était respectivement inférieur de 492 et 462 au nombre de postes ouverts, contre - 273 en 2021. Cela correspond à près d'un quart des postes ouverts non pourvus (1 925 postes ouverts pour 1 490 enseignants recrutés).

Si ce constat n'est pas propre à la voie professionnelle, l'augmentation des recrutements par le troisième concours, ouvert notamment aux contractuels déjà enseignants, n'a pas permis d'endiguer la crise. L'enseignement professionnel, et ses nombreuses spécialités, doit donc constituer un point d'attention spécifique dans l'analyse de la crise de recrutement des enseignants.

Le ministère de l'Éducation nationale met en avant un coût total de la réforme d'un milliard d'euros annuel à compter de 2024. Il est cependant difficile de confirmer ce chiffre, les crédits étant partagés entre a minima six missions budgétaires. Mises à part les rémunérations des personnels de la voie professionnelle, les moyens nouveaux accordés à la réforme par le biais de la mission « Enseignement scolaire » sont limités à la gratification des stages en lycée professionnel.

À partir de la rentrée 2023, tous les lycéens professionnels bénéficient d'une gratification pour les stages effectués en milieu professionnel dont le montant varie en fonction du niveau de formation de l'élève : 50 euros par semaine en première année de CAP ou en seconde de baccalauréat professionnel ; 75 euros en seconde année de CAP ou en première de baccalauréat professionnel et enfin 100 euros hebdomadaires en classe de terminale. En revanche, face à l'opposition générale, le Gouvernement a renoncé à mettre en place un doublement des périodes obligatoires de stage en entreprise pour les lycéens en voie professionnelle.

En conséquence, le coût « visible » de la réforme est d'environ 400 millions d'euros par an pour le ministère de l'Éducation nationale. Ainsi, ce montant est-il prévu pour l'année 2024 au titre de la gratification versée aux lycéens professionnels pendant leur période de stage, dont 323 millions d'euros consacrés aux lycéens professionnels de l'enseignement public et 77 millions d'euros dans l'enseignement privé sous contrat. S'y ajoutent 10 millions d'euros destinés à financer les modules optionnels des lycées situés en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV). Ces modules seront assurés par des intervenants extérieurs à compter de la rentrée 2023.

Enfin, 2 100 bureaux des entreprises, soit un par établissement, doivent être mis en place dès la rentrée 2023 pour renforcer les liens entre le lycée professionnel et les entreprises de son territoire. Si les responsables de ces bureaux devront faire l'objet de recrutements spécifiques, et ont déjà commencé à être recrutés dans certains rectorats, rien n'est indiqué dans les documents budgétaires sur leur prise en charge et par conséquent sur leur coût.

La réforme de la voie professionnelle constitue un enjeu central pour des enseignements encore trop peu valorisés. Le rapporteur spécial sera très attentif aux premières évaluations de la réforme et à son déploiement au cours de la prochaine année scolaire.

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