II. L'AFFECTATION D'UNE FRACTION DE TVA, VERS DU PROVISOIRE QUI DURE ?

A. QUEL MODE DE FINANCEMENT POUR L'AUDIOVISUEL PUBLIC APRÈS 2024 ?

1. L'affectation d'une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée au financement de l'audiovisuel public doit prendre fin en 2024

Acquittée par près de 23 millions de foyers et 80 000 entreprises, le montant de la CAP (138 euros en métropole et 88 euros en outre-mer), en principe indexé sur l'inflation, était gelé depuis 2018. Prélèvement peu dynamique - le nombre de foyers l'acquittant se réduisant chaque année - et ne reflétant plus les nouveaux usages en matière de consommation audiovisuelle, la CAP était appelée à être profondément modifiée afin de tenir compte de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales en 2023, sur laquelle elle était adossée.

L'article 6 de la première loi de finances rectificative pour 202224(*) a supprimé, dès 2022, la contribution à l'audiovisuel public (CAP). Aux termes de la nouvelle rédaction de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 de finances pour 2006, la dotation affectée par l'État à l'audiovisuel public est constituée d'une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) déterminée chaque année par la loi de finances de l'année. Ce montant était fixé par l'article 120 de la loi de finances pour 2023 à 3,815 milliards d'euros, versée sur le compte de concours financiers.

À l'initiative du Sénat, l'article 6 de la loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 prévoit que l'affectation d'une fraction du produit de TVA au financement de l'audiovisuel public devra prendre fin au 31 décembre 2024.

Il s'agit, de la sorte, de respecter la nouvelle rédaction de l'article 2 de la loi organique relative aux lois de finances telle qu'issue de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques (article 3). Celle-ci prévoit en effet, à compter de la loi de finances pour 2025, que pour un tiers (hors organismes de sécurité sociale ou collectivités territoriales) bénéficiant déjà d'une affectation de taxe, celle-ci ne peut être maintenue que si elle est en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. Or le lien entre consommation et audiovisuel public apparaît difficile à étayer.

Il y a d'ailleurs déjà lieu de s'interroger sur le fait que jusqu'en 2025, les sociétés de l'audiovisuel public soient, en quelque sorte, placées au même niveau que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale, également récipiendaires d'une fraction du produit de la TVA.

2. Une maquette budgétaire qui ne respecte pas la LOLF

La budgétisation qu'avait proposée le Gouvernement dans le cadre du premier projet de loi de finances rectificative pour 2022 devait aboutir à la clôture du compte de concours financiers le 31 décembre 2022. Cette suppression permettait de lever le doute sur la compatibilité de son utilisation à LOLF.

La Cour des comptes avait, en effet, relevé, dans sa note d'exécution budgétaire publiée en mai 201625(*), que le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » ne respectait pas, dans sa forme actuelle, les principes afférents aux comptes spéciaux, tels que prévus par l'article 24 de la LOLF.

Aux termes de celui-ci, les comptes de concours financiers doivent, en effet, retracer les prêts et avances consentis par l'État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. Les opérations doivent se solder, en cours d'année, par le versement d'intérêts qui auraient vocation à alimenter le budget général en tant que recettes non fiscales ou en fin d'année, par le remboursement du principal venant en recette du compte de concours financiers. Ces comptes sont, par ailleurs, dotés de crédits limitatifs26(*).

Les dépenses du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » ne constituent pas, cependant, des avances à proprement dit mais plutôt des dotations. Le compte n'est, en outre, pas équilibré par les remboursements des sociétés mais par une part du produit de la taxe sur la valeur ajoutée.

En outre, la création du programme 848, qui rassemble les crédits dédiés à l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public, devrait être contraire à l'article 2 de la LOLF. Il est également contraire au III de l'article 53 de la loi de 1986 qui prévoit que le Parlement « approuve la répartition entre les organismes affectataires des ressources publiques ». Dans la mesure où la répartition ne peut s'entendre qu'au niveau des programmes, il s'agit d'une fragilisation supplémentaire de la conformité du compte de concours financiers à la loi organique.


* 24 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 25 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2015 du compte de concours financiers Avances à l'audiovisuel public, mai 2016.

* 26 Sauf s'il s'agit de comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs

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