B. LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LES MOYENS DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT

1. La réponse du Gouvernement aux difficultés des préfectures reste à ce stade relativement limitée

Si la Cour des comptes, dans son rapport sur les effectifs de l'administration territoriale de l'État, salue l'effort réalisé par le Gouvernement en termes de stabilisation des effectifs pour le réseau territorial de l'État, indiquant qu'elle « offre une respiration nécessaire aux services de l'État territorial », elle s'inquiète de ce que « le défaut d'attractivité constaté de certaines régions et sur certaines fonctions [pourraient limiter] les bénéfices attendus de la préservation des postes, dans un contexte d'accélération des départs à la retraite. »

Ainsi, comme le relève la Cour des comptes, « la direction du budget préconise à ce titre de privilégier une « gestion active des carrières », c'est-à-dire le levier statutaire, au levier indemnitaire, plus coûteux. »

Le schéma d'emploi pour 2024 du programme 354 est positif, à hauteur de + 232 ETP, « dont 101 ETP affectés au renforcement des préfectures et sous-préfectures, 9 ETP pour le conseil supérieur de [l'appui territorial et de l'évaluation], 77 ETP dédiés aux experts de haut niveau placé auprès des préfets et 45 ETP dédiés au renforcement des plateformes régionales chargées des ressources humaines. »

Alors que le programme 354 représente près de 30 000 emplois, cette évolution demeure d'une ampleur très limitée au regard des enjeux.

Ainsi, la traduction sur le plan budgétaire de la promesse de réarmement de l'État territorial est sans commune mesure avec les très nombreux défis auxquels l'administration territoriale de l'État devra faire face au cours des prochaines années.

Il est indispensable de proportionner les moyens octroyés à l'administration territoriale de l'État avec les objectifs qui lui sont fixés, sans quoi les missions ne pourront être remplies. Nullus tenetur ad impossibile, à l'impossible nul n'est tenu.

2. La priorisation des missions, un chantier en trompe l'oeil

Le document « Missions prioritaires des préfectures 2022-2025 », de septembre 202226(*), revient sur les différentes missions des préfectures :

- assurer le pilotage stratégique et opérationnel des crises et des politiques de sécurité ;

- moderniser le contrôle de légalité ;

- adapter l'organisation des services en charge des élections ;

- renforcer la lutte contre la fraude dans le cadre de la délivrance de titres sécurisés ;

- accompagner l'ensemble des missions liées à l'entrée et au séjour des étrangers en France, en particulier en concentrant les efforts sur le séjour et en accentuant l'effort sur l'éloignement ;

- renforcer le rôle des services chargés de la coordination des politiques publiques ;

- mieux conseiller les porteurs de projets ;

- accroître le recours à l'expertise des services déconcentrés ;

- professionnaliser l'accueil dans les préfectures ;

- améliorer la coordination de la préfecture avec les autres services d'accueil du public de proximité.

Ces priorités reprennent en réalité la quasi-totalité des missions des préfectures. Seules manquent à l'appel les visites officielles, dont on conçoit mal une quelconque remise en cause, et la sécurité routière qui apparaitra, plus tard dans le rapport, parmi les « quatre blocs de missions fondamentales de la direction ou du service des sécurités » devant être réaffirmés.

Ainsi, le document « Missions prioritaires des préfectures 2022-2025 » se contente de qualifier de missions prioritaires l'ensemble des missions des préfectures.

Non que la rapporteure spéciale remette en cause le caractère primordial de ces différentes missions, mais plutôt considère-t-elle qu'il est nécessaire d'avoir un discours univoque :

- ou bien les préfectures doivent prioriser leurs missions et à ce titre celles qui sont les moins importantes auront vocation à abonder en moyens et en emplois celles qui sont jugées prioritaires ;

- ou bien toutes les missions doivent être garanties au même titre et il est indispensable de conforter en urgence les effectifs et les moyens du réseau préfectoral.

Compte tenu des nombreuses difficultés des préfectures, le renfort de moins d'une centaine d'ETP proposé par le présent PLF ne saurait suffire à apporter une réponse crédible à cette situation.


* 26 Missions prioritaires des préfectures pour la période 2022-2025, 27 septembre 2022.

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