II. LES OBSERVATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

A. LA RÉFORME PARAMÉTRIQUE ENTRÉE EN VIGUEUR LE 1ER SEPTEMBRE 2023 NE SE TRADUIT PAS PAR UNE RÉDUCTION EN 2024 DES CRÉDITS DE LA MISSION

1. La réforme des retraites de 2023 n'entrera pas en vigueur avant le 1er janvier 2025 pour les régimes de la SNCF et de la RATP

Les deux principaux régimes de la mission, au regard du montant de la subvention d'équilibre versée chaque année, sont le régime de la SNCF et celui de la RATP (cf supra).

Si ces deux régimes sont désormais fermés, respectivement depuis le 1er janvier 2020 et depuis le 1er septembre 2023, ils continuent de gérer des affiliés qui cotisent selon les règles spécifiques applicables au régime et qui seront amenés à liquider leur pension au regard des règles de ces régimes à la date de leur liquidation.

Par conséquent, la question de l'inclusion des régimes spéciaux dans le périmètre d'application des réformes paramétriques des retraites a, y compris lorsque les régimes spéciaux sont fermés, une incidence financière pour l'État dès lors que l'équilibre financier des régimes concernés est assuré chaque année par le versement d'une subvention d'équilibre.

La loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale14(*), qui a mis en oeuvre une réforme paramétrique pour le système de retraite entrée en vigueur dès le 1er septembre 2023, n'est pas entrée immédiatement en vigueur pour les régimes de la SNCF et de la RATP.

Le Gouvernement a fait le choix de reporter au 1er janvier 2025 la date d'entrée en vigueur, pour ces deux régimes, de la transposition des décalages paramétriques progressifs prévus par la réforme en matière d'âge d'ouverture des droits (AOD) et de durée d'assurance requise (DAR).

Pour la SNCF, l'entrée en vigueur de la réforme se traduira par le passage progressif à un âge de départ à la retraite fixé à 59 ans en 2034 pour le cas général et à 54 ans en 2034 pour les agents de conduite.

Pour la RATP, l'âge de départ à la retraite sera porté à 59 ans pour les générations nées à partir de 1975 et ayant effectué 27 ans de service dans un « tableau A »15(*). L'âge de départ à la retraite sera porté à 54 ans pour les générations nées à partir de 1980 et ayant effectué 27 ans de service dans un « tableau B »16(*).

Par conséquent, la réforme paramétrique de 2023 reste sans incidence sur les règles de ces deux régimes d'ici à 2025.

Pour le régime de la RATP, l'effet financier de la fermeture restera limité pendant les premières années, du fait du stock des pensionnés et des affiliés qui resteront gérés par la caisse de retraite du personnel de la RATP. Les coûts induits par la fermeture, qui correspondent aux cotisations des nouveaux agents qui seront versées au régime général, sont estimés à 0,7 million d'euros en 2023 et à 12 millions d'euros en 2024 par la caisse.

La rapporteure spéciale relève que le choix du Gouvernement de repousser l'échéance de l'entrée en vigueur de sa réforme paramétrique est à la charge du budget général, qui devra intégralement compenser le maintien en vigueur pendant une plus longue durée des règles dérogatoires des régimes spéciaux de la RATP et de la SNCF.

La rapporteure spéciale relève également à cet égard que la fermeture de ces deux régimes ne signifie en aucun cas l'arrêt immédiat de l'activité de leur gestionnaire, comme l'illustre le fait que la caisse de retraite du personnel de la RATP estime à 2116 la date d'extinction du régime de la RATP. Les gestionnaires de ce régime seront par surcroît confrontés dans les années à venir à la question de la portabilité des droits sociaux des agents de la RATP, dans le cadre de l'ouverture progressif à la concurrence des activités de transport et du transfert de ces agents à d'autres organismes.

2. La réforme des retraites de 2023 est sans incidence sur le régime de retraite des marins

Le régime de retraite des marins répond à des règles très spécifiques qui visent à tenir compte de la pénibilité particulière associé au temps de service en mer et de l'importance de la concurrence internationale dans les secteurs économiques qui nécessitent d'employer des gens de mer.

Du fait de leur spécificité, les règles de ce régime n'ont pas été modifiées par la réforme paramétrique de 2023 mise en oeuvre par la loi du 14 avril 202317(*) de financement rectificative de la sécurité sociale.

La réforme n'a donc pas eu d'incidence financière ni sur le régime ni sur le montant de la subvention d'équilibre qui sera versée par l'État en 2024.

La rapporteure spéciale estime qu'étant donnée les paramètres particuliers pris en compte pour le calcul des pensions du régime des marins, une éventuelle réforme ne pourrait pas prendre la forme d'un alignement sur le régime général.

Pour autant, le choix fait par le législateur de maintenir un régime spécial pour les marins ne saurait se traduire par une inertie des règles de ce régime qui sont largement perfectibles. La rapporteure spéciale rappelle à ce titre les recommandations formulées dans son rapport d'information précitée de 2022 relatives à la modernisation des fonctions prévues par le régime et à la prise en compte de la notion de temps de mer pour le calcul des droits à pension des marins.

3. La nouvelle maquette budgétaire du programme 195 renforce la lisibilité du soutien du budget de l'État aux régimes spéciaux

Sous réserve des observations sur le nouveau schéma de financement des régimes spéciaux fermés déficitaires, détaillées infra, la rapporteure spéciale se félicite de l'adoption d'une nouvelle maquette budgétaire pour la mission qui intègre aux crédits du programme 195 les dotations d'équilibre versées chaque année aux régimes de retraite de la culture, celui de l'Opéra national de Paris et celui de la Comédie Française, qui était auparavant retracés dans le programme 131 de la mission « Culture ».

La rapporteure spéciale avait plusieurs fois recommandé cette évolution de la maquette budgétaire18(*) et elle estime qu'elle intervient à un moment opportun, étant donné le choix du législateur de ne pas remettre en cause le caractère autonome et dérogatoire de ces régimes qui n'ont pas été fermés dans le cadre de la réforme des retraites de 202319(*).


* 14 v. L. n°2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

* 15 Le « tableau A » correspond aux agents de maintenance.

* 16 Le « tableau B » correspond aux opérateurs de la RATP, soit notamment les machinistes et les conducteurs.

* 17 v. L. n°2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

* 18 cf., par exemple, Sénat, commission des finances, 17 novembre 2022, n°115 (2022-2023), Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2023, tome III, annexe n°25, au rapport de Mme Sylvie Vermeillet.

* 19 v. L. n°2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

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