N° 196

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 décembre 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
visant à
faciliter la mobilité internationale des alternants,
pour un «
Erasmus de l'apprentissage »,

Par Mme Patricia DEMAS,

Sénatrice

Procédure de législation en commission,

en application de l'article 47 ter du Règlement

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) :

576, 1179 et T.A. 115

Sénat :

598 (2022-2023) et 197 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

La proposition de loi lève certains freins au développement de la mobilité internationale des apprentis, encore trop limitée, notamment par la création d'un droit d'option entre la mise en veille du contrat et la mise à disposition de l'alternant pendant sa mobilité. La commission l'a donc adoptée, en considérant qu'elle devrait s'accompagner de mesures complémentaires pour développer les moyens soutenant ces mobilités et pour faciliter les démarches des alternants.

I. JALONNÉE DE NOMBREUX OBSTACLES, LA MOBLITÉ INTERNATIONALE DES ALTERNANTS DEMEURE TRÈS LIMITÉE

A. LA MOBILITÉ INTERNATIONALE DES ALTERNANTS RESTE MARGINALE

Le cadre légal applicable à la mobilité des alternants - apprentis et salariés d'un contrat de professionnalisation - a été consolidé par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a substantiellement réformé l'apprentissage en France.

Depuis lors, les alternants ont la possibilité d'effectuer une mobilité à l'étranger pour une durée qui ne peut excéder un an, la durée d'exécution de leur contrat en France devant également être d'au moins six mois. Lors de la mobilité à l'étranger, le contrat de l'alternant est « mis en veille », l'entreprise ou le centre de formation d'accueil étant seul responsable des conditions d'exécution du travail de l'alternant. Toutefois, pour les mobilités n'excédant pas quatre semaines, l'alternant peut être mis à disposition de la structure d'accueil à l'étranger, son contrat de travail continuant alors d'être exécuté.

Afin de faciliter le développement de la mobilité européenne des alternants, la loi du 5 septembre 2018 a prévu que chaque centre de formation d'apprentis (CFA) désigne un référent mobilité. Elle a confié aux opérateurs de compétences (Opco) le soin de financer ce référent et de pouvoir prendre en charge des frais annexes générés par la mobilité internationale des alternants. Ces dispositifs sont complémentaires des aides à la mobilité proposées par Erasmus+, programme de l'Union européenne en faveur de l'éducation et de la formation, par des programmes de coopération bilatérale ou encore par des collectivités territoriales.

L'objectif de la réforme de 2018 était ainsi de développer la mobilité internationale des alternants, qui permet l'acquisition de compétences et le développement de savoir-être favorisant l'employabilité et le développement personnel. Les données agrégées par le ministère du travail ne permettent pas de disposer d'une visibilité exhaustive du nombre d'alternants effectuant une mobilité internationale et de leur profil. Toutefois, l'agence Erasmus+ a estimé qu'en 2018-2019, 6 870 alternants ont effectué un séjour à l'étranger soutenu par le programme Erasmus+, contre 5 300 en 2016-2017. La durée moyenne de la mobilité de ces alternants, tous secteurs confondus, est estimée à 41 jours et la durée médiane à 18 jours. Ces données ne concernent toutefois que les mobilités soutenues par Erasmus+, d'autres étant réalisées sans le soutien de ce programme. Dans son rapport de décembre 2022 sur le développement de la mobilité européenne des apprentis, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) estime à 7 820 le nombre d'apprentis ayant effectué une mobilité en 2018-2019 soit 2,1 % des apprentis.

Nombre d'apprentis partis en mobilité en 2018-2019 selon l'IGAS

Part des apprentis partis en mobilité en 2018-2019
selon l'IGAS

Durée médiane de la mobilité des alternants
en 2018-2019

L'Igas constate ainsi que la mobilité des apprentis reste essentiellement une mobilité de court terme et qu'elle demeure très en-dessous de la mobilité des apprenants de l'enseignement supérieur, estimée à 16 % ou 17 %. Bien que les dernières données disponibles datent de 2019, il ressort des travaux de la rapporteure que le développement des mobilités des alternants n'a pas suivi la progression significative du nombre de contrats d'apprentissage, qui est passé de 321 038 contrats conclus en 2018 à 831 149 en 2022. Si la mobilité à l'étranger des alternants a été freinée par l'épidémie de covid-19, elle rencontre en outre de nombreux obstacles d'ordre plus structurel.

B. UNE MOBILITÉ ACTUELLEMENT JALONNÉE DE NOMBREUX OBSTACLES

L'association Europ App Mobility a publié en septembre 2021 un « Manifeste pour une Europe des apprentis » dans lequel sont identifiés cinq types d'obstacles à lever : juridique, financier, académique, linguistique et psychologique.

Le frein juridique à la mobilité internationale vient du fait que l'alternant est lié à un employeur par un contrat de travail et que son accord est requis pour la réalisation d'une mobilité internationale. Or, le départ de l'alternant pour un séjour à l'étranger peut être coûteux pour l'employeur et source de perturbation au sein de l'entreprise. Surtout, le cadre juridique applicable aux mobilités constitue un frein à leur réalisation. En effet, ainsi que l'a constaté l'Igas dans son rapport précité, la mise en veille du contrat pour une mobilité supérieure à quatre semaines libère certes l'entreprise de ses obligations en termes de rémunération, mais reporte les contraintes et les incertitudes sur le CFA et l'apprenti, voire sa famille. Cette mise en veille du contrat porte ainsi un certain nombre d'effets très négatifs qui limitent voire empêchent les mobilités longues.

En outre, les obligations liées à la signature d'une convention entre l'alternant et les différentes parties (entreprise, centre de formation à l'étranger) impliquées dans la mobilité constituent des démarches complexes à mettre en oeuvre, notamment pour les centres de formation. Ces derniers ne sont d'ailleurs pas tous dotés d'un référent mobilité, cette fonction étant parfois assumée à temps partiel par un enseignant qui n'a pas la capacité d'assumer l'ensemble des charges administratives qu'elle implique et de faire face à la complexité des règles.

Les alternants sont aussi freinés par le coût d'un séjour à l'étranger. En 2023, l'agence Erasmus+ n'a pu satisfaire que 53 % des demandes de soutien financier pour des mobilités internationales relevant du champ de l'enseignement professionnel. En outre, le soutien financier des opérateurs de compétences est très hétérogène et souvent insuffisant.

Ensuite, des freins académiques sont constatés, puisque l'alternant n'a que rarement connaissance de la possibilité d'effectuer une mobilité à l'étranger dans le cadre de son parcours et que l'expérience acquise lors de sa mobilité n'est pas aisément reconnue dans le cadre des certifications professionnelles. À ces difficultés s'ajoutent des barrières linguistiques et psychologiques auxquelles tous les jeunes apprenants font face pour s'engager dans un projet de séjour à l'étranger et pour lesquelles ils doivent être accompagnés.

II. UNE PROPOSITION DE LOI QUI PERMET DE LEVER CERTAINES DIFFICULTÉS POUR FAVORISER LA MOBILITÉ DES ALTERNANTS

La proposition de loi a pour objectif de lever certains freins d'ordre juridique et financier au développement de la mobilité internationale des alternants. Son article 1er propose de créer un droit d'option entre la mise en veille du contrat et la mise à disposition de l'alternant lorsque ce dernier effectue une mobilité internationale. La mise à disposition de l'alternant ne serait ainsi plus limitée à un séjour de moins de quatre semaines. En outre, la condition d'une durée d'exécution du contrat en France d'au moins six mois est supprimée. Ces mesures permettront ainsi aux alternants, aux employeurs et aux organismes de formation de retenir le régime le plus approprié à chaque situation pour réaliser un projet de mobilité internationale.

Afin de faciliter la gestion administrative des mobilités, l'article 2 permet aux CFA de conclure une convention de partenariat avec l'organisme de formation d'accueil à l'étranger, permettant d'éviter la conclusion de conventions individuelles pour chaque mobilité d'études.

L'article 2 bis permet aux apprentis originaires d'un État membre de l'Union européenne effectuant une mobilité en France de déroger à la limite d'âge applicable aux apprentis, afin de prendre en compte la diversité des législations en la matière.

L'article 3 rend obligatoire la prise en charge par les opérateurs de compétences des frais correspondant aux cotisations sociales liées à la mobilité internationale des alternants, alors qu'elle était jusqu'alors facultative.

L'article 3 bis A procède à la ratification de l'ordonnance n° 2022-1607 du 22 décembre 2022 relative à l'apprentissage transfrontalier. Les articles 3 bis et 3 ter proposent la remise par le Gouvernement de rapports au Parlement.

La commission a approuvé les mesures proposées, qui lèvent certains freins à la mobilité internationale des alternants

III. LA PROPOSITION DE LOI NE SUFFIRA PAS À ELLE SEULE À INSUFFLER UNE DYNAMIQUE POUR LA MOBILITÉ DES ALTERNANTS

A. LES OBJECTIFS AMBITIEUX EN MATIÈRE DE MOBILITÉ DES ALTERNANTS SUPPOSENT UN DÉVELOPPEMENT RAPIDE DES RÉFÉRENTS MOBILITÉ ET UN RENFORCEMENT DES AIDES FINANCIÈRES

Lors des États généraux de la mobilité des apprentis, le Président de la République a confirmé que l'objectif de voir la moitié d'une classe d'âge effectuer une mobilité de plus de six mois durant sa scolarité concernait également les apprentis.

Pour concrétiser cette annonce, les référents mobilité doivent voir leur financement conforté, et faire l'objet d'une professionnalisation accrue : la désignation d'un référent mobilité parmi l'équipe enseignante ne permet pas toujours qu'il dispose du temps nécessaire, et des compétences requises, pour démarcher des organismes à l'étranger et construire des dossiers de financement. L'expérimentation « Mona, Mon apprentissage en Europe », financée dans le cadre de France 2030, va dans ce sens en formant les référents mobilité de 43 CFA à l'ingénierie de projet. Elle doit faire l'objet d'un suivi attentif durant les prochaines années, afin d'en diffuser les pratiques auprès de l'ensemble des CFA.

Par ailleurs, les financements accordés par les Opco en faveur des mobilités des alternants gagneraient à être harmonisés, tant dans leurs procédures que dans leur périmètre et leur niveau de prise en charge. Des travaux sont en cours pour engager cette harmonisation et simplifier les démarches des CFA, rendant le soutien des Opco plus lisible et plus accessible.

B. LE DÉVELOPPEMENT DE LA CULTURE DE LA MOBILITÉ PASSERA PAR LEUR MEILLEURE VALORISATION AUPRÈS DES ALTERNANTS ET DES EMPLOYEURS

La connaissance des mobilités doit être renforcée auprès des acteurs de l'apprentissage et de la formation professionnelle et leur existence doit être signalée aux apprentis dès la conclusion de leur contrat. Un effort symétrique doit être déployé envers les entreprises, et notamment les TPE-PME, dont la situation est moins directement prise en compte par la proposition de loi. La possibilité ouverte de mise à disposition des alternants lors de mobilités de plus de quatre semaines concerne essentiellement les grandes entreprises disposant de filiales à l'étranger.

Or, les deux tiers des apprentis sont formés dans des entreprises de moins de 50 salariés, les actions de conseil et l'accompagnement des TPE-PME par les Opco doivent donc être renforcées. Ils pourraient notamment encourager et faciliter les échanges réciproques d'apprentis pour minimiser la désorganisation de l'activité des entreprises.

Par ailleurs, une meilleure reconnaissance des mobilités et de leurs apports doit être favorisée. Elle doit passer prioritairement par la valorisation de cette expérience dans les certifications professionnelles.

Enfin, le secteur public est appelé à prendre sa part dans cet effort en faveur de la mobilité des alternants puisque, n'étant pas assujettis à la contribution unique à la formation professionnelle et à l'alternance et ne bénéficiant pas du financement des Opco, les employeurs publics sont encore réticents à financer les séjours de leurs alternants.

Réunie le mercredi 13 décembre 2023 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a examiné la proposition de loi conformément à la procédure de législation en commission, selon laquelle le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce uniquement en commission.

La commission a adopté la proposition de loi sans modification.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Conditions de mise en oeuvre de la mobilité de l'apprenti à l'étranger

Cet article propose de créer un droit d'option entre la mise en veille du contrat et la mise à disposition de l'alternant lorsque ce dernier effectue une mobilité internationale dans le cadre de l'exécution de son contrat d'apprentissage ou de son contrat de professionnalisation.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

A. Dans le droit actuel, une mise en veille du contrat de l'alternant effectuant une mobilité à l'étranger, à l'exception de celles de courte durée qui peuvent être effectuées sous le régime de la mise à disposition

Les règles encadrant les conditions de mobilité internationale des alternants figurent, pour les apprentis, aux articles L. 6222-42 à L. 6222-44 du code du travail et, pour les titulaires d'un contrat de professionnalisation, à l'article L. 6325-25 du même code.

Ces règles prévoient que le contrat d'apprentissage peut être exécuté en partie à l'étranger pour une durée qui ne peut excéder un an. En outre, la durée d'exécution du contrat en France doit être au minimum de six mois.

Pendant cette période de mobilité à l'étranger, la règle de l'alternance entre formation en entreprise et enseignements en centre de formation d'apprentis (CFA)1(*) n'est pas applicable.

· Pendant la période de mobilité à l'étranger, l'entreprise ou le CFA d'accueil est seul responsable des conditions d'exécution du travail de l'apprenti, telles qu'elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles en vigueur dans le pays d'accueil, notamment en ce qui concerne la santé et la sécurité au travail, la rémunération, la durée du travail ou encore le repos hebdomadaire et les jours fériés.

L'apprenti relève de la sécurité sociale de l'État d'accueil, sauf lorsqu'il ne bénéficie pas du statut de salarié ou assimilé dans cet État. Dans ce dernier cas, sa couverture sociale est régie par le code de la sécurité sociale. Cette couverture est assurée en dehors de l'Union européenne par une adhésion à une assurance volontaire.

En conséquence, le contrat d'apprentissage est mis en veille et une convention peut être conclue entre l'apprenti, l'employeur en France, l'employeur à l'étranger, le centre de formation en France et, le cas échéant, le centre de formation à l'étranger pour la mise en oeuvre de cette mobilité internationale.

· Pour les périodes de mobilité n'excédant pas quatre semaines, une convention de mise à disposition organisant la mise à disposition d'un apprenti peut être conclue entre l'apprenti, l'employeur en France, le centre de formation en France et le centre de formation à l'étranger ainsi que, le cas échéant, l'employeur à l'étranger. Dans ce cas, le contrat d'apprentissage continue d'être exécuté.

· Les mêmes règles s'appliquent au contrat de professionnalisation. L'article L. 6325-25 précité précise que, dans le cadre d'une mobilité à l'étranger, la durée du contrat de professionnalisation peut être portée à 24 mois, la durée de la mobilité étant limitée à un an et celle de l'exécution du contrat en France devant être au minimum de six mois.

· Des décrets en Conseil d'État déterminent le contenu des relations conventionnelles qui lient les différentes parties dans le cadre de la mobilité d'un alternant à l'étranger : articles R. 6222-66 à R. 6222-69 du code du travail pour les apprentis ; articles R. 6325-33 à R. 6325-36 du code du travail pour les titulaires d'un contrat de professionnalisation.

B. Créer un droit d'option entre mise en veille du contrat et mise à disposition de l'alternant quelle que soit la durée de la mobilité

· Le  du présent article modifie l'article L. 6222-42 du code du travail qui encadre la mobilité internationale et européenne des apprentis.

Le a modifie le I de cet article L. 6222-42  afin de prévoir que la durée de l'exécution du contrat d'apprentissage à l'étranger ne peut excéder la moitié de la durée totale du contrat, cette durée ne pouvant déjà dépasser un an. En conséquence, il supprime la disposition selon laquelle la durée d'exécution du contrat en France doit être au minimum de six mois.

Le b modifie le II du même article L. 6222-42 pour remplacer le régime actuel de mise en veille du contrat d'apprentissage par un droit d'option entre mise en veille du contrat et mise à disposition lors de la mobilité de l'apprenti à l'étranger.

Il prévoit que les conditions de mise en oeuvre de la mobilité de l'apprenti à l'étranger sont prévues par une convention conclue entre les parties au contrat d'apprentissage, le CFA en France et la ou les structures d'accueil à l'étranger.

Cette convention prévoit que la mobilité est réalisée :

soit dans le cadre d'une mise en veille du contrat (nouveau 1° du II de l'article L. 6222-42) : dans ce cas, la structure d'accueil à l'étranger est seule responsable des conditions d'exécution du travail de l'apprenti, telles qu'elles sont déterminées par le droit en vigueur dans le pays d'accueil ;

soit dans le cadre d'une mise à disposition de l'apprenti (nouveau 2° du II de l'article L. 6222-42) auprès de la structure d'accueil à l'étranger.

· Le du présent article modifie l'article L. 6325-25 du code du travail qui encadre la mobilité internationale des titulaires d'un contrat de professionnalisation.

Son a modifie le I de cet article L. 6325-25 afin que la durée de l'exécution du contrat de professionnalisation à l'étranger ne puisse excéder la moitié de la durée totale du contrat, cette durée ne pouvant déjà dépasser un an. En conséquence, il supprime la disposition selon laquelle la durée d'exécution du contrat en France doit être au minimum de six mois.

Son b modifie le II du même article L. 6325-25 pour remplacer le régime actuel de mise en veille du contrat de professionnalisation par un droit d'option entre mise en veille du contrat et mise à disposition lors de la mobilité du salarié à l'étranger, dont les modalités d'application sont identiques à celles proposées au 1° du présent article pour les contrats d'apprentissage.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

· Huit amendements du rapporteur ont été adoptés lors de l'examen du texte en commission, dont sept amendements rédactionnels et un amendement ouvrant la possibilité, lorsque la mobilité est effectuée en entreprise, que la convention de mise en veille soit, par dérogation au régime de droit commun, conclue entre les seules parties françaises, c'est-à-dire l'apprenti ou le bénéficiaire du contrat de professionnalisation, le centre de formation ou l'organisme de formation et l'employeur établi en France. Cette dérogation serait permise dès lors qu'il est établi que l'apprenti bénéficie, conformément aux engagements pris par l'employeur de l'État d'accueil, de garanties équivalentes à celles dont il aurait bénéficié en signant une convention individuelle le liant à l'entreprise d'accueil.

Cette modification complète ainsi le dispositif prévu à l'article 2, qui permet cette dérogation dans les cas où la mobilité est effectuée dans un organisme de formation2(*).

· Lors de la discussion en séance publique, les députés ont adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

Le régime juridique aujourd'hui applicable aux mobilités internationales des alternants, qui résulte de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel3(*), pose des contraintes qui ne permettent pas de faciliter la mobilité des alternants dans un grand nombre de situations.

Dans son rapport de décembre 2022 relatif au développement de la mobilité européenne des apprentis, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) a constaté que la mise en veille du contrat pour une mobilité supérieure à quatre semaines libérait certes l'entreprise de sa responsabilité juridique et de ses obligations en termes de rémunération, mais reportait les contraintes et les incertitudes sur le CFA et sur l'apprenti, voire sa famille. Elle a ainsi considéré que la mise en veille du contrat portait un certain nombre d'effets très négatifs qui limitent voire empêchent les mobilités longues. En conséquence, la recommandation n° 1 du rapport propose de « renoncer à la mise en veille automatique du contrat au-delà de quatre semaines au profit d'un droit d'option pour l'entreprise entre, soit mise à disposition, soit mise en veille ».

Le présent article met donc en oeuvre cette recommandation du rapport de l'Igas. Si la mesure proposée ne permettra pas à elle seule de lever l'ensemble des freins à la mobilité internationale des alternants, elle est de nature à faciliter son développement en permettant aux alternants, aux employeurs et aux organismes de formation de retenir le régime le plus approprié à chaque situation pour mettre en oeuvre un projet de mobilité internationale.

Pour ces raisons, la rapporteure soutient les dispositions du présent article et a proposé à la commission de les adopter sans modification.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 2
Simplifier la conclusion de conventions dans le cadre
des mobilités dans un organisme de formation

Cet article propose de supprimer l'obligation pour les alternants de disposer d'une convention individuelle de mobilité avec l'organisme de formation qui les accueille lors de leur mobilité internationale.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

A. Les mobilités internationales d'études font actuellement l'objet d'une convention quadripartite entre l'alternant, l'employeur et les centres de formation en France et à l'étranger

Les mobilités internationales dites d'études désignent les mobilités qui visent à ce qu'un apprenti, ou un titulaire d'un contrat de professionnalisation, parte à l'étranger afin de se voir délivrer un enseignement théorique par un organisme de formation. Ces mobilités ne sont pas exclusives d'une formation pratique se déroulant pour partie hors de France.

Dans ce cas, le droit en vigueur prévoit la même démarche pour l'apprentissage et le contrat de professionnalisation :

pour l'apprentissage : l'article L. 6222-42 du code du travail prévoit qu'une « convention de mise à disposition organisant la mise à disposition d'un apprenti peut être conclue entre l'apprenti, l'employeur en France, le centre de formation en France et le centre de formation à l'étranger ainsi que, le cas échéant, l'employeur à l'étranger » ;

pour les contrats de professionnalisation : l'article L. 6325-25 du code du travail dispose qu'« une convention organisant la mise à disposition d'un bénéficiaire d'un contrat de professionnalisation peut être conclue entre le bénéficiaire, l'employeur en France, l'organisme de formation en France et l'organisme de formation à l'étranger ainsi que, le cas échéant, l'employeur à l'étranger. »

Cette convention quadripartite constitue une démarche administrative rigide, d'autant qu'elle est parfois nécessaire pour le suivi d'un unique enseignement théorique, sur une durée qui peut se réduire à une semaine.

Par ailleurs, les établissements d'enseignement supérieur français soulignent la difficulté de faire accepter des conventions individuelles à leurs homologues étrangers avec lesquels ils ont déjà conclu un partenariat. En effet, à dossier égal, les organismes d'accueil à l'étranger privilégieraient l'alternant pour lequel les démarches administratives sont simplifiées.

B. La possibilité ouverte pour les organismes de formation français de mettre en place une convention de partenariat avec l'organisme de formation d'accueil

Le présent article modifie les III des articles L. 6222-42 et L. 6325-25 du code du travail afin d'introduire la possibilité pour les organismes de formation français de conclure une convention de partenariat avec des organismes de formation établis à l'étranger, se substituant par la suite aux conventions individuelles avec ces derniers pour chaque mobilité d'études. Dans leurs rédactions en vigueur, ces III prévoient la possibilité de mise à disposition par l'employeur pour les mobilités n'excédant pas quatre semaines : cette possibilité est remplacée par un droit d'option4(*).

Le permet donc, par dérogation, de conclure la convention de mobilité qui concerne la formation théorique entre l'apprenti, l'employeur en France et le CFA français lorsque qu'une convention de partenariat existe entre ledit CFA et l'organisme de formation d'accueil à l'étranger.

Le prévoit cette même dérogation pour les titulaires de contrats de professionnalisation.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

· Quatre amendements du rapporteur ont été adoptés lors de l'examen du texte en commission, dont trois rédactionnels et un amendement étendant la dérogation introduite par le présent article aux CFA dont les enseignements sont dispensés par une autre structure, avec laquelle il a conventionné afin de délivrer tout ou partie des enseignements.

· Lors de la discussion en séance publique, les députés ont adopté un amendement de précision du rapporteur.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

Le régime juridique en vigueur pour les mobilités internationales dites d'études des alternants, qui résulte de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel5(*), conduit à une charge administrative inutile pour les CFA, et désincite in fine les organismes de formation à l'étranger d'accueillir des alternants français.

La possibilité ouverte pour les CFA de conclure des accords de partenariats avec certains organismes de formation à l'étranger semble donc constituer une réelle simplification administrative à terme, et devrait permettre de décharger les référents mobilité.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 bis
Dérogation à la limite d'âge d'entrée en apprentissage
pour les apprentis originaires d'un État membre de l'Union européenne
étant en mobilité en France

Cet article propose d'ajouter la limite d'âge pour débuter un apprentissage aux dispositions du code du travail qui ne s'appliquent pas aux apprentis originaires d'un État membre de l'Union européenne effectuant une mobilité en France.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A. Le régime juridique des mobilités des apprentis originaires d'un État membre de l'Union européenne effectuant une mobilité en France

Les dispositions du code du travail s'appliquent aux apprentis originaires d'un État membre de l'Union européenne lorsqu'ils effectuent une période de mobilité en France.

Cependant, en raison du caractère temporaire de cette mobilité, et afin de prendre en compte la diversité des régimes juridiques que peut recouvrir l'apprentissage dans ces pays, la loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social6(*) leur a aménagé un régime particulier, en créant l'article L. 6222-43 du code du travail.

L'article L. 6222-43 précise que certaines dispositions ne leur sont pas applicables, il s'agit :

- des dispositions relatives à la finalité du contrat d'apprentissage7(*) ;

- des dispositions relatives à la durée du contrat d'apprentissage8(*) ;

- des dispositions relatives aux conditions d'intégration d'une formation en apprentissage9(*) ;

- des dispositions relatives à la durée de la formation en apprentissage10(*).

B. L'ajout de l'âge limite d'entrée en apprentissage aux dérogations dont bénéficient les apprentis européens lors d'une mobilité en France

Le présent article a été introduit par l'adoption de deux amendements identiques du Gouvernement et de Mme Fanta Berete lors de la discussion du texte en séance à l'Assemblée nationale.

Il complète l'article L. 6222-43 du code du travail en ajoutant la limite d'âge pour débuter un apprentissage aux dispositions du code du travail qui ne s'appliquent pas aux apprentis originaires d'un État membre de l'Union européenne effectuant une mobilité en France.

II - La position de la commission

La commission rejoint la volonté de mieux prendre en considération la diversité des législations des États de l'Union européenne, et notamment de l'Allemagne où l'apprentissage est permis après 29 ans.

Cette disposition doit permettre de renforcer la dynamique des mobilités des apprentis au sein de l'espace européen, et peut également permettre de faciliter le recours aux échanges d'apprentis, en élargissant le public des apprentis des États membres de l'Union européenne susceptible d'y prendre part.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 3
Prise en charge par les opérateurs de compétences
des cotisations sociales des alternants en mobilité internationale

Cet article propose de rendre obligatoire la prise en charge par les opérateurs de compétences des frais correspondant aux cotisations sociales liées à la mobilité internationale des alternants.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

A. Rendre obligatoire la prise en charge par les opérateurs de compétences des frais correspondant aux cotisations sociales

1. Une prise en charge hétérogène par les opérateurs de compétences des frais liés à la mobilité

Aux termes de l'article L. 6332-14 du code du travail, l'opérateur de compétences (Opco) doit prendre en charge des frais annexes à la formation des apprentis, notamment d'hébergement ou de restauration (3° du I).

En outre, il peut prendre en charge tout ou partie de la perte de ressources ainsi que des coûts de toute nature y compris ceux correspondant aux cotisations sociales, le cas échéant, la rémunération et les frais annexes générés par la mobilité à l'étranger des apprentis et des salariés en contrat de professionnalisation (3° du II).

Pour l'application de ces dispositions, l'article D. 6332-83 du code du travail prévoit que l'Opco prend en charge, dès lors qu'ils sont financés par les CFA, les frais de personnel du CFA liés à la mobilité internationale des apprentis11(*), selon un forfait déterminé par l'Opco identique pour l'ensemble CFA concernés.

En conséquence, les Opco prennent obligatoirement en charge le financement des référents mobilité employés par les CFA et assurent, à titre facultatif, le financement de frais liés à la mobilité dont ceux correspondant aux cotisations sociales.

Il résulte de ces dispositions que les Opco apportent un soutien très hétérogène à la mobilité internationale des apprentis.

Le rapport de l'Igas de décembre 2022 relatif au développement de la mobilité européenne des apprentis indique que si la plupart des Opco ont prévu des financements, y compris sur le fondement de la prise en charge facultative, trois Opco ont fait le choix de ne pas offrir de prise en charge facultative et de se contenter de la prise en charge obligatoire. Le rapport précise que cette prise en charge obligatoire est dès lors majorée pour deux de ces Opco : à hauteur de 1 680 euros pour Constructys et, pour l'Opco Mobilités, de 1 200 euros pour une mobilité européenne et 1 500 euros pour une mobilité extra-européenne.

Le rapport indique en outre que pour le forfait obligatoire, 7 Opco offrent 500 euros pour financer le référent mobilité, au titre de chaque apprenti partant en mobilité, et 4 Opco ont des niveaux différents. Pour le forfait facultatif, les 11 Opco ont des niveaux différents de prise en charge : l'Opco Atlas propose 1 800 euros par apprenti si la mobilité est inférieure à 4 semaines, et 2 500 euros au-delà ; d'autres proposent des prises en charge calquées sur les frais annexes en France, comme l'Opco Santé ou Uniformation qui financent 3 euros par repas et 6 euros par nuitée à l'étranger ainsi qu'un remboursement au réel des frais de transport ; l'Opco EP propose un forfait à la semaine à hauteur de 500 euros si la mobilité est inférieure à 4 semaines, puis de 300 euros au-delà.

2. Imposer aux Opco de financer les cotisations sociales

Poursuivant l'objectif de rendre obligatoire le financement par les Opco des frais correspondant aux cotisations sociales liées à une mobilité à l'étranger, le du présent article supprime la mention de frais correspondant aux cotisations sociales du 3° du II de l'article L. 6332-14 qui prévoit des prises en charge facultatives de frais annexes.

B. Étendre le champ du décret d'application des dispositions relatives à la mobilité internationale des alternants

· Le du présent article réécrit l'article L. 6222-44 du code du travail, qui dispose qu'un décret en Conseil d'État fixe le contenu des relations conventionnelles qui lient l'apprenti, les employeurs en France et à l'étranger ainsi que les centres de formation en France et à l'étranger, afin d'étendre le champ de ce décret. Serait ainsi fixé par décret en Conseil d'État l'ensemble des modalités de mise en oeuvre des dispositions relatives à la mobilité internationale des apprentis12(*), dont le contenu des relations conventionnelles.

· Les et du présent article procèdent à des modifications tendant aux mêmes fins pour ce qui concerne les contrats de professionnalisation.

Le supprime le dernier alinéa du II de l'article L. 6325-25 du code du travail, qui prévoit qu'un arrêté du ministre chargé du travail détermine le modèle de la convention conclue au titre de la mobilité internationale du salarié en contrat de professionnalisation. Cette convention, telle qu'elle est prévue dans le droit existant, est par ailleurs supprimée par l'article 1er.

Le crée un nouvel article L. 6325-25-1 au sein du code du travail qui dispose qu'un décret en Conseil d'État fixe les modalités de mise en oeuvre de l'article L. 6325-25 relatif à la mobilité internationale des salariés d'un contrat de professionnalisation, dont le contenu des relations conventionnelles.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Lors de la discussion en séance publique, les députés ont adopté deux amendements identiques du rapporteur et du Gouvernement visant à inscrire parmi les dépenses obligatoirement prises en charge par les Opco les frais correspondant aux cotisations sociales liées à une mobilité des alternants hors du territoire national. À cette fin, ces amendements insèrent cette mention au 3° du I de l'article L. 6332-14 du code du travail.

Deux amendements rédactionnels du rapporteur ont également été adoptés.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

Les dispositions proposées permettront de généraliser la prise en charge par les Opco des frais liées à la couverture sociale des alternants lors de leur mobilité à l'étranger. Elles contribueront ainsi à renforcer l'aide financière apportée aux alternants effectuant une mobilité internationale.

Certains Opco prenant déjà en charge ces frais sur le fondement des aides facultatives qu'ils peuvent apporter au financement de l'alternance, la mesure proposée aura pour conséquence, en pratique, que les Opco qui ne prenaient pas en charge ces frais soient désormais contraints de le faire.

Si la rapporteure soutient le dispositif proposé, elle constate qu'il ne résoudra pas la grande hétérogénéité des niveaux de prise en charge de frais annexe proposés par les Opco pour des mobilités internationales, et la complexité des démarches qui en résulte pour les alternants souhaitant effectuer un séjour à l'étranger.

Les services du ministère du travail ont indiqué à la rapporteure que des travaux étaient en cours pour harmoniser le périmètre et le niveau des aides à la mobilité proposés par les Opco. Ces mesures, d'ordre réglementaire, seront complémentaires du dispositif proposé par le présent article et contribueront à rendre les aides à la mobilité plus lisibles pour les alternants et les centres de formation.

Pour engager une véritable dynamique en faveur de la mobilité internationale des apprentis, la rapporteure considère toutefois que ces mesures d'harmonisation et d'obligation de prise en charge ne devront pas se traduire par un nivellement par le bas du montant des aides, dans un contexte de régulation des coûts de l'apprentissage.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 bis A
Ratification de l'ordonnance du 22 décembre 2022
relative à l'apprentissage transfrontalier

Cet article propose de ratifier l'ordonnance n° 2022-1607 du 22 décembre 2022 relative à l'apprentissage transfrontalier.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été introduit par l'adoption d'un amendement du Gouvernement lors de la discussion du texte en commission à l'Assemblée nationale.

A. Une habilitation issue de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS

Le présent article propose de ratifier l'ordonnance n° 2022-1607 du 22 décembre 2022 relative à l'apprentissage transfrontalier.

Cette ordonnance a été prise sur le fondement de l'article 188 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS).

Article 188 de la loi 3DS

Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, jusqu'au 31 décembre 2022, toute mesure relevant du domaine de la loi afin de définir les modalités d'organisation, de mise en oeuvre et de financement de l'apprentissage transfrontalier défini à l'article L. 6235-1 du code du travail, permettant à un apprenti d'effectuer une partie de sa formation pratique ou théorique dans un pays frontalier de la France et de procéder, le cas échéant, aux adaptations de ces dispositions pour leur application dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution ainsi qu'à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.

B. Les dispositions de l'ordonnance du 22 décembre 2022

1. Le cadre de l'apprentissage transfrontalier

L'article 186 de la loi 3DS a créé au sein du code du travail un chapitre dédié à l'apprentissage transfrontalier. Ce dernier doit permettre aux apprentis, compte tenu du contexte du marché du travail dans les zones frontalières, d'effectuer une partie de leur formation, pratique ou théorique, dans un pays frontalier. La mise en place opérationnelle de ce dispositif dépend de la conclusion d'accords bilatéraux avec chaque pays frontalier.

Dans ce contexte, l'ordonnance n° 2022-1607 du 22 décembre 2022 relative à l'apprentissage transfrontalier a permis de préciser les conditions de mise en oeuvre et de financement de l'apprentissage transfrontalier, et les adapte pour l'outre-mer compte-tenu des espaces géographiques concernés.

2. La mise en place de l'apprentissage transfrontalier dans l'hexagone

Le 1° de ladite ordonnance a remplacé l'article L. 6235-3 du code du travail par quatre articles nouvellement créés13(*), qui précisent les règles d'application et d'exclusion de certaines dispositions du code du travail pour tenir compte du caractère international de l'apprentissage.

La liste des dispositions de la sixième partie du code du travail applicables à l'apprentissage transfrontalier permet notamment de sécuriser l'apprenti transfrontalier dont le contrat a été rompu de manière anticipée, en lui permettant de poursuivre sa formation en CFA tout en cherchant un nouvel employeur.

Les dispositions applicables sont précisées selon la nature de la mobilité dans le pays transfrontalier :

· lorsque l'apprenti suit sa formation théorique dans le pays frontalier : les règles relatives aux obligations des organismes de formation ainsi qu'aux exigences de certification qualité (Qualiopi) ne sont pas applicables. En outre, le IV de l'article L. 6235-5 créé par l'ordonnance confie à un opérateur de compétences unique la gestion de tous les contrats d'apprentissage transfrontalier. Enfin, les frais liés à la formation théorique seront pris en charge par le pays frontalier dans les conditions précisées par l'accord bilatéral ;

· lorsque la formation pratique a lieu dans le pays frontalier : ledit opérateur de compétences prendra en charge, au titre de la section financière relative à l'alternance, les frais supportés par le CFA pour un montant fixé par arrêté, ainsi que les frais annexes et les dépenses d'investissement assumés par ce centre. Par conséquent ne sont pas applicables les règles de droit commun relatives aux missions de l'opérateur de compétences, à la prise en charge des frais et à la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle.

3. Une adaptation du cadre de l'apprentissage transfrontalier pour permettre son application en outre-mer

Le 2° de ladite ordonnance a créé par ailleurs les articles L. 6522-5 et L. 6522-6 du code du travail afin de préciser l'application du dispositif d'apprentissage transfrontalier en outre-mer.

En l'absence de frontière physique, l'article L. 6522-5 désigne les pays frontaliers :

pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, il s'agit des États ou territoires de la Caraïbe, ainsi que des États ou territoires du continent américain disposant d'une façade atlantique ;

pour La Réunion et Mayotte, il s'agit des États ou territoires de l'océan Indien, ainsi que des États ou territoires des continents disposant d'une façade maritime sur l'océan Indien.

Afin de faciliter la gestion de l'apprentissage transfrontalier, l'article L. 6522-6 créé par l'ordonnance confie, à titre dérogatoire, la gestion des contrats d'apprentissage transfrontalier à un opérateur de compétences unique.

III - La position de la commission

La rapporteure approuve les dispositions contenues dans l'ordonnance du 22 décembre 2022, qui constituent une première étape pour l'organisation d'un apprentissage transfrontalier, en métropole comme dans les territoires ultramarins.

La signature, le 21 juillet 2023, d'un accord bilatéral sur l'apprentissage transfrontalier entre la France et l'Allemagne préfigure l'espace européen de l'apprentissage recherché. Les accords en préparation avec la Belgique, le Luxembourg ou la Suisse doivent permettre d'approfondir cette dynamique.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 bis
Rapport au Parlement sur les aides destinées aux apprentis
effectuant une mobilité à l'étranger

Cet article propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les bourses et les aides financières destinées aux apprentis qui effectuent une mobilité à l'étranger.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été introduit par l'adoption d'un amendement de M. Sébastien Peytavie lors de la discussion du texte en commission à l'Assemblée nationale. Il a fait l'objet de quatre amendements rédactionnels de la part du rapporteur en séance publique.

Il dispose que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport au sujet des bourses et aides financières destinées aux apprentis qui effectuent une mobilité à l'étranger.

Pour rappel, les apprentis pouvaient faire l'objet d'un financement par les opérateurs de compétences (Opco) des cotisations sociales, de leur rémunération et des frais annexes générés par leur mobilité internationale14(*). La présente proposition de loi vise à rendre obligatoire le financement par les Opco des frais liés aux des cotisations sociales. Les apprentis peuvent également bénéficier d'aides spécifiques, notamment via des programmes de l'Union européenne et l'action des collectivités territoriales.

II - La position de la commission

Selon une position constante, la commission des affaires sociales n'est pas favorable aux dispositions tendant à demander au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement.

Toutefois, afin que la proposition de loi puisse être adoptée sans modification, la commission a adopté le présent article.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 ter
Rapport au Parlement sur la désignation des référents mobilité
au sein des centres de formation d'apprentis

Cet article propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la désignation des référents mobilité au sein des centres de formation d'apprentis.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été introduit par l'adoption d'un amendement de M. Stéphane Viry lors de la discussion du texte en séance publique à l'Assemblée nationale.

Il dispose que dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la bonne désignation d'un référent mobilité au sein de chaque centre de formation d'apprentis.

Pour rappel, aux termes de l'article L. 6231-2 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel15(*), les centres de formation d'apprentis ont notamment pour mission « d'encourager la mobilité nationale et internationale des apprentis en nommant un personnel dédié, qui peut comprendre un référent mobilité mobilisant, au niveau national, les ressources locales et, au niveau international, les programmes de l'Union européenne, et en mentionnant, le cas échéant, dans le contenu de la formation, la période de mobilité ».

II - La position de la commission

Selon une position constante, la commission des affaires sociales n'est pas favorable aux dispositions tendant à demander au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement.

Toutefois, afin que la proposition de loi puisse être adoptée sans modification, la commission a adopté le présent article.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 4
Gage financier

Cet article, supprimé par l'Assemblée nationale, constitue le gage financier de la proposition de loi.

La commission a maintenu la suppression de cet article.

I - Le dispositif proposé

Le présent article prévoit que la charge pour l'État qui résulte de la présente proposition de loi est compensée par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Les députés ont supprimé cet article par l'adoption, en séance publique, d'un amendement du Gouvernement visant à lever le gage.

L'Assemblée nationale a supprimé cet article.

III - La position de la commission

La commission a maintenu la suppression de cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

Réunie le mercredi 13 décembre 2023, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine, selon la procédure de législation en commission (articles 47 ter à 47 quinquies du Règlement), le rapport de Mme Patricia Demas, rapporteure, sur la proposition de loi (n° 598, 2022-2023) visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « Erasmus de l'apprentissage ».

M. Philippe Mouiller, président. - Nous débutons nos travaux par l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « Erasmus de l'apprentissage ».

Ainsi qu'il en a été décidé par la Conférence des présidents, avec l'accord de tous les présidents de groupe, nous légiférons selon la procédure de législation en commission prévue aux articles 47 ter à 47 quinquies du Règlement du Sénat.

De ce fait, le droit d'amendement s'exerce uniquement en commission. La réunion de la commission est publique, avec une retransmission sur le site du Sénat et elle se tient en présence du Gouvernement. Je salue donc la présence de Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels.

Je donne à présent la parole à notre collègue Patricia Demas, dont c'est le premier rapport au sein de la commission des affaires sociales.

Mme Patricia Demas, rapporteure. - Le bénéfice d'une expérience à l'étranger, qu'elle soit scolaire, universitaire ou professionnelle, dans le cadre d'un parcours de formation ne fait aucun doute. Elle permet l'acquisition de savoirs académiques, de compétences, mais aussi de savoir-être par la découverte d'une nouvelle culture et l'apprentissage d'une langue étrangère. Elle favorise ainsi l'employabilité des jeunes et leur ouverture sur le monde.

C'est pourquoi la réforme de l'apprentissage, opérée par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, comportait un volet visant à développer la mobilité internationale des alternants qui, bien que possible depuis longtemps, demeurait très marginale.

Depuis cette loi, les alternants ont la possibilité d'effectuer une mobilité à l'étranger pour une durée qui ne peut excéder un an, la durée d'exécution de leur contrat en France devant être d'au moins six mois.

Lors de la mobilité à l'étranger, le contrat de l'alternant est « mis en veille », l'entreprise ou le centre de formation d'accueil étant seul responsable des conditions d'exécution du travail de l'alternant.

Toutefois, pour les mobilités de moins de quatre semaines, l'alternant peut être mis à disposition de la structure d'accueil à l'étranger, son contrat de travail continuant alors d'être exécuté.

Pour faciliter le développement de ces mobilités, la loi de 2018 a prévu que chaque centre de formation d'apprentis (CFA) désigne un référent mobilité, et a confié aux opérateurs de compétences le soin de financer ce référent. Ces opérateurs peuvent aussi prendre en charge des frais annexes entraînés par la mobilité internationale.

Ces dispositifs complètent ainsi les aides à la mobilité proposées par Erasmus+, programme de l'Union européenne en faveur de l'éducation et de la formation, par des programmes de coopération bilatérale ou encore par les collectivités territoriales.

Les données disponibles ne permettent pas de disposer d'une visibilité exhaustive du nombre d'alternants effectuant une mobilité internationale et de leur profil.

Toutefois, l'agence Erasmus+ estime qu'en 2018-2019, 6 870 alternants ont effectué un séjour à l'étranger soutenu par ce programme, contre 5 300 en 2016-2017. La durée moyenne de la mobilité de ces alternants, tous secteurs éducatifs confondus, est estimée à 41 jours et la durée médiane à 18 jours.

Dans son rapport de décembre 2022 sur le développement de la mobilité européenne des apprentis, l'inspection générale des affaires sociales (Igas) estime
à 7 820 le nombre d'apprentis ayant effectué une mobilité en 2018-2019 soit seulement 2,1 % des apprentis, alors que près de 17 % des étudiants de l'enseignement supérieur effectuent une mobilité à l'étranger.

Le développement de la mobilité des alternants n'a donc pas suivi la progression significative du nombre de contrats d'apprentissage, qui est passé de 300 000 en 2018 à plus de 800 000 en 2022. Certes, la mobilité à l'étranger des alternants a été freinée par l'épidémie de covid-19, mais elle rencontre aussi de nombreux obstacles d'ordre plus structurel.

L'association Euro App Mobility, présidée par notre ancien collègue Jean Arthuis, a publié en septembre 2021 un manifeste « Pour une Europe des apprentis », dans lequel sont identifiés cinq types d'obstacles à lever : juridique, financier, académique, linguistique et psychologique.

J'en profite pour saluer la mobilisation de Jean Arthuis pour le développement de la mobilité internationale des alternants. Son association apporte une aide fort utile aux acteurs de l'apprentissage pour faciliter ces mobilités, en formant notamment, via le programme Mona, des référents mobilité dans de nombreux CFA.

Le frein juridique à la mobilité vient du fait que l'alternant est lié à un employeur et que son accord est requis pour effectuer une mobilité internationale. Or le départ de l'alternant pour un séjour à l'étranger peut être coûteux pour l'employeur et source de perturbation au sein de l'entreprise.

Surtout, le cadre juridique applicable aux mobilités n'est pas adapté à toutes les situations. L'Igas a relevé que la mise en veille du contrat permet à l'entreprise de lever ses obligations en termes de rémunération, mais reporte les contraintes et les incertitudes sur le CFA et sur l'apprenti, voire sa famille. Cette mise en veille du contrat peut donc faire obstacle à la réalisation de projets de mobilité.

En outre, les obligations liées à la signature d'une convention entre l'alternant et les différentes parties impliquées dans la mobilité constituent des démarches complexes à mettre en oeuvre, notamment pour les centres de formation.

Les CFA ne sont d'ailleurs pas tous dotés d'un référent mobilité, cette fonction étant parfois exercée à temps partiel par un enseignant qui n'a pas la capacité d'assumer l'ensemble des charges administratives qu'elle implique et de faire face à la complexité des règles à appliquer.

Les alternants sont aussi freinés par le coût d'un séjour à l'étranger. En 2023, l'agence Erasmus+ n'a pu satisfaire que 53 % des demandes de soutien financier pour des mobilités internationales relevant du champ de l'enseignement professionnel. En outre, le soutien financier des opérateurs de compétences est très hétérogène et souvent insuffisant.

Ensuite, des freins académiques sont constatés, puisque l'alternant n'a que rarement connaissance de la possibilité d'effectuer une mobilité à l'étranger dans le cadre de son parcours. L'expérience acquise lors de sa mobilité n'est pas aisément reconnue dans le cadre des certifications professionnelles, et il conviendrait qu'elle soit davantage valorisée.

À ces difficultés s'ajoutent des barrières linguistiques et psychologiques auxquelles tous les jeunes apprenants font face pour s'engager dans un projet de séjour à l'étranger, et pour lesquelles ils doivent être accompagnés.

Dans ce contexte, la proposition de loi a pour objectif de lever certains freins d'ordre juridique et financier au développement de la mobilité internationale des alternants.

Son article 1er crée un droit d'option entre la mise en veille du contrat et la mise à disposition de l'alternant lorsque ce dernier effectue une mobilité internationale dans le cadre de l'exécution de son contrat d'apprentissage ou de professionnalisation. La mise à disposition de l'alternant ne serait ainsi plus limitée aux séjours de moins de quatre semaines. En outre, la condition d'une durée d'exécution du contrat en France d'au moins de six mois serait supprimée.

Ces mesures permettront ainsi aux alternants, aux employeurs et aux organismes de formation de retenir le régime le plus approprié à chaque situation pour réaliser un projet de mobilité internationale.

L'article 2 supprime l'obligation pour les alternants en mobilité internationale de disposer d'une convention individuelle de mobilité avec l'organisme de formation qui les accueille, dans le cas où une convention de partenariat existe déjà entre le CFA et ledit organisme. Cette mesure contribuerait à diminuer la charge administrative des CFA et les encouragerait à nouer des partenariats avec des organismes de formation à l'étranger. Elle mettrait fin à l'incompréhension qui existe dans certains pays, puisque cette obligation de convention individuelle est spécifique à l'alternance en France, et n'existe pas pour les échanges universitaires.

De façon plus marginale, l'article 2 bis prévoit que les apprentis originaires d'un État membre de l'Union européenne effectuant une mobilité en France puissent déroger à la limite d'âge applicable à l'apprentissage. Certains pays comme l'Allemagne n'imposent pas d'avoir moins de 29 ans pour conclure un contrat d'apprentissage, et il semblerait dommageable que ces apprentis soient exclus du bénéfice d'une mobilité en France.

L'article 3 rend obligatoire la prise en charge par les opérateurs de compétences des frais correspondant aux cotisations sociales liées à la mobilité internationale des alternants, alors qu'elle était jusqu'alors facultative. Il généralisera donc la prise en charge de ces frais et contribuera ainsi renforcer l'aide financière apportée aux alternants.

L'article 3 bis A procède à la ratification de l'ordonnance du 22 décembre 2022 relative à l'apprentissage transfrontalier. Celle-ci, issue de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS, précise les conditions de mise en oeuvre et de financement de l'apprentissage transfrontalier, et les adapte pour l'outre-mer compte tenu des spécificités des espaces géographiques concernés.

Les articles 3 bis et 3 ter prévoient la remise par le Gouvernement de rapports au Parlement.

Ces mesures sont accueillies favorablement par les acteurs du secteur, qui considèrent que ce texte lèvera certains freins à la mobilité des alternants. Je partage cette appréciation et vous propose donc d'adopter cette proposition de loi sans modification.

Toutefois, il me semble qu'une série de mesures complémentaires doivent être déployées, tant l'objectif annoncé par le Président de la République de voir la moitié des apprentis effectuer une mobilité de plus de six mois durant leur scolarité semble loin d'être atteint.

Le premier enjeu sera de conforter le financement des référents mobilité dans les CFA, afin de permettre leur professionnalisation, seule garantie de leur efficacité comme le démontre le programme Mona, qui permet de financer la formation des référents de 43 CFA.

Par ailleurs, les financements accordés par les opérateurs de compétences (Opco) gagneraient à être harmonisés, tant dans les procédures que dans leur périmètre et leur niveau de prise en charge. Des mesures, d'ordre réglementaire, sont à l'étude par le Gouvernement. Elles contribueraient à rendre les aides à la mobilité plus lisibles pour les alternants et les centres de formation.

Plus largement, la connaissance des mobilités doit être renforcée auprès des acteurs de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Cela concerne aussi bien les apprentis, qui doivent être informés de cette possibilité avant même la conclusion de leur contrat, que les employeurs. C'est particulièrement le cas des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME), qui doivent recevoir un accompagnement spécifique afin de limiter la désorganisation de leur activité. Les opérateurs de compétences doivent à mon sens renforcer leur rôle de conseil aux employeurs sur la mobilité. Aussi, la pratique des échanges d'apprentis est à développer pour que les entreprises reçoivent un apprenti étranger pendant la période où l'apprenti français part en séjour à l'étranger.

Par ailleurs, une meilleure reconnaissance des mobilités et de leurs apports doit être favorisée. Cette reconnaissance passe par la valorisation de cette expérience dans les certifications professionnelles. La ministre a récemment annoncé la mise en place de mentions au mérite pour certains diplômes professionnels. Une mention « mobilité » pourrait aussi être envisagée.

Enfin, un travail particulier reste à développer autour de « l'apprentissage de la mobilité », car le défi de la mobilité à l'étranger doit préparer les alternants à se saisir plus facilement des opportunités professionnelles hors de leur bassin d'emploi direct, en favorisant les mobilités au sein du territoire national.

Enfin, le secteur public est appelé à prendre sa part dans cet effort en faveur des mobilités des alternants, puisque n'étant pas assujettis à la contribution à la formation professionnelle et au financement des Opco qui en découle, les employeurs publics sont encore trop souvent réticents à financer les séjours de leurs alternants.

Au total, la proposition de loi, que je vous propose d'adopter, permettra de franchir une étape importante pour faciliter la mobilité des alternants. Elle devra être assortie d'une mobilisation plus large pour qu'un véritable « Erasmus de l'apprentissage » voie le jour.

Pour terminer, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que ce périmètre comprend des dispositions relatives à la mobilité internationale des apprentis et des bénéficiaires d'un contrat de professionnalisation ainsi qu'à la prise en charge par les opérateurs de compétences de frais qu'entraîne cette mobilité.

Il en est ainsi décidé.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. - J'ai le plaisir d'être présente aujourd'hui devant vous pour l'examen d'un texte très attendu tant par les acteurs de l'apprentissage que les jeunes eux-mêmes, nombreux, qui se forment par la voie de l'alternance dans notre pays.

Cette proposition de loi est de celles qui offrent à nos concitoyens l'opportunité et la capacité de s'enrichir de cultures et de compétences diverses. Elle est aussi de celles qui, de manière très concrète, dans les États, réalisent pour notre jeunesse la promesse d'une Union européenne ouverte, libre, fondée sur la découverte et le partage. À l'heure où les nationalismes hideux et les replis apeurés menacent l'essence même de notre Union et entraînent avec eux les espoirs de paix et de liberté de toute une génération, il est plus que jamais essentiel d'oeuvrer pour multiplier les opportunités de rencontre entre les peuples : 90 % des jeunes Français entre 15 et 30 ans considèrent qu'il est important d'avoir la possibilité d'effectuer une partie de leurs études à l'étranger.

Beaucoup a été fait depuis 2018 pour rendre concrète et accessible la promesse européenne de mobilité pour les apprenants. Ainsi, nous avons pris deux décisions fortes inscrites dans la loi et qui ont permis d'enclencher une dynamique historique en matière de formation à l'étranger.

La première a été de faire obligation à tous les CFA de se doter d'un référent mobilité. Son rôle est clair : accompagner les apprentis dans la définition et la réalisation de leurs projets, aider à la constitution des dossiers, organiser les financements et multiplier les partenariats partout dans le monde.

La seconde a été d'aider au financement des parcours de mobilité, en garantissant aux CFA le financement des référents mobilité, mais également en orientant les fonds des opérateurs de compétences vers la mobilité des alternants.

Grâce à ces avancées, des progrès considérables ont été réalisés dans le pays, puisque nous sommes passés d'environ 7 800 mobilités annuelles à près de 25 000 l'an dernier. Ce sont autant de parcours qui ont permis aux jeunes de développer des capacités d'adaptation, d'autonomie, d'ouverture sur l'autre, mais également de renforcer leurs capacités linguistiques, de se créer un réseau international et in fine de renforcer leur employabilité, pour mieux s'insérer, plus rapidement également, dans l'emploi.

C'est une des raisons pour laquelle nous devons aller plus loin dans l'accès à la mobilité. Vous l'avez rappelé, madame la rapporteure, cette proposition pose le socle d'une grande ambition portée par le Président de la République : faire en sorte que la moitié d'une classe d'âge puisse avoir passé avant ses 25 ans au moins six mois à l'étranger. Si le volet normatif est essentiel pour parvenir à simplifier et mieux soutenir les périodes de formation à l'étranger, des efforts sont également faits en amont pour mieux promouvoir la mobilité auprès des jeunes, mais également des entreprises. Nous professionnalisons ainsi, avec le réseau des centres animation ressources d'information sur la formation-observatoire régional emploi formation (Carif-Oref), les référents mobilité dans les CFA, pour qu'ils disposent tous d'un socle de compétences et qu'ils soient capables, avec l'équipe pédagogique, de construire les projets de mobilité.

Ensuite, nous travaillons avec un réseau d'acteurs engagés
- Erasmus+ ou l'association Euro App Mobility - pour promouvoir la mobilité internationale et favoriser les échanges dans le cadre d'un espace européen de l'apprentissage en construction. Nous avons renouvelé cette année, et pour trois ans, notre soutien à l'association du ministre Jean Arthuis, afin de promouvoir auprès des jeunes et des entreprises la mobilité, de préfigurer un espace européen numérique de l'apprentissage, plateforme qui recensera les offres de formation et d'emploi en mobilité, et d'accompagner les CFA et leurs référents mobilité. Nous travaillons également en lien avec les opérateurs de compétences, interface privilégiée des entreprises avec lesquelles, dans le cadre d'une convention d'objectifs et de moyens renouvelée cette année, nous allons promouvoir la mobilité.

Vous l'avez donc compris, cette proposition s'inscrit dans un continuum de projets et d'initiatives portés par le Gouvernement et les acteurs de l'apprentissage. Elle permettra de lever les derniers freins au développement de la mobilité internationale des alternants.

L'article 1er permet de favoriser les mobilités de plus de quatre semaines tout en sécurisant les parcours à l'étranger des jeunes Français. Pour réaliser plus de quatre semaines de formation à l'étranger aujourd'hui, la mise en veille du contrat d'apprentissage est nécessaire. C'est la principale cause de non-recours aux dispositifs de mobilité.

Cette suspension du contrat de travail n'est jamais anodine puisqu'elle prive le jeune du maintien de sa rémunération et de la protection sociale rattachée au contrat d'apprentissage. Elle s'accompagne par ailleurs de lourdeurs administratives importantes tant pour l'employeur que pour l'apprenti et son CFA. Ce manque de souplesse dans la gestion du contrat d'apprentissage se devait d'être corrigé, ce que réalise la proposition de loi en permettant la mise à disposition de l'alternant, y compris pour les mobilités longues. Il en résultera une meilleure sécurisation de la situation des apprentis qui pourront conserver rémunération et protection sociale.

L'article 2 vient à l'appui de la simplification des démarches pour les acteurs de l'apprentissage, notamment dans le cadre des mobilités académiques. Car si la loi de 2018 règle le sort des mobilités entre entreprises, les mobilités entre écoles demeurent complexes. Leur régime juridique est inadapté. Concrètement, le droit français fait actuellement obligation à l'école étrangère de signer chaque convention individuelle de mobilité des apprentis français qu'elle reçoit, et ce alors même que dans la majorité des cas, une convention-cadre de coopération existe avec le CFA français.

La réponse de cette proposition de loi en la matière est donc pragmatique puisqu'elle dispense l'école étrangère de signature de la convention individuelle de mobilité d'un jeune Français lorsqu'une convention-cadre existe avec le CFA français. Cette simplification répond à l'enjeu que nous portons de multiplier les opportunités de mobilité pour les apprentissages.

L'article 2 bis, ajouté en première lecture par les députés, exempte les apprentis étrangers de la limite d'âge qui existe en matière d'apprentissage. Cet article facilite la réciprocité entre les États et promeut les échanges entre apprentis étrangers, en Europe et dans le monde. Parce que notre Union est fondée sur le principe de réciprocité, nous devons reconnaître que la définition même de l'apprentissage en France n'est pas nécessairement celle retenue chez nos voisins européens, par exemple en termes de limite d'âge. Chez nos voisins allemands, il n'y a pas de limite d'âge pour accéder à l'apprentissage. La logique d'échange d'apprentis entre deux pays permet d'atténuer les effets d'une mobilité longue sur l'entreprise.

L'article 3 corrige les inégalités sociales entre les apprentis, en offrant à chacun d'entre eux un socle de protection sociale et en ouvrant la possibilité d'une véritable harmonisation dans les mécanismes de prise en charge des frais par les opérateurs de compétences. Le départ à l'étranger engendre des frais, parfois importants, que nous devons alléger par des mécanismes efficaces de prise en charge. Parmi les frais les plus importants figurent ceux de la protection sociale à l'étranger. En prévoyant la prise en charge obligatoire par les Opco des frais de protection sociale, nous mettons en oeuvre une mesure forte empreinte d'égalité, qui libère l'apprenti et sa famille du poids financier que peut représenter une telle protection.

Ensuite, l'élargissement du périmètre de prise en charge obligatoire s'effectuera sur la base de cet article. Le Gouvernement procédera par voie réglementaire à un véritable travail d'harmonisation des règles de remboursement par les Opco des frais dits facultatifs. Que ce soit en matière de logement, de transport ou de restauration, des disparités importantes sont aujourd'hui constatées au sein des Opco, créant de fait une inégalité entre les jeunes selon qu'ils se forment dans un secteur d'activité plutôt qu'un autre. Si nous voulons développer la mobilité, nous devons corriger cette inégalité en offrant un socle minimum de prise en charge identique de ces frais par tous les Opcos. C'est ce à quoi nous nous employons actuellement dans un travail de concertation avec les opérateurs et qui se traduira par un décret après l'adoption de la proposition de loi.

Enfin, les députés ont fait le choix, que le Gouvernement soutient, d'introduire deux nouveaux articles. L'article 3 bis A procède à la ratification de l'ordonnance relative à l'apprentissage transfrontalier. Cette ordonnance prise notamment pour adapter le régime juridique de l'apprentissage transfrontalier à nos territoires d'outre-mer constitue l'un des fondements de la constitution d'un espace européen privilégié de l'apprentissage avec nos voisins directs. Grâce à elle, nous avons pu cette année conclure la première convention binationale avec nos voisins allemands permettant à de jeunes Français de réaliser la partie théorique ou pratique de leur apprentissage dans une entreprise ou un CFA allemand. Quant à l'article 3 bis, il commande au Gouvernement la remise d'un rapport sur l'état des lieux des aides financières en matière de mobilité. Ce rapport me permettra de vous indiquer avec plus de précision le sens des travaux que nous menons actuellement en faveur d'une harmonisation des règles de soutien financier.

Je tiens à remercier Mme la rapporteure, Patricia Demas, pour l'important travail d'audition et d'analyse d'un texte qui poursuit des ambitions très concrètes de développement à la mobilité pour nos jeunes. Cette proposition de loi, que le Gouvernement soutient, permettra à davantage de Français de se former à l'étranger et d'avoir ainsi toutes les clés de réussite d'entrée sur le marché du travail et de mieux accompagner ces nouvelles générations dans les défis de demain. Ce texte rend concrète pour des milliers de jeunes la promesse européenne.

Mme Frédérique Puissat. - Je félicite Mme Demas pour son premier rapport au sein de notre commission. Je remercie également Jean Arthuis, l'initiateur de ce programme au niveau européen, et Alain Milon qui, en 2018, a été le premier à introduire dans la loi le cadre juridique visant à sécuriser les apprentis qui font le choix d'aller à l'étranger. Cette proposition de loi s'inscrit également dans la continuité des travaux de notre ancien collègue sénateur du Rhône, Michel Forissier, qui a déjà permis de lever un certain nombre de freins. Cette loi va permettre maintenant à de plus en plus d'alternants de partir à l'étranger.

L'article 3 bis A concerne une ratification d'ordonnance. C'est suffisamment rare pour le souligner.

Cette ordonnance porte sur les apprentis transfrontaliers. Sachant que 12 % de la dette de l'Unédic, soit environ 600 millions d'euros, sont dus aux travailleurs transfrontaliers, avez-vous mesuré l'impact de cette ordonnance sur l'Unédic ? Avez-vous évalué le coût de cette mesure ?

Mme Silvana Silvani. - Je salue la volonté de lever des freins financiers et administratifs à la mobilité. Toutefois, je crains que la proposition de loi ne soit pas suffisamment aboutie.

Si la création d'un référent mobilité est bienvenue et indispensable, il ne devrait pas être possible de suspendre le contrat. Un apprenti qui verrait son contrat suspendu à l'étranger subirait une rupture dans son parcours de formation difficilement récupérable, qu'une compensation financière ne saurait régler. La mobilité serait ici contre-productive.

Comment élargir les questions de certification et de validation des formations à l'étranger ? Il y a une nouvelle fois un risque de trou dans le parcours d'apprentissage si cette dimension n'est pas bien prise en compte.

Enfin, le schéma de l'apprentissage transfrontalier me paraissait plus élaboré en termes de continuité de parcours, de certification et de prise en charge. Il aurait plutôt fallu élargir ces conventions.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Jean Arthuis a en effet à coeur de voir cette proposition de loi aboutir. C'est un beau texte, qui permet aux alternants de profiter tout autant d'Erasmus que les étudiants. Je remercie Mme Demas pour son excellent travail : les nombreuses auditions qu'elle a menées nous ont fait faire un grand pas.

À nous d'être les ambassadeurs de l'apprentissage. Mettons en valeur l'excellence de ces parcours et de ces voyages de rupture. C'est en observant ce qui se fait à l'étranger qu'on ouvre son esprit critique. Cela peut aussi permettre de se rendre compte de la qualité - bien que toujours perfectible - de l'accueil et de l'apprentissage en France.

Même si c'est une petite avancée, je suis très satisfaite de cette rupture d'inégalité entre les étudiants et les alternants. Cela demande un travail considérable. Jean Arthuis est sur tous les fronts depuis un moment, et je remercie tous ceux qui participent à cet objectif.

Mme Laurence Muller-Bronn. - Le vote de cette loi passera-t-il au-dessus des contrats transfrontaliers ? L'accord relatif à l'apprentissage transfrontalier signé en juillet 2023 entre la France et l'Allemagne ne concerne en réalité que deux Länder, le Bade-Wurtemberg et la Rhénanie-Palatinat. Autrement dit, un apprenti français est très limité dans ses possibilités d'échanges avec l'Allemagne, alors qu'un apprenti allemand peut aller partout en France. En est-il de même pour cette loi ?

Dans le cadre de ces contrats transfrontaliers, l'Office franco-allemand pour la jeunesse verse une aide à la mobilité de 100 euros par mois pendant toute la période d'apprentissage. Est-ce transposable ? Un tel dispositif a-t-il été mis en place dans le cadre d'autres accords européens ?

M. Dominique Théophile. - Les territoires d'outre-mer, et notamment le bassin caribéen, collaborent difficilement avec les ambassades du fait de leur situation géographique éloignée. Les déplacements peuvent être compliqués. Je ne voudrais pas que les jeunes de ces territoires soient privés de cette opportunité pour ces raisons.

Mme Anne Souyris. - Cette proposition de loi est très importante puisqu'elle favorise l'application de l'égalité républicaine. Les alternants, principalement issus de milieux populaires, représentent en effet la frange la plus précaire de la population des jeunes apprenants. Au moment où le dernier rapport Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) montre que la France baisse dans les classements, on peut voir ce texte comme un tremplin vers davantage d'égalité entre les différentes catégories de population.

Nous aborderons ultérieurement dans cette commission la proposition de loi instaurant une allocation universelle pour les étudiants et les apprentis. L'allocation proposée poursuit le même objectif égalitariste, afin que chacun puisse jouir de l'accès au droit à l'étude tout au long de la vie. Erasmus étant un des grands succès de l'Europe qui a permis d'accroître la mobilité des jeunes, je me réjouis de l'avancement de ce travail.

Mme Patricia Demas, rapporteure. - Madame Puissat, sur le coût de l'apprentissage transfrontalier, nous n'avons pas de chiffrage particulier car la seule convention signée entre l'Allemagne et la France date de juillet 2023 : nous manquons donc encore de recul. Mais il s'agit d'un véritable enjeu et Mme la ministre pourra peut-être apporter des précisions sur le coût de cette mesure prometteuse.

La possibilité de mise en veille du contrat libère l'employeur de sa responsabilité de rémunérer l'alternant. Il faut rappeler que l'organisme d'accueil prend le relais pendant le séjour. En ce sens, il n'y a donc pas de rupture de parcours. Au retour de l'apprenti en France, le contrat d'apprentissage reprend. Dans le cas des petites entreprises, pour lesquelles le coût de la mobilité à l'étranger serait trop onéreux, cette mise en veille permet à l'apprenti d'effectuer tout de même une mobilité. En parallèle, des aides existent, même si les organismes d'accueil et les Opco pourraient soutenir de manière beaucoup plus équitable les alternants à l'étranger, en particulier ceux des TPE et PME concernés par cette possibilité de mise en veille.

La mise à disposition de plus de quatre semaines est un élément de sécurité supplémentaire, à la fois pour l'alternant et les entreprises, afin que le parcours de l'alternant à l'étranger soit mieux cadré.

L'apprentissage transfrontalier s'applique en effet aux Länder frontaliers. Mais pour Berlin ou Munich, il reste la mobilité classique, que l'Office franco-allemand pour la jeunesse soutient activement pour les alternants.

S'agissant des mobilités internationales pour les outre-mer, il faudra effectivement nouer des partenariats avec des pays proches. Cet enjeu est fondamental. Cela peut se faire entre organismes de formation ou entre entreprises. Pour l'apprentissage transfrontalier, l'ordonnance prévoit que les pays voisins des territoires d'outre-mer seront concernés, notamment les pays de la Caraïbe. Il reste au Gouvernement à conclure des accords, mais Mme la ministre pourra peut-être nous apporter des précisions sur le sujet.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. - Nous n'avons pas précisément évalué les aspects financiers et notamment l'impact sur l'Unédic, mais nous sommes convenus d'un mécanisme d'équilibre financier dans le cadre de la convention binationale : un bilan du budget est effectué tous les deux ans, permettant le reversement des divers frais supplémentaires qui auraient pu être accordés par l'un ou l'autre pays.

Dans l'ensemble, ces frais de mobilité proviennent de la ligne du budget de l'alternance, pour lequel l'État verse un apport significatif de 2,5 milliards d'euros pour 2024. La loi n'alourdit pas les charges, mais harmonise la prise en charge des frais par les Opco pour assurer une meilleure égalité sectorielle. Il s'agit aussi de garantir l'égalité de l'accès à la mobilité par une égalité de l'accès au niveau minimal de la prise en charge des frais.

Sur la réciprocité des périmètres géographiques concernés par ces conventions avec l'Allemagne, trois Länder sont d'ores et déjà dans la convention binationale. Le ministère de l'éducation allemand s'est engagé à le déployer progressivement sur l'ensemble du pays. Dans le cadre d'un apprentissage transfrontalier, l'apprentissage peut être fait partiellement ou totalement à l'étranger. La mobilité internationale ne concerne qu'une partie de l'apprentissage.

Pour les territoires d'outre-mer, nous souhaitons que la coopération s'étende sur tout l'arc des Caraïbes par des conventions avec les États-Unis, le Canada et l'Amérique du Sud.

EXAMEN DES ARTICLES SELON LA PROCÉDURE
DE LÉGISLATION EN COMMISSION

Article 1er

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 2

Mme Monique Lubin. - Nous avions insisté au moment de la réforme de l'apprentissage sur le fait que le développement de celui-ci ne devait se faire au détriment ni de la qualité du contrôle ni de l'accompagnement. L'amendement COM-1 vise à ce que l'entreprise qui accueille le jeune à l'étranger reçoive la convention individuelle de mobilité pour en connaître les clauses, notamment en matière de protection de l'apprenti, même si les droits du travail ne sont pas forcément similaires.

Mme Patricia Demas, rapporteure. - Cet amendement prévoit l'obligation de notifier la convention individuelle de mobilité d'étude à l'organisme d'accueil à l'étranger dans le cas où il existe une convention de partenariat.

La qualité de l'accompagnement, et plus généralement l'expérience de l'alternant, est bien évidemment essentielle pour démocratiser la mobilité de l'apprentissage et en maximiser le bénéfice pour les apprentis. Cependant, il ne me semble pas qu'elle dépende de la transmission de la convention individuelle à l'organisme d'accueil à l'étranger, car il s'agit d'un document administratif pédagogique, rédigé en langue française.

En revanche, l'article 3 de la proposition de loi prévoit qu'un décret en Conseil d'État précise les modalités de mise en oeuvre du contenu des différentes relations conventionnelles entre les CFA, les organismes d'accueil et les alternants. La transmission des informations utiles pour l'organisme d'accueil pourra donc être précisée par décret.

L'avis est donc défavorable, bien que je comprenne votre préoccupation, ma chère collègue.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. - La proposition de loi vise à répondre aux freins à la mobilité que les acteurs ont eux-mêmes identifiés. Parmi ces freins figurent les lourdeurs et lenteurs administratives liées aux obligations conventionnelles autour de la mobilité académique pesant tant sur les employeurs que sur les CFA.

Il ne nous paraît pas indispensable d'établir des conventions individuelles de mobilité pour chaque jeune quand existent déjà des conventions-cadres de coopération précisant les modalités des séjours d'apprentissage. Elles entraînent en effet un allongement de la durée de préparation des dossiers.

L'avis est défavorable.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 2 bis (nouveau)

L'article 2 bis est adopté sans modification.

Article 3

L'article 3 est adopté sans modification.

Article 3 bis A (nouveau)

L'article 3 bis A est adopté sans modification.

Article 3 bis (nouveau)

L'article 3 bis est adopté sans modification.

Article 3 ter (nouveau)

L'article 3 ter est adopté sans modification.

Article 4 (supprimé)

L'article 4 demeure supprimé.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3,
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 16(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie17(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte18(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial19(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires sociales a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 13 décembre 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « Erasmus de l'apprentissage » (n° 598, 2022-2023).

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives à la mobilité internationale des apprentis et des bénéficiaires d'un contrat de professionnalisation ainsi qu'à la prise en charge par les opérateurs de compétences de frais qu'entraîne cette mobilité.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES

___________

Sylvain Maillard, député de Paris, auteur de la proposition de loi

· Euro App Mobility

Jean Arthuis, président

Laurent Cabrera, conseiller juridique

· Association des Apprentis de France (Anaf)

Aurélien Cadiou, président

· CFA régional de l'académie de Nice

Romain Goura, responsable des relations internationales et référent mobilité internationale des apprentis

· Fédération nationale des directeurs de CFA/OFA (Fnadir)

Alban Margueritat, délégué national

· Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)

Stéphane Rémy, sous-directeur des politiques de formation et du contrôle

Christine Matraglia, cheffe de la mission de l'alternance et de l'accès aux qualifications

Marianne Koszul, chargée de mission au sein de la mission de l'alternance et de l'accès aux qualifications

· Agence Erasmus+

Nelly Fesseau, directrice

Sylvain Scherpereel, ingénieur de promotion, Enseignement et formation professionnels du département Promotion de l'Agence

Contributions écrites

· Union des entreprises de proximité (U2P)

· Confédération française démocratique du travail (CFDT)

· Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

LA LOI EN CONSTRUCTION

___________

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-598.html


* 1 Prévue à l'article L. 6211-2 du code du travail.

* 2 Voir le commentaire de l'article 2 figurant dans le présent rapport.

* 3 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 4 Voir le commentaire de l'article 1er figurant dans le présent rapport.

* 5 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 6 Loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

* 7 Article L. 6211-1 du code du travail.

* 8 Article L. 6222-71 du code du travail.

* 9 Deuxième alinéa de l'article L. 6222-12 du code du travail.

* 10 Article L. 6211-2 du code du travail.

* 11 Est visé le 10° de l'article L. 6231-2 du code du travail.

* 12 Est visée la section 7 du chapitre II du titre II du livre II de la sixième partie du code du travail.

* 13 Articles L. 6235-3 à L. 6235-6 du code du travail.

* 14 Article L. 6332-14 du code du travail, voir le commentaire de l'article 3.

* 15 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 16 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 17 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 18 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 19 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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