II. VERS UNE RÉFORME INSTITUTIONNELLE DE L'AIDE FRANÇAISE AU DÉVELOPPEMENT

Les impératifs de rigueur budgétaire, l'exigence de transparence et d'efficacité et le souci de cohérence politique ont conduit le Gouvernement à engager une réflexion sur la réforme de l'organisation et du fonctionnement de l'aide publique au développement. Dès la constitution du Gouvernement, au mois de mai 1995, certaines inflexions ont été apportées. Quant aux modalités de la réforme, qui doit redéfinir le rôle et les modalités d'intervention des différents acteurs de la politique d'aide au développement, elles étaient encore, au cours du mois de novembre, en voie de définition.

A. DES PREMIÈRES MESURES DE RÉORGANISATION

Lors de la constitution du Gouvernement, la coopération a été rattachée au ministère des affaires étrangères sous la forme d'un ministère délégué. Une telle organisation avait déjà été mise en place de 1984 à 1986 et de 1992 à 1993. Bien que modeste, cette modification de l'organigramme du Gouvernement traduit la volonté d'assurer une meilleure coordination de la politique extérieure de la France dont la coopération constitue un élément important.

Le décret d'attribution du ministère délégué à la coopération a également réalisé une extension du champ qui était envisagée depuis longtemps. Aux états francophones d'Afrique au sud du Sahara et de l'Océan indien, à Madagascar et à quinze autres états d'Afrique et des Caraïbes qui constituaient les trente-sept pays du champ traditionnel de la coopération viennent s'ajouter les trente-trois autres pays ACP parties à la convention de Lomé et l'Afrique du Sud.

En regroupant désormais dans le champ tous les pays ACP et l'Afrique du Sud, le Gouvernement répond à plusieurs objectifs :

- "coller" au cadre de la convention de Lomé et permettre ainsi une meilleure articulation de l'aide française avec les mécanismes communautaires ;

- intégrer des pays comme l'Afrique du Sud ou le Nigeria, dont le poids économique influe sur la situation de toute l'Afrique subsaharienne ;

- permettre à notre politique de coopération et à nos projets de développement de mieux prendre en compte la dimension régionale et les processus d'intégration.

En résumé, il s'agissait d'adapter notre politique de coopération à des réalités telles que les mécanismes d'aide communautaire, le poids économique de certains pays ou la nécessité de l'intégration régionale.

Pour être complet, il faut préciser que le champ, tel que défini dans son décret d'attribution, ne limite pas de manière absolue les compétences géographiques du ministre délégué à la coopération. Celui-ci peut être chargé par le ministre des affaires étrangères, de missions ou d'actions de coopération dans des pays hors champ. Cette procédure a notamment été utilisée depuis janvier 1993 pour permettre au ministère de la coopération d'intervenir au Cambodge. Il s'agissait alors de renforcer l'aide française à ce pays dans une période où il renouait avec la communauté internationale. Alors que le Cambodge n'est toujours pas inclus dans le champ, une lettre de mission confirmait en juillet 1995 les compétences dévolues, dans des secteurs précis, au ministère de la coopération.

Lors d'une mission sur le terrain, votre rapporteur a pu apprécier l'utilité des projets mis en oeuvre par la coopération française au Cambodge. Il a toutefois noté que cette extension exceptionnelle du champ plaçait nos services extérieurs et nos partenaires dans une situation parfois inconfortable : parce qu'elle est par définition dérogatoire, cette situation peut induire un sentiment d'incertitude, voire de précarité sur la continuité des actions entreprises par la coopération française et dans cette mesure, elle ne présente pas que des avantages.

Quelles seront, en 1996, les conséquences pratiques de l'extension du champ ?

Sur le plan budgétaire, le projet de loi de finances n'intègre pas, pour les crédits de la coopération, l'effet d'élargissement des pays bénéficiaires. Selon les indications fournies par le ministre délégué à la coopération lors de son audition devant la commission des finances, le ministère des affaires étrangères devrait opérer, en cours de gestion 1996, un transfert de crédits de l'ordre de 150 millions de francs. C'est également par transfert de crédits en provenance du Quai d'Orsay qu'est financée la coopération militaire au Cambodge.

Les crédits du FAC resteront l'instrument privilégié de l'aide aux pays africains, ce qui signifie que la "montée en charge" des nouveaux pays du champ dans le budget de la coopération s'effectuera très progressivement.

Sur le plan administratif, il est exclu d'instituer dans chacun des nouveaux pays du champ, une mission de coopération et d'action culturelle telle qu'elle existe actuellement dans tous les pays relevant du ministère de la coopération. Il est beaucoup plus probable que l'on assiste, au cas par cas, à l'intégration de responsables du ministère de la coopération dans les équipes en place localement.

Il apparaît donc d'une part, qu'il n'y aura pas d'alignement du traitement des nouveaux pays du champ sur celui de nos partenaires traditionnels et d'autre part, que dans ces pays, l'organisation administrative sera adaptée en fonction des nécessités.

Au-delà de l'extension du champ, le Premier ministre, dès le mois de juin 1995, confiait au ministre des affaires étrangères et au ministre de la coopération le soin de préparer, en liaison avec le ministre de l'économie et des finances, un projet de réforme portant sur l'organisation et le fonctionnement de l'aide publique au développement. D'abord prévu au mois de septembre, l'arbitrage du Premier ministre sur ce projet a été repoussé et à la date d'élaboration du présent rapport, il n'avait pas encore été rendu.

Les objectifs de la réforme sont clairs : simplifier et rationaliser les procédures, coordonner les actions des différents intervenants, permettre la cohérence politique de leurs décisions.

Sans vouloir préjuger d'une réforme dont les modalités précises sont encore inconnues, votre rapporteur souhaite simplement faire part d'observations tirées notamment des constatations qu'il a pu faire sur le terrain.

Tout d'abord, notre système d'aide au développement est perfectible et il mérite, effectivement, d'être amélioré, afin d'obéir à une vision politique cohérente et d'éviter, surtout sur le terrain, les chevauchements de compétences et le manque de coordination qui nuisent autant à la crédibilité de notre pays qu'à l'efficacité de nos actions en faveur du développement.

D'autre part, le ministère de la coopération, dont l'existence même a parfois été contestée, doit continuer à jouer un rôle majeur dans notre dispositif car :

- il constitue, pour les pays avec lesquels nos liens sont les plus étroits, un interlocuteur irremplaçable et contribue, de ce fait, au maintien de l'influence de la France, notamment en Afrique,

- il met en oeuvre, avec un personnel spécialisé de grande qualité, un savoir-faire spécifique dans le domaine du développement et il mène, dans la continuité, une action en profondeur qu'il importe de préserver.

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