I. LA SITUATION PRÉSENTE DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE DE MAYOTTE JUSTIFIE UNE RÉFORME

Depuis que la loi n° 76-1212 du 24 décembre 1976 relative à l'organisation de Mayotte a fait de Mayotte une collectivité territoriale de la République, le régime de la fonction publique territoriale a été régi par arrêté préfectoral.

Les lois du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ne lui sont pas applicables.

Néanmoins, l'article 14 de la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 relative à la formation des agents de la fonction publique territoriale, modifié par l'article 46 de la loi n° 87-529 du 13 juillet 1987, prévoit que « la collectivité territoriale de Mayotte bénéficie, dans des conditions fixées par décret, des services de la délégation régionale de la Réunion » du centre national de la fonction publique territoriale.

Bien que le décret n'ait semble-t-il jamais été pris, cette disposition s'applique dans la pratique : des formateurs du centre de la Réunion viennent en effet à Mayotte dispenser, à l'occasion, des formations.

Bien que le coût de ces sessions soit élevé, ce rattachement paraît de bonne gestion car, en l'état actuel de la législation, il n'aurait pas été possible d'installer à Mayotte même des formateurs à plein temps compétents pour l'ensemble des domaines.

A. LA SITUATION ACTUELLE EST ANARCHIQUE

1. Des statuts nombreux et incohérents pour la collectivité territoriale

Au premier arrêté du 20 juillet 1977 portant statut général des fonctionnaires et cadres de la collectivité territoriale de Mayotte se sont ajoutés de si nombreux textes disparates que la mission envoyée à Mayotte en 1992 pour examiner la situation de la fonction publique de la collectivité territoriale a conclu à l'absence de véritable statut général, à l'anarchie des systèmes de rémunération et a constaté le recours croissant aux contractuels.

Plus grave, elle a jugé ces statuts particuliers inadaptés ce qui enlève toute justification éventuelle à leur prolifération.

• les fonctionnaires titulaires sont répartis par l'arrêté du 3 février 1984 en trois catégories I, II et III théoriquement équivalentes aux catégories A, B et C de la métropole mais, en raison de leur niveau de recrutement, elles sont décalées d'un degré puisque la catégorie I est accessible aux titulaires du baccalauréat et la catégorie II aux titulaires du BEPC.

• les A.P.N.F. (auxiliaires et agents permanents non fonctionnaires) relèvent du règlement général des agents publics permanents non fonctionnaires des services de la collectivité pris par l'arrêté du 20 juillet 1977 et de l'arrêté du 3 février 1984. Ils occupent des emplois correspondant à la catégorie C et à l'ancienne catégorie D de la fonction publique.

• les contractuels sont en augmentation constante alors qu'ils ne devraient occuper depuis 1986 que des emplois de cadres techniques et administratifs de haut niveau.

Leurs postes correspondent le plus souvent à des emplois permanents et leur recrutement s'effectue par concours sur titre ou dossier avec condition de diplôme.


les agents horaires sont des non titulaires, recrutés les premiers après l'établissement du statut de Mayotte.

Ils sont engagés sans exigence de qualification et rémunérés à l'heure. Leur statut se rapproche de celui des auxiliaires, catégorie qu'ils peuvent intégrer lorsqu'ils sont âgés de plus de 45 ans et comptent plus de 5 ans d'ancienneté de services.

Ils sont particulièrement présents dans les services de l'agriculture, de la préfecture et les services sociaux.


les agents « décisionnaires » ou P.N.T. (personnels non titulaires) sont régis par un règlement intérieur de 1987. Presque exclusivement présents à la direction de l'équipement de Mayotte, la mission de 1992 les décrit comme ni véritablement fonctionnaires de la collectivité, ni fonctionnaires de l'État. Rémunérés par l'État puisque la direction de l'équipement est restée de sa compétence, ils sont, de fait, employés par la collectivité territoriale et cotisent à la caisse de prévoyance sociale du secteur privé et non à la caisse de retraite des fonctionnaires.

Ce premier survol théorique des statuts permettait à la mission de constater que « la fonction publique mahoraise est incomplète en haut de la grille (absence de véritable équivalent de la catégorie A) et inutilement différenciée en bas » .

L'examen du régime des traitements et des indemnités complète ce tableau : il n'existe aucune cohérence entre les différentes catégories, ni même parfois à l'intérieur d'une même catégorie.

Cette situation a conduit le conseil général à estimer dans sa délibération du 3 février 1992 que « la situation d'agent contractuel est devenue encore plus attractive que celle de fonctionnaire de la collectivité territoriale de Mayotte car leurs différences se sont estompées » , y compris du point de vue de la sécurité de l'emploi.

A telle enseigne que la mission a pu constater « que plusieurs fonctionnaires mahorais avaient demandé et obtenu de devenir contractuels, jugeant, à raison, la situation plus avantageuse » !

Au 25 septembre 1995, les agents de la collectivité territoriale se répartissaient ainsi :

Répartition des agents publics de la collectivité territoriale de Mayotte

En conséquence, sur les 4 293 agents de la collectivité 1 839, soit 42,8 %, sont des fonctionnaires et 2 454, soit 57,2 %, des contractuels.

De tels chiffres ne sont pas atypiques outre-mer puisque, lors de l'examen du budget M. Jean-Jacques de Perreti, ministre délégué de l'outremer, a eu l'occasion de rappeler que dans les départements d'outre-mer 68  % des agents des collectivités territoriales sont des contractuels. Mais les motifs de ce déséquilibre y sont en partie inverses : le coût du rapprochement du régime indemnitaire de la fonction publique territoriale des départements d'outre-mer avec celui des fonctionnaires de l'État conduit les collectivités territoriales à recourir à des contractuels, moins coûteux, tandis qu'à Mayotte l'anarchie des statuts est apparemment favorable aux contractuels.

2. Une situation comparable pour les 17 communes

Les agents des communes ont été assimilés par arrêté préfectoral au personnel de la collectivité territoriale et sont également partagés en catégories complexes relevant de statuts non moins incohérents.

Ils se répartissent, à la même date, de la manière suivante :

Répartition du personnel communal

La proportion des personnels sous statut contractuel y est donc encore plus forte puisque seulement 7,3 % sont des fonctionnaires représentant un peu plus de 10 % de la masse salariale totale.

S'ajoutent en outre 146 temporaires saisonniers et 140 contrats emploi solidarité.

B. LA NÉCESSITÉ DE LA RÉFORME

Le description précédente fait apparaître comme de bon sens les propositions de la mission de 1992 qui devraient présider à la réforme de ces régimes.

1. La clarification des régimes juridiques

Une adaptation est nécessaire pour tenir compte de la situation mahoraise. En tout état de cause, la simplicité nécessaire à la pratique, comme le respect des principes constitutionnels et de la hiérarchie des normes imposent une intervention législative pour fixer le cadre du futur statut.

Il s'agit en tout premier lieu de marquer le caractère de droit public des emplois concernés, puis de prévoir des règles de recrutement, d'avancement, de rémunération et de discipline cohérentes et transparentes.

2. Les nécessaires dispositions transitoires

La remise en ordre suppose de structurer des cadres, des filières et des grilles et d'y intégrer les agents actuellement employés en préservant, le cas échéant, leur niveau de rémunération actuel. Il sera toutefois nécessaire de veiller, compte tenu des faibles effectifs concernés, à maintenir des catégories homogènes suffisamment fournies pour que les règles d'avancement au choix conservent un sens. En tout état de cause, plusieurs années seront nécessaires pour la mise en oeuvre de la réforme.

Page mise à jour le

Partager cette page