Article 8 (article L. 123-3 du CPI) - Durée de protection des oeuvres anonymes, pseudonymes ou collectives

I . Commentaire du texte du projet de loi

Cet article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 123-3 du CPI intégrant les modifications que les dispositions de la directive n° 93/98 imposent d'apporter au régime de protection des oeuvres anonymes, pseudonymes ou collectives :

Le premier alinéa de l'article porte de 50 à 70 années la durée de protection post publicationem des oeuvres anonymes, pseudonymes ou collectives, et, accessoirement, complète le début de l'alinéa par la mention explicite des oeuvres anonymes, auxquelles le texte actuel, issu de la loi de 1957, ne fait référence que dans le corps de l'article.

Le deuxième alinéa prévoit une règle unique de protection des oeuvres publiées de manière échelonnée : le délai de protection court désormais à compter du premier janvier de l'année suivant la publication de chaque élément. Est donc supprimée la disposition qui prévoyait, au bénéfice des oeuvres entièrement publiées dans un délai inférieur ou égal à vingt ans, un droit exclusif pour l'ensemble de l'oeuvre ne prenant fin qu'à l'expiration de la durée de protection légale du dernier élément publié.

La rédaction proposée pour le deuxième alinéa de l'article L. 123-3 étend en outre son application aux oeuvres anonymes et pseudonymes : cette extension, certes autorisée par la directive, qui ouvre à toutes les catégories d'oeuvres protégées post publicationem le bénéfice du régime de la publication échelonnée, ne paraît pas d'une utilité évidente, et banalise sans nécessité un régime spécialement adapté au cas particulier des oeuvres collectives. Au moins ne peut-elle nuire.


• La rédaction du troisième alinéa de l'article, qui dans sa rédaction actuelle prévoit simplement que la durée de protection des oeuvres pseudonymes ou anonymes, « si le ou les auteurs se sont fait connaître », est alignée sur celle de l'article 1er-3 de la directive pour préciser que ce retour au droit commun n'est possible que si « le ou les auteurs se sont fait connaît rependant la période mentionnée aux alinéas précédents » -c'est-à-dire la période de protection post publicationem (« échelonnée » ou non)- « ou s'il n'y a pas de doute sur l'identité du ou des auteurs » . Outre qu'elle n'est pas d'une particulière élégance, cette rédaction paraît à la fois inutile et dangereuse :

- elle est inutile parce que, le texte en vigueur de l'article L. 123-3 a toujours été interprété comme ne permettant pas le rappel à la protection d'une oeuvre tombée dans le domaine public ;

- elle est également inutile du fait que la protection post publicationem prévue par l'article L. 123-3 ne s'applique pas, par définition, au cas de l'anonymat ou du pseudonyme « transparents ».

Le régime de protection post publicationem n'est pas, en effet, une brimade infligée aux auteurs ayant choisi d'user d'un nom de plume ou de ne pas signer leurs oeuvres : il ne s'applique que par nécessité, parce qu'il est impossible de déterminer la durée des droits par référence à la date du décès de l'auteur lorsque l'identité de cet auteur n'est pas connue.

En revanche, « s'il n'y a pas de doute sur l'identité de l'auteur » , il n'y a aucune raison pour que la durée de ses droits soit déterminée autrement que selon la règle de droit commun.

- elle est dangereuse parce que la rédaction proposée n'impose pas-comme le texte actuel et comme l'article L. 113-6 du code, qui définit les droits de l'auteur d'une oeuvre anonyme ou pseudonyme- que la révélation de l'identité de l'auteur ne puisse venir que de lui seul : elle pourrait donc inciter les ayants droit de l'auteur, pour prolonger le droit exclusif, à porter atteinte au droit moral de l'auteur de ne pas assumer la paternité de son oeuvre.


• Le quatrième alinéa du texte proposé pour l'article L 123-3 tend à insérer dans cet article un alinéa nouveau disposant que, « au cas où une ou plusieurs personnes physiques ont la qualité d'auteur de l'oeuvre collective pour son ensemble », la durée de protection n'est pas définie à compter de la Publication mais par référence à la règle des 70 ans p.m.a.

Cette disposition est contradictoire avec la définition de l'oeuvre collective, et elle est, de plus, inutile :

- en droit français, une oeuvre collective est, par définition, une oeuvre dont personne ne peut revendiquer la qualité d'auteur « pour son ensemble » : ni la personne qui a pris l'initiative de sa création et sous le nom de laquelle elle est divulguée, qui est « investie des droits de l'auteur » mais n'en a pas la qualité (article L. 113-5 CPI), ni les auteurs participant à son élaboration et dont la contribution personnelle « se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue », si bien qu'aucun d'entre eux ne peut se voir « attribuer un droit distinct sur l'ensemble réalisé » (article L 113-2 du CPI, al. 3) ;

- la disposition proposée est par conséquent inutile : si une ou Plusieurs personnes physiques ont la qualité d'auteur de l'oeuvre « pour son ensemble », cette oeuvre n'est pas une oeuvre collective mais une oeuvre individuelle ou de collaboration, dont la durée de protection ne peut être définie que par référence aux articles L. 123-1 ou L. 123-2 du CPI.


• Enfin, le dernier alinéa de la nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 123-3 transcrit une des dispositions les plus contestables, au niveau des principes, de la directive n° 93/98 : celle qui réserve, dans le cas des oeuvres relevant du régime de la protection post publicationem, le bénéfice de cette protection aux oeuvres publiées dans les 70 années suivant l'année de leur création.

II . Position de la commission

Compte tenu des observations qui précèdent, votre commission a adopté trois amendements au texte proposé par cet article pour l'article L. 123-3 CPI :


Le premier amendement propose une rédaction du troisième alinéa plus proche du texte en vigueur que celle du projet de loi et rectifie une erreur reproduite par le projet de loi : les articles L. 123-1 et L. 123-2 définissent la durée de la protection et non son point de départ.


Le deuxième amendement tend à supprimer le quatrième alinéa du texte proposé.


Le troisième amendement propose une nouvelle rédaction du cinquième alinéa, qui, faute de pouvoir en modifier le fond, s'efforce au moins d'en améliorer la forme.

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