Article 32 - Dispositions relatives à la Caisse nationale de garantie des ouvriers dockers

Commentaire : le présent article tend à autoriser la Caisse nationale de garantie des ouvriers dockers (CAINAGOD) à consacrer une partie de son fonds de réserve au financement des plans sociaux qui ont accompagné la réforme de la manutention portuaire mise en oeuvre depuis 1992.

I. LE COÛT DE LA RÉFORME DE LA MANUTENTION PORTUAIRE DE 1992 EST CONSIDÉRABLE

Dans le régime de travail de la manutention portuaire antérieur à 1992, tel qu'il résultait de la loi du 6 septembre 1947, les anciens dockers disposaient d'un monopole d'emploi pour l'exécution des opérations de chargement et déchargement des navires et de certaines opérations annexes.

Les ouvriers dockers professionnels et occasionnels travaillaient sous le régime de l'intermittence, c'est-à-dire à la vacation. Rattachés au bureau central de la-main-d'oeuvre (BCMO) de chaque port et titulaires d'une carte professionnelle délivrée par l'Etat, ils étaient juridiquement indépendants de leurs employeurs. A condition de se présenter régulièrement à l'embauche, ils avaient droit à une indemnité de garantie en cas d'inemploi. Cette indemnité leur était servie par la CAINAGOD, alimentée par les cotisations des entreprises de manutention.

La loi n° 92-946 du 9 juin 1992 modifiant le régime du travail dans les ports maritimes a radicalement réformé les conditions d'emploi de la main-d'oeuvre portuaire, dans le souci d'améliorer la compétitivité des ports français. Cette réforme s'est déroulée selon deux axes complémentaires.

- D'une part, la mensualisation sur une base volontaire des dockers, qui sont désormais dans leur grande majorité rattachés aux entreprises de manutention par des contrats de travail de droit commun.

- D'autre part, la réduction négociée des effectifs dans le cadre de plans sociaux comportant des mesures d'âge et des mesures de reconversion.

En effet, les sureffectifs résultant de la mécanisation de la manutention se traduisaient par des taux d'inemploi très importants qui risquaient de bloquer te processus de mensualisation.

Entre fin juin 1992 et fin juin 1995, le nombre des dockers Professionnels est passé de 8.151 à 4.149, dont 3.847 seulement sont en situation d'activité. L'essentiel de ces dockers en activité sont mensualisés : il ne subsiste que 486 dockers intermittents, dont les deux-tiers sont à Marseille.

Les objectifs de la réforme sont donc atteints puisque, si l'on écarte les dockers intermittents handicapés ou en maladie de longue durée, dans vingt BCMO sur trente-et-un, il n'y a actuellement plus aucun docker Professionnel intermittent en situation d'activité.

Mise en oeuvre sur une base négociée et volontaire, la réforme de 1992 a été coûteuse. Le coût total des plans sociaux qui ont permis de diviser par deux le nombre des dockers en trois ans est estimé à 4 milliards de francs. Soit 2 milliards de francs à la charge de l'Etat et 2 milliards de francs à la charge des places portuaires, dont 1,2 milliard de francs à la charge des entreprises de manutention (le solde étant essentiellement financé par les établissements portuaires et, plus rarement, par les collectivités locales).

Le coût moyen par docker bénéficiant d'une mesure d'âge ou de reconversion est de 957.000 francs. Mais, les plans ayant été négociés port par port, ce montant moyen recouvre des variations considérables : entre 446.000 francs à Cherbourg et 1,3 milliard de francs au Havre.

II. CETTE RÉFORME S'EST TRADUITE PAR L'ACCUMULATION DE RESERVES FINANCIERES À LA CAINAGOD

La Caisse nationale de garantie des ouvriers dockers, organisme doté de la personnalité morale, est chargée de la gestion de l'intermittence et de indemnisation de l'inemploi dans le domaine de la manutention portuaire. Elle est dirigée par un conseil d'administration tripartite où sont représentés l'État, les employeurs et les dockers.

Elle a pour mission d'assurer, par l'intermédiaire des bureaux centraux de la main-d'oeuvre, qui constituent ses services locaux dans les ports, le paiement de l'indemnité de garantie aux ouvriers dockers professionnels intermittents inemployés. Elle peut également avoir à verser des indemnités compensatrices dans le cas où il devrait être procédé à une réduction de l'effectif des intermittents.

Les ressources de la Caisse sont essentiellement constituées de cotisations versées par les employeurs de main-d'oeuvre dans les ports et assises sur les rémunérations payées aux dockers intermittents ou occasionnels.

Jusqu'en 1992, le taux de cotisation était identique sur tout le territoire, ce qui signifie qu'il y avait péréquation des charges entre les ports. Aujourd'hui, ce taux est fixé port par port afin d'assurer l'équilibre financier de chaque BCMO. Il varie très fortement, entre 2 % à Douarnenez et 28 % à Rouen, et est égal à 0 dans les ports qui n'ont plus aucun docker intermittent.

La réforme de la manutention a bouleversé l'activité de la CAINAGOD : le nombre de dockers intermittents qui lui sont affiliés a été diminué par vingt en trois ans.

Cette évolution a entraîné une diminution drastique des recettes de la Caisse : les cotisations versées par les employeurs sont passées de 105,8 millions de francs en 1992 à 18,1 millions de francs en 1995. Mais ses dépenses ont diminué encore plus vite : entre 1992 et 1995, les indemnités de chômage versées par la Caisse sont passées de 74,1 millions de francs à 2,9 millions de francs, tandis que ses frais de fonctionnement diminuaient de 48,1 millions de francs à 18,6 millions de francs. Depuis 1985, la CAINAGOD a réduit les effectifs de son personnel de 246 à 44 personnes.

II en résulte que la CAINAGOD a accumulé des réserves consistantes, qui sont passées de 66,4 millions de francs en 1992 à 110,7 millions de francs en 1995, soit plus de cinq années de ses dépenses.

Evolution du budget de la CAINAGOD (1992-1995)

III. L'AFFECTATION D'UNE PARTIE DES RESERVES DE LA CAINAGOD AU FINANCEMENT DE LA RÉFORME EST LOGIQUE

Réglementairement, la CAINAGOD ne peut disposer de réserves supérieures au montant des dépenses susceptibles d'être mises à sa charge Pendant huit mois (arrêté du 20 novembre 1969 modifié le 7 avril 1971). Le niveau actuel de son fonds de réserve, soit 110,7 millions de francs à la fin de 1995, va bien au-delà de cette norme prudentielle.

Cet excédent ayant été constitué par les cotisations des entreprises de manutention, il est logique de l'utiliser pour alléger la contribution de celles-ci aux plans sociaux qui ont accompagné la réforme. Selon l'Union nationale des industries de la manutention (UNIM), cette contribution s'élève pour l'ensemble de la profession à 1,243 milliard de francs, dont 694 millions de francs restaient encore à verser au 1 er janvier 1996.

Les catégories de dépenses de la CAINAGOD étant fixées par la loi, le législateur doit au préalable autoriser ce nouvel usage des ressources de la Caisse. C'est l'objet du présent article, qui pose le principe de l'affectation d'une partie des réserves de la CAINAGOD aux dépenses d'exécution des Plans sociaux agréés avant le 31 décembre 1996, et en renvoie les modalités à un décret.

Compte tenu des engagements de la CAINAGOD existants par ailleurs, la totalité de son fonds de réserve ne sera pas disponible. La

Caisse est en effet redevable de 19 millions de francs envers le Fonds national Pour l'emploi, au titre de sa contribution au financement du départ en préretraite de dockers entre 1982 et 1985. Par ailleurs, la Caisse a provisionné 38 millions de francs pour le financement du plan social concernant son propre personnel, nécessaire pour adapter ses effectifs à la diminution de son activité.

Au total, la part excédentaire du fonds de réserve de la CAINAGOD que le Gouvernement projette d'affecter au financement des Plans sociaux dans les ports est estimée à 50 millions de francs.

Le décret devra également fixer les critères de répartition de cette contribution de la Caisse entre les ports. Deux critères seront combinés :

- le premier critère se fondera sur les coûts restant à financer, calculés de façon à neutraliser leur variation d'un port à l'autre (faute de cette correction, les places portuaires ayant mis en place les plans sociaux les plus dispendieux seraient avantagées) ;

- le second critère se fondera sur le solde des cotisations de chaque port à la Caisse depuis 1947, net des indemnités reversées (ce second critère vise à donner une prime aux ports qui étaient contributeurs nets dans l'ancien système de péréquation des charges, c'est -à dire les grands ports autonomes).

Il est prévu que les sommes ainsi réparties soient versées aux caisses de compensation des congés payés, institutions propres au secteur de la manutention portuaire par lesquelles ont déjà transité les contributions des entreprises aux plans sociaux.

Le décret devra enfin préciser les modalités de contrôle du bon emploi de cette fraction du fonds de réserve de la Caisse et, le cas échéant, les conditions de reversement des sommes si leur emploi n'était pas conforme. Ce contrôle ne pourra en effet intervenir qu'a posteriori, sauf à ralentir excessivement la procédure de répartition des fonds et d'ajustement des volets financiers des plans sociaux dans les ports.

A titre de conclusion, il convient de relever que la prochaine étape consistera sans doute, dès que la réforme de la manutention portuaire aura atteint une certaine maturité, à reconsidérer l'existence même de la CAINAGOD, qui est appelée à s'éteindre en même temps que la catégorie de docker intermittent.

Il semble d'ores et déjà contre-productif de maintenir une structure spécifique pour gérer les 486 intermittents encore en activité, ce qui aboutit à un ratio aberrant de 6 francs de cotisations payées pour 1 franc d'indemnité de garantie versée, les frais de fonctionnement absorbant 86,5% des dépenses de la CAINAGOD, qui n'en continue pas moins à accumuler des réserves.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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