B. LES RÉPERCUSSIONS D'UNE CRISE PERSISTANTE

Après « la décennie d'or constituée par les années 1980, le début des années 90 marque une rupture . Sous l'effet de l'habituelle dépression du marché en début d'année, la crise a éclaté en février 1993, puis s'est amplifiée en janvier 1994, pour atteindre son apogée en février 1994. Les prémisses de cette crise étaient détectables dés le début des années 1990.

Notre pays a ressenti profondément les effets de ces événements, qui se sont traduits notamment par une baisse du revenu des marins-pêcheurs et un ralentissement de la flotte tant en termes de navires que de marins embarqués.

1. Une baisse régulière des revenus depuis 1990

Sur la période 1980-1994, la production française des produits de la mer a progressé en francs courants de + 9,5 %. Cependant, en francs constants, on constate une quasi-stagnation de la valeur produite : de 8,45 milliards de francs en 1980 on est passé à 9,5 milliards en 1987 et 1988, années record, avant de redescendre progressivement à 8,2 milliards en 1994.

Depuis 1989, la production française des pêches maritimes (hors cultures marines) en volume s'est accrue régulièrement passant de 557.202 tonnes pour 1989 à 639.956 en 1995 ; cependant il est nécessaire d'apporter une précision sur la valeur de ces apports, qui n'a fait que baisser depuis 1989 passant de 6.563,9 millions de francs à 5.967,3 millions de francs en 1994. Les résultats de 1995 semblent attester d'une relative stabilisation du chiffre d'affaires ; mais le rapport entre les quantités produites et la valeur des apports reflète bien une réelle baisse des revenus des pêcheurs : en effet en 1989, il « suffisait de 333.000 tonnes de poissons pour obtenir un chiffre d'affaires de 4.538,5 millions de francs. En 1995, un tonnage supérieur de près de 5 % procure un chiffre d'affaires inférieur de 11 % à celui de 1989 en francs courants.

La diminution des revenus des marins-pêcheurs français est aussi à examiner au regard de la baisse des prix à la production . Alors que dans les années 80, les prix se sont maintenus autour de 12 francs, ceux-ci, dés 1990, ont connu une baisse constante, le prix moyen tombant sous la barre des 10 francs (9,55) en 1994.

Le revenu des pêcheurs, qui s'est constamment détérioré depuis plus de 5 ans, a pu se stabiliser en 1995, mais à un niveau très sensiblement inférieur à celui dégagé en 1989.

Par ailleurs la répartition des recettes entre l'armement et l'équipage, traditionnellement à 50/50, tend aujourd'hui vers un rapport plus favorable à l'armement de 55/45.

2. Un net ralentissement de la flotte de pêche au cours de ces dernières années

a) Une flotte ayant subi une forte restructuration

On assiste à une diminution régulière depuis 1986 du nombre de navires.

FLOTTE DE PÊCHE PAR TRANCHES DE LONGUEUR
(SITUATION AU 7 OCTOBRE 1996)

Cette baisse est, bien entendu, conforme aux objectifs des plans d'orientation pluriannuels (POP) successifs mis en place par l'Union européenne, notamment les plans de sorties de flotte mis en oeuvre depuis mars 1991 pour adapter les capacités de capture des bâtiments. Cependant elle est aussi une répercussion directe des tensions survenues dans ce secteur.

En effet, comme l'a constaté le rapport d'audit sur la situation financière des navires de pêche artisanale et des organismes d'intervention, l'examen des bateaux de 12 à 25 mètres avait montré une proportion significative d'armements dont les résultats financiers compromettaient la pérennité des outils. 7 ( * ) Une centaine de navires sur les 1.638 bateaux de 12 à 25 mètres, du fait de leurs difficultés d'exploitation, avaient été recensés comme économiquement non viables, une quarantaine d'entre eux ayant même un résultat d'exploitation négatif, c'est-à-dire qu'ils perdaient de l'argent à chaque sortie en mer.

b) La dégradation de la situation de l'emploi

Les effectifs de marins embarqués à la pêche font l'objet de deux modes de comptabilisation.

Traditionnellement, on se réfère au nombre de marins effectivement embarqués en fin d'année. Cependant ce mode de comptabilisation ne reflète pas l'activité de l'ensemble des marins qui ont embarqué de façon régulière en cours d'année. Aussi, le chiffre le plus significatif retenu pour les comparaisons internationales est celui des marins ayant embarqué à la pêche plus de trois mois en cours d'année.

Égal au tiers de ce qu'il était après la seconde guerre mondiale, le nombre de marins a décru régulièrement, parallèlement à la diminution de la flotte de 1990 à nos jours 8 ( * ) .

Alors qu'on comptait 19.769 marins embarqués à la pêche en 1990, ce nombre n'est plus que de 17.565 en 1995. Ainsi en cinq ans la filière a perdu plus de 2.000 marins 9 ( * ) .

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution du nombre de marins embarqués entre 1988 et 1995 :

ÉVOLUTION DES EMPLOIS À LA PÊCHE EN FRANCE DE 1988 À 1995
(NOMBRE EN MILLIERS DE MARINS EMBARQUÉS DE PLUS 3 MOIS PAR AN (sans compter la CPP)

Une telle évolution ne pouvait se faire sans heurts de toutes sortes, surtout si l'on pense qu'à cette nécessité structurelle de réduire la flotte de pêche s'est ajoutée une crise des marchés particulièrement forte à partir de 1993.

* 7 Rapport d'audit établi par MM. Bruno Mettling, Pierre Henaff, Jean-Pierre Menanteau et Mlle Anne Mingasson - février 1995.

* 8 Rapport n° 27 ( 1990/1991) présenté par M. Josselin de Rohan au nom de la commission des Affaires Économiques et du Plan sur le projet de loi portant diverses dispositions en matière de pèches maritimes et de cultures marines.

* 9 Étude d'impact présentée par le Gouvernement concernant le projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines.

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