II. LES RÉPONSES COMMUNAUTAIRES ET NATIONALES

Des réponses à la fois communautaires et nationales ont été apportées à ce marasme de la pêche maritime française.

A. SUR LE PLAN COMMUNAUTAIRE

Il est nécessaire pour bien comprendre les mécanismes d'intervention européens dans le domaine de la pêche de procéder auparavant à un rappel de conditions de création de la Politique commune de la pêche (PCP) et des principaux moyens d'action de la Communauté européenne en la matière.

1. La naissance de l'Europe bleue et l'élaboration communautaire des pêches : un long cheminement

Le principe d'une politique commune de la pêche est déjà inscrit dans le traité de Rome en 1957 puisque, dans la section consacrée à la politique commune agricole, il est affirmé que le marché commun s'appliquerait aussi aux produits de la pêche (article 38). C'est ainsi qu'ont été mises en place progressivement et simultanément une organisation commune de marché (OCM) en 1970 et des mesures structurelles.

La Communauté est alors constituée de six États déficitaires en produits de la mer : la priorité est donnée à la satisfaction des besoins des consommateurs à l'instar de la PAC. Un important dispositif d'aide à la construction est mis en place dans le cadre de cet objectif.

Un changement s'opère à la fin des années 1970 . Les ressources se dégradant, l'interdiction consécutive de la pêche du hareng en mer du Nord marque un tournant dans l'histoire européenne des pêches. Elle ouvre une phase d'affichage d'une politique volontariste de gestion de l'exploitation des ressources halieutiques ; l'entrée dans la Communauté du Royaume-Uni et de l'Irlande, dont les eaux contiennent une large partie des ressources européennes, donnent à la Communauté les moyens d'une telle politique.

La période charnière dans l'élaboration de l'Europe bleue est donc l'année 1976 durant laquelle plusieurs initiatives importantes ont été prises, lesquelles ont modelé le visage de la politique commune de la pêche telle qu'elle se présente aujourd'hui.

C'est ainsi que :


• le Conseil européen de Bruxelles des 12 et 13 juillet 1976 a ouvert la voie à l'extension des limites de pêche des États membres de la Communauté à 200 milles ;


• la Commission, dans une communication au Conseil du 23 septembre 1976, a tracé les contours d'une future politique commune de la pêche, axée autour des principes suivants :

- création d'une « zone communautaire de pêche de 200 milles à partir du 1er janvier 1977,

- négociation d'accords de pêche avec les pays tiers intéressés,

- élaboration d'un régime communautaire de gestion des ressources.

Sur le plan externe, les années 1977 à 1983 sont caractérisées par l'adoption d'une attitude commune des États-membres face aux pays tiers : conclusion d'accords de pêche avec les pays de l'Europe du Nord, d'Afrique, d'Amérique, expulsion des pays de l'Est des eaux communautaires à la suite de l'échec des négociations avec ces pays, participation aux organisations internationales de pêche. C'est la résolution de la Haye du 3 novembre 1976 qui est le fondement du volet externe de la PCP.

Sur le plan interne , l'accord du 25 janvier 1983, créant une politique commune de la pêche, est le fruit de longues et difficiles négociations qui ont duré près d'huit ans ; le dernier volet de la PCP est achevé avec le règlement cadre de la politique de gestion et de conservation des ressources.

Depuis 1983, le retrait du Groenland en 1985, l'adhésion de l'Espagne et du Portugal à la Communauté qui a entraîné le doublement du nombre de pêcheurs européens ainsi que l'augmentation de 75 % de la capacité de pêche, de 45 % de la production et de 43 % de la consommation de poisson ainsi que le développement d'une politique de la recherche ont ponctué la mise en place de la politique communautaire.

Le dispositif de la PCP a été conclu pour vingt ans ; il a été cependant révisé en 1992 (CEE 3760/92) pour donner plus de cohérence à l'ensemble en mettant notamment l'accent sur le contrôle direct de l'effort de pêche communautaire et la possibilité de substituer des totaux admissibles de capture d'effort de pêche aux Totaux admissibles de capture.

Par ailleurs, un règlement établissant les niveaux d'effort de pêche à ne pas dépasser a été adopté par le Conseil des ministres le 15 juin 1995 et un dispositif spécifique de contrôle de l'effort de pêche a été mis en place le 1er janvier dernier.

2. Les instruments de la politique communautaire des pêches

La politique européenne des pêches concerne la gestion des ressources halieutiques, les structures et l'organisation des marchés ; elle a conduit à un très large transfert de compétence des pays membres à l'Union européenne en matière de pêche.

La politique commune de la pêche comporte trois volets fondamentaux :

- une politique commune des structures,

- une politique commune de la gestion et de la protection de la ressource ainsi que d'accès aux ressources halieutiques des pays tiers,

- et une politique commune des marchés.

Ces instruments sont utilisés, d'une part, dans le cadre du respect des « droits historiques (c'est-à-dire des droits de pêche exercés avant 1983) qui restreignent la capacité de chaque État à limiter l'exercice de la pêche aux non-nationaux dans la zone des 12 milles ainsi que, d'autre part, conformément au principe de la stabilité relative qui a pour objet de garantir la poursuite des activités liées directement ou indirectement à la pêche dans les régions concernées.

a) La politique structurelle

La politique structurelle de la Communauté européenne, élaborée en 1970 et redéfinie depuis, complète le dispositif visant à préserver les ressources halieutiques. Elle est constituée d'un ensemble d'aides à la construction et à la modernisation des navires de pêche, aux campagnes expérimentales ainsi qu'à l'arrêt définitif de l'exploitation.

A l'occasion de la révision des règlements des fonds structurels, le Conseil des ministres a décidé le 20 juillet 1993 d'intégrer dans les fonds le volet structurel de la politique commune de la pêche.

Sur un marché où la politique de soutien des revenus par celui des prix trouve rapidement ses limites, il reste les actions structurelles dont, au passage, les moyens sont pour la pêche dans le rapport inverse des crédits de soutien de la PAC.

En effet, alors que la politique agricole commune mobilise beaucoup de crédits provenant du Fonds Européen d'Organisation et de Garantie Agricole (FEOGA) garantie et moins de FEOGA orientation, la politique commune de la pêche utilise peu de crédits OCM (Organisation Commune de Marché) et davantage de crédits provenant des Fonds structurels (IFOP, PESCA).

La politique européenne de restructuration du secteur de la pêche s'exprime, d'une part par le biais de leviers financiers dans le cadre de l'Instrument Financier d'Orientation de la Pêche (IFOP) et d'autre part par la définition de programmes d'orientation pluriannuels (POP).

Préoccupée par l'excédent des capacités de capture de la flotte communautaire par rapport aux possibilités offertes par les différents stocks halieutiques, la Commission européenne a adopté en 1983 des programmes d'orientation pluriannuels des structures (POP) qui ont pour finalité la recherche d'une meilleure adéquation entre les ressources et les flottilles, par une maîtrise du développement de ces dernières.

Ces plans fixent des objectifs dont la réalisation conditionne tant l'octroi des aides communautaires que la légalité des aides nationales. La Cour de Justice des Communautés européennes a, d'ailleurs, indiqué que les objectifs finaux comme les objectifs intermédiaires du POP avaient une valeur impérative.

Après le premier POP (1983-1987) qui n'a pas su geler la puissance motrice installée, un deuxième POP a été adopté pour les années 1987-1991 : il a fixé comme objectif une réduction de 2,45 % en puissance de la flottille française. Le principe des licences est exclu mais celui d'un permis de mise en exploitation est instauré en 1988 : toute entrée dans la flottille doit être compensée par un retrait équivalent en puissance installée. Il faut réduire de 10 % la flotte française pour atteindre les objectifs du POP II : il a entraîné la sortie de flotte d'environ 900 bateaux en 1991.

Si l'application du POP II en France s'est déroulée dans des conditions relativement souples (du moins en début de période), le troisième POP (1992-1996) a entraîné la réduction de la flotte française de 11,5 %.

Compte tenu des événements survenus en 1993 et 1994, pour ce troisième plan, le problème n'est plus tant d'inciter des bateaux à sortir de la flotte, que de permettre des sorties, rendues inéluctables par des situations financières catastrophiques, et ce dans des conditions sociales acceptables.

En 1990, le comité scientifique Gulland a préconisé une réduction de 40 % de la capacité de la flotte européenne . Le 12 mars 1996, le commissaire européen Mme Emma Bonino a annoncé : « La surcapacité de la flotte communautaire devra être réduite, car trop de pêche tue la pêche . C'est l'objectif global du POP IV qui doit couvrir la période 1997-1999 et qui sera abordé ultérieurement dans notre rapport.

Enfin, depuis 1994, la Communauté mène une politique active quant à la réduction des disparités de développement entre les régions de l'Union dans la mesure où les taux d'intervention financière sont plus élevés dans les régions défavorisées.

b) La politique de conservation et de gestion de la ressource halieutique et d'accès aux ressources extérieures

Dans le domaine de la politique de conservation et de gestion de la ressource, la politique commune a pour finalité d'assurer la reconstitution des stocks halieutiques et d'assurer à l'industrie de la pêche une base économique viable.

Elle est fondée sur :

- la « communautarisation des ressources des zones économiques exclusives des États-membres ;

- la fixation annuelle par le Conseil des ministres des prélèvements maximum admissibles ou TAC : totaux admissibles de captures, pour les différentes espèces placées sous ce régime ;

- l'adoption de mesures techniques (réglementation des engins, des périodes de pêche, des tailles minimales de capture des différentes espèces) de manière à assurer le maintien d'un stock d'individus reproducteurs suffisant ;

- un système de surveillance destiné à contrôler l'application et le respect des mesures arrêtées. En 1996, une expérience de positionnement continu des navires de pêche par satellite a été menée dans les États membres. La Commission a proposé l'extension progressive de ce dispositif de surveillance dès 1997 afin d'équiper tous les navires de plus de 15 mètres de longueur au 1er janvier 1999.

Par ailleurs, la communauté européenne développe une politique commune d'accès aux ressources halieutiques des pays tiers. Cette politique repose sur la conclusion de différents types d'accords.

La PCP a été jusqu'en 1992, essentiellement une politique de gestion des stocks axée sur des aspects biologiques et ayant pour objet principal la prise de mesures destinées à assurer la conservation des ressources menacées de surexploitation, se résumant à la prévention des captures excessives eu égard à la productivité des stocks par la recommandation d'un contingentement global des captures par espèces. Elle s'oriente désormais vers un aménagement des pêcheries en prenant en compte non seulement l'état des ressources mais également l'activité et la situation des flottilles, afin d'agir directement sur l'effort de pêche . Le règlement CEE 3690/93 a instauré la licence de pêche communautaire, révélatrice d'une conception novatrice de la protection des ressources reposant sur un contrôle du droit de pêche.

c) La politique commune des marchés

Instaurée en 1970, révisée en 1992 puis par un règlement du Conseil du 22 décembre 1994 (n° 3318/94), la politique d'organisation des marchés des produits du poisson doit constituer une des pierres angulaires de la politique commune de la pêche. Son objectif est de prévenir de trop fortes fluctuations dans les revenus des pêcheurs et d'assurer aux consommateurs un approvisionnement régulier en poisson de bonne qualité. Elle repose sur trois principes de base que sont les mesures communes de commercialisation, les organisations de producteurs et le régime des retraites.

Ainsi, au début de chaque saison de pêche, la Communauté fixe des prix d'orientation pour les principales espèces, d'où découlent les prix de retrait du marché. Lorsque la stabilisation des prix du marché nécessite des retraits de poisson de la commercialisation, une compensation financière partielle est assurée aux pêcheurs par la Communauté.

En outre, cette dernière édicte des normes communes de qualité des produits mis en vente.

Il est important de souligner que les organisations de producteurs jouent un rôle essentiel dans cette politique de commercialisation.

3. Les mesures prises au plan communautaire

a) Les mesures d'urgence

En 1993 et 1994, au plus fort de la crise, la France avait obtenu de la Commission européenne que soit soumise au respect de prix minima l'introduction sur le territoire communautaire de produits d'importation les plus importants (morue, lieu noir, églefin, merlu, baudroie, lieu d'Alaska, saumon). Un tel mécanisme, s'il ne constitue pas en soi un facteur de relèvement des cours, permet, en effet, leur stabilisation et freine les mouvements erratiques de prix qui, même lorsqu'ils portent sur de petites quantités, ont un effet très dépressif sur le marché.

Ce dispositif n'a pas été reconduit en 1995, les cours n'ayant pas connu les brutales et fortes dépressions des années précédentes.

b) Les autres mesures

Diverses dispositions ont été prises afin de répondre aux difficultés du secteur de la pêche maritime.


• Un règlement du Conseil du 22 décembre 1994
(n° 3318/94) a révisé un certain nombre de dispositions du règlement n° 3759/92 du Conseil du 17 décembre 1992 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture.

Les principales modifications apportées reprennent, pour une large part, les propositions françaises : l'Union doit apporter notamment son concours financier aux organisations de producteurs qui mettent en oeuvre des plans d'amélioration de la qualité, ce qui permet d'inciter à la valorisation de la production communautaire. Par ailleurs, l'examen par la Commission de la validité des mesures d'extension de disciplines des organisations de producteurs décidées par les États membres doit s'effectuer a posteriori et non plus a priori. Ce nouveau dispositif vise à éviter que l'action des organisations de producteurs soit perturbée par les non-adhérents de ces organisations.

Le régime de l'intervention a été également modifié : lorsque les retraits de certaines espèces communautaires excédent, pour un mois donné, 10 % de la production mensuelle d'une organisation de producteurs considérée, l'Union les finance désormais à hauteur de 93 % du prix de retrait au lieu de 85 %. Cette mesure de crise limite la co-responsabilité financière des organisations de producteurs en cas de retraits importants, afin de permettre à ces structures de poursuivre leur mission de régulation du marché.

Par ailleurs, la Commission a accepté qu'une part significative des crédits IFOP (instrument financier d'orientation de la pêche) puisse être utilisée pour le cofinancement d'un fonds de garantie des organisations de producteurs destiné à faciliter l'organisation du marché de certaines espèces sensibles.


• Au printemps 1995,
la Commission européenne a approuvé le document proposé par la France dans le cadre de l'initiative européenne PESCA qui permettra d'accompagner financièrement durant la période 1994-1999 les projets présentés par les professionnels visant, soit à la diversification de leur activité, soit à la mise en oeuvre d'initiatives susceptibles de renforcer la compétitivité du secteur.

La France dispose à ce titre d'une dotation de 28 millions d'écus.


De son côté, le Conseil des ministres de la pêche du 15 juin 1995 a décidé que l'IFOP pourrait cofinancer des mesures de préretraite pour des marins pêcheurs désireux de quitter la profession.

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