B. SUR LE PLAN NATIONAL

Jusqu'au début des années 80, la gestion française des pêches s'est principalement définie sur des objectifs de politique économique générale avec, de manière ponctuelle, des éléments liés à la résolution de crises. Par exemple, les Fonds régionaux d'organisation des marchés (FROM) ont été crées sous l'effet d'importants mouvements sociaux (1964, 1965 et 1967 notamment) ; de même le Fonds d'intervention et d'organisation des marchés est issu des événements de 1975 liés à un effondrement des cours.

Cependant, face à l'ampleur de la crise des années 1990, un certain nombre de mesures ont été prises parallèlement à une réflexion d'ensemble sur la politique des pêches.

1. Les mesures prises en 1993 et 1994

A la suite du plan « Mellick II sur les sorties de flotte en 1991, du plan de soutien sur le réaménagement des prêts bonifiés et du plan « Josselin de février 1993, le Gouvernement a pris, durant les crises des années 1993 et 1994, d'importantes décisions visant à conforter la situation des entreprises et des équipages et à renforcer la compétitivité de l'ensemble de la filière.

Cette politique a eu tout d'abord pour objet de remédier aux difficultés les plus urgentes. Mais au-delà de décisions à caractère conjoncturel, d'autres avaient pour objet de restaurer durablement la situation du secteur en s'attaquant aux causes nationales de la crise. Elle a trouvé sa traduction dans :

- les mesures conjoncturelles arrêtées le 20 avril 1993,

- le contrat de progrès pour la pêche signé le 28 mai 1993 et complété le 16 septembre de la même année,

- les décisions arrêtées début février 1994 après l'importante dégradation des cours.

C'est ainsi que les taux de cotisations sociales ont été allégés et harmonisés en septembre 1993 et les charges financières réduites d'environ 50 % aussi bien pour la pêche artisanale que pour la pêche industrielle. Les marins pêcheurs ont bénéficié pendant six mois, du 1er janvier 1994 au 1er juin 1994, d'une réduction de 50 % de leurs cotisations sociales. Le 1er juin 1994, le compte épargne navire qui leur garantit un revenu minimum, a pris le relais. Des mesures d'urgence d'aide aux familles ont été débloquées à deux reprises.

Par ailleurs, les banques intervenant dans le secteur des pêches maritimes ont consenti à certaines entreprises un rééchelonnement de leurs emprunts en cours. Les charges financières ont été réduites aussi bien pour la pêche artisanale que la pêche industrielle avec la baisse du taux des prêts bonifiés, le réaménagement des emprunts en cours (allongement de la durée des prêts bonifiés pour les plus de 12 mètres, prise en charge par l'État de la bonification pour les prêts non bonifiés des plus petits bateaux, maintien de la bonification des armements industriels renégociant leurs prêts).

Enfin, les entreprises ont vu leurs fonds propres renforcés : 90 millions de francs y ont été consacrés par l'État entraînant une participation équivalente des régions.

Depuis les premières mesures conjoncturelles d'avril 1993, ce sont au total 1,5 milliard de francs que le Gouvernement a consacré tant en aides d'urgence qu'en allégement des charges sociales et financières ou encore en mesures de soutien du marché.

En 1994, dans le fil des propositions du rapport Guérin sur la commercialisation des produits de la mer , l'action des pouvoirs publics s'est développée sur les questions de mise en marché. Afin de répondre aux nouvelles conditions du marché, les priorités de la politique de restructuration de la filière ont été axées sur la connaissance anticipée des apports, la normalisation des produits, la mise en réseau des opérateurs du marché, la valorisation de la production ainsi que le renforcement et la modernisation du mareyage. La mise en oeuvre de ces actions a été confiée au Fonds d'intervention et d'organisation des marchés (FIOM).

Le 9 novembre 1994 enfin, un fonds de restructuration du mareyage a été crée, dont le montant initial a été fixé à 25 millions de francs et qui doit assurer une efficacité accrue à la commercialisation des produits.

2. Le plan pour la pêche de 1995

a) Les conclusions du rapport d'audit sur la pèche artisanale

Allant au-delà des plans d'urgence, il est apparu également nécessaire, parallèlement aux efforts de rénovation de la filière, de s'attaquer aux causes de la crise tenant aux structures de la pêche artisanale et de conforter la situation de ce segment essentiel de la flottille.

Le rapport de l'audit réalisé sur la situation financière des marins de pêche artisanale et des organisations d'intervention montre, en effet, que la situation des armements est préoccupante.

Il apparaît ainsi que la situation des 173 bateaux de pêche industrielle et semi-industrielle est difficile pour les marins pratiquant la pêche des espèces « blanc de fond (cabillaud, merlan, lieu noir, hareng).

S'agissant de l'armement artisanal, la situation serait très contrastée selon les catégories de navires.

Globalement, les navires de moins de 12 mètres (5.033 bateaux, 75 % du total) qui pratiquent une pêche de proximité connaissent la situation la moins défavorable, même si certains armements, notamment en Méditerranée, connaissent de réelles difficultés. D'une façon générale, la bonne valorisation des produits, des charges d'exploitation limitées, l'évolution positive des captures pour certaines espèces, l'ancienneté des équipements déjà largement amortis expliquent que cette catégorie connaisse des difficultés moindres.

En revanche, la situation des 12-25 mètres (1.638 bateaux) est beaucoup plus préoccupante : les résultats financiers d'une proportion importante des armements compromettent la pérennité des outils. Le rapport évalue les armements en difficulté à environ 370. Une centaine d'entre eux, avant imputation de toute charge d'endettement, connaîtraient des difficultés d'exploitation et une quarantaine aurait même un résultat d'exploitation négatif.

Les difficultés seraient d'ailleurs concentrées sur quatre départements : le Finistère, le Morbihan, la Loire-Atlantique, la Charente-Maritime, qui représentent 42 % de la flotte des 12-25 mètres, mais 61 % des navires de cette catégorie en difficulté. C'est dans ces départements que se trouvent majoritairement les armements dont la viabilité n'est pas assurée : 40 % dans le Finistère, un quart dans le Morbihan et la Loire-Atlantique, 10 % en Charente-Maritime.

En revanche, les flottilles de Méditerranée et du Nord, sembleraient bien placées pour gérer la période de mutation en cours. Alors qu'elles représentent près de 20 % de la flotte des 12 à 25 mètres, on ne relève que moins de 10 % de navires en difficulté (contre une moyenne nationale de 23 %), et un nombre très réduit (moins d'une dizaine) de navires en grande difficulté.

Le rapport estime aussi qu'il existe trois catégories de situation :

- les départements en crise : Finistère, Morbihan, Loire-Atlantique, Charente-Maritime ;

- les secteurs connaissant un nombre significatif de difficultés : la Bretagne nord, la Vendée, la Normandie ;

- les secteurs confrontés à des problèmes d'ampleur limitée : l'Aquitaine, la Méditerranée et le Nord.

Mais, cette approche régionale ou départementale recouvre d'importantes disparités entre ports d'une même zone géographique.

Ces disparités s'expliquent, en premier lieu, par la représentation des différentes catégories d'armements : les petits ports, centrés sur l'accueil des moins de 12 mètres, sont moins éprouvés . De même, les différents types de pêche sont variablement affectés : les ports de fileyeurs souffrent moins que ceux de chalutage, et, parmi les chalutiers, les chalutiers pélagiques moins que les chalutiers de fond. De leur côté, les types d'espèces pêchées -les espèces communes sont de plus en plus difficiles à valoriser, tandis que les espèces nobles ou pélagiques semblent mieux résister- expliquent la diversité des situations entre ports.

Il apparaît enfin qu'au sein d'une même région, les ports qui pratiquent une pêche axée sur des espèces à forte valeur ajoutée, et qui privilégient la qualité ont un prix moyen du poisson, y compris pour les mêmes espèces, largement supérieur à celui observé dans les ports qui connaissent des marées de plus longue durée.

b) Le plan de soutien à la pêche artisanale

A la suite de cet audit des armements à la pêche artisanale, M. Jean Puech, ministre de l'agriculture et de la Pêche, a proposé un nouveau plan de soutien d'une ampleur inégalée visant à consolider la situation de la filière. Ce plan de restructuration financière de la pêche artisanale vient donc compléter les mesures prises en 1994 : la réduction des charges sociales et financières des armements, le renforcement des fonds propres, la constitution du fonds du mareyage pour un coût budgétaire de 240 millions de francs. Il comprend quatre grandes séries de mesures.


• L'amélioration de la situation des marins

La situation du marin a été améliorée en prolongeant la durée de prise en charge du chômage intempéries (avec une durée possible de 40 jours), en prenant en compte le risque « avaries techniques , en clarifiant les contrats d'engagement et la définition des charges communes, en étendant aux patrons pêcheurs les mesures de cessation d'activité anticipée (CAA) et des allocations complémentaires de ressources (ACR) et en dégageant une nouvelle enveloppe pour les secours d'urgence.

L'aide annuelle de l'État a été multipliée par quatre et est passée en 1996 de 15 millions à 60 millions de Francs.


Le soutien aux armements en difficulté

Le rapport d'audit évalue à environ 370 le nombre de navires de 12 à 25 mètres qui rencontrent de graves difficultés, soit 25 % des navires de cette catégorie.

Parmi ceux-ci, 270 connaissent un résultat d'exploitation convenable, mais supportent des charges financières excessives. Par ailleurs, 100 bateaux sont difficilement viables en raison de résultats d'exploitation négatifs ou très faibles, avant même toute imputation des charges financières.

Dans ces conditions, le plan a retenu deux types de mesures : améliorer la situation financière des navires jugés viables (allongement de la durée des prêts bonifiés ...) et permettre une sortie de flotte dans des conditions sociales et financières acceptables pour la centaine d'armements qui paraissent non viables (le patrimoine personnel du patron pêcheur étant préservé).


Le soutien aux navires de moins de 12 mètres

L'audit a montré que la plupart des bateaux de moins de 12 mètres (75 % du nombre total des navires) ne connaissent pas de difficultés financières majeures qui seraient susceptibles de compromettre la poursuite de leur activité. Certains d'entre eux, supportant cependant des charges d'investissement excessives, bénéficient à ce titre d'un allongement de la bonification des prêts bonifiés et d'une exonération des plus-values en cas de cession.


La réduction des prélèvements au débarquement

La dernière mesure du plan a visé à réduire les prélèvements sur les produits de la mer opérés actuellement au moment de leur débarquement et de leur première mise en vente. Parmi les différents postes de charges pesant sur le compte d'exploitation et qui est déduit de la part réservée à l'équipage, celui des prélèvements au débarquement est le plus important.

Cette réduction vise à prolonger, à terre, les efforts de productivité réalisés en mer.


L'exécution du plan au 1er octobre 1996

L'opération de restructuration et de désendettement en cours permet ainsi à la pêche française de tirer parti de l'atout que représentent les efforts de modernisation engagés au cours des années 1980 : la moyenne d'âge de ses navires est en effet très sensiblement inférieure à celle de certains de ses concurrents, espagnols ou écossais par exemple.

Le coût total des mesures de désendettement et d'apurement du passif a été estimé à 225 millions de francs pris en charge solidairement par l'État (75 millions de francs), les banques, les collectivités territoriales étant invitées à participer à la même hauteur.

Sur 645 dossiers examinés par le Comité Interministériel de Restructuration de la Pêche Artisanale, 642 ont reçu une proposition au 30 septembre 1996. 407 ont été retenus à la fin du mois de septembre 1996. 35 pêcheurs ayant refusé les propositions du comité, ce sont donc 372 décisions qui sont mises en oeuvre, dont 124 en allongement de prêt, 98 en désendettement et 150 en apurement du passif (cf annexe n° 3).

L'exécution du plan suit son cours puisque 85 % des décisions d'allongement de prêt ont été notifiées aux patrons concernés, et 60 % de décisions de désendettement ont été exécutées et payées pour un montant de 29 millions de francs. L'essentiel de la procédure sera achevé dans les trois premiers mois de 1997.

c) Les autres mesures prises en 1995 renforçant la compétitivité de la filière


• Les mesures conjoncturelles

Pour donner aux organisations de producteurs les moyens de faire face à la crise, des fonds ont été mis à leur disposition afin, notamment, de financer des actions de valorisation des produits, des démarches communes de commercialisation et la mise en place de fonds de garantie.

Pour 1995, les sommes débloquées à ce titre ont atteint 65 millions de francs (dont 20 millions de francs au titre des fonds de garantie), 15 millions de francs supplémentaires étant mis en réserve à cet effet.

En outre, des campagnes de promotion très ciblées ont été lancées, soit pour faciliter l'écoulement de produits débarqués en grandes quantités, soit pour mettre en avant des productions de qualité.


Les mesures structurelles

Celles-ci s'articulent en trois volets : l'amélioration de la connaissance anticipée des apports grâce aux moyens financiers du FIOM, la qualité du produit et les actions de valorisation, afin de renforcer l'attractivité commerciale de la production française et le renforcement du mareyage. Comme le rapport Guérin l'a mis en évidence, ce maillon essentiel de la filière, premier acheteur de produits de la mer et a été directement affecté par la crise, alors même qu'il a été confronté à la nécessité de consentir des investissements importants pour mettre ses équipements en conformité aux normes sanitaires communautaires. Ce secteur, encore trop émietté, face notamment à la grande distribution, traverse aujourd'hui une période de profonde restructuration, caractérisée par la disparition de nombreuses entreprises.

Outre les subventions d'aides à l'équipement ou à la création de fonds de caution inter-portuaires délivrées par le FIOM, un fonds de structuration du mareyage -co-financé par le FIOM, les banques du secteur et l'Union du mareyage français- a été mis en place, en vue d'accompagner de manière sélective les initiatives de développement menées par certaines entreprises de mareyage viables (diversifications, regroupements, modernisations...).

Ces mesures s'insèrent dans une action à plus long terme d'amélioration des échanges et de renforcement des contrôles.

Le caractère structurellement déficitaire du commerce extérieur de la pêche a conduit enfin les pouvoirs publics à prendre un certain nombre de mesures pour améliorer nos échanges par le contrôle de la qualité des importations.

Par ailleurs, le budget des pêches maritimes et cultures marines a été voté pour l'année 1996 à près de 190 millions de Francs (chapitres 44-36 et 64-36), soit une augmentation de 30 % par rapport à celui de 1995.

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