II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le jeudi 7 novembre 1996, sous la présidence de M. Jacques Machet, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Marcel Lesbros sur le projet de loi de finances pour 1997 (anciens combattants et victimes de guerre).

M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a souligné que le projet de budget pour 1997 prévoyait des mesures de solidarité en faveur des anciens combattants d'Afrique du nord en contrepartie de la décision du Gouvernement de ne pas mettre en oeuvre la retraite anticipée.

Il a tout d'abord rappelé les conclusions de la commission tripartite réunie pour chiffrer le coût de la retraite anticipée.

Il a présenté les effectifs concernés, la charge brute résultant des retraites à verser et du manque à gagner sur les cotisations sociales ainsi que les économies à réaliser sur les indemnités de chômage ou de préretraite, le revenu minimum d'insertion, les pensions d'invalidité et les cotisations sociales versées au titre des embauches compensatrices ou des retraites anticipées.

Il a indiqué que le coût net de la retraite anticipée avait été estimé à 151 milliards de francs, correspondant au produit de trois points de contribution sociale généralisée (CSG) en année pleine, en rappelant les termes du débat soulevé par les associations sur les hypothèses de calcul de la commission.

Il a souligné que l'importance de ce coût permettait de comprendre les motifs qui avaient conduit le Gouvernement à ne pas mettre en oeuvre la retraite anticipée pour les anciens d'Afrique du nord (AFN).

Puis, il a fait le point sur la mise en oeuvre de la loi du 3 janvier 1995 relative à la pension de vieillesse des anciens combattants en AFN et sur le dispositif du fonds de solidarité créé par la loi de finances pour 1995 en rappelant les règles d'attribution de l'allocation différentielle et de l'allocation de préparation à la retraite.

Puis, il a présenté les mesures d'amélioration du fonctionnement du fonds de solidarité prévues par l'article 86 du projet de loi de finances portant sur la suppression de la condition d'âge, l'ouverture du fonds aux anciens combattants d'Indochine, la prise en compte des situations de travail précaire, la détermination des revenus professionnels, les modalités de calcul de l'allocation et le versement d'un capital à la veuve de l'allocataire.

Il a salué les efforts du Gouvernement pour rendre encore plus « consistant » le fonds de solidarité.

Il a indiqué également qu'il serait prévu, en dehors de la loi de finances, d'exclure intégralement les pensions militaires d'invalidité du calcul des ressources pour l'éligibilité au fonds et de prendre en compte, au titre de l'assurance vieillesse, les périodes de stage de rééducation professionnelle validées par l'office national des anciens combattants (ONAC).

Il a précisé que les propositions des associations d'anciens combattants relatives au bénéfice de la campagne double et à la meilleure reconnaissance des pathologies spécifiques en Afrique du nord n `avaient pas été retenues par le Gouvernement.

Il a souligné que deux mesures importantes étaient toujours en attente concernant, d'une part, la suppression de l'abattement au titre des régimes de retraite complémentaire et, d'autre part, l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant.

Il a souhaité que le ministre des anciens combattants soit mandaté pour négocier avec les régimes de retraite complémentaire la question spécifique de l'amélioration de la situation des anciens d'Afrique du nord.

Il a demandé également que le titre de reconnaissance de la Nation soit accompagné d'une distinction honorifique particulière.

Évoquant les principales caractéristiques du budget, il a indiqué tout d'abord l'impact des économies consécutives à la diminution démographique des effectifs de titulaires de pension.

Puis, il a présenté l'évolution des crédits relatifs à l'ONAC et à l'Institution nationale des invalides (INI).

Par ailleurs, il a souligné la réduction des crédits relatifs à l'information historique.

Enfin, il a indiqué l'augmentation des crédits de la rente mutualiste en regrettant que celle-ci ne soit pas indexée sur le point de la pension militaire d'invalidité.

Enfin, il est revenu sur deux inquiétudes du monde combattant qui devraient prochainement être levées.

S'agissant de l'article 87 relatif au plafonnement de la majoration au taux du grade des pensions militaires d'invalidité, il a souligné qu'il était inacceptable que ce plafonnement puisse intervenir sur le montant des pensions versées aux militaires déjà à la retraite en précisant qu'un compromis devait être trouvé sur ce point à l'Assemblée nationale.

Concernant les projets de réorganisation des services extérieurs du ministère des anciens combattants et de l'ONAC, il a rappelé que dans une lettre qui serait envoyée à tous les parlementaires, M. Pierre Pasquini confirmait que le Premier ministre avait décidé « du maintien en l'état des structures actuelles ».

M. Roland Huguet a souligné le caractère récurrent des débats sur le rapport « constant » et s'est demandé si le coût de 151 milliards de francs estimé de la retraite anticipée intégrait les économies qui seraient réalisées sur l'assurance chômage et sur les nouveaux emplois créés.

M. Jean Madelain s'est félicité que ce projet de budget mette l'accent sur les mesures de solidarité envers les anciens combattants en difficulté et s'est demandé si la période d'anticipation ne pourrait pas être limitée aux trimestres passés en Algérie pour la période qui excédait la durée légale du service national.

M. André Jourdain s'est interrogé sur l'étalement du coût de la retraite anticipée et le coût des mesures relatives aux anciens combattants pour les régimes de retraite complémentaire.

M. Guy Fischer a rappelé que le Front uni maintenait la revendication de la retraite anticipée.

En réponse, M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a rappelé que l'estimation de 151 milliards de francs faite par la commission tripartite était un coût net qui prenait en compte toutes les mesures d'économie indirectes et notamment les 25 milliards de francs qui ne seraient plus versés à des anciens d'AFN au chômage et du montant de 10 milliards de francs de cotisations sociales entraîné par les embauches nouvelles.

S'agissant du rapport « constant », il a indiqué que les associations d'anciens combattants réclamaient une référence qui soit à la fois plus claire, plus lisible et plus facile à contrôler que le dispositif actuel.

Concernant la prise en compte du service en AFN, il a rappelé les conditions difficiles dans lesquelles se déroulait le séjour des appelés pendant les opérations dites de « maintien de l'ordre » et a souligné que certaines classes avaient connu des périodes de rappel ou de maintien sous les drapeaux.

Il a précisé par ailleurs que les représentants du Front uni maintenaient sans ambiguïté leur demande de mise en oeuvre de la retraite anticipée.

Il a précisé par ailleurs que le coût de la retraite anticipée était étalé de manière non uniforme sur neuf ans en précisant que la comparaison avec les trois points de CSG en année pleine permettait de mesurer l'effort qui serait demandé à la Nation.

M. Jacques Machet, président, s'est félicité des efforts récents en matière de rénovation des nécropoles et cimetières militaires et a souligné que la défense de la mémoire du monde combattant ne passait pas uniquement par des augmentations de crédits.

M. Roland Huguet a souligné également que la qualité des manifestations locales en faveur des anciens combattants ne reposait pas uniquement sur des considérations financières.

M. Jean Chérioux a regretté le peu d'importance consacré par certains médias aux cérémonies commémoratives.

Puis, sur proposition de M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux anciens combattants et victimes de guerre dans le projet de budget pour 1997 et a réservé son avis sur les articles 85, 86 et 87 rattachés à ce projet de budget à l'examen du texte transmis par l'Assemblée nationale.

MM. Guy Fischer et Roland Huguet ont précisé qu'ils ne prenaient pas part au vote.

*

En outre, la commission des Affaires sociales s'est réunie le jeudi 21 novembre 1996, sous la présidence de M. Bernard Seillier, vice-président, pour procéder à l'examen pour avis des articles 85, 86 et 87 du projet de loi de finances pour 1997 rattachés au budget des anciens combattants sur le rapport de M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis.

M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a rappelé qu'au cours d'une séance du 7 novembre dernier, la commission avait décidé de réserver son avis sur les articles rattachés au budget des anciens combattants dans l'attente de l'examen de ces crédits par l'Assemblée nationale en séance publique le 15 novembre dernier.

Puis, M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a proposé d'émettre un avis favorable à l'article 85 relatif à la prorogation de la levée de la forclusion pour l'ouverture des droits à pension en faveur des anciens combattants des États de l'ex-Indochine française, adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

S'agissant de l'article 86 relatif aux fonds de solidarité des anciens combattants d'Afrique du nord (AFN), il a rappelé que le projet de loi initial visait à ouvrir le fonds aux anciens combattants en situation de travail précaire. Il a indiqué que l'Assemblée nationale avait adopté un amendement visant les anciens combattants en situation d'activité professionnelle involontairement réduite afin d'éviter les erreurs d'interprétation par une rédaction plus précise. Il a proposé d'émettre un avis favorable à cet article dans la rédaction modifiée par l'Assemblée nationale.

Enfin, il a indiqué que le Gouvernement avait retiré l'article 87 relatif au plafonnement de la majoration du taux du grade des pensions militaires d'invalidité. Il s'est félicité de ce retrait en rappelant que cette disposition avait suscité une vive émotion parmi les militaires et les anciens combattants retraités. Il a précisé que les conséquences financières de ce retrait avaient été tirées tant sur le budget de la défense que sur celui des anciens combattants.

Après les interventions de Mme Joëlle Dusseau, MM. André Jourdain et Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des articles 85 et 86 dans la rédaction de l'Assemblée nationale et s'est félicitée du retrait par le Gouvernement de l'article 87.

Mesdames, Messieurs,

Ce rapport présente cette année une physionomie particulière puisque cette année est placée sous le signe de la décision prise par le Gouvernement de ne pas mettre en oeuvre la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord au vu du chiffrage considérable réalisé par une commission indépendante et de qualité dont les méthodes n'ont pas été contestées.

C'est pourquoi ce rapport est consacré, pour une large part, à la situation des anciens de la Troisième génération du Feu et aux mesures mises à l'étude et proposées par le Gouvernement en contrepartie de la retraite anticipée.

Votre commission a tenu tout d'abord à se féliciter du choix du Gouvernement, conforme aux engagements du Président de la République, de fournir une base de discussion plus précise en évaluant de manière objective le coût de la retraite anticipée pour les finances publiques. Elle a constaté que le chiffre de 151 milliards de francs auquel a abouti la commission reflète bien le coût maximal que représentait la mesure si elle était mise en oeuvre dans sa conception la plus étendue.

Elle a compris les motifs économiques et financiers qui ont implacablement conduit le Gouvernement à ne pas mettre en oeuvre une proposition qui mobilise pourtant tous les anciens combattants.

Tout en se félicitant des mesures proposées dès cette loi de finances pour améliorer l'aide aux anciens d'Afrique du Nord en difficulté en rendant encore plus « consistant » le Fonds de solidarité créé sur une initiative de votre commission en 1992, votre commission a émis deux voeux :

- le premier serait de voir les négociations engagées avec les gestionnaires de régime de retraite complémentaires aboutir rapidement afin que soit levée l'irritante question des coefficients d'anticipation qui pénalisent les anciens d'Afrique du Nord bénéficiant de l'allocation de préparation à la retraite ;

- le second serait de permettre aux titulaires du titre de reconnaissance de la Nation de se voir décerner une distinction honorifique particulière qui rende hommage aux services qu'ils ont rendu.

La seconde partie de ce rapport est consacrée aux aspects essentiels du projet de budget pour 1997. Votre commission a émis trois observations :

- elle a souhaité que les travaux de la commission sur la simplification du rapport constant soient menées à bien afin de déboucher sur une formule plus intelligible qui maintienne un lien étroit entre le niveau des pensions militaires d'invalidité et celui de la rémunération des fonctionnaires en activité ;

- elle a pris acte de la baisse des crédits affectés à l'action historique en souhaitant que des initiatives soient prises pour développer des gestes symboliques de nature à entretenir la mémoire nationale ;

- elle a réaffirmé que le plafond majorable de la rente mutualiste devrait être indexé, non pas sur l'indice d'inflation mais sur le point de la pension militaire d'invalidité, conformément au principe de réparation qui est à l'origine de ce dispositif.

Enfin, votre commission qui a partagé les inquiétudes du monde combattant sur les conséquences du plafonnement de la majoration des pensions militaires au taux du grade et des projets de réorganisation des services extérieurs de l'État, ne peut que se féliciter :

- du retrait de l'article 87 du projet de loi de finances relatif à l'application du taux du grade ;

- de la volonté du Premier ministre de « maintenir en l'état » les structures administratives actuelles du monde combattant.

Telles sont les principales conclusions de l'avis rendu par votre commission sur le budget des anciens combattants et qui l'a conduit à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de ce budget.

I. L'ÉVALUATION DU COÛT DE LA RETRAITE ANTICIPÉE A CONDUIT LE GOUVERNEMENT À RENONCER À SA MISE EN OEUVRE

Il convient tout d'abord de rappeler les conclusions de l'exercice très complet de chiffrage auquel s'est livré le Gouvernement et qui a été rendu public en mars dernier.

A. LE CHIFFRAGE RÉALISÉ PAR LA COMMISSION TRIPARTITE A MONTRÉ LE COÛT CONSIDÉRABLE DE LA RETRAITE ANTICIPÉE

Au cours de la campagne électorale, le Président de la République avait souhaité faire procéder à une évaluation précise du coût de la mesure d'anticipation de la retraite par une structure de concertation tripartite regroupant les associations, les élus ainsi que les représentants des administrations concernées.

Par décret en date du 9 août 1995 1 ( * ) , le Premier ministre a créé une commission tripartite, composée de représentants du Parlement, du Front Uni et du Gouvernement, qui a été chargée d'examiner le coût pour l'État de la mise en oeuvre d'une retraite anticipée à taux plein à l'âge de 60 ans diminué du temps passé sous les drapeaux par les anciens d'Afrique du Nord.

Cette commission, présidée par M. Jean-François Chadelat, Directeur du Fonds de solidarité vieillesse, s'est réunie neuf fois entre le 13 septembre 1995 et le 21 mars 1996, date à laquelle ses conclusions ont été rendues publiques.

1. Les effectifs concernés

Le bénéfice de la retraite anticipée aurait concerné 854.202 personnes en 1996.

Trois catégories ont été distinguées :

- tout d'abord, les militaires appelés du contingent, ayant servi en AFN de 1952 à 1962, nés entre 1936 et 1941, soit 720.454 appelés encore en vie sur les 1.215.000 appelés mobilisés.

Le nombre des trimestres d'anticipation varie, suivant le contingent, entre 4 et 7 trimestres. Les militaires rappelés, au nombre de 128.000, n'ont pas été retenus dans le champ de l'étude car, en raison de leur âge, ils avaient tous atteint l'âge de la retraite en 1996.

- ensuite, les militaires engagés, c'est-à-dire qui n'ont pas accompli de service d'une durée supérieure ou égale à quinze ans et qui ne sont donc pas des militaires de carrière : ils seraient au nombre de 144.521 en 1996.

Les militaires de carrière n'ont pas été retenus car ils bénéficient déjà de la possibilité d'obtenir une pension de retraite avant 60 ans après 15 ans de service pour les sous-officiers ou 25 ans de service pour les officiers.

- Enfin, les anciens supplétifs rapatriés en France après 1962 et qui seraient aujourd'hui au nombre de 6.282 sur les 19.000 anciens harkis rapatriés en 1962.

2. La détermination du coût de la mesure

L'analyse de la commission « Chadelat » tient compte des règles de départ à la retraite dans les différents régimes, de la présence d'anciens combattants français de souche non européenne bénéficiant de l'allocation spéciale prévue à l'article L. 814-2 du code de la sécurité sociale ainsi que d'anciens combattants « polypensionnés » au titre de différents régimes.

Le premier élément du chiffrage porte sur le coût des retraites à verser au titre des trimestres d'anticipation : ce coût brut est évalué à 126 milliards de francs sur la période s'étendant du 1er janvier 1996 au 1er juillet 2004 (soit sur huit ans et six mois), la charge atteignant son maximum en 1998 et en 1999, années de départ à la retraite des appelés des quatre classes 58/1, 58/2, 59/1 et 59/2 qui bénéficieront de sept trimestres d'anticipation.

Du point de vue des régimes de retraite, il faut également tenir compte du manque à gagner sur les anciens combattants actifs qui versaient des cotisations sur leur salaire d'activité. Ce coût a été évalué à 70,4 milliards de francs en tenant compte des données propres aux cinq régimes de retraite auxquels peuvent appartenir les intéressés.

La charge brute pour les régimes de retraite serait donc de 196 milliards de francs.

Toutefois, il faut retirer de ce montant un certain nombre d'économies consécutives à l'introduction de la retraite anticipée :

- Le montant de la cotisation maladie et de la CSG appliquées sur le montant des retraites servies par anticipation aux anciens combattants atteindrait 3 milliards de francs.

La simulation tient compte des règles en vigueur au 31 décembre 1995 et n'applique donc ni l'augmentation de la cotisation maladie sur retraite, ni la contribution pour le remboursement de la dette sociale (RDS) mises en place ultérieurement.

- La retraite anticipée induit une économie pour l'UNEDIC, au titre de l'indemnisation des anciens combattants au chômage, et au titre du Fonds National pour l'Emploi pour les préretraités. L'économie serait de 24,7 milliards de francs pour les 202.236 anciens combattants ainsi concernés, compte tenu des pertes de cotisation sur les différentes allocations de chômage.

- De plus, 5.000 anciens d'AFN sont titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI). L'économie réalisée serait donc de 174 millions de francs.

- Les économies réalisées sur les pensions versées aux invalides, aux malades et accidentés du travail et sur l'allocation aux adultes handicapés seraient de 4,4 milliards de francs.

- Une économie budgétaire de 2,5 milliards de francs serait réalisée sur le Fonds de solidarité des anciens d'AFN qui n'aurait plus lieu d'être.

- Enfin, l'un des points les plus controversés était celui des avantages générés par les créations d'emploi consécutives aux départs en retraite.

S'appuyant sur les données disponibles dans le cadre des dispositifs de préretraite, une étude de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail a permis de considérer que seul un départ sur trois donnerait lieu à une embauche compensatrice : 75.000 emplois seraient donc maintenus, ce qui représenterait un gain en cotisations supplémentaires de 7,6 milliards de francs environ et permettrait de réaliser une économie de 2,9 milliards de francs sur les allocations de chômage, dans l'hypothèse où une embauche sur deux concernerait un chômeur.

Une fois retranchées ces économies de la charge totale du dispositif, le coût net total de la retraite anticipée s'élèverait, selon le rapport de la commission tripartite, à 151 milliards de francs sur neuf ans en francs 1996, ce qui correspondrait à l'équivalent d'une loi de programmation sur les six années 1996 à 2001, le surcoût des périodes ultérieures étant marginal.

TABLEAU RÉCAPITULATIF

en milliards de francs

Coût brut pour les régimes de retraite

- 126,0

Pertes des cotisations des actifs

- 70,4

Charge brute totale

- 196,4

Gains en cotisation sur retraite

+ 3,1

Économies sur prestations-chômage

+ 25,00

Économies sur RMI

+ 0,2

Économies sur invalides et malades

+ 4,4

Économies sur Fonds de solidarité AFN

+ 2,5

Gains sur créations d'emplois

+ 10,5

Coût net total (1996-2004)

-151

3. Le débat sur les hypothèses de travail de la commission

Le travail très complet et très objectif qui a été effectué par la commission d'évaluation sous le contrôle de M. Chadelat a été fructueux et ne souffre pas de contestation d'ensemble.

Toutefois, les associations rassemblées dans le Front Uni ont, pour leur part, avancé un chiffre d'un montant inférieur, quoique non négligeable, de 36,579 milliards de francs sur sept ans et demi, en retenant des critères de calcul différents de ceux de la commission tripartite, c'est-à-dire notamment :

-en faisant débuter la mesure au 1er janvier 1997 au lieu du 1er janvier 1996 ;

- en excluant les militaires engagés du bénéfice de la mesure,

- en écartant, de même, les assurés ne justifiant pas d'une durée complète d'assurance,

- et en calculant la durée d'anticipation en fonction du nombre de mois passés en Afrique du Nord et non pas en trimestres.

Le rapporteur de la commission tripartite a estimé, quant à lui, dans une note annexée à son rapport, que le coût de la retraite anticipée dans le cadre des mesures proposées par le Front Uni s'établirait vraisemblablement plutôt entre 80 et 95 milliards de francs.

Au demeurant, le choix d'exclure du bénéfice de la mesure les militaires engagés et les harkis serait discutable du point de vue de l'équité, si ce n'est du point de vue du respect du principe de l'égalité des citoyens devant la loi, dont le Conseil constitutionnel est le gardien.

Votre rapporteur est sensible au souhait du Président de la République qui était d'obtenir un chiffrage le plus objectif possible du coût de la retraite anticipée pour les finances publiques, afin de fournir une base « apaisée » aux discussions.

Même si des différences peuvent légitimement s'exprimer sur les hypothèses de calcul qui seraient choisies avant de mettre en oeuvre la retraite anticipée, le chiffre de 151 milliards apparaît refléter globalement le coût de cette mesure, considérée dans sa conception la plus large, si elle avait été mise en oeuvre en 1996.

B. LA CHARGE FINANCIÈRE DE LA RETRAITE ANTICIPÉE EST APPARUE IMPOSSIBLE À ASSUMER DANS LA SITUATION ÉCONOMIQUE ACTUELLE

L'énormité de ce coût apparaît évidemment incompatible avec les contraintes budgétaires et économiques auxquelles doit faire face le pays.

La commission des Affaires sociales comprend donc les motifs qui ont conduit le Gouvernement à ne pas mettre en oeuvre la retraite anticipée pour les anciens d'AFN.

Votre rapporteur tient à faire remarquer, à titre de comparaison, en matière de finances publiques, que le coût évalué par la commission tripartite est équivalent au produit de l'instauration de trois points de CSG supplémentaires en année pleine.

Dès le mois de mai 1996, M. Pierre Pasquini, ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre et M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, ayant constaté que l'économie ne serait pas en état de supporter l'effort que nécessiterait la mise en oeuvre de la retraite anticipée, ont décidé d'examiner comment améliorer la situation des anciens combattants en étudiant les possibilités de progrès et en renforçant la solidarité entre eux.

Le Premier ministre, M. Alain Juppé, et le ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre ont reçu, le 1er août, les représentants des cinq associations du Front Uni. Ces derniers ont « déploré que la situation économique ait été invoquée pour refuser l'octroi de la retraite professionnelle anticipée à la troisième génération du feu, d'autant que cette mesure s'inscrirait parfaitement dans la bataille pour l'emploi ».

Le Premier ministre a décidé une série de mesures de solidarité en faveur des anciens d'Afrique du Nord qui rencontrent des difficultés économiques et sociales ; le Front Uni les aurait enregistrées comme « positives », selon les termes de son communiqué du 1er août. En outre, M. Alain Juppé a souhaité qu'une concertation conduise à étudier les modalités d'assouplissement de la carte du combattant.

Rencontrant le Front Uni, le 18 septembre dernier, le Chef de l'État a confirmé les propos du Premier Ministre en déclarant que l'économie française ne permettait pas cette anticipation tout en souhaitant « ne pas clore le débat en raison notamment des avantages qui pourraient en découler en matière d'emplois » .

Le Président de la République, par ailleurs, s'est déclaré « résolu à obtenir du Gouvernement la mise en oeuvre rapide des mesures sociales annoncées » .

Votre rapporteur indique que le dispositif qu'il avait soumis au ministre des Affaires sociales l'année dernière et tendant à adapter le congé sabbatique en permettant à un salarié de quitter son entreprise pendant un ou deux ans en conservant 85 % de son salaire, sous réserve de l'embauche d'un chômeur dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, n'avait finalement pas été retenu par M. Jacques Barrot en raison de divers obstacles d'ordre technique.

Votre rapporteur souhaite néanmoins proposer une nouvelle version de ce dispositif qui serait spécifiquement orienté vers les anciens d'Afrique du Nord.

En tout état de cause, votre commission se félicite que certaines des mesures de solidarité nouvelles, auxquelles s'était engagé le Gouvernement durant l'été, aient pu être intégrées dans le présent projet de loi de finances.

* 1 Décret n° 95-906 du 9 août 1995 portant création de la commission d'études sur la retraite anticipée pour les anciens combattants en Afrique du Nord.

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