III. AUDITION DE M. CLAUDE MARTINAND (15 JANVIER 1997)

M. Claude Martinand , rappelant la mission de préfiguration que lui avait confiée, par lettre du 6 novembre 1996, M. le Premier Ministre ainsi que le rapport d'introduction au débat national qu'il avait rendu au début de 1996, a indiqué qu'il lui paraissait opportun à la fois de désendetter la SNCF mais aussi de ne pas désintéresser la SNCF de la gestion de ses infrastructures, comme cela avait pu être fait en Suède ou en Grande-Bretagne.

Il a jugé qu'il convenait que, sur les lignes nouvelles ou saturées, la tarification permette à la fois l'autofinancement et le maintien des trafics. Il a annoncé que les péages seraient bloqués à un niveau peu évolutif en 1997-1998.

Assurant qu'il n'y aurait pas de séparation organique entre infrastructures et services, et que l'unité de la SNCF serait maintenue, il a précisé que l'établissement public " Réseau ferré national " (RFN) serait propriétaire et maître d'ouvrage, mais ne serait pas une entreprise nouvelle disposant d'ouvriers d'entretien et que la SNCF serait le maître d'oeuvre, dans certains cas, voire le maître d'ouvrage délégué et l'entrepreneur, et qu'elle resterait le principal détenteur français de l'expertise en matière ferroviaire.

Il a ajouté que les responsabilités seraient clarifiées mais que les effectifs prévisibles de RFN n'excéderaient pas 200 personnes, soit un peu plus d'un millième de ceux de la SNCF.

La réforme, a indiqué M. Claude Martinand , sera totalement neutre par rapport à la question de l'accès des tiers au réseau, permise dans des conditions limitées par la directive européenne 91-440.

Il a jugé que la solution retenue par le projet de loi serait stable et durable, qu'elle était originale et " à la française ".

Jugeant peu euphonique le sigle RFN, il a annoncé que l'établissement public RFN déléguerait l'entretien et l'exploitation (attribution des sillons, sécurité), qu'il arrêterait, sous le contrôle de l'Etat, les programmes d'investissement, qu'il arrêterait, dans le cadre des décrets, le barèmes des péages et assurerait la plupart des maîtrises d'ouvrage déléguées, notamment au niveau régional.

Evoquant la régulation des services publics, par rapport au régime actuel, M. Claude Martinand a évoqué les moyens de contrôle des monopoles (audits, comparaisons des performances avec l'étranger ou entre services, conventions ou contrats incitatifs). Il a estimé que les syndicats pouvaient juger comme intéressante la conclusion de tels contrats.

A l'inverse, rappelant le rôle de la SNCF dans le retard français en matière de technologie de la pendulation ferroviaire, il a souligné les dangers du monopole d'expertise et estimé que le débat " convivial " entre RFN et la SNCF ne serait pas inutile.

Evoquant, pour illustrer son propos, la fermeture prématurée du triage de Culoz et sans dissimuler que certains choix seraient nécessairement discutés, il a jugé qu'une sévérité accrue sur certains investissements lourds permettrait des investissements plus légers et efficaces.

M. Claude Martinand a jugé absurde économiquement de recourir à des entreprises privées pour faire le travail que savent déjà faire 40.000 cheminots expérimentés.

Il a ajouté que la réforme offrait à l'Etat le moyen de se doter d'un instrument lui permettant de mieux remplir sa mission de contrôle.

Evoquant les questions financières " lourdes " posées par le rapporteur à l'appui de sa demande de report de l'examen du projet, il a observé que le montant de dette (134,2 milliards de francs) repris était significatif et proche du montant de la dette sociale (170 milliards de francs) et estimé que le service annexe pourrait permettre -dans une fourchette de 20 à 30 milliards de francs et avec un différé d'amortissement- d'alléger, à terme, des pans supplémentaires de la dette de la SNCF.

Jugeant que le conflit de décembre 1995 avait été " plutôt positif pour la SNCF " mais que la dotation en capital n'était pas le meilleur moyen pour régler les situations, M. Claude Martinand a estimé que les péages devraient, à terme, progresser, sans " reprendre d'une main ce que l'on aurait donné de l'autre ".

Estimant que, si l'Etat voulait devenir plus " vertueux " à travers RFN, il fallait que cet établissement parvienne, à terme, à une viabilité financière satisfaisante et évoquant la mise en place de l'établissement, il a souligné que des avant-projets de décret avaient été rédigés. Il a jugé difficile de prendre en charge certaines missions en cours d'année eu égard au principe de l'annualité budgétaire. 1997 sera donc, pour lui, une année de " transition en double commande ", notamment en matière comptable. En revanche, les missions d'étude des TGV, incombant à l'Etat, pourraient être prises en charge.

M. Claude Martinand a annoncé que le style de vie de RFN resterait " modeste, économe et petit " et qu'il envisageait de faire des directions départementales de l'équipement les représentants de RFN dans les départements et les régions sans engager de dépenses somptuaires.

Evoquant les débats actuels, il a émis la crainte que la SNCF ne cherche à verrouiller la négociation à l'avance. Il a souhaité qu'on aboutisse à un accord simple sur le découpage des biens remis à RFN. Il a assuré que la seule question importante était le succès pour la SNCF. Evoquant la fiscalité locale, il a estimé que l'enjeu financier était nul.

Il a estimé, pour finir, que la légitimité des salariés au futur conseil de RFN pouvait poser question et qu'un nombre accru de personnalités qualifiées pourrait être nommé à ce conseil.

A l'issue de cet exposé, M. François Gerbaud , rapporteur, évoquant le rôle moteur et la compétence de M. Claude Martinand, s'est félicité qu'il ait répondu aux questions de la maîtrise d'ouvrage et de l'accès des tiers au réseau et que soit maintenue l'unicité de la SNCF. Il a interrogé M. Claude Martinand sur la qualité des relations de la SNCF et de RFN, sur le niveau souhaitable des péages, ainsi que sur l'évolution de la dette résiduelle de la SNCF.

M. Claude Martinand a souhaité, en réponse, que les relations entre la SNCF et soient claires et forfaitaires, que des objectifs globaux soient bien choisis. Il a estimé que l'indicateur de productivité apparente du travail était simpliste et que la qualité des prestations était essentielle.

Evoquant le coût comparé de certains ouvrages, il a jugé que les personnels employés par la SNCF avaient été souvent trop nombreux sur les chantiers, que les études préliminaires étaient souvent onéreuses, et qu'aucune complaisance ne devrait être attendue de RFN. Il a souligné que des relations de confiance devraient être établies avec les acteurs du terrain.

Répondant à une interrogation de M. François Gerbaud , s'agissant de Virgin, il a jugé que le croisement des opérateurs nationaux en matière de transports de voyageurs était d'un intérêt faible et que les annonces de la Deutsche Bahn en ce domaine avaient peu de sens.

S'interrogeant sur le concept de capacité d'une voie, il a jugé que celui-ci devrait être relié à la notion de tarification. Il a considéré que la tarification zéro était dangereuse. Evoquant la saturation de certaines lignes, il a appelé de ses voeux de véritables débats.

M. Louis Minetti s'est, pour sa part, interrogé sur l'absence d'alternative à la réforme proposée par le Gouvernement et rappelé que ses quatre propositions (réforme de la LOTI, comparaisons intermodales, prise en compte de l'aménagement du territoire et implications sociales) n'avaient pas été relayées par celle-ci.

M. Pierre Hérisson , évoquant les liaisons européennes, a jugé urgent un choix entre inter-opérabilité et accès d'opérateurs tiers au réseau pour limiter les ruptures de charge. Evoquant le coût comparé des ouvrages d'art, il a estimé que cet argument était d'un maniement nécessairement prudent eu égard aux contraintes techniques du transport ferroviaire.

M. Claude Billard , soulignant que l'audition n'avait pas dissipé les craintes et oppositions, a demandé si RFN devait être considéré comme une structure de désendettement ou un instrument de contrôle. Il a contesté à RFN la capacité de résoudre de tels problèmes.

M. Aubert Garcia , rappelant le manque d'explication du projet de loi à l'automne 1996, a estimé que l'on pouvait s'interroger sur le sort, à terme, de RFN et que des interrogations subsistaient. Il a jugé que RFN n'était " presque plus rien aujourd'hui " et s'est interrogé sur l'opportunité d'une telle structure.

M. Claude Martinand , rappelant son rôle dans l'élaboration de la loi d'orientation des transports intérieurs, de 1982, et les débats récents -jugés par lui " insuffisants " du Sénat sur la politique des transports, a estimé que la loi ne pouvait se substituer aux relations entre acteurs. Il a souligné que l'asphyxie de la SNCF devait être résolue d'urgence mais que RFN ne serait pas une simple structure de cantonnement.

Evoquant le cadre financier imposé à l'Etat par les critères de convergence vers la monnaie unique définis par le traité de Maastricht, il a souligné la nécessité d'opérer le désendettement de la SNCF à travers une structure spécifique.

S'agissant du choix entre concurrence et coopération, il a fait le pari d'un développement du transport ferroviaire à longue distance.

Rappelant que l'avenir de la SNCF était en cause, il a souligné que l'Etat se donnait un outil pour l'assurer, sans cacher que les débuts de RFN seraient difficiles.

Après avoir remercié l'intervenant d'avoir spontanémemnt abordé les principales questions que se posaient les membres de la commission, M. Jean François-Poncet, président , a estimé en conclusion que le vrai débat était désormais bien engagé.

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