EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER
DE L'EXERCICE DU DROIT DE VOTE
AUX ÉLECTIONS MUNICIPALES PAR LES RESSORTISSANTS
D'UN ÉTAT MEMBRE DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE
AUTRE QUE LA FRANCE

Le chapitre premier du projet de loi organique, qui ne comporte qu'un seul article, a pour objet d'insérer dans le code électoral une nouvelle section relative à l'exercice du droit de vote aux élections municipales par les ressortissants communautaires résidant en France.

Cette section ne concerne que le droit de vote proprement dit, et non le droit d'éligibilité ou les règles particulières prévues par l'article 88-3 de la Constitution excluant les conseillers municipaux étrangers des fonctions de maire ou d'adjoint et de toute participation à l'élection des sénateurs (qui font respectivement l'objet des chapitres II, III et IV du projet de loi organique).

L'article G du Traité sur l'Union européenne et la directive du Conseil du 19 décembre 1994 reconnaissent le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'Etat de résidence à tous les citoyens " de l'Union européenne ".

L'expression " citoyen de l'Union " a été reprise par l'article 88-3 de la Constitution et figure d'ailleurs déjà dans la loi du 5 février 1994 relative à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France du droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen.

Votre commission des Lois propose donc au Sénat de viser dans cet intitulé les Etats membres de " l'Union européenne " plutôt que ceux de la " Communauté européenne ", étant précisé que la même modification terminologique sera proposée sur toutes les autres dispositions du projet de loi organique faisant mention des Etats de la Communauté européenne.

Article premier
Insertion dans le code électoral d'une section spécifique
relative à l'exercice du droit de vote aux élections municipales
par les ressortissants communautaires

Ainsi qu'il a été dit, cet article propose d'insérer une nouvelle section I bis dans le chapitre premier du Titre IV du Livre premier du code électoral, ce Titre IV regroupant lui-même des dispositions spéciales à l'élection des conseillers municipaux et des membres du Conseil de Paris.

Cette section comporterait sept articles L.O. 227-1 à L.O. 227-7 dont la structure générale et l'ordonnancement sont très analogues aux dispositions adoptées en 1994 pour permettre aux ressortissants communautaires de participer en France aux élections européennes : création d'une liste électorale complémentaire, formalités d'inscription sur cette liste, etc.

A la différence de la loi de 1994, néanmoins, et conformément à l'article 88-3 de la Constitution, ces nouveaux articles organiques du code électoral ne pourront ultérieurement être modifiés, le cas échéant, que par une nouvelle loi organique adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées.

SECTION I BIS
(Articles L.O. 227-1 à L.O. 227-7 du code électoral)
Dispositions spéciales à l'exercice par les ressortissants
d'un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France
du droit de vote pour l'élection des conseillers municipaux
et des membres du Conseil de Paris

Pour les motifs exposés ci-avant, votre commission des Lois propose de substituer dans cet intitulé l'expression " l'Union européenne " à celle de " la Communauté européenne ".

Article L.O. 227-1
Disposition de principe reconnaissant aux ressortissants
communautaires résidant en France le droit de vote
aux élections municipales dans les mêmes conditions
que les citoyens Français

L'article 3, alinéa 3, de la Constitution, dispose que " sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ".

Cette règle constitutionnelle est reprise à l'article 2 du code électoral : " Sont électeurs les Françaises et les Français, âgés de dix-huit ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques et n'étant dans aucun cas d'incapacité prévu par la loi ".

En reconnaissant la possibilité d'accorder aux " seuls " ressortissants communautaires résidant en France le droit de vote aux élections municipales, l'article 88-3 de la Constitution pose une exception à la règle générale de l'article 3.

Le projet de loi organique propose donc d'introduire dans le code électoral la même exception, tout en précisant que sous réserve des modalités particulières prévues par la directive du 19 décembre 1994, ce droit s'exercera " dans les mêmes conditions que les électeurs français ", ainsi que le stipule le Traité de Maastricht.

Le deuxième alinéa de cet article précise, à propos des ressortissants communautaires, que l'élection des membres du Conseil de Paris -régie par des dispositions particulières- est assimilée à celle des membres des conseils municipaux des autres communes.

Pour les motifs exposés dans la première partie du présent rapport, votre commission des Lois propose au Sénat de compléter cet article sur deux points essentiels :

1. en précisant le caractère que devra présenter la résidence en France imposée aux ressortissants communautaires pour pouvoir être inscrits sur une liste électorale complémentaire.

Dans la mesure où les débats sur la loi du 5 février 1994 relative à la participation des ressortissants communautaires -ceux du Sénat, en particulier- ont permis de fixer clairement la notion de résidence en France, telle qu'elle doit être entendue pour la mise en oeuvre du Traité de Maastricht, votre commission des Lois propose au Sénat de reprendre, mot pour mot, le dispositif adopté à cette occasion à l'article 2-1, dernier alinéa, de la loi de 1994.

Pour l'application de la présente loi organique, les ressortissants communautaires seraient donc " considérés comme résidant en France s'ils y ont leur domicile réel ou si leur résidence y a un caractère continu ".

2. en introduisant une référence expresse à la réserve de réciprocité posée par l'article 88-3 de la Constitution. Le droit de vote ne serait ainsi ouvert qu'aux ressortissants des Etats de l'Union qui l'accordent, dans les conditions prévues par le Traité de Maastricht et selon leur législation nationale propre, aux Français qui y résident.

Article L.O. 227-2
Création de listes électorales complémentaires
et conditions d'inscription sur ces listes

Comme, en son temps, la loi du 5 février 1994 sur la participation des ressortissants communautaires aux élections européennes, cet article propose la création de listes électorales complémentaires sur lesquelles les citoyens de l'Union devront être inscrits s'ils souhaitent participer aux élections municipales.

· Le premier alinéa de cet article précise bien que l'inscription des citoyens de l'Union sur une liste électorale complémentaire se fera " à leur demande ".

Il se trouve que le Parlement devrait prochainement être appelé à examiner un projet de loi (n° 408) sur l'inscription d'office sur les listes électorales des jeunes gens atteignant l'âge de la majorité.

L'article 7, paragraphe 3, de la directive du 19 décembre 1994 stipule que les Etats membres dans lesquels le vote n'est pas obligatoire -c'est le cas de la France- peuvent prévoir une inscription d'office sur la liste électorale des ressortissants communautaires qui remplissent les conditions pour y être électeur.

Dans l'hypothèse où le projet de loi n° 408 viendrait à être adopté, la France serait donc en droit d'en étendre l'application aux ressortissants communautaires mais cette extension supposerait au préalable l'adoption d'une loi organique modifiant le présent article L.O. 227-2. Cette loi organique devrait être adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées, conformément à l'article 88-3 de la Constitution.

· Le deuxième alinéa de cet article précise les conditions auxquelles les citoyens de l'Union autres que les Français devront satisfaire pour pouvoir être inscrits sur une liste électorale complémentaire. Indépendamment de la condition de résidence en France, posée comme un cadre général par l'article L.O. 227-1, ces conditions sont au nombre de deux :

- l'électeur communautaire devra jouir de la capacité électorale dans son Etat d'origine,

- il devra en outre remplir les autres conditions légales (autre que la nationalité française) pour être électeur et être inscrit sur une liste électorale en France.

· Votre rapporteur relève que la directive du 19 décembre 1994 ne subordonne pas explicitement l'exercice du droit de vote dans l'Etat de résidence à la détention de la capacité électorale dans l'Etat d'origine, différant en cela de la directive du 6 décembre 1993 relative aux élections européennes.

Pour autant, la directive du 19 décembre 1994 n'interdit pas aux Etats membres d'imposer cette condition aux ressortissants communautaires, ainsi que le précise la Déclaration au procès-verbal du Conseil et de la Commission relative à l'article 3, telle qu'elle figure en annexe de ladite directive.

Votre commission des Lois approuve l'exigence ainsi posée par le projet de loi organique, car il serait choquant qu'un citoyen de l'Union résidant en France puisse y voter aux élections municipales alors qu'il serait privé du droit de vote dans son Etat d'origine.

Pour ce qui est des autres conditions légales, les électeurs communautaires devront satisfaire aux mêmes règles que les Français, telles qu'elles sont définies aux articles L. 2 et suivants du code électoral (avoir 18 ans accomplis, ne pas être majeur sous tutelle ni tomber sous le coup d'une condamnation devenue définitive interdisant l'inscription sur une liste électorale, etc.).

Article L.O. 227-3
Modalités d'établissement et de révision
des listes électorales complémentaires

· Le premier alinéa de cet article confie aux autorités compétentes pour l'établissement et la révision des listes électorales le soin de dresser et de réviser les listes électorales complémentaires. D'après les renseignements fournis à votre rapporteur, l'expression " autorités compétentes " recouvre l'ensemble des autorités administratives et juridictionnelles françaises qui concourent à l'établissement et à la révision des listes électorales, à titre principal ou dans le cadre du contentieux de l'inscription.

Cet alinéa précise de surcroît que les listes électorales complémentaires seraient établies par bureau de vote, conformément à la règle générale prévue par l'article L. 17, alinéa 2, du code électoral.

· Le second alinéa du présent article fixe les modalités d'établissement et de contrôle de régularité des listes électorales complémentaires, par référence à toutes les dispositions pertinentes du code électoral, relatives aux listes électorales nationales.

Il est fait référence à ces dispositions dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la présente loi organique.

Ces dispositions ont une valeur législative simple. Or, si la jurisprudence du Conseil constitutionnel admet que la loi organique puisse rendre applicables à des matières relevant de son domaine propre des dispositions de valeur législative simple, il faut que celles-ci aient été adoptées antérieurement au vote de la loi organique. Toute modification ultérieure des articles concernés ne pourra donc être rendue applicable aux ressortissants communautaires que moyennant l'adoption d'une nouvelle loi organique, qui devrait elle-même être adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées, ainsi que le prévoit l'article 88-3 de la Constitution.

Cette observation vaut d'ailleurs pour l'ensemble des renvois à des dispositions législatives simples opérés explicitement ou implicitement par différents articles de la présente loi organique, sans qu'il soit nécessaire de le préciser à chaque fois.

Comme il a été dit, le Parlement devrait prochainement être appelé à examiner un projet de loi (n° 408) sur l'inscription d'office sur les listes électorales des jeunes gens atteignant l'âge de la majorité. Or, l'article 2 de ce projet de loi propose d'insérer dans le code électoral un nouvel article (L. 17-1) qui, s'il venait à être créé, n'aurait pas nécessairement vocation à s'appliquer aux ressortissants communautaires.

Votre commission des Lois présente donc sur cet alinéa un amendement dont l'adoption permettrait, le moment venu, de laisser le nouvel article L. 17-1 en dehors de la liste des dispositions étendues aux ressortissants communautaires par l'article L.O. 227-3.

· Le troisième alinéa précise que les listes électorales complémentaires mentionneront, outre les indications légales usuelles (nom, prénom, domicile, date et lieu de naissance, etc.), l'indication de la nationalité des personnes qui y sont inscrites. Il s'agit d'une mention spécifique à ces listes, nécessaire à l'information des électeurs, des candidats et des partis et groupements politiques (habilités à prendre communication et copie de la liste en application de l'article L. 28 du code électoral).

Cette mention de la nationalité n'a rien de discriminatoire, puisque la mention de la nationalité française des personnes inscrites sur les listes électorales nationales, quoique non précisée explicitement, se déduit du fait même que l'inscription sur ces listes est actuellement réservée aux Français.

· Le dernier alinéa de cet article étend au contentieux des listes électorales complémentaires les règles actuellement applicables au contentieux des listes électorales. Ce contentieux relèverait donc du tribunal d'instance en premier et dernier ressort, sous réserve du pourvoi en cassation.

Article L.O. 227-4
Pièces à produire lors de la demande d'inscription
sur une liste électorale complémentaire

Cet article fixe la liste des pièces à produire à l'appui d'une demande d'inscription sur une liste électorale complémentaire, étant précisé que cette liste est quasiment la même que celle prévue pour la demande d'inscription sur la liste électorale complémentaire en vue de la participation aux élections européennes.

· En vertu de l'article 9 de la directive du 19 décembre 1994, l'électeur communautaire doit apporter " les mêmes preuves qu'un électeur national ", les Etats pouvant en outre exiger qu'il fournisse " un document d'identité en cours de validité ", ainsi qu'une " déclaration formelle précisant sa nationalité et son adresse dans l'Etat membre de résidence ".

Le présent article reprend cette énumération (mêmes justifications que l'électeur national, document d'identité en cours de validité et déclaration écrite précisant la nationalité et l'adresse sur le territoire de la République). Il prévoit de surcroît que l'électeur communautaire devra préciser dans sa déclaration :

- qu'il n'est pas privé du droit de vote dans son Etat d'origine (de façon à assurer le respect du principe posé par l'article L.O. 227-2, alinéa 2) ;

- qu'il n'exercera son droit de vote aux élections municipales qu'en France aussi longtemps qu'il sera inscrit sur la liste complémentaire. En d'autres termes, les électeurs communautaires résidant en France ne disposeront pas d'un " double vote " qui leur permettrait de voter aussi aux municipales dans leur Etat d'origine.

· Pour les motifs exposés dans la première partie du présent rapport, votre commission des Lois, outre un amendement de coordination faisant référence aux Etats " de l'Union européenne ", propose au Sénat de supprimer le dernier alinéa de cet article (d), relatif à la déclaration aux termes de laquelle le ressortissant communautaire précise qu'il n'exercera son droit de vote qu'en France aussi longtemps qu'il sera inscrit sur la liste complémentaire.

Article L.O. 227-5
Communication aux autres Etats-membres de l'identité de leurs ressortissants inscrits en France sur une liste électorale complémentaire

Cet article dispose que l'identité des ressortissants communautaires inscrits en France sur une liste électorale complémentaire sera communiquée, sur leur demande, aux Etats d'origine selon des modalités à fixer par un décret Conseil d'Etat.

Une procédure de ce type a été instituée pour les élections européennes, où le " double vote " est interdit, de manière à permettre à nos partenaires de vérifier si leurs ressortissants résidant en France n'y ont pas obtenu leur inscription sur une liste électorale complémentaire.

Mais on voit mal l'intérêt d'instituer la même procédure pour les élections municipales, où ce contrôle serait sans objet puisque le " double vote " n'y est pas interdit par nos partenaires de l'Union européenne.

Dans ces conditions, votre commission des Lois propose au Sénat de supprimer cet article.

Article L.O. 227-6
Radiation d'office de la liste électorale complémentaire
des ressortissants communautaires en cas de double vote

Cet article prévoit un mécanisme de radiation d'office de la liste électorale complémentaire des ressortissants communautaires votant dans leur Etat d'origine en contravention avec l'engagement pris de ne voter qu'en France aussi longtemps qu'ils seront inscrits sur une telle liste.

Votre commission des Lois ayant proposé au Sénat de ne pas imposer un tel engagement, elle présente par voie de conséquence un amendement de suppression du présent article.

Article L.O. 227-7
Dispositions pénales réprimant les infractions
relatives aux listes électorales complémentaires

Les articles L. 86, L. 87, L. 88 et L. 113 du code électoral répriment les infractions spécifiques relatives à l'établissement des listes électorales ou à la délivrance ou à la production frauduleuse de certificats d'inscription ou de radiation sur ces listes. Ces infractions sont passibles d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende (étant entendu que conformément aux principes généraux du nouveau code pénal, ces taux sont des maxima, le juge restant fondé à prononcer une peine moindre).

Cet article tend à réprimer par les mêmes peines les différentes infractions commises en matière de listes électorales complémentaires.

Il faut noter que les incriminations correspondantes ne visent que les fraudes aux listes électorales complémentaires proprement dites, et qu'elles s'appliqueront aussi bien aux ressortissants communautaires qu'aux nationaux reconnus coupables de telles fraudes.

En revanche, le projet de loi organique ne comporte pas de dispositions particulières réprimant les autres infractions électorales susceptibles d'être commises par des ressortissants communautaires résidant en France lors des élections municipales. Ces infractions sont en effet réprimées sans distinction de la nationalité de leurs auteurs, les articles correspondants visant les fraudes commises, selon le cas, par " tout candidat ", " tout électeur " ou " toute personne ".

Sous réserve d'un amendement de forme tenant compte de la terminologie en usage dans le nouveau code pénal, votre commission des Lois propose au Sénat d'adopter cet article.

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