II. QUATRE DIFFICULTÉS PERSISTANTES

Ces difficultés sont au nombre de quatre. Elles concernent : l'organisation de la distribution du gaz, le degré d'ouverture du marché, les modalités d'obtention des dérogations au titre des contrats d'approvisionnement avec clauses de « take-or-pay » et le sort réservé aux stockages des réseaux de transport et de distribution de gaz.

A. L'ORGANISATION DE LA DISTRIBUTION DU GAZ

En vertu de l'article 4 de la proposition de directive, les États membres ne peuvent refuser des autorisations de construire ou d'exploiter des installations de gaz naturel liquéfié, des installations de stockage et des conduites de transport et de distribution qu'en s'appuyant sur des critères objectifs et non discriminatoires . Comme le relève l'exposé des motifs de la proposition de résolution de M. Jacques Oudin, « l'organisation actuelle de la distribution du gaz en France est manifestement incompatible avec cette disposition ».

Cette proposition de directive entraînerait, purement et simplement, la suppression du quasi-monopole de distribution confié à Gaz de France. Ceci n'est pas acceptable.

B. LE DEGRÉ D'OUVERTURE DU MARCHÉ GAZIER

Le degré d'ouverture du marché envisagé dans la proposition de compromis va bien au-delà de ce que la France peut accepter.

Cette proposition fixe les critères destinés à définir le degré d'ouverture du marché de la façon suivante :

- toutes les installations de production d'électricité à partir du gaz seront considérées comme des clients éligibles (c'est-à-dire pouvant passer des contrats de fourniture de gaz et accéder au réseau) ainsi que les installations industrielles consommant plus de 25 millions de m3 de gaz par an par site de consommation ;

- la définition des clients éligibles par les États membres devra aboutir à une ouverture du marché égale à 28 % au moins de la consommation annuelle totale de gaz du marché national du gaz ;

- si la définition des clients éligibles conduit à une ouverture du marché supérieure à 35 % de la consommation annuelle totale, l'État membre concerné peut modifier la définition des clients éligibles jusqu'à obtenir une réduction de l'ouverture du marché à 35 % de la consommation annuelle totale (ce pourcentage serait porté à 40 % cinq ans après l'entrée en vigueur de la directive et à 45 % dix ans après cette date) ;

- le seuil de 25 millions de m3 fixé pour l'éligibilité des clients industriels serait abaissé à 15 millions de m3 après cinq ans et à 5 millions de m3 après dix ans.

La France ne peut en aucun cas accepter de tels critères, dont l'application conduirait à une ouverture brutale de son marché gazier. Eu égard aux spécificités du marché français, l'objectif de mise en place progressive du marché intérieur du gaz naturel -pourtant affirmé dans les considérants de la proposition de directive- ne serait pas respecté.

En effet, comme l'expose fort bien notre collègue M. Jacques Oudin dans l'exposé des motifs de sa proposition de résolution : « L'application du seuil de 25 millions de m3 pour l'éligibilité des clients industriels conduirait en France à une ouverture du marché d'environ 19 %. La proposition de directive impose cependant un pourcentage minimal d'ouverture du marché de 28 %. Dans ces conditions, le seuil d'éligibilité serait ramené pour la France à environ 9 millions de m3, compte tenu de l'absence d'installations de production d'électricité à partir du gaz 1 ( * ) . Cette situation est absolument unique parmi les pays européens et conduirait à une ouverture très brutale du marché français. L'abaissement progressif des seuils prévus par la proposition (15 millions de m3 après cinq ans, cinq millions de m3 après dix ans) ne concernerait que marginalement la France où s'appliquerait immédiatement un seuil de 9 millions de m3. Ainsi, la progressivité de l'ouverture du marché du gaz naturel, pourtant nécessaire à l'adaptation des acteurs concernés, serait réduite à néant en France ( à titre de comparaison, la directive relative au marché intérieur de l'électricité prévoit une ouverture du marché de 23 % lors de l'entrée en vigueur de la directive, de 28 % après cinq années d'application et de 32 % après dix années d'application). »

Une telle situation est inacceptable car elle serait profondément inique et risquerait de déstabiliser brutalement le marché français du gaz. Ceci d'autant plus que la France serait le seul pays 2 ( * ) où de nombreux clients industriels seraient considérés comme éligibles dès la première phase d'ouverture du marché. Nos partenaires européens, dont les structures de marché sont très différentes, auront -dans un premier temps- pour clients éligibles les producteurs d'électricité à partir de gaz (il s'agit là d'un marché très spécifique 3 ( * ) ) et les plus gros consommateurs industriels, tandis que leurs producteurs auront un accès plus large au marché français des consommateurs industriels.

Il faut souligner que ne seraient pas seuls concernés, en France, les gros consommateurs industriels, tels que ceux du secteur chimique. Avec l'application directe d'un seuil de 9 millions de m3, seraient également concernées, par exemple, une grosse industrie du secteur laitier ou une entreprise de sucrerie de taille moyenne.

Le principe de réciprocité se trouverait ainsi bafoué .

* 1 Il faut, en effet, souligner que contrairement à la plupart des autres pays de l'Union européenne, la France ne dispose pas de telles installations. Ceci signifie que l'ouverture du marché français concernera immédiatement les clients commerciaux de Gaz de France, qui seront considérés comme clients éligibles.

* 2 La Grèce et le Portugal ne disposent pas non plus d'installations de production d'électricité à partir de gaz, mais ils bénéficieront d'un régime dérogatoire en tant que marchés dits « émergents ».

* 3 Les producteurs d'électricité achètent généralement leur gaz directement aux producteurs. Simple intermédiaire, Gaz de France sera probablement commercialement et techniquement mal placée pour conquérir de tels marchés.

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