ARTICLE 23

Versement d'une contribution des organismes collecteurs
du 1 % logement

Commentaire : le présent article donne un support législatif au second prélèvement d'environ 7 milliards de francs sur le 1 % logement, prévu par la convention d'objectifs du 17 septembre 1996 et la loi n° 96-1237 du 30 décembre 1996 relative à l'Union d'économie sociale du logement.

La convention d'objectifs
du 17 septembre 1996 signée entre l'Etat et les partenaires sociaux (patronat et syndicats) gestionnaires de la participation des employeurs à l'effort de construction prévoyait deux versements de la moitié des ressources du 1 % logement au titre des exercices 1997 et 1998 (environ 7 milliards de francs par an), pour financer le prêt à taux zéro . En contrepartie de cette aide, qui finance intégralement le nouveau prêt, l'Etat s'est engagé à assurer la pérennité du "1 % logement" et à en favoriser la modernisation. Par la loi du 30 décembre 1996, l'Union d'économie sociale du logement a été créée. Elle rassemble les collecteurs interprofessionnels du logement (CIL) et les chambres de commerce et d'industrie (CCI), qui assurent la quasi-totalité de la collecte.

Depuis l'été 1995, des débats réguliers ont eu lieu au Parlement sur la participation des employeurs à l'effort de construction. Le Sénat a eu l'occasion de rappeler à chaque fois, toutes tendances confondues, son attachement à cette forme de financement du logement , qui participe pour plus de 10 % à l'effort national annuel 29( * ) et qui associe employeurs et salariés au logement des Français. Aux yeux des gouvernements successifs, son principal défaut est de ne pas être gérée par les administrations centrales du ministère chargé de l'économie et des finances.

Votre rapporteur général a décrit à plusieurs reprises le détail du fonctionnement du "1 % logement" 30( * ) . Il vous propose donc d'exposer les dernières évolutions et de présenter la mesure proposée, qui est, à une nuance -substantielle- près, identique au prélèvement prévu pour 1997.

I. LA RÉFORME DU 1% LOGEMENT

Afin de financer le prêt à taux zéro, le Gouvernement a décidé le prélèvement, en 1995 et 1996, de respectivement 1 milliard de francs et 0,9 milliard de francs sur les collecteurs du 1 % logement (les entreprises effectuant directement leurs interventions au titre de la participation n'étaient pas concernées). Votre commission et le Sénat auraient préféré, pour leur part, une distribution directe du nouveau prêt à taux zéro par les collecteurs. Ceux-ci sont souvent organiquement liés à des établissements bancaires et donc parfaitement habilités à la gestion de crédits. L'âpre débat qui s'en est suivi a abouti à la remise en cause du fonctionnement du "1 % logement", essentiellement sur le fondement de frais de fonctionnement élevés et croissants : 1,8 milliard de francs en 1995, soit 31,7 % de la collecte et 1,8 % de l'encours géré.

A. LA MISE EN PLACE DE L'UNION D'ÉCONOMIE SOCIALE DU LOGEMENT.

La convention d'objectifs du 17 septembre 1996, puis la loi du 30 décembre ont réformé le 1 % logement dans cinq buts :

doter les collecteurs (161 CIL et 41 CCI) d'un organe central suffisamment fort pour coordonner l'action et éviter une concurrence injustifiable s'agissant de la gestion d'un prélèvement obligatoire. Cet organe central est l'Union d'économie sociale du logement (UESL), société anonyme coopérative regroupant obligatoirement les CIL et les CCI, et, sur leur demande, les organisations interprofessionnelles d'employeurs et de salariés représentatives à l'échelon national ;

réduire les coûts de fonctionnement du 1 % logement ;

financer le prêt à taux zéro en 1997 et 1998 ;

créer une solidarité financière entre collecteurs par la création d'un fonds d'intervention, l'UESL jouant à cet égard un rôle de trésorerie centrale ;

assurer la pérennité du 1 % logement, notamment en restaurant sa légitimité par une remise au premier plan des partenaires sociaux dans sa gestion.

C'est surtout en raison de ce quatrième objectif, que votre commission avait accepté le prélèvement de 7 milliards de francs pour 1997, et, déjà, le principe de celui prévu par le présent article pour 1998.

Les statuts de l'UESL ont été approuvés par le décret n° 97-143 du 14 février 1997 et publiés le 10 mars au bulletin officiel du ministère de l'équipement.

Trois organes de direction ont été mis en place. Le conseil d'administration est un organe paritaire où l'Etat est représenté par deux commissaires du gouvernement, l'un représentant le ministère chargé du logement, l'autre, le ministère chargé de l'économie et des finances. Le comité paritaire des emplois, où sont représentés les syndicats d'employeurs et de salariés est chargé de définir l'utilisation des fonds recueillis (à l'exception des fonds prélevés par l'Etat). Le comité des collecteurs regroupe, sur la base d'une représentation locale, 40 responsables de CIL ou de CCI.

B. LA RÉFORME DE L'EMPLOI DES FONDS

Traditionnellement, le 1 % logement intervient en faveur du logement des immigrés et des démunis. Ainsi, depuis 1976, une fraction d'1/9 e de la collecte (900 millions de francs en 1996) est affectée au logement des immigrés. Depuis 1989, cette intervention s'est étendue au logement des personnes défavorisées, auxquelles 9 % de la collecte doivent également être consacrés.

Une convention du 14 mai 1997 a réformé ces interventions prioritaires, dont l'assiette, du fait du prélèvement de 7 milliards de francs, n'avait plus de consistance réelle. Cette convention a substitué au "1/9 e " et au "9%" un plan quinquennal comportant deux volets :

une aide aux foyers de travailleurs migrants de 360 millions de francs par an ;

une aide, de 1,4 milliard de francs en 1997, pour les populations ayant des difficultés d'accès ou de maintien dans le logement. Cette aide est surtout destinée aux jeunes, salariés ou sans emploi.

Par ailleurs, l'UESL a simplifié les modalités d'intervention ordinaires des collecteurs en instituant notamment un taux d'intérêt standard de 2 % pour les prêts locatifs et les prêts d'accession.

C. UNE TENTATIVE DE MAINTIEN DE LA CAPACITÉ D'INTERVENTION

Pour maintenir à peu près intacte sa capacité financière d'intervention, malgré le prélèvement de 7 milliards de francs, l'UESL a dû se livrer à une gymnastique financière qui comporte deux volets :

une mobilisation de la trésorerie disponible pour 2,78 milliards de francs ;

une ligne de crédit bancaire, souscrite en mai dernier auprès du Crédit local de France, pour un montant d'1,5 milliard de francs en 1997 et 4,5 milliards de francs en 1998. Le différentiel entre le taux d'intérêt de cet emprunt (5 à 6 %) et celui des prêts des collecteurs (2 %) sera pris en charge par une contribution des associés collecteurs de l'UESL au fonds d'intervention prévu à cet effet. Le coût de ce différentiel serait de l'ordre de 105 millions de francs par an sur sept ans.

Compte tenu de son coût, ce type de palliatif ne saurait constituer une solution durable à la pérennité du 1% logement, si les prélèvements devaient se renouveler. Votre rapporteur général ne peut d'ailleurs qu'observer que l'Etat recourt, une fois de plus, à la débudgétisation classique consistant à faire s'endetter d'autres organismes à sa place.

II. LE SECOND PRÉLÈVEMENT


La gestion du "1 % logement", pourtant très critiquée, réserve parfois de bonnes surprises. Ainsi, le prélèvement de 1997, égal à 50 % des flux annuels de ressources du "1 % logement", devrait rapporter plus que les 7 milliards de francs escomptés. Cette bonne situation de la collecte et des remboursements de prêts permet d'espérer sur la même base 7,4 milliards de francs de recettes en 1998.

Le présent article ne traite que le volet recettes du dispositif, et ne fait qu'évoquer le volet dépenses. Il est nécessaire néanmoins d'avoir une vision d'ensemble : si le volet recettes n'est modifié qu'à la marge, la partie dépenses subit une transformation moins acceptable.

A. UNE MODIFICATION MARGINALE DE LA RECETTE

Le prélèvement prévu pour 1998 est le même que celui prévu pour 1997. Il s'agit de 50 % des ressources à long terme perçues au cours de l'exercice précédent, et qui sont constituées de deux flux :

la collecte prélevée sur les entreprises, à savoir la participation des employeurs à l'effort de construction proprement dite (0,45 % de la masse salariale des entreprises de plus de 10 salariés) ;

les remboursements de prêts de plus de trois ans.

Pour 1996, ces sommes s'élèvent respectivement à 6,624 milliards de francs et 7,423 milliards de francs.

Comme en 1997, l'UESL sera habilitée à se substituer à ses associés collecteurs pour effectuer le versement.

La seule différence notable réside dans la périodicité des versements : l'efficacité remarquable dont a fait preuve le "1 % logement" pour acquitter le premier prélèvement permet d'accélérer le rythme du second. Ainsi, le premier tiers du versement interviendra le 10 janvier au lieu du 15 février. Comme en 1997, huit mensualités suivront de février à septembre.

B. UNE MODIFICATION SUBSTANTIELLE DE LA DÉPENSE

Du point de vue comptable, l'affectation de la recette est inchangée : il s'agit du compte d'affectation spéciale n° 902-30 "fonds pour le financement de l'accession à la propriété". Cette affectation est prévue par l'article 35 du présent projet de loi de finances. Au 1er septembre dernier, ce fonds avait consommé 5 milliards de francs en autorisations de programmes (2,5 milliards de francs en crédits de paiement) en faveur du prêt à taux zéro. Il sera doté de 7,4 milliards de francs d'A.P. pour 1998.

Sur le fond, l'affectation est changée de façon plus sensible.

En effet, outre le prêt à taux zéro, trois dépenses nouvelles apparaissent dans le compte d'affectation spéciale :

les aides à la personne (pour 500 millions de francs) ;

une dotation au fonds de garantie à l'accession sociale, qui garantit les prêts d'accession sociale (pour 260 millions de francs) ;

des frais de gestion pour 10 millions de francs .

Or, lors de la création du C.A.S. 902-30, il n'était question que du financement du prêt à taux zéro
, dont le succès a justifié l'affectation intégrale des autorisations de programmes correspondant à cette recette.

La modification des dépenses, nette dans la structure du compte d'affectation spéciale, apparaît de façon plus subtile dans le texte du présent article. L'article 47 de la loi de finances pour 1997 disposait que les collecteurs du "1 %" devaient participer au "financement des aides à la pierre". Le présent article prévoit qu'il s'agit d'une participation au "financement des aides en faveur de l'accession à la propriété".

Cette modification d'apparence anodine, est, en réalité une entorse sérieuse à la convention d'objectifs , qui prévoit que "les CIL verseront, en 1997 et 1998 leur quote-part de la contribution exceptionnelle destinée au financement des aides à la pierre ". Implicitement, la convention interdisait tout versement en faveur des aides à la personne. Cette entorse rappelle la perte de substance dont le "1 % logement" a été la victime depuis 1978 au profit des aides personnelles.

Lors du débat sur la loi de finances pour 1997, l'exposé des motifs de la création du C.A.S. 902-30 prévoyait que la ressource prise sur le 1 % logement était destinée au prêt à taux zéro. Tel était alors l'intention manifestée par le législateur, le Sénat en particulier, sans aucune ambiguïté. L'intitulé de dépenses du compte, "aides non fiscales à l'accession sociale à la propriété", laisse certes une place à une interprétation souple. Et, de fait, le Gouvernement a annoncé que les aides personnelles ainsi financées seraient des aides à l'accession (APL et ALS-accession). Toutefois, il n'est pas douteux que les aides personnelles a l'accession vont continuer de refluer au profit des aides à la location, selon une tendance plus que décennale. Les fonds d'aides personnelles 31( * ) sont fongibles et les recettes n'y sont pas affectées.

Le rapporteur général et le rapporteur spécial des crédits du logement de l'Assemblée nationale ont reconnu que la convention d'objectifs n'était pas respectée 32( * ) .

On peut admettre que 260 millions de francs soient prélevés sur le compte en faveur du FGAS, pour deux raisons essentiellement. D'une part, il s'agit incontestablement d'une aide à la pierre. D'autre part, les P.A.S. sont délivrés en complément des prêts à taux zéro pour les personnes les plus modestes.

On peut admettre aussi que 10 millions de francs soient prélevés pour des frais de gestion, encore que le calcul visiblement imprécis de cette somme puisse exiger des justifications.

En revanche, votre rapporteur général considère que le Sénat peut difficilement accepter le prélèvement de 500 millions de francs en faveur des aides à la personne . D'abord cette attitude n'entrait aucunement dans son intention lors du débat budgétaire pour 1997. Ensuite, votre rapporteur général avait insisté pour que la parole de l'Etat fût respecté dans le cadre de la convention d'objectifs. Celle du "1 % logement " l'a été au travers de l'UESL. Comment admettre qu'une fois de plus l'Etat s'exonère de respecter la sienne ?

Enfin, le prêt à taux zéro , plébiscité par les Français, dont l'aspiration profonde reste, qu'on le veuille ou non, l'accession à la propriété, connait des problèmes de financement . Les modalités prévues depuis 1995 sont à peine suffisantes. Au-delà de 1998, aucune solution n'est en vue pour le moment. Pourtant, le Gouvernement choisit de réduire les crédits qui lui sont affectés et préfère en restreindre la portée, au grand dam de nombreux postulant à l'accession.

L'urgence en la matière est d'élaborer un dispositif de sécurisation
qui, initialement, devait être financé par la participation des employeurs à l'effort de construction. Mais l'Etat se laisse prendre aux exigences du court terme. Il prélève immédiatement 500 millions de francs pour les aides à la personne au lieu de mettre en place cette sécurisation. Qui sait si demain, comme ce fut le cas pour les prêts d'accession à la propriété (PAP), il ne devra dépenser plusieurs milliards de francs pour régler les sinistres qu'il ne se sera pas donné les moyens de prévenir ?

Votre rapporteur général, constant dans la position prise par votre commission, vous propose d'accepter le nouveau prélèvement qui fait partie d'un bloc décidé fin 1996. La finalité de l'accession à la propriété est respectée.

Toutefois, il proposera à votre commission de refuser le transfert de 500 millions de francs en faveur des aides à la personne prévu sur le C.A.S. 902-30.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter la présent article sans modification.

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