B. LA POURSUITE DE L'AMÉNAGEMENT CULTUREL DU TERRITOIRE

1. Le rééquilibrage géographique des interventions culturelles de l'Etat

a) Le rééquilibrage des interventions culturelles de l'Etat

La multiplication des chantiers portant sur la construction de grandes institutions culturelles implantées dans la capitale a fait naître, au cours des années 1980, une revendication légitime de redéploiement de l'effort culturel de l'Etat en faveur de la province.

Depuis 1989, le ministère de la culture s'est doté d'un instrument de mesure fiable lui permettant de quantifier la répartition des dotations budgétaires entre la capitale, la région Ile-de-France et la province.

Cette méthodologie mise au point en 1989 par M. Seibel, alors inspecteur général de l'INSEE, a été utilisée pour le ministère de la culture pour l'étude exhaustive qu'il a menée en 1997.

Les tableaux ci-dessous permettent d'évaluer la répartition entre Paris et la province des crédits du ministère de la culture en dépenses ordinaires et crédits de paiement :

TABLEAU N°1
Budget global du ministère de la culture en dépenses ordinaires
et autorisations de programme

1997

1998

Paris

Ile-de-France

Province

Paris

Ile-de-France

Province

Titre III

80,5

2,3

17,1

80,8

2,1

17

Titre IV

22,1

5,9

72

21,6

5,8

72,6

Titre V

35,4

9,1

55,6

13,9

10,4

75,7

Titre VI

45

7

48

59,5

5,6

34,8

Total

53,8

4,7

41,5

53,8

4,5

41,7

(en pourcentage)

TABLEAU N°2
Budget global du ministère de la culture hors subventions
aux établissements publics

1997

1998

Paris

Ile-de-France

Province

Paris

Ile-de-France

Province

Titre III

71,5

2,1

26,4

71,6

2,3

26,1

Titre IV

22,1

5,9

72

21,6

5,8

72,6

Titre V

13,3

12,2

74,5

13,9

10,4

75,7

Titre VI

9,8

8,9

81,3

36,2

7,8

56

Total

37,6

5,6

56,8

39,1

5,5

55,4

(en pourcentage)

L'examen des chiffres contenus dans ces tableaux appelle les analyses suivantes :

- on constate une relative stabilité du pourcentage des crédits du titre III alloués à la province : 26,1 % en 1998 pour les crédits hors établissements publics contre 26,4 % en 1997 ;

- en ce qui concerne le titre IV, la part allouée à la province passe de 72 % en 1997 à 72,6 % en 1998. Cette évolution ne témoigne pas d'une augmentation notable des crédits destinés à la province mais confirme la déformation progressive des crédits d'intervention au profit de la province constatée depuis plusieurs années . Rappelons qu'en 1987 la part des crédits du titre IV consacrés à la province atteignait seulement 54 % ;

- les autorisations de programme qui étaient affectées à la province représentaient 55,6 % du titre V et 48 % du titre VI en 1997 ; elles connaissent une brusque évolution en 1998, leur part relative passant à 75,7 % pour le titre V et à 34,8 % pour le titre VI. Cette inflexion est le résultat de la création de l'agence d'ingénierie culturelle qui reprend à son compte une grande partie des équipements financés jusqu'ici directement par l'Etat et qui se trouvaient pour la plupart situés à Paris .

b) La poursuite d'une politique d'implantation d'équipements culturels en province
· Les grands projets en région

Le programme des grands projets régionaux décidé lors du Comité interministériel d'aménagement du territoire de Troyes en 1994 symbolisait la volonté politique de veiller à une répartition plus équilibrée de l'action culturelle. Couvrant la période 1995-2000 et bénéficiant d'une enveloppe globale de 800 millions de francs, il visait à favoriser la constitution d'un réseau de " pôles d'excellence " susceptibles d'avoir une action " structurante " sur le tissu culturel local.

Depuis la mise en oeuvre de ce programme, 311,05 millions de francs d'autorisations de programme ont été ouverts pour ces projets dans les lois de finances pour 1995, 1996 et 1997. Le projet de budget pour 1998 prévoit la poursuite de ces investissements à hauteur de 162 millions de francs d'autorisations de programme. A la fin de l'année 1998, seuls 60 % de l'enveloppe d'autorisations de programme annoncée auront donc été engagés.

Les opérations retenues concernent principalement la création d'un centre de la mémoire contemporaine à Reims. 180 millions de francs d'autorisations de programme avaient été ouverts en 1997 et 144 millions de francs annulés en raison du retard pris dans la réalisation de ce projet. Le projet de loi de finances pour 1998 prévoit de rouvrir la totalité des autorisations de programme annulées. Est prévue également la création d'un centre de réserve de costumes de scène à Moulins, pour lequel 14 millions de francs d'autorisations de programme sont prévus pour 1998 ; 17,4 millions de francs d'autorisations de programme avaient été consacrés à ce projet en 1997.

Parmi les opérations achevées, on peut citer l'aménagement de l'Institut Louis Lumière à Lyon, aujourd'hui terminé, et qui a fait l'objet d'une participation financière du ministère de la culture d'un montant de 2 millions de francs ou la construction de l'auditorium de Dijon auquel ont été consacrés 60 millions de francs entre 1995 et 1997.

· Le renforcement du réseau de diffusion culturelle en province
Cette action intensifiée depuis quelques années sera poursuivie en 1998.

Il importe de rappeler que ce réseau résulte d'un engagement volontariste des collectivités locales dans l'action culturelle. En quinze ans, de 1978 à 1993, dernière année pour laquelle on dispose de statistiques, les dépenses culturelles des régions, des départements et des communes de plus de 10.000 habitants ont été multipliées par 2,5 en francs constants. Les dépenses culturelles des collectivités territoriales atteignent 36,9 milliards de francs et représentent un peu plus de la moitié (50,3 %) des financements publics affectés à ce secteur.

Le réseau des institutions qui maillent le territoire est un atout majeur. L'aide que lui apporte l'Etat doit donc être renforcée et restructurée. Ce mouvement a d'ores et déjà été lancé.

C'est le cas notamment du soutien accordé par l'Etat aux institutions décentralisées d'art lyrique . L'effort de l'Etat est en ce domaine réparti de façon à prendre en compte non seulement leurs besoins de fonctionnement mais également leur activité de diffusion. Une attention particulière est ainsi accordée à celles qui mènent une politique active de collaboration avec d'autres théâtres lyriques, orchestres ou centres chorégraphiques ou à celles qui conduisent une action volontariste de diffusion, notamment en recherchant de nouveaux publics.

Dans un souci de rééquilibrage entre Paris et la province, et plus généralement d'aménagement culturel du territoire, le ministère de la culture et de la communication a lancé une politique de classement de certains opéras de région dans la catégorie " opéras nationaux de région ".

Cette démarche a pour objet de consacrer ou de promouvoir des pôles lyriques de référence, comme l'illustre l'établissement de la convention d'opéra national à Lyon, (conclue en 1996 pour une durée de cinq ans), qui précise le projet artistique de l'opéra, ses obligations en matière de diffusion régionale des spectacles lyriques et chorégraphiques ainsi que les procédures de concertation entre les financeurs. Un protocole d'accord a été également signé en novembre 1996 entre l'Etat, l'Opéra du Rhin et l'ensemble des collectivités territoriales participant à son financement, arrêtant le principe de la redéfinition de son projet culturel dans la perspective de son inscription au rang d'opéra national.

En 1997, l'Opéra de Lyon et l'Opéra du Rhin bénéficiaient d'aides de l'Etat qui s'élevaient respectivement à 24,75 millions de francs et à 13,1 millions de francs. Rappelons que le montant total de l'aide aux théâtres lyriques de la " Réunion des théâtres lyriques français " représentait, en 1997, 83,05 millions de francs. Pour 1998, le soutien apporté par l'Etat sera intensifié grâce à des mesures de redéploiement.

L'action en faveur du développement de la diffusion lyrique décentralisée s'appuie également sur les mesures de soutien aux festivals organisés en province et en particulier à celui d'Aix-en-Provence. En ce qui concerne ce dernier, la mise en oeuvre d'un nouveau projet pour 1998, qui se caractérise par un accroissement du nombre de spectacles lyriques, une ouverture à la création et aux jeunes chanteurs et musiciens, s'est accompagnée d'un plan de financement prévoyant une contribution de l'Etat. Cette dernière s'est élevée à 9 millions de francs en 1996, à 8 millions de francs en 1997 et devrait représenter 15 millions de francs en 1998.

2. Les moyens mis en oeuvre afin d'accroître l'offre culturelle en régions

a) La poursuite de la déconcentration

Le mouvement de déconcentration au sein du ministère de la culture a été initié dans les années 80, lorsque la croissance de ses moyens l'ont amené à s'adapter à une dimension qu'il n'avait pas connu jusque là.

La création des directions régionales d'action culturelle (DRAC) en 1977 en ayant constitué la première étape, elle s'est mise en place progressivement. Depuis le début des années 90, la politique de déconcentration a été accentuée (renforcement des effectifs des DRAC, transferts de compétence systématiques...). Ce mouvement se traduit dans les chiffres.

Entre 1990 et 1996 le montant des crédits déconcentrés dans les directions régionales des affaires culturelles est passé de 1,772 milliards de francs à 2,777 milliards de francs ; le taux de déconcentration des crédits par rapport à la masse de crédits déconcentrables est donc passé de 28 % en 1990 à 47 % en 1996. En 1997, ce taux a été porté à 52,95 %.

La masse des crédits " déconcentrables " qui sert de base au calcul du taux de déconcentration des crédits tient compte du fait que certains crédits n'ont pas vocation à être déconcentrés. Il s'agit notamment des crédits qui relèvent du secteur du livre et de la lecture et qui sont transférés au sein de la dotation globale de décentralisation en début d'exercice, des subventions de fonctionnement et d'investissement versées aux établissements publics et des moyens de fonctionnement de l'administration centrale.

Parallèlement à cette évolution propre au ministère de la culture, la déconcentration est devenue un principe fondamental de l'organisation administrative de l'Etat, redonnant une nouvelle vie à l'adage selon lequel " on peut gouverner de loin, mais on n'administre bien que de près ".

En effet, l'article 2 de la loi n° 92-125 d'orientation relative à l'administration territoriale de la République qui précise que " sont confiées aux administrations centrales les seules missions qui présentent un caractère national ou dont l'exécution, en vertu de la loi, ne peut être déléguée à un échelon territorial " et que " les autres missions, et notamment celles qui intéressent les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales sont confiées aux services déconcentrés ".

Venant parachever le mouvement de déconcentration, le décret n° 97-34 du 15 janvier 1997 relatif à la déconcentration des décisions administratives individuelles a prévu que les décisions administratives individuelles entrant dans le champ des compétences de l'Etat, à l'exception de celles concernant les agents publics, sont prises par le préfet, et a fixé au 1er janvier 1998 la date d'entrée en vigueur de cette disposition, les ministères devant donc, avant cette date, préciser les dérogations à cette règle. Le décret fixant les attributions qui demeurent de la compétence de l'administration centrale est en cours de préparation au sein des services du ministère de la culture.

D'ores et déjà, le projet de budget pour 1998 prend en compte ce nouveau mode de décision . En effet, à la demande du ministère des finances, le ministère de la culture a procédé à une simplification de sa nomenclature budgétaire . En ce qui concerne le titre III (moyens des services), la nouvelle présentation a regroupé sur les chapitres distincts les moyens de fonctionnement des services centraux et ceux des services déconcentrés. De même, pour le titre IV (interventions publiques), des chapitres identifient, en ce qui concerne les dépenses d'action éducative et culturelle, les interventions culturelles d'intérêt national (1,645 milliards de francs en 1998) et les interventions culturelles déconcentrées (1,773 milliards de francs en 1998). Il en est de même pour les subventions d'investissement accordées par l'Etat dans le domaine du patrimoine monumental. Cette présentation contribue à clarifier la situation entre les crédits qui n'ont pas vocation à être déconcentrés et les crédits déconcentrés. Elle s'accompagne d'un accroissement du montant de ces derniers. En ce qui concerne les dépenses d'action éducative et culturelle, la part des crédits déconcentrés passe de 34 % à 51 %.

La déconcentration fixe un cadre administratif nouveau à la politique culturelle . Selon les dispositions du décret n° 92-604 du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration, les administrations centrales " assurent au niveau national un rôle de conception, d'animation, d'orientation, d'évaluation et de contrôle ". Ceci suppose une évolution du rôle des différentes directions centrales du ministère de la culture, notamment celles pratiquant encore largement une gestion directe des services publics culturels (théâtre, musique).

La déconcentration, en imposant la réorganisation de l'administration centrale, devrait permettre d'accélérer les évolutions nécessaires pour remédier à des dysfonctionnements soulignés depuis de nombreuses années. M. Jacques Rigaud dans son ouvrage " l'exception culturelle " (1995) notait que l'organisation du ministère devait être conçue " de telle sorte que ni son chef, ni ses directeurs ne soient tentés de tout régir, (et qu') ils doivent laisser à des responsables qualifiés la tâche de conduire, au contact des réalités du terrain, et du public, des institutions qui ont leur vie propre et que l'on ne saurait plus regarder comme de simples dépendances (...) d'administrations centrales ". Plus récemment, le rapport particulier de la Cour des comptes sur les musées nationaux et les collections nationales d'oeuvres d'art soulignait l'absence de politique nationale du patrimoine muséographique, résultant d'un éclatement des responsabilités à l'échelon central et se traduisant par une maîtrise insuffisante de la gestion des musées.

La déconcentration entraînera un accroissement de la charge de travail des directions régionales des affaires culturelles , et à ce titre exigera un renforcement de leurs effectifs, notamment par un redéploiement des emplois de l'administration centrale vers les services déconcentrés. Celui-ci s'avère nécessaire pour éviter notamment que des retards surviennent, du fait d'un alourdissement de la charge de travail, dans l'engagement des crédits.

Afin de remédier à ce risque, il est prévu d'améliorer les délais de versement des subventions déconcentrées. D'après les informations qui ont été communiquées à votre rapporteur, l'administration veillera à déléguer 80 % des crédits déconcentrés du titre IV dès le début de la gestion et des instructions seront données aux directeurs régionaux des affaires culturelles pour traiter en priorité les dossiers de subventionnement des organismes, notamment, dans le domaine du spectacle vivant qui ont des besoins importants de trésorerie du fait du poids de la masse salariale dans leur budget (orchestres, théâtres lyriques, compagnies chorégraphiques...).

Dans cette perspective, il semble à votre rapporteur nécessaire de développer les outils, notamment statistiques, permettant d'évaluer l'activité des directions régionales.

Enfin , la déconcentration aura pour conséquence de modifier les relations entre l'administration et les professionnels de la culture . Certains manifestent une vive inquiétude face aux risques d'une politique culturelle à géométrie variable selon les régions.

A cet égard, votre rapporteur rappellera que la ministre de la culture est d'ores et déjà doté de pouvoirs lui permettant de se prémunir contre les risques d'une dilution de la politique culturelle. Les directeurs régionaux des affaires culturelles sont des fonctionnaires placés sous son autorité par l'intermédiaire des préfets qui sont chargés de mettre en oeuvre la politique de l'Etat dans le cadre de directives annuelles détaillées. Ces directives, dénommées " circulaires annuelles d'emplois des crédits déconcentrés ", définissent les montants des crédits déconcentrés aux directions régionales des affaires culturelles par chapitre et article budgétaires pour l'année. Elles sont assorties d'instructions sur la politique culturelle qu'il convient de mettre en oeuvre et d'instructions techniques détaillées par secteur. Ces directives encadrent de manière très précise l'action des directions régionales des affaires culturelles d'autant que les services du ministère de l'économie et des finances (Trésoriers payeurs généraux) assurent eux-mêmes un contrôle de leur application par le biais du contrôle de la dépense. Votre rapporteur souhaite que ces moyens mis à la disposition du ministre soit utilisé afin de se prémunir contre les risques d'une dilution du rôle de l'Etat dans le domaine culturel.

Par ailleurs, la relance de la politique contractuelle permettra de préciser le cadre dans lequel les autorités déconcentrées devront conduire la politique culturelle.

b) La relance de la politique contractuelle

Le budget de 1998 se donne pour ambition de relancer la politique de contractualisation tant avec les collectivités locales qu'avec les institutions culturelles dont le ministère a la tutelle.

Cette volonté se traduit, en premier lieu, par la création d'un fonds de contractualisation doté de 23 millions de francs (crédits inscrits sur le chapitre 43-30-30 et gérés par la délégation au développement et aux formations).

Ce fonds devrait servir de catalyseur pour les initiatives culturelles, développées en partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales, qui font montre d'un effort de créativité et de recherche de nouveaux publics. Il aura donc pour mission de fournir un effet de levier à l'action engagée par les collectivités locales en faveur d'expériences innovantes exemplaires -en particulier en matière de création de services publics de proximité.

Si votre rapporteur appuie dans son principe, la création de ce fonds qui participe de la politique de rééquilibrage territorial de l'action culturelle de l'Etat, il s'interroge sur ses modalités de fonctionnement et de gestion sur lesquelles il n'a pu encore obtenir d'informations détaillées.

Il en est de même pour le projet de charte du service public du spectacle vivant culturel. " Elaborée en étroite collaboration avec les professionnels concernés ", elle devrait permettre de définir les droits et obligations de l'Etat et des institutions culturelles, notamment en ce qui concernent la diffusion et l'accès du plus grand nombre, et servir de base de référence aux contrats d'objectifs qui seront systématisés pour l'ensemble des réseaux du spectacle vivant.

Là encore, le principe ne peut être contesté mais de nombreuses interrogations demeurent sur le calendrier d'élaboration de ce document, sur les principes qu'il devrait mettre en oeuvre comme sur les institutions qu'il concernerait.

La volonté de relancer la politique contractuelle, si elle est clairement affichée par la ministre, demeure donc encore imprécise quant à ses modalités de réalisation.

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