2. Les enjeux de la politique agricole commune

D'aucuns ont qualifié la réforme de 1992 de " réforme de circonstance ". Face à un environnement international incertain, la politique agricole commune se trouve conduite, aujourd'hui et demain, à des choix très importants pour l'avenir de l'agriculture et du monde rural.

a) De fortes priorités...

Apporter des réponses aux nouveaux défis

Les nouvelles exigences de la société ont tendance parfois à inquiéter le monde paysan, car elles remettent en cause certaines pratiques et ont un coût certain.

Elles n'en constituent pas moins, de la part du secteur agricole et forestier, une nécessité d'adaptation. En effet, s'il est reconnu que l'agriculteur protège l'environnement rural par sa seule présence sur le terrain et la poursuite de son activité professionnelle, il n'en demeure pas moins vrai qu'un effort est impératif pour poursuivre l'amélioration de la situation actuelle.

- L'importance de la qualité et de la salubrité des produits alimentaires

Deux événements ont montré l'urgence d'une prise en compte au niveau européen des questions de qualité et de sécurité des produits destinés à l'alimentation humaine et animale.

Il s'agit, en premier lieu, des organismes génétiquement modifiés.

Le terme d'organisme génétiquement modifié (OGM) s'applique aux organismes vivants dont le patrimoine génétique a été modifié par la technique de la transgénèse. La transgénèse est une technique relativement récente, puisqu'elle est apparue il y a moins de vingt-cinq ans. Elle permet de transférer un ou plusieurs gènes, aux fonctions bien définies, depuis n'importe quelle espèce du règne animal ou végétal, vers n'importe quelle autre espèce.

Par rapport à la sélection variétale classique, la transgénèse a donc ouvert un champ d'application extrêmement intéressant, puisqu'elle permet de créer, de façon très ciblée et dans un laps de temps incomparablement plus rapide, des variétés présentant directement des caractéristiques entièrement nouvelles.

Etat des lieux en Europe et aux Etats-Unis

Les applications de la transgénèse dans le domaine purement végétal n'ont commencé à se développer qu'à partir de 1983. Les premiers essais aux champs de colzas transgéniques datent de 1984 (France, Belgique, Canada). Sur le plan de la maîtrise de ces techniques, le savoir-faire acquis depuis lors en Europe -et notamment en France- n'a rien à envier à celui qui a parallèlement été développé aux Etats-Unis.

Pour la France, c'est la commission du génie biomoléculaire (CGB), mise en place en 1986 qui autorise les essais de plein champ et examine les demandes d'autorisation de mise sur le marché . Depuis 1987, les tests réalisés ont concerné près de 3.000 sites dans notre pays. Certaines plantes, après avoir été testées depuis plusieurs années et évaluées sur le plan de leur impact vis-à-vis de l'environnement et de leur innocuité pour la santé humaine et animale, sont désormais au stade de la mise sur le marché.

Dans l'Union européenne, deux plantes ont fait l'objet d'autorisations communautaires qui comprennent un usage pour la consommation humaine : un soja tolérant à un herbicide (décision de la Commission européenne du 3 avril 1996, parue au Journal Officiel de la Communauté européenne du 30 avril 1996) et un maïs résistant à un insecte (décision du 23 janvier 1997, parue au Journal Officiel de la Communauté européenne du 1er février 1997). Dix dossiers sont en cours d'examen auprès des instances européennes.

Aux Etats-Unis, une vingtaine de plantes transgéniques sont sur le marché (maïs, coton, pomme de terre, courge, soja et papaye), une dizaine au Canada (colza, soja, pomme de terre, maïs) et au Japon (soja, colza, maïs, pomme de terre).

Pour l'instant, l'Union européenne, à la différence des Etats-Unis et du Canada, n'a pas lancé la production de plantes transgéniques à grande échelle . Le diagnostic concernant l'intérêt de ces innovations pour l'agriculture est évidemment le même, mais on a tendance, en Europe, à s'entourer d'un maximum de précautions. C'est donc par l'importation et dans un contexte psychologique particulièrement défavorable (crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, qui est pourtant un sujet d'une toute autre nature) que l'opinion publique européenne a découvert les plantes transgéniques. L'arrivée des premiers bateaux transportant ces produits à la fin de 1996 a suscité une inquiétude qui a rendu les autorités nationales prudentes au moment d'autoriser les premières mises en production. C'est ainsi que le dossier du maïs, qui était à cet égard le plus avancé, a été bloqué au début de 1997 en France, en Italie et en Espagne.

Sur le plan économique, l'agriculture européenne se trouve donc temporairement dans la pire des situations : les importations sont autorisées, la production ne l'est pas. A l'évidence, il y aura des évolutions nécessaires. Elles devront concilier les attentes spécifiques du consommateur européen et les impératifs stratégiques de filières agro-alimentaires évoluant dans un contexte mondial.

Aspects réglementaires

Les trois principaux aspects à distinguer sont les autorisations de mise en marché, l'étiquetage et les autorisations de production.

Les autorisations de mise en marché

La demande peut être effectuée auprès des autorités compétentes de n'importe quel Etat membre (exemple : demande présentée au Royaume-Uni par MONSANTO EUROPE pour le soja résistant au glyphosate) et l'autorisation est accordée sur décision de la Commission pour l'ensemble de l'Union européenne.

Il convient toutefois de noter que l'Autriche et le Luxembourg ont annoncé leur intention de ne pas se conformer à la réglementation communautaire sur ce point.

L'étiquetage

Le règlement " Novel Food " concernant l'alimentation humaine (règlement relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients, publié au Journal Officiel de la Communauté européenne du 14 février 1997) introduit l'obligation d'étiquetage dès lors qu'il est établi que l'introduction d'OGM confère au nouvel aliment des caractéristiques différentes des aliments de la même catégorie. Cette législation, entrée en vigueur le 31 juillet dernier était nécessaire car absente de la directive 90/220/CEE relative à la dissémination volontaire des OGM dans l'environnement.

De plus, la Commission européenne a adopté le 19 septembre un règlement qui rend obligatoire l'étiquetage des aliments ou ingrédients alimentaires fabriqués à partir de soja ou de maïs transgéniques. La commercialisation de ces deux produits avait été autorisée avant l'adoption du règlement n° 258/97 sur les nouveaux aliments. La mise sur le marché de fèves de soja génétiquement modifiées a, en effet, été accordée le 3 avril 1996 et celle du maïs trangénique le 23 janvier 1997. Le règlement n° 258/97 sur les nouveaux aliments qui prévoit des exigences spécifiques supplémentaires en matière d'étiquetage pour informer le consommateur date, lui, du 27 janvier 1997. Les dispositions de ce texte ne pouvant être rétroactives, un nouveau règlement était nécessaire afin d'imposer les mêmes exigences d'étiquetage pour le soja et le maïs.

La Commission s'est toutefois contentée de reprendre les termes de l'article 8 du règlement n° 258/97, qui prévoit d'étiqueter les produits dès lors qu'ils ne sont pas équivalents à un aliment ou à un ingrédient alimentaire classique. Le nouveau texte n'apporte donc pas d'avancée sur le détail des règles qui font l'objet d'importants débats et qui devaient être précisées au plus tard le 1er novembre. Le règlement du 19 septembre indique simplement que " les règles communautaires uniformes relatives à l'étiquetage des denrées alimentaires seront adoptées dès que possible ".

L'application en France du règlement européen " Nouveaux Aliments " a conduit les Pouvoirs publics à rechercher une législation sur l'étiquetage des aliments et ingrédients constitués d'OGM ou issus d'OGM. Le Conseil National de l'Alimentation (CNA) a été chargé de remettre un avis sur ce point. Il recommande que l'étiquetage, ne se suffisant pas à lui-même, s'inscrive " dans le cadre de mesures d'accompagnement de la mise en marché ", notamment par le développement de procédures de traçabilité sur la filière, et de surveillance de l'impact des OGM sur l'environnement, la santé animale et humaine. Il propose, en particulier, la mise en place d'un Observatoire national et européen pour assurer un suivi des produits autorisés.

En matière d'étiquetage, il préconise les mentions du type " génétiquement modifié ... " ou " issu d'OGM " dans le cas où l'aliment n'est pas équivalent à un aliment traditionnel. Par ailleurs, l'objet de la modification génétique ou la caractéristique modifiée sera mentionné. Enfin, il fait remarquer que la mention " susceptible de contenir ... " proposée par le règlement " Nouveaux Aliments " n'apporte pas d'information pertinente et ne devra être employée qu'à titre " transitoire et exceptionnel ".

En ce qui concerne les aliments équivalents aux aliments traditionnels, le CNA propose de ne pas faire figurer d'étiquetage, en " raison de l'impossibilité de garantir la loyauté de toute allégation ou identification ". Il reconnaît toutefois la possibilité de revoir ce point, en fonction de l'évolution des connaissances.

Le CNA recommande, en outre, l'apposition d'un numéro de dossier permettant l'accès à une information large auprès d'un organisme européen ou national, neutre et indépendant.

Il propose également que la mention " sans recours aux techniques de modification génétique " puisse être vérifiée selon " des procédures de certification s'inscrivant dans des dispositions déjà existantes ou des démarches de contractualisation s'appuyant sur une traçabilité sans faille ".

Avantages et inconvénients des OGM : un bref résumé

Sans méconnaître les risques tant en matière alimentaire qu'environnementale, votre rapporteur pour avis souhaite préciser les avantages attendus en agriculture des OGM.

On peut ainsi envisager :

- une réduction des coûts de production ;

- des itinéraires techniques plus favorables à l'environnement ;

- une amélioration des rendements ;

- la création de nouveaux produits.

Il ne faut toutefois pas se cacher que les OGM pourraient conduire à une intégration totale du producteur dans une filière.

C'est dans un tel contexte que votre commission a souhaité procéder à une mission d'information sur les conséquences économiques des OGM.

Le rapport de notre collègue Alain Pluchet 8( * ) comporte une analyse détaillée de la crise de la filière bovine. Ce " véritable séisme ", comme l'a qualifié M. Joseph Daul, Président de la Fédération nationale bovine et de l'interprofession bétail et viande, n'a pas été une crise classique de surproduction, mais plutôt une crise d'un nouveau type, de la consommation de la demande 9( * ) .

Les différentes analyses menées notamment par l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture ont permis de mesurer plus particulièrement l'impact de la crise sur la consommation des ménages au cours de l'année 1996.

Si la mise en place par l'interprofession bovine, avec l'appui du ministère de l'agriculture et de la pêche du signe " VBF " (Viande Bovine Française), dès le 25 mars, a permis de freiner le mouvement à la baisse de la consommation, la gravité exceptionnelle de la crise agricole induite par l'effondrement de la consommation de viande bovine apparaît pour le moins surprenante au regard du petit nombre de cas d'ESB constatés en France. On peut ainsi en déduire que cette crise de la consommation est, en grande partie, une crise de confiance, due, pour une part, à l'ampleur des incertitudes sur cette affection.

Ainsi, les effets provoqués par cette crise non seulement au sein de la filière agricole et de la chaîne alimentaire, mais aussi dans le comportement du consommateur témoignent de l'urgence à garantir un maximum d'hygiène et la qualité de toutes les denrées alimentaires, quelle que soit leur origine.

Votre rapporteur pour avis rappelle, à cet égard, que le Règlement (CE) n° 820/97 du Conseil en date du 21 avril 1997 prescrit l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine à compter du 1er janvier 2000 ainsi qu'un système d'identification et d'enregistrement des bovins.

- Le respect de l'environnement

Depuis 1972
, la politique de l'environnement est l'une des priorités de l'Union européenne que l'Acte unique européen (1987) a renforcée. Le Traité de Maastricht (1993) affirme que : " l'intégration des exigences en matière de protection de l'environnement dans la définition et la mise en oeuvre des autres politiques de la Communauté " est une condition essentielle.

Progressivement, les pays se sont efforcés d'harmoniser leurs législations nationales en matière d'environnement : les règles et les normes de protection sont donc, pour la plupart, d'origine communautaire. Elles concernent tous les milieux naturels, industriels et urbains.

Le cinquième programme d'action sur l'environnement 1993-2000 " vers un développement durable ", adopté par le Conseil des Ministres, s'appuie sur une situation pessimiste de l'état de l'environnement de l'Union européenne ; il estime nécessaire un changement radical de mesures et de moyens. Cinq secteurs économiques ont été identifiés en priorité : industrie, énergie, transports, tourisme et agriculture.

En ce qui concerne l' agriculture , la Commission européenne dresse, dans son rapport " Vers un développement durable " (mars 1992), le constat suivant : les mécanismes de la PAC ont permis d'atteindre plusieurs objectifs économiques, mais exercent des effets moins positifs en matière d'environnement : hyper-intensification, dégradation des ressources naturelles, érosion des sols, uniformité génétique en élevage, conséquences des effluents d'élevage, rôle néfaste du drainage vis-à-vis des zones humides et du phénomène d'eutrophisation lié à l'usage exclusif et excessif des engrais dotés et phosphatés.

Ces orientations générales de l'Union européenne en faveur de l'environnement ont donné naissance à plusieurs directives ou règlements communautaires concernant l'agriculture, parmi lesquels :

Le règlement agri-environnemental , qui a accompagné la réforme de la PAC (1992) : encouragement à l'extensification, reconversion à l'agriculture biologique, protection des races menacées...

Près de 150.000 agricultures français ont souscrit un contrat agri-environnemental pour cinq ans. Cette politique de contractualisation est appelée à se développer dans les prochaines années dans la mesure où elle constitue une manière efficace de concilier au niveau local les impératifs économiques avec les nécessités environnementales.

La lutte contre la pollution par les nitrates . La directive " Nitrates " élaborée en 1991 par l'Union européenne s'est traduite dans la législation française par divers textes réglementaires notamment :

Le décret du 27 août 1993 qui prescrit l'établissement d'un inventaire des zones vulnérables à la pollution par les nitrates d'origine agricole.

Sont désignées comme " vulnérables " les zones dans lesquelles les eaux souterraines ou superficielles dépassent ou risquent de dépasser une teneur en nitrate de 50 mg/l. La procédure de délimitation des zones vulnérables est achevée (cf carte) et le dossier a été notifié à la commission européenne.

Le décret du 4 mars 1996 et son arrêté d'application définissent le cadre des programmes d'action à mettre en oeuvre dans les zones vulnérables en vue de la protection des eaux par les nitrates d'origine agricole. Ces programmes sont définis par chaque préfet de département, en concertation avec l'ensemble des partenaires concernés, sur la base d'un diagnostic établissant pour chaque secteur les principales pratiques générant des risques de pollution.

Grâce au programme d'action, les plus graves erreurs dans les pratiques de fertilisation pourront être corrigées en généralisant les " bonnes pratiques agricoles ". Ce dispositif s'articule, pour les effluents d'élevage, sur le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole et sur les financements qui y sont liés.

A la date du 15 août 1997, 27 programmes d'action ont été arrêtés par les préfets ; 23 programmes sont dans la phase de concertation ; 22 programmes sont en cours de rédaction.

L'interdiction de mise en décharge des boues . Les directives communautaires visant l'épuration des eaux usées, tout en interdisant parallèlement la mise en décharge des boues de stations d'épuration, vont conduire les collectivités locales à chercher à utiliser la voie de l'épandage des boues sur les terres agricoles. Devant l'insuffisante harmonisation des législations nationales, comme du manque d'organisation de la filière, la profession agricole a fait des propositions pour durcir la réglementation française , pour améliorer les relations entre les acteurs et la transparence des échanges.

La tendance de l'Union européenne à renforcer la protection de l'environnement pourrait être poursuivie.

Toutefois, l'agriculture européenne est face à un paradoxe :


- l'Union européenne développe, d'une part des contraintes environnementales (milieu naturel, bien-être des animaux) qui renchérissent les coûts de production . Or, cette tendance est bien moins développée dans d'autres pays caractérisés par des espaces agricoles vastes et par une moindre densité démographique (États-Unis, Australie, Argentine) ;

- d'autre part, les pays tiers exportateurs et l'Organisation mondiale du Commerce exercent une pression en faveur d'une libéralisation des échanges agricoles qui exige la recherche du moindre coût en agriculture.

L'Union européenne doit donc :

- valoriser les fonctions positives de l'agriculture concernant l'environnement (gestion de l'espace, paysage, biodiversité....) et éviter de reporter les problèmes d'un secteur sur un autre (cas des boues urbaines par exemple) ;

- faire prendre en compte la réalité environnementale communautaire dans les négociations internationales ;

- prévoir, dans le cadre de la discussion sur l'évolution de la PAC, des soutiens environnementaux spécifiques et distincts des aides économiques accordées aux productions végétales et animales.

De son côté, l'agriculture doit pouvoir répondre aux nouvelles attentes de la société : celle-ci s'inquiète de la dégradation des ressources naturelles devenues rares, de la disparition de paysages ruraux et d'une certaine culture paysanne. Par ailleurs, un modèle de développement économique non maîtrisé conduit à une mauvaise gestion des ressources naturelles.

L' agriculture ne peut pas échapper à cette logique. En tant qu'activité productive, elle entraîne des effets dommageables pour l'environnement qu'il lui faut corriger et minimiser. Toutefois, elle n'a pas qu'une action de prélèvement et d'exploitation du milieu rural ; elle génère un ensemble d'effets positifs sur l'environnement par la reconstitution du potentiel du sol, et par une action d'occupation et de mise en valeur du territoire.

- La protection des paysages


Les exigences de l'agriculture moderne ont contribué à la dégradation des paysages ruraux par l'agrandissement des parcelles, la disparition des haies, ou la construction de bâtiments agricoles fonctionnels. Il serait évidemment ridicule d'imaginer reconstituer le paysage d'il y a cinquante ans. Mais un travail patient d'aménagement du paysage actuel est possible et, d'ailleurs, déjà engagé, qui ne remette pas en cause la recherche de la productivité.

Cette prise en compte de la protection des paysages est intégrée plus largement dans le code de la politique régionale de l'Union européenne, mise en place afin de renforcer sa cohésion économique et sociale en réduisant les écarts de développement au profit des régions les moins favorisées, dont les zones rurales fragiles.

Cette politique s'appuie, pour l'essentiel, sur la mobilisation des " fonds structurels " : FEDER (Fonds européen de développement régional), FEOGA-section Orientation et FSE (Fonds social européen).

Cette politique a été mise en oeuvre sur l'ensemble du territoire communautaire à partir de 1989 avec une première programmation de cinq ans -1989-1993- et se poursuit au cours de la seconde programmation (1994-1999). Elle constitue une part grandissante dans le budget communautaire et représentera environ 1/3 du budget à la fin de l'année 1999, tandis que la PAC passera à moins de 50 %.

Une double perspective : l'élargissement de l'Union européenne aux pays associés d'Europe centrale et orientale et le renforcement de la coopération économique avec les pays méditerranéens du Sud

Une Union européenne élargie des Balkans à la façade atlantique, de la mer Baltique au bassin méditerranéen sera forcément différente de l'Union européenne à quinze.

L'élargissement aux PECO, un enjeu pour la PAC

L'élargissement de l'Union européenne à des pays d'Europe centrale et orientale et baltes (Pologne, Hongrie, République Tchèque, Slovaque, Slovénie, Roumanie, Bulgarie, Lituanie, Lettonie et Estonie) est, autant au regard du passé qu'à la lumière des perspectives qu'il ouvre, un véritable défi que l'Union européenne doit aborder dans les prochaines années.

La première nécessité consiste à bien connaître les données naturelles de ces pays et notamment l'importance que revêt l'agriculture tant en matière d'emploi que de surfaces agricoles.

Surface agricole

(millions d'ha)

Part de l'emploi agricole dans la population active

Part de l'agriculture dans le PIB (%)

Pologne

18,6

25,6

6,3

Hongrie

6,1

10,1

6,4

R. Tchèque

4,3

5,6

3,3

R. Slovaque

2,4

8,4

5,8

Slovénie

0,9

10,7

4,9

Roumanie

14,7

35,2

20,2

Lituanie

3,5

22,4

11,0

Lettonie

2,5

18,4

10,6

Estonie

1,4

8,2

10,4

Total PECO 10

60,3

26,7

7,8

Union européenne à 15

138,1

5,7

2,5

Chiffres de 1993, source Commission européenne

Malgré l'importance de ce secteur agricole, ces pays traversent depuis quelques années une grâce crise d'ajustement de l'économie. En agriculture, cette crise s'est traduite par un effondrement de la production, plus marqué pour les productions animales que végétales.

A partir de 1993, et plus encore en 1994 et 1995, on a pu commencer à entrevoir une inversion de la tendance. Les productions céréalières repartent, après deux années très affectées par la sécheresse. Les productions animales continuent à diminuer, mais à un taux plus faible.

La production devrait croître dans les années qui viennent, à un rythme qui dépendra de l'ajustement structurel.

Si ces nouveaux pays présentent des situations très différentes par rapport à celle de l'Union européenne, de nombreux handicaps continuent de freiner le développement de l'agriculture.

Compte tenu de ces différents facteurs, la valorisation du potentiel agricole reste difficilement prévisible.

La deuxième précaution consiste à adopter une démarche progressive.

C'est en effet dès les début de 1998 que la commission doit rendre ses avis sur les candidatures et présenter une document d'ensemble. Si les négociations d'adhésion doivent débuter quelques mois après la conclusion de la Conférence intergouvernementale (CIG), elles seront conduites individuellement en fonction de la situation particulière des pays candidats à progresser vers l'Union européenne par les accords d'association.

Cette démarche permettra, d'une part , à ces pays de se familiariser avec les priorités et les contraintes de l'Union européenne et, d'autre part , à ces pays de vérifier si l'application des mécanismes de la PAC doit être revue. Le défi pour l'Europe est donc de préserver une véritable politique qui, tout en étant commune, prenne en compte les spécificités très hétérogènes des agricultures nationales.

Il est enfin important de bien mesurer le coût de cet élargissement.

Les estimations de la commission prévoient qu'en cas de reprise totale de la PAC actuelle par les dix PECO, le coût annuel supplémentaire de l'extension de la PAC actuelle à partir de 2010 serait de 12 milliards d'Ecus par an. Ce coût est théorique car l'intégration de ces pays sera progressive et la PAC évoluera.

Il apparaît plutôt que l'impact budgétaire des adhésions se situera dans le domaine des fonds structurels pour lesquels les PECO seront fortement demandeurs.

Votre rapporteur pour avis souligne cependant que tout élargissement doit cependant, de la part des PECO, nécessiter un effort d'adaptation de leur vision de l'Europe et de la PAC afin d'éviter l'orientation de l'Union européenne vers une simple zone de libre échange.

La poursuite des négociations avec les pays méditerranéens

L'Union européenne, ayant pris conscience de la nécessité de donner une perspective stratégique à sa politique méditerranéenne, a clairement manifesté cette intention dès le Conseil européen de Corfou, en juin 1994.

C'est au Conseil d'Essen, en décembre 1994, qu'a été lancé le projet d'établir un véritable partenariat euro-méditerranéen avec douze partenaires méditerranéens 10( * ) pour la période 1995-1998.

Cette orientation a été confirmée par le Conseil européen de Cannes, en juin 1999, qui assuré la crédibilité du projet de partenariat en quadruplant l'avis budgétaire consacrée aux pays tiers méditerranéens (PTM), manifestant ainsi concrètement un souci de rééquilibrage par rapport à l'action entreprise en direction des PECO.

Le règlement " MEDA ", définissant les modalités de gestion de cette aide financière d'un montant de 4,685 milliards d'écus, est entré en vigueur le 2 août 1996.

Dans la perspective des orientations décidées par les différents Conseils européens, un intense travail de négociation a été conduit entre les partenaires des deux rives de la Méditerranée. Il a porté en particulier sur le renouvellement des accords de coopération, entre l'Union et ses partenaires méditerranéens, dans la perspective de la création d'une zone de libre-échange euro-méditerranéenne à l'horizon 2010.

En 1995, trois accords d'association euro-méditerranéen avaient été conclus avec la Tunisie, le Maroc et Israël.

En 1996, les négociations ont progressé avec l'Égypte, le Liban, la Jordanie, la Turquie, les Palestiniens et l'Algérie.

AIDE COMMUNAUTAIRE (EN MILLIONS D'ÉCUS)

PECO

Pays tiers méditerranéens (PTM)

PTM/PECO

(en %)

1995

1.154

550

47,66

1996

1.235

900

72,87

1997

1.273

1.000

78,55

1998

1.397

1.092

78,16

1999

1.634

1.143

69,95

Total

6.693

4.685

70

Source : d'après Commission européenne, 1995.

b) ... Dans un cadre contraignant

Un contexte budgétaire rigoureux

Si la réduction de la part des dépenses agricoles dans l'ensemble du budget européen est une réalité, cette tendance pourrait s'accélérer dans les années à venir. En effet, la préparation du " Paquet Santer ", qui doit tracer les grandes lignes du développement de l'Union européenne, proposera un cadre financier extrêmement rigoureux.

D'après les informations obtenues par votre rapporteur pour avis, l'engagement des Quinze à ne pas faire progresser les prélèvements au-delà de 1,27 % du PNB pourrait être atteint en 1999.

Au delà de cette date, la commission semble aujourd'hui proposer la reconduction de ce plafond.

Avec l'élargissement aux PECO, la politique structurelle pourrait ainsi devenir la nouvelle grande priorité de l'Europe. Les actions structurelles mobilisent aujourd'hui environ le tiers du budget des Quinze avec 29 milliards d'écus.

En raison de ces priorités, il avait été décidé dès 1988 de limiter l'augmentation du poste agricole à 74 % de la croissance du PNB.

Compte tenu de ces perspectives, votre rapporteur pour avis s'interroge sur deux points :

- le chiffre de 74 % ne sera-t-il pas revu à la baisse si le coût de l'élargissement s'avère plus élevé que prévu ?

- ne risque-t-on pas d'assister à des coupes dans le poste agricole en faveur des autres postes ?

Ces interrogations sont d'autant plus justifiées que le financement de la PAC des PECO ne sera que très faiblement pris en compte par ces nouveaux États en raison de leur faible part contributive.

A la suite de la présentation par la Commission européenne du volet agricole d'Agenda 2000, votre commission a souhaité mettre en place une mission sur l'évolution de la PAC.

Une politique agricole sous contraintes extérieures


L'environnement international de la PAC (application de l'OMC, nouvelle politique agricole américaine...) la soumet à un certain nombre de pressions entraînant l'obligation pour l'Union européenne d'examiner les questions liées au découplage et au plafonnement des aides.

Le problème du découplage des aides

La réforme de la politique agricole commune a introduit une rupture entre la politique de gestion des marchés et la politique des revenus des agriculteurs, puisque le revenu est désormais moins assuré par les prix payés par le consommateur, mais davantage par des aides directes payées par le contribuable.

Ces " paiements " compensatoires, introduits pour compenser la baisse des prix s'ils sont découplés, restent proportionnels aux facteurs de production et liés aux produits. Ainsi, le découplage des aides vis-à-vis de la production signifie qu'il y a déconnexion par rapport aux produits réels, mais non par rapport à l'activité productive.

Ce problème du découplage a suscité de nombreuses réflexions lors de l'élaboration du Fair Act. Si les États-Unis ont accentué avec cette réforme le découplage de leurs aides transférant ainsi le maximum d'aides directes de la " boite jaune " vers la " boite verte du GATT " afin de les mettre à l'abri de toute contestation future par rapport à la production, le soutien à l'agriculture en Europe, malgré la réforme de la PAC de 1992, reste encore réalisé pour près des 2/3 par les prix.

L'Union européenne se doit, pendant la période où s'applique " la clause de paix " négociée à l'OMC d'engager une réflexion sur ce thème sous peine d'avoir des difficultés pour maintenir les aides actuelles.


L'épineux débat sur le plafonnement du montant des aides

Le système actuel de primes compensatoires met en lumière le montant individuel des aides dont bénéficient les agriculteurs. En grandes cultures, il est approximativement proportionnel à la surface de l'exploitation et peut donc conduire à des montant élevés. Les responsables européens pourraient être amenés à imposer un plafonnement des aides directes. Cependant un tel plafonnement ne doit pas conduire à justifier à lui seul la réduction des crédits consacrés à la PAC. Si cette hypothèse devait se confirmer, sa mise en oeuvre supposera que soit au préalable répondu aux questions suivantes :

- Le plafonnement éventuel sera-t-il global ou s'appliquera-t-il production par production ?

- A quel niveau le fixer ? Doit-il être dégressif ?

- Doit-il concerner toutes les aides ou seulement les primes jachère ?

- Comment éviter qu'il soit tourné, comme c'est le cas aux USA, par la création ou par le maintien d'exploitations fictives ? ...

- Un système trop strict ne risque-t-il pas de mettre en cause l'amélioration de l'efficacité de l'outil de production ?

Toutes ces questions doivent faire l'objet d'un examen minutieux avant de s'engager de manière précipitée vers un plafonnement généralisé et systématique des aides qui pourrait s'avérer dangereux.

c) Une échéance proche : l'euro

Sur la base du Traité de Maastricht, le Conseil européen de Madrid (15 décembre 1995) a décidé du scénario de 1998 à 2002 conduisant à la monnaie unique, l'Euro.

La réalisation de l'Union économique et monétaire et l'instauration de la monnaie unique représentent plusieurs avantages pour l'agriculture : un cadre monétaire stable, un concurrent effectif du dollar, un gain pour les entreprises et un facteur de cohésion politique.

Cependant certains problèmes resteront à résoudre : ainsi les dévaluations compétitives seront possibles pour les pays qui refuseront d'adhérer à l'UEM. En outre, du fait de sa stabilité qui la prédispose à devenir une monnaie relativement forte, l'Euro pourrait conditionner les prix à l'exportation plutôt à la hausse. Enfin la perspective de l'adhésion future des PAECO constitue un défi supplémentaire en matière monétaire.

Page mise à jour le

Partager cette page