B. UN CONTEXTE INTERNATIONAL INCERTAIN

Loin de vouloir dresser la liste de l'ensemble des questions agricoles internationales et de leurs répercussions sur l'agriculture française, votre rapporteur pour avis pour avis souhaite, en premier lieu, faire une synthèse du bilan de deux années de fonctionnement de l'OMC et, en second lieu, présenter les prochaines échéances internationales dont l'issue ne sera pas sans conséquence sur la PAC.

1. Le nouveau mécanisme de règlement des différends : un bilan mitigé

Le renforcement du dispositif de règlement de différends constitue l'un des atouts de l'OMC par rapport au GATT. Ce dernier disposait bien d'une procédure de règlement, mais elle était lente et la mise en oeuvre des conclusions était mal assurée. Le nouvel organe de règlement des différends (ORD) est en charge d'un nouveau mécanisme plus rapide et plus fiable grâce à un calendrier précis pour les différentes étapes.

Si les consultations entre les deux parties en conflit n'aboutissent pas à une conciliation, un panel -c'est-à-dire un groupe d'experts chargés d'étudier le dossier- désigné par l'ORD établit un rapport. Un pays incriminé peut faire appel, mais la durée de l'ensemble de la procédure doit être comprise entre quatorze et vingt-deux mois. La règle d'approbation des recommandations des panels est inversée par rapport au GATT puisqu'elles sont automatiquement adoptées, sauf en cas de consensus des pays-membres pour les rejeter.

En près de deux ans de fonctionnement, plus de soixante conflits ont été notifiés à l'OMC, nombre d'entre eux concernant le secteur agro-alimentaire. La solution a été trouvée au stade de la consultation dans le tiers des cas.

Certains cas ont attiré plus particulièrement l'attention de votre rapporteur pour avis pour avis.

- En 1996, la taxation des boissons non spiritueuses au Japon, attaquée par la Communauté européenne, les États-Unis et le Canada a fait l'objet d'un panel, puis de rapports du panel et de l'organe d'appel de l'ORD. Ces rapports condamnent le Japon à ne pas soumettre les boissons spiritueuses importées à des taxes supérieures à celles appliquées aux produits nationaux. Cette décision est une victoire importante pour l'Union et la France (le cognac et d'autres alcools forts français sont concernés) et devrait inciter d'autres pays ayant recours à des pratiques similaires (par exemple la Corée ou le Chili) à revoir leur réglementation.

- S'agissant du panel coquilles Saint-Jacques, un accord amiable est intervenu entre la Communauté européenne opposée au Canada, eu Pérou et au Chili, nos principaux fournisseurs de pectinidés. L'accord prévoit que les pétoncles pourront être importés sous la dénomination coquilles Saint-Jacques à la condition que soient indiqués le pays d'origine et le nom scientifique de l'espèce. la France a modifié en conséquence sa législation (arrêté publié le 1er juillet dernier).

- En ce qui concerne le régime d'importations, de ventes et distribution de bananes dans l'Union, un panel, opposant l'Union européenne aux États-Unis, à l'Équateur, au Honduras, au Mexique et au Guatemala, a condamné les règles européennes d'importation.

Afin de préserver, dans les zones particulièrement vulnérables de l'Union et dans des pays ACP très dépendants des exportations de bananes, l'équilibre nécessaire à leur développement économique et social, M Jacques Santer, Président de la Commission européenne, a souhaité que ne soient pas lésés les intérêts de ces régions et de ces pays et a ainsi fait appel.

Le rapport sur l'OCM banane a été adopté au mois de septembre dernier à la suite de l'appel introduit par l'Union européenne. Il confirme que la condamnation du mécanisme d'attribution des licences d'importation. Ce rapport conforte néanmoins le régime d'aide aux producteurs communautaires, le contingentement des importations et le traitement tarifaire préférentiel accordé aux Pays ACP.

Après le rejet de cet appel, l'Union européenne a désormais le choix entre réformer son système de licences d'importation pour les bananes ou offrir des compensations aux producteurs d'Amérique latine.

Malgré la divergence de l'Allemagne sur ce dossier, votre rapporteur pour avis considère que l'Europe doit faire preuve d'unité face à la condamnation par l'OMC, qui remet en question la politique de coopération de l'Union européenne avec les pays ACP.

- En mai dernier, à la suite des conclusions des experts de la commission d'arbitrage de l'OMC, un rapport préliminaire transmis à Bruxelles et à Washington a jugé la position des Quinze, en matière d'interdiction d'importation en Europe de la viande traitée aux hormones, non conforme aux règles du commerce international. Pour le panel, la position des Quinze ne repose pas sur des critères scientifiques indiscutables.

Votre rapporteur pour avis rappelle que l'importation de viande contenant des hormones dans l'Union européenne est interdite depuis le 1er janvier 1988, les États Unis appliquant jusqu'à l'an dernier des mesures de rétorsion sur certains produits européens comme le concentré de tomate, les pâtes alimentaires et certains agrumes.

Selon les règles de l'OMC, Bruxelles disposait d'un délai de 30 jours pour répondre à ce rapport préliminaire en date du 7 mai dernier. Elle a estimée avoir apporter la preuve du risque soulevé par l'utilisation des hormones lors d'une conférence scientifique organisée fin 1995 -soit le 30 juin dernier-. A l'issue de ce délai, le rapport définitif a été adopté. L'Europe a fait appel des conclusions du comité d'arbitrage.

Votre rapporteur pour avis pour avis souhaite vivement que l'Europe ne cède pas sur ce dossier, quitte à accorder des compensations commerciales aux États-Unis. Alors que le marché de la viande bovine a particulièrement souffert de la crise de la vache folle, le retour de la viande aux hormones risquerait de briser les efforts faits pour regagner la confiance des consommateurs.

Si votre rapporteur pour avis pour avis conçoit que ce nouveau cadre pour les échanges agricoles soit l'occasion pour l'agriculture française de valoriser ses atouts, l'OMC ne doit pas pour autant affranchir le marché mondial de toute prise en compte des problèmes environnementaux, sociaux et alimentaire.

La libéralisation progressive des échanges agricoles nécessite de la part de la France et de l'Europe un certain nombre de décisions. Cependant ces mesures, au-delà de leur aspect ponctuel, contribuent à fixer les précédents et les niveaux de référence dont l'Europe pourra se prévaloir ou qu'on lui opposera lors de futures négociations. C'est dire que la vigilance doit être grande sur les conditions de mise en oeuvre de l'accord de Marrakech . En effet, les processus nés du cycle l'Uruguay ne sont pas achevés puisque l'accord de 1994 contient une clause de réouverture des négociations agricoles multilatérales dès 1999.

La pression des politiques agricoles mondiales

L'agriculture française et européenne sont de plus concernées par l'évolution de la politique de production et de commercialisation de ces partenaires. Ainsi la nouvelle politique agricole américaine et l'économie chinoise s'avèrent être des éléments déterminants dans le nouveau cadre agricole mondial.

L'Amérique de Nord s'oriente vers le marché

Le Fair Act américain (Federal agricultural and improvement reform act), signé le 4 avril 1996, s'inscrit dans un nouveau contexte puisqu'il va dans le sens d'une moins grande implication de l'État dans le secteur agricole et d'une plus grande place laissée au marché. Outre, l'objectif d'équilibre du budget fédéral à l'horizon 2002, la loi de 1996 est résolument tournée vers une réelle ambition exportatrice et la dérégulation des soutiens par le découplage des aides et de la production, notamment dans le secteur des grandes cultures.

Les conséquences de cette nouvelle réglementation au niveau européen sont de deux ordres : en ce qui concerne le positionnement commercial, le Fair Act permet aux américains de se doter d'outils politiques conduisant de manière prévisible à une augmentation des volumes produits. De plus, les cours mondiaux devraient être progressivement tirés à la baisse du fait du système d'aides fixes découplées de la production.

En matière de négociations internationales, l'abandon progressif des politiques de régulations américaines dans le domaine agricole risque fort de se traduire par des positions de plus en plus dures vis à vis des pays subventionnant leurs exportations, leur agriculture ou des structures étatiques contrôlant les marchés.

La Chine, partenaire incontournable du troisième millénaire

Pendant les années 1970, la stagnation de la production agricole et l'augmentation des importations de céréales vivrières ont conduit la Chine à transformer son agriculture pour la faire entrer dans l'économie du marché. Ces réformes ont suscité un accroissement notable de la production agricole. D'importatrice nette de produits alimentaires et agricoles, la Chine est devenue exportatrice nette.

Alors que le changement radical de politique agricole avait aidé à faire reculer sensiblement le paupérisme généralisé du pays pendant la première moitié de années 80, le ralentissement de la croissance de l'agriculture pendant la seconde moitié de la décennie a maintenu la pauvreté rurale à un niveau constant.

Les responsables de la politique agricole chinoise craignent que l'effet conjugué des prix d'achat relativement faibles des céréales livrées à l'État, de la forte hausse du prix des engrais et des autres instants ainsi que de l'ouverture de nouveaux créneaux économiques dans les autres secteurs ne réduisent les investissements privés dans l'agriculture et la superficie consacrée à la céréaliculture.

L'écart entre les revenus ruraux et les revenus urbains se creuse, ce qui accélère l'exode rural. Pour remédier à ces problèmes, le Gouvernement tente d'améliorer l'approvisionnement en intrants, de développer les réseaux d'irrigation et les infrastructures connexes, d'accroître les investissements dans la production d'engrais minéraux et de renforcer les services d'éducation, de recherche et de vulgarisation agricoles.

De nombreux observateurs, tant en Chine qu'à l'extérieur, s'inquiètent de l'impact que va avoir l'immense population chinoise sur la production agricole et la demande d'importation de produits alimentaires et, notamment, de céréales.

La Chine sera de plus en plus active sur les marchés agricoles mondiaux. Si elle réussit à maintenir un taux de croissance stimulé par un volume d'exportation proche du taux actuel, les marchés internationaux en seront profondément affectés. Quoi qu'il en soit, la Chine jouera, pendant le siècle prochain, un rôle primordial dans le commerce agricole mondial .

La prochaine reprise des négociations dans le cadre de l'OCM

Après avoir poursuivi ses activités dans le courant de l'année 1996, le comité " agriculture " de l'OMC a rendu son premier rapport d'activité dans la perspective de la Conférence ministérielle de Singapour de décembre  1996. Contrairement au groupe de CAIRNS 11( * ) , le Comité a réaffirmé que les négociations agricoles ne devaient pas être engagées avant l'horizon 2000.

La Conférence de Singapour a clos ses travaux par une déclaration ministérielle. Malgré l'insistance de l'Argentine, soutenue par l'Australie, aucune mention spécifique de l'agriculture n'a été retenue dans la partie relative au programme de travail issu des accords de Marrakech. Les Etats se sont montrés favorables, conformément au rapport du Comité agriculture " à un nouveau processus d'analyse et d'échange d'informations (...) pour permettre aux membres de mieux comprendre les questions en jeu et définir les intérêts avant de procéder aux négociations convenues. "

La prochaine conférence se tiendra au siège de l'OMC à Genève en 1998. En 1999, les négociations agricoles reprendront. Les disciplines devront être renforcées, grâce notamment à une définition plus restrictive des aides directes de soutien interne -par exemple, en excluant des aides ayant encore trop d'influence sur la production, comme les " deficiency payments " et les paiements compensatoires-. Mais surtout, une véritable libéralisation, sous la forme d'une baisse des droits de douane consolidés, sera alors au programme.

Les deux ans qui nous séparent de cette date sont amplement suffisants pour adresser un message clair aux agriculteurs français : il leur faut utiliser ce laps de temps pour se préparer à un monde plus ouvert. Ils pourront profiter de nombre de mesures de l'Uruguay Round -y compris des mesures prises hors du cadre de l'accord agricole- telle que la consolidation des droits de douane, en vertu de laquelle un pays ne pourra plus doubler les droits sur les vins français du jour au lendemain (comme ce fut le cas, en novembre 1993, avec les menaces américaines), ou les règles d'origine et de propriété intellectuelle, qui permettent de mieux défendre appellations d'origine et marques -deux aspects essentiels sur les marchés agricoles.

Votre rapporteur pour avis considère que la France doit tirer parti de cet environnement international en valorisant ses atouts tels que la diversité de ses produits, ses compétences techniques, l'avancée de sa recherche, sa position de premier exportateur alimentaire et de deuxième exportateur agro-alimentaire au niveau mondial...

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