3. Le reformatage du réseau diplomatique et consulaire français sous contrainte budgétaire

L'extension du réseau diplomatique français (23 ouvertures de postes diplomatiques depuis 1990, 8 fermetures) a été conduite, comme chez nos principaux partenaires occidentaux, aux dépens du maillage consulaire, plus particulièrement en Europe occidentale (35 fermetures -36 compte tenu de la fermeture à venir du consulat de Venise, pour 7 ouvertures). En dépit de cette contraction, le réseau consulaire français reste le plus dense du monde avec celui de l'Italie.

La contrainte budgétaire, jointe à la nécessité de développer la présence française dans les régions prioritaires que sont aujourd'hui l'Asie et l'Amérique latine, conduit à envisager la poursuite du redimensionnement de notre réseau diplomatique et consulaire. Il est probable que ce reformatage doive obéir à des logiques différentes selon les régions .

Ainsi en Europe communautaire , la fermeture de consulats ne doit-elle pas s'accompagner d'une réduction des moyens de l'action consulaire. En effet, on observe une augmentation régulière de l'activité consulaire dans les pays de l'Union européenne, liée à la charge croissante que représente l'administration des Français établis dans ces pays , en dépit de la légère diminution des effectifs des communautés françaises en Europe occidentale (- 0,4 % entre 1994 et 1996). Cette population semble néanmoins stabilisée à quelque 851 767 personnes en 1996 (dont un nombre de non immatriculés évalué à 382 000).

L'augmentation de la charge de travail des consulats français situés en Europe occidentale est pour partie imputable aux activités liées à la délivrance de visas . En 1985, les consulats français situés dans les actuels pays membres de l'Union ont délivré 132 961 visas, et en ont refusé 14 030. Ils ont donc instruit 146 991 demandes de visas. En 1996, ces mêmes consulats ont instruit 165 029 demandes de visas (+ 12,2 % par rapport à 1985). Cette augmentation relativement importante, et paradoxale compte tenu des simplifications qu'aurait dû induire la mise en place des mécanismes de Schengen, tient à l'inflation des demandes de visas ayant donné lieu à un refus, dont le nombre est passé de 14 030 en 1985 à 25 576 en 1996, soit un quasi-doublement (alors que le nombre de visas délivrés a augmenté d'un peu plus de 3 %, passant de 132 961 à 137 453).

L'augmentation de l'activité des consulats français en Europe occidentale tient également à l'importance croissante des écritures comptables (104 765 en 1985 ; 253 156 en 1996, soit une hausse de quelque 140 % depuis dix ans), et au nombre de passeports (+ 91,5 % entre 1985 et 1996 : 22 156 en 1985, 42 439 en 1996) et de cartes d'identité (+ 71 % entre 1985 et 1996 : 14 591 en 1985, 25 079 en 1996) délivrés par ces postes.

En revanche, les indicateurs les plus probants de l'aggravation de la charge de travail des consulats français dans les pays de l'Union ne sont pas le nombre d'actes d'état-civil délivrés , qui est resté assez stable depuis dix ans (20 104 en 1985 ; 20 722 en 1996), ni le nombre de bourses d'étude attribuées aux enfants des Français établis dans ces pays (2 834 en 1985, 2 955 en 1996), ni même le nombre d'actes de notariat , qui a plutôt légèrement diminué pendant cette période (1 190 en 1985, 984 en 1996).

L'évolution de l'activité de certains des consulats les plus importants d'Europe occidentale illustrée par le tableau ci-joint, confirme et nuance les constatations ci-dessus.

Tous les postes consulaires sélectionnés n'ont pas connu, en dix ans, une augmentation très nette du nombre de demandes de visa instruites. On relève, en effet, des nuances de postes à poste sur ce point. On constate, en revanche, dans tous les postes consulaires sélectionnés, une hausse très nette du nombre d'écritures comptables et des cartes d'identité et passeports délivrés, même quand on observe par ailleurs une baisse de la population immatriculée (cas de Sarrebrück).

De manière générale, les variations d'effectifs de Français immatriculés ne suffisent pas à expliquer l'augmentation de la charge de travail dans les consulats d'Europe occidentale. Il est clair que la fermeture de consulats contribue à aggraver la charge de travail des autres consulats, même si la contraction du réseau consulaire n'est pas la seule motivation de cette évolution. Entre autres origines de celle-ci peut aussi être évoquée la sophistication croissante de la demande d'assistance , notamment juridique, adressée à nos postes consulaires par nos compatriotes pour faire face à des situations personnelles (notamment patrimoniales) de plus en plus complexes .

Or les consulats français en Europe occidentale ne sont tous équipés pour faire face dans les meilleures conditions à une demande en expansion .

Les insuffisances en personnels sont fréquemment relevées comme cause majeure de cette situation, qu'il s'agisse du recours croissant à des recrutés locaux modérément bien formés, ou des délais de plus en plus longs constatés entre les mutations des personnels et leur remplacement effectif. Parmi les conséquences de ces difficultés, mentionnons l'interruption de certaines activités consulaires . Ainsi, le consulat général de Rome, a-t-il été conduit à fermer son bureau de l'état-civil, pendant plusieurs mois, en 1996 et 1997. Ainsi s'explique la baisse sensible du nombre d'actes d'état-civil effectués par ce poste en 1996, si l'on se réfère au tableau ci-dessus.

Divers aménagements de la charge de travail des consulats sont néanmoins possibles.

L'élaboration d'un modèle d'acte d'état-civil commun aux Etats membres de l'Union, rédigé en plusieurs langues, constituera un premier progrès.

D'autres pistes peuvent être explorées. Ainsi le recours aux procédures administratives classiques en vue du paiement des dépenses effectuées par nos postes à l'étranger, pour le compte d'établissements publics français, induit-il un coût administratif et des délais, qui seraient probablement très substantiellement atténués si ces dépenses étaient acquittées par virements bancaires. La même remarque vaut pour le paiement des pensions, qui monopolise des effectifs importants, et qui gagnerait à être effectué par virements bancaires.

Ces réformes ne sauraient toutefois, à elles seules, constituer une solution à la charge de travail croissante des consulats en Europe occidentale, eu égard à l'importance relative des communautés françaises établies dans ces pays, qui accueillent à eux seuls 51 % des Français de l'étranger, soit, comme votre rapporteur le mentionnait plus haut, un effectif de quelque 851 767 personnes en 1996.

Cette constatation impose que, dans les pays de l'Union européenne, les moyens de l'action consulaire soient préservés , ce qui n'empêche pas de poursuivre la rationalisation du réseau consulaire français dans cette région, par exemple en renforçant les sections consulaires des ambassades .

En effet, les progrès dans la communication, joints à la proximité géographique, devraient probablement permettre de supprimer les postes consulaires situés en dehors des capitales des pays de l'Union, à condition toutefois que les sections consulaires des ambassades soient dotées des moyens nécessaires en personnels, en équipements informatiques et en crédits de fonctionnement courant, pour faire face à une charge de travail substantielle.

Il est plus que probable que cette remarque ne doive pas être réservée aux postes consulaires situés en Europe occidentale, mais vaille aussi pour les postes consulaires qui instruisent de nombreuses démarches de visa (notamment en Afrique), et dont les moyens ne sont pas à la hauteur de responsabilités aussi importantes. Rappelons que l'une des manifestations de l'insuffisance des moyens impartis à nos postes consulaires consiste à confier la gestion des demandes de visa à des recrutés locaux, en majorité étrangers, ce qui ne saurait constituer une formule satisfaisante.

Dans le même esprit, les progrès de la construction européenne devraient permettre de réaliser des économies sur nos ambassades dans les pays de l'Union. On peut, en effet, se demander s'il est réellement pertinent que, parmi les dix pays identifiés par le dernier rapport du CIMEE (Comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger), où les réseaux extérieur de l'Etat sont les plus coûteux, figurent cinq pays d'Europe communautaire (Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Espagne, et Belgique). A l'évidence, comme votre rapporteur le soulignait plus haut, la construction européenne devrait imposer un effort d'imagination sur le rôle et les missions de nos ambassades dans les pays d'Europe communautaire, afin de revoir ceux-ci dans un sens moins ambitieux . Cette évolution devrait valoir également pour les postes d'expansion économique relevant de la Direction des relations économiques à l'étranger. Le commerce bilatéral avec nos partenaires de l'Union passe-t-il nécessairement par des postes d'expansion aux effectifs souvent considérables ?

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