CONCLUSION

La Gendarmerie ne dispose pas, dans un contexte budgétaire particulièrement contraignant pour la défense, d'une faveur particulière. Votre rapporteur relèvera en particulier trois sujets de préoccupation majeurs :

- la budgétisation incomplète des ressources procurées par les fonds de concours autoroutiers ;

- les incertitudes liées au recrutement des volontaires ;

- l'insuffisance des crédits liés aux infrastructures.


Ces trois éléments risquent de peser sur les conditions de travail et de vie des militaires de la gendarmerie au moment où l'adhésion des personnels apparaît indispensable pour le succès des réformes entreprises dans le cadre de la loi de programmation et le plan d'action " gendarmerie 2002 ".

Par ailleurs le souci d'assurer à nos concitoyens une sécurité de proximité, en particulier dans les zones difficiles, suppose un effort financier prioritaire. Les moyens consacrés par le projet de budget à la gendarmerie ne sont pas à la mesure d'une volonté politique forte pour l'organisation de la sécurité dans notre pays.

Si les grandes lignes de la loi de programmation sont sauvegardées pour la gendarmerie, ce n'est toutefois pas le cas pour l'ensemble de notre instrument de défense, sérieusement affecté par la baisse des crédits, notamment au titre V.

C'est pourquoi votre rapporteur ne peut porter qu'un avis défavorable à l'adoption du budget du ministère de la défense pour 1998.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent avis au cours de sa séance du mercredi 5 novembre 1997.

A l'issue de l'exposé du rapporteur pour avis, un débat s'est instauré entre les commissaires.

M. Daniel Goulet, après avoir relevé que les sociétés concessionnaires d'autoroutes invoquaient souvent l'absence de ressources suffisantes pour entreprendre la construction de tronçons d'autoroutes supplémentaires, s'est inquiété des conditions de substitution d'une redevance aux fonds de concours utilisés par la gendarmerie pour financer une partie essentielle de ses unités d'autoroutes. M. Michel Alloncle a précisé que les ressources procurées par la redevance en 1998 devraient s'élever à 600 millions de francs, tandis que la dotation attribuée à la gendarmerie au titre de la budgétisation des fonds de concours s'élevait à 503 millions de francs.

Le rapporteur a indiqué, à l'intention de M. Charles-Henri de Cossé-Brissac, que la gendarmerie avait obtenu que puissent être commandés, dans le cadre du projet de loi de finances pour 1998, deux hélicoptères qui viendraient s'ajouter aux quatre hélicoptères cédés par l'armée de l'air et l'armée de terre en 1997.

M. Maurice Lombard, après avoir reconnu que les missions exercées par la gendarmerie sur les autoroutes relevaient des pouvoirs régaliens de l'Etat, a estimé que la situation des hélicoptères de la gendarmerie lui paraissait plus inquiétante que celle des blindés, car elle risquait d'hypothéquer durablement les opérations de sécurité de la gendarmerie. Selon M. Michel Alloncle, ce n'était pas la remise en cause des fonds de concours autoroutiers qui lui paraissait préoccupante, mais plutôt les conditions de budgétisation de ces ressources désormais procurées par une redevance. Il a en outre précisé que les blindés de la gendarmerie pouvaient servir dans des opérations de maintien de l'ordre. Il s'est inquiété, par ailleurs, de la réglementation européenne interdisant le survol des zones urbaines par des hélicoptères monoturbine et, donc, de l'obligation à moyen terme, pour la gendarmerie, de remplacer ses appareils actuels par des hélicoptères biturbines plus coûteux.

M. Régis Ploton s'est interrogé sur les conditions d'emploi des pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) sur les autoroutes. M. Michel Alloncle a rappelé que les PSIG intégrés au sein des compagnies n'avaient pas pour vocation première d'intervenir sur les autoroutes.

MM. Régis Ploton et Serge Vinçon se sont inquiétés des conséquences de la baisse des crédits de fonctionnement sur l'activité quotidienne des brigades territoriales.

Enfin, M. Michel Alloncle a indiqué à M. Xavier de Villepin, président, que le programme Rubis serait achevé à l'échéance prévue, à la fin de l'an 2000.

M. Xavier de Villepin, président, a alors rappelé que la commission ne voterait sur l'ensemble des crédits de la défense pour 1998 qu'après avoir entendu tous ses rapporteurs pour avis.

La commission a ensuite examiné l'ensemble des crédits du ministère de la défense pour 1998, au cours de sa réunion du mercredi 26 novembre 1997.

M. Xavier de Villepin, président, a exprimé les raisons de sa forte inquiétude devant le projet de budget proposé.

S'agissant des crédits du titre III, dont l'enveloppe globale traduisait la priorité affichée en faveur de la professionnalisation, il a néanmoins exprimé une double préoccupation : d'une part, la compression des crédits de fonctionnement (hors rémunérations et charges sociales) qui, avec l'insuffisance des crédits d'entretien programmé des matériels, menaçait l'activité des forces ; d'autre part, les conséquences potentielles, particulièrement pour l'armée de terre, des dispositions adoptées en matière de reports d'incorporation pour les jeunes gens titulaires d'un contrat de travail, qui fragilisaient la période de transition et rendaient nécessaire l'adoption de mesures de compensation.

En ce qui concerne les crédits du titre V -qui connaissaient une brutale diminution (de 8,7 % en francs courants et de 9,9 % en francs constants)- M. Xavier de Villepin, président, a formulé les observations suivantes :

- il a d'abord déploré que les crédits d'équipement militaire jouent le rôle de " variable d'ajustement " du budget de l'Etat, ce qui constituait un signal négatif adressé à la nation dans son ensemble ; il a particulièrement souligné les conséquences de ces coupes budgétaires sur les crédits consacrés au nucléaire (- 13 %), évolution qui constituait un important sujet d'inquiétude pour l'avenir ; il a également regretté les incidences de ces diminutions de crédits sur les programmes spatiaux militaires et sur le programme Rafale ;

- M. Xavier de Villepin, président, a ensuite estimé que le projet de budget de la défense pour 1998 constituait un mauvais signal adressé aux industries de la défense pour quatre raisons : le coût élevé, et quasi mécanique, de ces réductions budgétaires en termes d'emplois, le surcoût inévitable des équipements faisant l'objet de mesures d'étalement ou de moratoires, la perte de " lisibilité " que la loi de programmation avait précisément pour objet d'apporter aux industriels, et enfin l'affaiblissement qui en résultera pour les industriels français dans la perspective des restructurations indispensables de l'industrie européenne de l'armement ;

- puis M. Xavier de Villepin, président, a souligné que ce projet de budget constituait surtout un signal très négatif adressé à nos armées au moment même où un effort exceptionnel leur était demandé ; il a estimé que les orientations de ce budget, si elles n'étaient pas corrigées après 1998, poseraient des interrogations majeures pour l'avenir : ne risqueraient-elles pas de compromettre la cohérence de la réforme entreprise dans son ensemble ? ne risqueraient-elles pas de remettre en cause le futur modèle d'armée lui-même ?

- M. Xavier de Villepin, président, a estimé que toutes ces interrogations revenaient finalement à poser la question de la validité de la théorie dite de l' " encoche " ; il a estimé que, si les économies imposées à la défense en 1998 avaient un caractère exceptionnel, leurs conséquences, pour regrettables et dommageables qu'elles soient, seraient peut-être surmontables ; si, en revanche, la défense ne retrouvait pas, à partir de 1999, le niveau de ressources prévu par la loi de programmation 1997-2002, l'ensemble de la réforme engagée se trouverait gravement fragilisée et la dernière loi de programmation devrait être considérée comme caduque.

Or, a souligné M. Xavier de Villepin, président, la dernière loi de programmation -contrairement à ses devancières- comportait déjà une forte réduction des crédits d'équipement militaire et constituait la traduction d'une réforme d'ensemble devant aboutir à la mise en place d'un nouveau modèle d'armée. Son non-respect ou -a fortiori- son abandon ne pourrait donc conduire qu'à l'affaiblissement progressif de notre défense ou à la révision de ce modèle d'armée. Il a en outre estimé que, si l'élaboration éventuelle d'une nouvelle programmation venait à être envisagée, il vaudrait mieux alors renoncer à sa traduction législative, devenue sans valeur.

Concluant son propos, M. Xavier de Villepin, président, a estimé que la commission n'avait d'autre choix que de rejeter les crédits du ministère de la défense pour 1998 et l'a invitée à réaffirmer son ferme attachement au respect de la loi de programmation votée en 1996. Il a enfin suggéré à la commission, pour expliquer son avis négatif, d'adopter les principales observations qu'il venait de présenter et de les faire figurer dans chacun de ses rapports pour avis au titre des conclusions de la commission.

M. Bertrand Delanoë a alors indiqué que, s'il partageait certaines des inquiétudes exprimées par M. Xavier de Villepin, président -pour des raisons qui étaient d'ailleurs antérieures au projet de budget pour 1998-, il était globalement en désaccord avec les conclusions proposées et approuvait la démarche générale suivie par le Gouvernement. Il a relevé que les programmes conduits en coopération avec nos partenaires européens étaient poursuivis de manière satisfaisante. Il a estimé que les difficultés rencontrées venaient essentiellement de la méthode employée pour professionnaliser nos forces armées qui ne pouvait aboutir qu'à des pressions de plus en plus fortes sur les crédits d'équipement. M. Bertrand Delanoë a conclu en considérant qu'une " épreuve de vérité " était souhaitable et ne devrait écarter aucun des choix nécessaires, qu'il s'agisse des missions assignées à nos forces ou des équipements retenus.

M. Michel Caldaguès a indiqué qu'il partageait pleinement chacune des observations formulées par M. Xavier de Villepin, président. Il a estimé que le budget très inquiétant qui était présenté trouvait son origine, non pas dans la méthode suivie pour professionnaliser nos armées, mais, beaucoup plus largement, dans la mise en cause progressive des différentes spécificités des forces françaises et dans le processus de " mutualisation " des forces qui ne pouvait conduire, de manière insidieuse, qu'à la réduction de notre effort national de défense. Il a enfin souligné que la politique conduite par le Gouvernement en matière de dépenses publiques civiles conduisait inévitablement à la compression de nos dépenses militaires.

M. Jean Faure a exprimé son entier soutien à chacune des conclusions présentées par M. Xavier de Villepin, président. S'agissant des crédits consacrés au nucléaire, il a estimé indispensable de respecter les calendriers prévus et souligné, dans ce domaine plus que dans tout autre, l'enjeu majeur que représentait la question de la transmission du savoir et du maintien des compétences scientifiques.

M. Philippe de Gaulle a relevé qu'une quinzaine d'années auront été nécessaires entre le lancement du programme Rafale et la constitution de la première flottille de ces appareils.

M. Claude Estier a enfin indiqué que les commissaires socialistes ne s'associaient pas aux conclusions proposées par M. Xavier de Villepin, président.

La commission a alors adopté, le groupe socialiste votant contre, les principales observations présentées par M. Xavier de Villepin, président, et décidé de les faire figurer en tête de chacun de ses rapports pour avis sur le budget de la défense pour 1998, au titre des conclusions de la commission.

Elle a enfin émis un avis défavorable à l'adoption de l'ensemble des crédits du ministère de la défense pour 1998.

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