B. LA DÉCONCENTRATION : UN COROLLAIRE NATUREL DE LA DÉCENTRALISATION

Comme l'a parfaitement souligné le rapport établi par notre collègue M. Daniel Hoeffel au nom du groupe du travail sur la décentralisation présidé par M. Jean-Paul Delevoye, la mise en oeuvre d'une déconcentration effective constitue un préalable indispensable à l'approfondissement de la décentralisation. Condition d'un dialogue efficace entre l'Etat et les collectivités locales, elle apparaît ainsi comme un aspect essentiel de la réforme de l'Etat qui devrait conduire celui-ci à réorienter ses missions autour d'une fonction d'impulsion, de coordination et de péréquation.

Sous la précédente législature, cette démarche s'est en partie concrétisée à travers certains mesures mises en oeuvre dans le cadre du " grand chantier " de la réforme de l'Etat.

Le décret n° 97-34 du 15 janvier 1997 relatif à la déconcentration des décisions administratives individuelles a conféré aux services déconcentrés une compétence exclusive pour prendre des décisions individuelles à partir du 1er janvier 1998, sous réserve de certaines exceptions fixées par décret en Conseil d'Etat. Environ 600 procédures, représentant 500.000 décisions individuelles par an, seront ainsi désormais prises par les préfets (par exemple, l'autorisation d'ouverture d'un établissement pharmaceutique vétérinaire, les décisions concernant les coopératives agricoles ou encore les subventions accordées aux établissements locaux d'enseignement agricole). Au total, les trois quarts des procédures relatives à des décisions individuelles seront traitées au niveau local.

En outre, un effort de simplification a été conduit afin de supprimer ou d'alléger plus de 400 régimes d'autorisation administrative préalable à certaines activités (suppression des cartes de VRP et de coiffeur, par exemple).

Une déconcentration de la gestion des crédits de l'Etat a été expérimentée, en matière d' emploi , une enveloppe globale d'1 milliard de francs de crédits déconcentrés ayant été mise à la disposition des préfets. En outre, six régions test (Lorraine, Nord-Pas-de-Calais, Poitou-Charentes, Bretagne, Auvergne, Limousin) ont été retenues pour une déconcentration totale des crédits d'aide à l'emploi.

Lors de son audition par la commission des Lois, M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation a estimé que si le bilan complet de cette mesure n'était pas encore disponible, elle semblait néanmoins avoir donné des résultats satisfaisants.

Par ailleurs, la déconcentration de la gestion des corps a été engagée par plusieurs décrets en date du 31 mai 1997. Enfin, une expérimentation en vue de la réorganisation des services déconcentrés a été mise en place en 1997. Devant votre commission, M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation a néanmoins estimé que cette mesure encore en projet avait été mal accueillie dans les services en raison d'un manque de concertation. Il a indiqué que le Gouvernement avait décidé de la suspendre mais que la réflexion serait poursuivie, les préfets étant invités à choisir l'organisation des services qui leur paraîtrait la mieux adaptée.

Mais ce mouvement de déconcentration doit aussi s'accompagner d'une adaptation de l'organisation des administrations centrales , pour lesquelles un objectif de réduction de 10 % en trois ans des effectifs au profit des services déconcentrés avait été fixé.

On relèvera que cette adaptation des services de l'Etat est bien une compétence du pouvoir exécutif lui-même, comme le Sénat l'avait affirmé et comme le Conseil constitutionnel l'a confirmé dans une décision récente. Dans sa décision n° 97-180L du 21 janvier 1997 , le Conseil constitutionnel a déclaré réglementaires les dispositions de l'article 2 de la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République. Il a en effet estimé que ces dispositions qui établissent la distinction entre administrations centrales et services déconcentrés ont trait à la composition et à la répartition des attributions des administrations civiles de l'Etat lesquelles relèvent de la compétence du pouvoir exécutif en vertu de l'article 20 de la Constitution; que même si elles font référence à d'autres dispositions de forme législative, elles n'en modifient ni le contenu ni la portée; qu'elles ne mettent en cause aucun des principes fondamentaux ni aucune des règles que l'article 34 de la Constitution a placés dans le domaine de la loi.

A la suite de cette décision, le décret n° 97-463 du 9 mai 1997 a modifié la loi d'orientation ainsi que le décret n° 92-604 du 1er juillet 1992 pris pour son application. Reprenant les dispositions de l'article 2 de la loi d'orientation du 6 février 1992, il a en outre prévu, dans l'organisation des administrations civiles de l'Etat, l'existence de services à compétence nationale qui assument des missions qui ne correspondent pas à la définition des tâches de l'administration centrale mais qui, par leur caractère national, ne peuvent être déconcentrées (fonctions de gestion, d'études techniques ou de formation; activités de production de biens ou de prestation de services ainsi que toute autre mission à caractère opérationnel présentant un caractère national).

Lors de l'examen de la loi d'orientation du 6 février 1992, le Sénat -souscrivant aux analyses de sa commission des Lois- avait lui-même considéré que les dispositions en cause ne justifiaient pas une intervention du législateur et en avait donc proposé la suppression sans être suivi par l'Assemblée nationale, laquelle adopta ce texte en lecture définitive. la décision du Conseil constitutionnel confirme donc a posteriori le bien fondé de la position du Sénat sur la délimitation des domaines respectifs de la loi et du règlement.

Dans une communication présentée devant le conseil des ministres du 5 novembre dernier, M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a présenté une communication sur la politique du Gouvernement en matière de réforme de l'Etat. Le Gouvernement devrait adopter prochainement les décrets qui complètent et achèvent la mise en oeuvre de la déconcentration des décisions administratives individuelles. Au début 1998, il arrêtera des mesures destinées à améliorer l'organisation des services déconcentrés, en tenant compte des travaux réalisés depuis 1990. Une consultation des partenaires locaux sera organisée à l'initiative des préfets. A cette occasion, les préfets devront formuler des propositions afin de préciser comment l'Etat met au service des collectivités locales sa capacité d'expertise et de conseil.

A l'issue de cette concertation, les préfets, en liaison avec les départements ministériels intéressés, arrêteront les modalités à mettre en oeuvre dans les départements ou les régions. Chaque département ministériel devra parallèlement indiquer les mesures qu'il compte prendre pour adapter l'organisation de son administration centrale à la déconcentration.

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