2. L'importance du facteur Nord-Sud dans la prolifération chimique

En dépit des stocks considérables accumulés pendant la guerre froide par l'URSS et les Etats-Unis, les Occidentaux, face à la menace chimique soviétique, ont privilégié la dissuasion nucléaire, même si la doctrine de l'Alliance atlantique prévoyait l'emploi d'armes chimiques par l'OTAN en cas d'attaque chimique du Pacte de Varsovie. Dans le Nord, il est probable que c'est l'avènement du système nucléaire bipolaire qui a limité la course aux armements chimiques.

A l'inverse, on peut estimer que le relatif succès des mécanismes internationaux de non-prolifération nucléaire et, plus particulièrement, les contrôles exercés par l'Agence internationale de l'énergie atomique dans le cadre du Traité de non-prolifération, ont incité les pays en développement à constituer des arsenaux chimiques : la difficulté de se procurer matières et équipements nucléaires aurait encouragé le sud à se tourner vers des armements moins encadrés.

"La prolifération chimique, celle "du pauvre", serait donc la conséquence indirecte de la mise en place d'un dispositif international de contrôle sur les transferts de technologies et de matières nucléaires." 12( * )

La "rhétorique pauvre contre riche" a joué un rôle probable dans la concentration des armes chimiques dans la région du Moyen-Orient, où elles pourraient constituer la réponse du monde arabe à la puissance nucléaire d'Israël. L'arsenal chimique détenu par l'Irak a conféré à ce pays un rayonnement évident dans la région du Moyen-Orient, et lui a permis de se poser en bras armé de la revanche arabe contre Israël et l'Occident. L'impressionnant arsenal chimique déclaré par l'Irak à l'ONU à l'issue de la guerre du Golfe -inventaire en deçà, d'ailleurs, des quantités effectivement découvertes par les inspecteurs de l'ONU (11.131 obus chimiques déclarés, 46.000 engins découverts)- atteste la réalité de la prolifération chimique.

Celle-ci ne semble d'ailleurs pas limitée au Moyen-Orient, si l'on en juge par les stocks d'armes chimiques qui seraient détenus, entre autres exemples d'Etats proliférateurs, par la Corée du Nord, par Taïwan, par le Pakistan et par l'Inde.

Notons enfin le lien entre prolifération chimique et prolifération balistique : la banalisation des missiles à courte et moyenne portées, susceptibles d'être acquis par de nombreux pays selon des voies détournées -voire clandestines- a eu pour effet de renforcer la menace chimique en accroissant la portée des vecteurs susceptibles de diffuser les armes chimiques chez l'ennemi. Ainsi l'Irak a-t-il fait passer de 300 à 900 km la portée du Scud-B soviétique. La prolifération balistique a donc fait franchir un palier substantiel à la menace chimique, par rapport aux techniques rudimentaires (mais non dénuées d'efficacité) que peuvent constituer le largage de bidons de chlore par hélicoptères ou l'épandage de produits toxiques par avion agricole.

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