B. L'ÉMERGENCE D'UNE NOUVELLE FORME DE VIOLENCE

Le dispositif répressif en matière d'animaux dangereux apparaît donc déjà fort développé. Il n'a cependant pas permis de faire face efficacement à des comportements à l'égard desquels de nouvelles mesures s'imposent.

On assiste en effet aujourd'hui à une multiplication du nombre de chiens susceptibles de présenter un danger pour les personnes, du fait de leurs caractéristiques propres, mais surtout des conditions dans lesquelles ils sont dressés. Ces animaux, en particulier les pitbulls, sont précisément recherchés parce qu'ils sont réputés être dangereux par un grand nombre de jeunes, en particulier dans certaines zones urbaines. Le pitbull, qui n'est pas une race, mais le produit de différents croisements, est recherché en tant que chien de combat, sa dénomination provenant des mots anglais pit (arène) et bull (taureau).

Comme l'écrit M. Georges Sarre, dans le rapport qu'il a remis au ministre de l'intérieur sur ce sujet : " dans le public jeune et urbain en particulier, le pitbull et les autres chiens d'attaque sont un symbole de puissance et un reflet de l'agressivité du maître, ils sont utilisés pour établir un rapport de force, d'intimidation ou de violence envers autrui. Il semble incontestable que l'augmentation du nombre de ces chiens va de pair avec l'aggravation de la crise économique, de la déstructuration sociale, ainsi qu'avec la précarité grandissante qui affecte des franges importantes de la population (...) Tous les spécialistes s'accordent pour dire que la majorité des acheteurs potentiels s'intéresse d'autant plus à un chien ou à une espèce de chien que celui-ci est agressif ou potentiellement dangereux, d'où l'évolution du marché, du pitbull vers d'autres hybrides encore plus redoutables ".

Selon le ministère de l'Intérieur, le nombre de chiens de type pitbull serait passé d'une centaine en 1993 à environ 40 000 aujourd'hui . Les dispositions actuelles ne permettent pas de faire face à cette prolifération de chiens élevés dans des conditions telles qu'ils représentent un réel danger pour la population.

• Des maires démunis

Face à cette situation, les maires ont tenté de prendre des mesures pour mettre fin à cette menace permanente pesant sur la population de certaines communes. Plusieurs maires ont ainsi adopté des arrêtés interdisant purement et simplement la circulation et la détention de certains chiens dangereux sur le territoire de la commune. Ces arrêtés ont cependant été contestés en justice.

Ainsi, en 1994, le maire d'Epinay-sur-Seine a pris un arrêté aux termes duquel " l'élevage, la possession, la détention et la circulation des chiens de race " American Staffordshire ", " Bull Terrier " et " Pit Bull " sur le territoire de la commune d'Epinay-sur-Seine sont strictement interdits ".

Le 17 décembre 1996, la Cour d'appel de Paris, saisie de poursuites fondées sur la violation de cet arrêté, l'a déclaré illégal en " considérant que cette interdiction totale et générale visant la possession d'une ou plusieurs races de chiens excède manifestement les pouvoirs de police du maire " 1( * ) .

De la même manière, un arrêté interdisant la circulation de certains types de chiens dans la commune des Noës près Troyes a été annulé par le tribunal administratif de Chalons-sur-Marne. Celui-ci a en effet considéré que " la mesure d'interdiction de circulation des pitbulls et des rottweilers, édictée par l'arrêté attaqué du 19 mars 1997, est applicable à l'ensemble du territoire de la commune des Noës près Troyes et à l'ensemble de ces chiens alors que seuls certains d'entre eux, dont ceux de la requérante, ont été à l'origine d'incidents, et pouvaient être légalement visés par des mesures individuelles d'interdiction ou de restriction de circulation adressées à leurs propriétaires " 2( * ) .

• Quelle attitude adopter dans les immeubles collectifs ?
Par ailleurs, les responsables d'organismes d'HLM, particulièrement concernés par ce problème, dans la mesure notamment où il semble que des appartements et des caves de logements HLM soient utilisés pour pratiquer l'élevage, fort lucratif, de chiens potentiellement dangereux, ont eux aussi tenté d'adopter des mesures qui ont été remises en cause, compte tenu de leur trop grande généralité. Le tribunal d'instance de Bobigny a ainsi jugé illégale la clause d'un règlement d'immeuble HLM interdisant la détention d'animaux " dangereux ou dressés à l'attaque " 3( * ) .

La question des mesures applicables dans les immeubles collectifs et logements HLM est particulièrement délicate. La loi n° 70-598 du 9 juillet 1970 modifiant et complétant la loi du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel dispose en effet dans son article 10 : " Est réputée non écrite toute stipulation tendant à interdire la détention d'un animal dans un local d'habitation dans la mesure où elle concerne un animal familier ". Dans ces conditions, il est clair que les règlements de copropriété ou les règlements intérieurs des immeubles collectifs à usage locatif ne peuvent contenir de clause interdisant purement et simplement la détention de certaines catégories d'animaux supposés dangereux. Au cours des travaux préparatoires de la loi du 9 juillet 1970, les animaux familiers ont été définis à l'Assemblée nationale comme ceux " qui vivent près de nous et, fussent-ils féroces, que nous pouvons supposer doux ". Cette notion est donc indépendante du caractère potentiellement dangereux de l'animal.

La loi de 1970 ne semble pas en revanche faire obstacle à l'inscription dans les règlements de copropriété ou les règlements intérieurs des immeubles collectifs à usage locatif de clauses soumettant à certains conditions, telles que le port de la laisse ou celui de la muselière, la circulation des chiens dans les parties communes des immeubles. Dans le cas des immeubles comportant un règlement de copropriété, l'inscription de telles clauses peut toutefois s'avérer difficile, compte tenu des majorités nécessaires pour modifier le règlement de copropriété.

Dans ces conditions, il est devenu indispensable que le législateur intervienne pour endiguer un phénomène face auquel les acteurs concernés sur le terrain se sont trouvés désemparés. D'autres pays, en particulier la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et le Danemark ont adopté des dispositions très restrictives à l'égard de certaines catégories de chiens, particulièrement susceptibles d'être dangereux lorsqu'ils sont confiés à des propriétaires décidés à en faire des chiens de combat ou même à s'en servir comme d'une arme.

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