PPL relatives à l'activité minière et aux risques miniers

RAUSCH (Jean-Marie)

RAPPORT 502 (97-98) - COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES

Table des matières






N° 502

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 juin 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur :

- la proposition de loi de M. Jean-Luc BÉCART et plusieurs de ses collègues, tendant à frapper de nullité d'ordre public toute clause de mutation immobilière exonérant les exploitants de mines de leur
responsabilité en matière de dommages liés à leur activité minière ,

- la proposition de loi de M. Claude HURIET et plusieurs de ses collègues, complétant le
code minier ,

- la proposition de loi de Mme Gisèle PRINTZ et les membres du groupe socialiste et apparentés, relative à la prévention des
risques miniers après la fin de l'exploitation,

- la proposition de loi de Mme Gisèle PRINTZ et les membres du groupe socialiste et apparentés, relative à la
responsabilité des dommages liés à l' exploitation minière ,

- la proposition de loi de M. Jean-Paul DELEVOYE et plusieurs de ses collègues, relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l' exploitation minière ,

- la proposition de loi de M. Jean-Paul DELEVOYE et plusieurs de ses collègues, relative à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation,

Par M. Jean-Marie RAUSCH,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis Minetti, vice-présidents ; Georges Berchet, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou,
MM. Michel Barnier, Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Bernard Dussaut , Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Gérard Larcher, Edmond Lauret, Pierre Lefebvre, Jean-François Le Grand, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Jean-Baptiste Motroni, Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Bernard Piras, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, M. Henri Weber.

Voir les numéros :

Sénat : 220 , 298 rect. (1996-1997), 229, 235 rect., 247 et 248 (1997-1998).


Mines et carrières.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'histoire minière de notre pays explique que ses ingénieurs et ses juristes se soient, jusqu'à une période relativement récente, davantage intéressés aux conditions de l'exploitation des mines qu'aux risques consécutifs à leur abandon.

La fermeture programmée de la plupart d'entre elles a modifié la donne. Le législateur a, en 1994, modifié le code minier pour en tenir compte pour l'avenir. Les affaissements miniers qui ont touché les communes d'Auboué et de Moutiers, en Lorraine, en 1996 et 1997, ont cependant mis en lumière la nécessité de trouver une solution satisfaisante, d'une part, en matière de responsabilité de l'exploitant -ceci quelle que soit la date des contrats de mutation conclus pour la vente de son parc immobilier- et, d'autre part, dans le domaine de la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation.

La crainte de la population et des élus des régions concernées de connaître le même type de désastre, a incité de nombreux sénateurs de l'Est et du Nord de la France, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition sénatoriale, à déposer des propositions de loi tendant à apporter des solutions de nature à rassurer nos concitoyens sur ces deux points.

Certes, des mesures différentes pourraient être envisagées et le Gouvernement poursuit une réflexion en ce sens. C'est ainsi que le Secrétaire d'Etat à l'industrie a annoncé, à l'occasion d'une communication le 28 janvier dernier, son souhait d'étudier et de mettre en place un mécanisme d'indemnisation et d'élaborer un projet de loi réformant le code minier afin de mieux prendre en compte les conséquences de la gestion de la fermeture d'une mine.

Ce texte n'est cependant toujours pas connu et on connaît les aléas de l'inscription d'un tel projet de loi, eu égard à un ordre du jour du Parlement que l'on prévoit d'ores et déjà très chargé pour la prochaine session.

Dans ces conditions, sans attendre, la Commission des affaires économiques du Sénat a souhaité examiner et adopter les dispositifs proposés par les six propositions de loi qui ont été soumises à son examen et dont la rédaction est très proche pour chacun des deux thèmes concernés, à savoir la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière et la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation. Elle entend ainsi assurer aux populations concernées sa ferme volonté de voir des solutions rapidement adoptées pour répondre à leur légitime préoccupation.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. L'ÈRE DE L'APRÈS-EXPLOITATION MINIÈRE EN FRANCE

Le déclin de l'activité minière en France métropolitaine entraîne la fermeture de nombreuses mines. Celle-ci pose des difficultés techniques et environnementales majeures. Elle soulève également des problèmes juridiques d'importance.

En effet, les conséquences de l'activité minière ne s'arrêtent pas au jour de la renonciation 1( * ) par l'exploitant à sa concession. S'impose alors la nécessité de régler le problème d'éventuelles nuisances postérieures à la fin de l'exploitation, auquel le droit en vigueur n'apporte que des réponses imparfaites.

A. LA NÉCESSITÉ DE GÉRER LA FIN DE L'EXPLOITATION MINIÈRE

On le sait, pour des raisons tant économiques que liées à l'état des ressources naturelles de notre sous-sol, l'exploitation en France de certaines substances minières est vouée à disparaître dans les années qui viennent 2( * ) , posant notamment le problème des affaissements miniers.

1. Une fin programmée

L'exploitation des mines d'or, par exemple, est amenée à se développer en Guyane 3( * ) , mais sur le territoire métropolitain, l'activité minière a déjà largement entamé la piste d'un déclin, inéluctable pour un certain nombre de ressources : fer, charbon et potasse notamment.

L'exploitation du fer concerne essentiellement le bassin lorrain, qui comprend le bassin de Briey-Longwy au nord-ouest de Metz et le bassin de Nancy au Sud. Il s'étend sur trois départements : la Moselle, la Meurthe-et-Moselle et une petite partie de la Meuse. Le minerai de fer lorrain représentait un gisement unique au monde par son étendue (plus de 100.000 hectares).

L'Arbed, société luxembourgeoise, et Lormines, filiale d'Usinor qui exploitait les 4/5e des concessions des mines de fer, sont les derniers exploitants. Elles ont fermé de nombreuses mines mais n'ont pas encore renoncé à la totalité de leurs concessions. Il faut préciser que Lormines a été la propriété de l'Etat après la vague de nationalisation de 1982, avant d'être privatisée en juillet 1995.

L'extraction du charbon prendra fin en 2005, ainsi que le prévoit le Pacte charbonnier signé par le Gouvernement le 20 octobre 1994. Après les mines de l'Est de la France, ce sont celles du Nord-Pas-de-Calais qui font l'objet d'un plan de fermeture progressive.

Ce bassin houiller s'étend sur près de 2.000 km², à une profondeur située entre 20 et 300 mètres. Il a été exploité pendant 270 ans et 2,3 milliards de tonnes de charbon en ont été extraites.

Le bassin potassique d'Alsace est exploité depuis 1910. Ce gisement constitue la seule réserve de potasse de France. Couvrant une superficie de 20.000 hectares, il est exploité à des profondeurs allant de 400 à 1.100 mètres.

Plus de 500 millions de tonnes de minerai ont été extraites par les Mines de potasse d'Alsace (MDPA), société anonyme dépendant de l'Entreprise Minière et Chimique (EMC) qui dispose elle-même du statut d'établissement public à caractère industriel et commercial.

Les MDPA sont désormais, elles aussi, confrontées aux problèmes liés à l'après-exploitation.

D'autres types d'exploitations le sont également. On peut citer, par exemple, les mines d'amiante de Haute-Corse.

2. Le problème des affaissements miniers

L'arrêt de l'exploitation dans les bassins miniers pose des problèmes de surveillance et de prévention des risques, en particulier celui de la gestion des eaux 4( * ) et des affaissements de terrains à l'aplomb de certaines anciennes mines souterraines.

C'est à ce second problème que s'intéresse le présent rapport. Il est réel dans la mesure où, avec la fermeture des bassins, c'est la capacité d'intervention opérationnelle de l'exploitant qui a également vocation à disparaître.

Ce risque d'affaissement et les problèmes de dédommagement qui lui sont liés dépendent certes du type d'exploitation, mais il apparaît de plus en plus aigu. Il est d'ailleurs perçu comme tel par la population concernée.

a) L'ampleur du problème varie selon le type d'exploitation

Pour l'extraction du charbon , la méthode d'exploitation employée par les Houillères (celle des " tailles au pendage auto-remblayées ") consiste, quand la taille progresse, à laisser les terrains sus-jacents proches combler le vide provoqué par l'exploitation de la veine de charbon. Avec les éboulis, on trouve des blocs sur environ vingt mètres au-dessus de la couche ; au-dessus, les terrains s'affaissent progressivement pour venir comprimer ces éboulis, comme l'indique le schéma n° 1 figurant à l'annexe n° 2 du présent rapport. Il en résulte, en surface, un affaissement en forme de cuvette ou d'assiette aplatie, de plus ou moins grande dimension, comme l'illustre le schéma n° 2 de la même annexe.

La forme, la superficie et la profondeur de cette cuvette dépendent de différents facteurs, parmi lesquelles le pendage et l'épaisseur des veines exploitées, les caractéristiques des terrains sus-jacents, la profondeur de l'exploitation, etc.

La formation de la cuvette d'affaissement provoque des déplacements des terrains dont les composantes sont des mouvements horizontaux et verticaux :

- en zone 1, les ouvrages implantés ne subissent pratiquement qu'une perte d'altitude ;

- en zone 2, les ouvrages épousent la forme concave de la cuvette et sont soumis à des efforts de compression ;

- en zone 3, les ouvrages épousent la forme convexe de la cuvette et sont soumis à des efforts de tension.

Les affaissements sont progressifs et homogènes. Ils se stabilisent rapidement après achèvement de l'exploitation : l'essentiel des mouvements se produit pendant la première année (90 %) et il n'est plus observé d'affaissements significatifs au-delà de 18 mois.

Le cas des désordres engendrés par les anciennes exploitations des mines de fer en Lorraine est différent. La méthode employée est celle des " chambres et piliers ", illustrée par le schéma n° 3 figurant à l'annexe n° 2 5( * ) .

Deux variantes ont été mises en oeuvre : l'exploitation totale ou partielle. Dans la première, les piliers sont progressivement torpillés selon l'avancée de l'exploitation pour extraire le maximum de minerai, engendrant immédiatement ou à faible échéance des affaissements de terrain. Dans la seconde, les piliers restent en place et sont censés protéger la surface.

Pour préserver les habitations, le service des mines du bassin lorrain, responsable de l'attribution des concessions aux exploitants, avait imposé une extraction partielle du minerai sous les villes et villages. En dépit de cette précaution, une dizaine d'affaissements ou d'effondrements de plusieurs mètres, concernant au total environ 45 hectares, ont été enregistrés dans les agglomérations entre 1902 et 1977.

En effet, après quelques années, en raison de leur dimensionnement insuffisant ou sous l'effet du vieillissement -aggravé par la remontée des eaux dans les travaux-, les piliers peuvent se fragiliser et se disloquer. Le poids des terrains sus-jacents se répartit sur les piliers avoisinants, ce qui peut conduire à un phénomène de destruction de piliers en cascade. Comme cette exploitation est très proche de la surface (100 à 200 mètres), l'affaissement se répercute brutalement à la surface à un moment qu'il paraît impossible de préciser .

Dans une mine de fer, un paramètre essentiel est le taux de minerai prélevé dans une couche, rapport des surfaces de minerai extrait et de celles de minerai laissé en place, appelé " taux de défruitement ". Ce taux a souvent atteint 50 %, voire 70 à 75 %, à l'époque des premières exploitations. A la suite d'une série d'effondrements dans les années 1970, les calculs et les prévisions de stabilité de terrains en surface ont été revus : en 1983, le taux de défruitement a été limité à 30 %. Cependant, même les concessions récentes exploitées dans ces conditions ne sont pas à l'abri d'effondrements lorsqu'elles sont à l'aplomb d'exploitations antérieures. C'est, par exemple, le cas de l'effondrement de novembre 1996 à Auboué.

b) Un risque de plus en plus aigu et mal vécu par la population

La perception du risque s'est trouvée naturellement amplifiée par les incidents d'Auboué et de Moutiers.

Le 15 octobre 1996, à Auboué, une petite commune située à une dizaine de kilomètres au Nord-Est de Metz, les murs de plusieurs maisons se lézardent, des chaussées se déforment, s'affaissent par endroits sur une hauteur d'un à deux mètres, des canalisations d'eau et de gaz se rompent. Le 18 novembre, des dégâts similaires ont lieu. Six mois plus tard, le 15 mai 1997, c'est au tour des habitants de Moutiers, une commune voisine, de voir les fissures apparaître sur les murs de leurs maisons. 190 logements ont ainsi été touchés.

Voilà vingt ans que de tels incidents ne s'étaient pas produits dans la région.

Tant que les mines étaient exploitées, les habitants avaient conscience d'un risque qui s'inscrivait parmi les aléas inéluctables résultant d'une activité à laquelle ils avaient bien souvent participé. Présents, les exploitants assuraient et prenaient en charge plus facilement le risque lié au comportement du sol.

Avec la disparition des sociétés minières du paysage économique de la région et l'évolution de la population, la mémoire du risque s'est progressivement estompée .

Et ces événements, dramatiques pour ces communes, suscitent l'inquiétude de toutes les régions concernées : s'agit-il d'incidents isolés ou d'un signe précurseur d'une série d'événements encore plus graves ?

Cette inquiétude s'est trouvée amplifiée par le fait que l'indemnisation des populations touchées s'est heurtée à des problèmes juridiques , nécessitant un effort de solidarité nationale.

En outre, ces incidents ont accru la prise de conscience que la gestion des risques de l'après-mines avait sans doute été quelque peu négligée au moment où l'activité minière battait son plein.

Ce n'est qu'après ces événements que des structures ad hoc ont été mises en place dans le Nord-Pas-de-Calais et en Lorraine (conférence permanente et conseil scientifique).

Enfin, ces phénomènes ont contribué à mettre en lumière l'insuffisance des moyens de prévention des risques miniers à la fin de l'exploitation.

B. LE DROIT EN VIGUEUR NE PERMET PAS DE RÉGLER LE PROBLÈME DE LA RESPONSABILITÉ DES DOMMAGES DE FAÇON SATISFAISANTE

Le principe de la responsabilité de l'exploitant à raison des dégâts que ses travaux souterrains peuvent entraîner à la surface ne fait aucun doute.

Cependant, les exploitants ont pu se libérer de cette responsabilité en incluant des clauses d'exonération dans les contrats de vente concernant leur patrimoine immobilier.

Dans les cas d'Auboué et de Moutiers, l'ampleur des dégâts était telle qu'il a dû être fait appel, en outre, à la solidarité nationale. Mais on peut s'interroger sur le point de savoir s'il est souhaitable de généraliser ce type de solution.

1. Le principe de la responsabilité minière

Dès avant la loi du 15 juillet 1994 et, depuis lors, le code minier -dans son article 75-1- dispose que l'exploitant minier encourt, de plein droit, une responsabilité délictuelle pour les dommages résultant de son activité. Compte tenu de cette disposition particulière, le code des assurances ne s'applique pas aux affaissements miniers et les sinistres liés à un affaissement minier ne sont pas garantis par les compagnies d'assurances.

Les dommages immobiliers subis du fait d'une exploitation minière doivent, par conséquent, être indemnisés selon le régime de réparation posé par les règles communes aux responsabilités délictuelles fixées par les articles 1382 à 1386 du code civil.

Cependant, l'application des règles ordinaires de responsabilité sur la base de l'article 1382 du code civil aurait conduit à des résultats inéquitables pour le propriétaire du sol, qui n'aurait pu obtenir réparation qu'en prouvant une faute à la charge de l'exploitant, preuve pratiquement impossible à rapporter puisque, dans la plupart des cas, l'exploitant ne commet aucune faute, les affaissements apparaissant comme la conséquence inéluctable de l'exploitation du sous-sol.

Aussi, dès 1842, la jurisprudence a-t-elle posé le principe selon lequel le seul fait du dommage entraînerait pour l'exploitant l'obligation de réparer. Ce principe a été consacré sans interruption et quelle qu'ait été la base juridique invoquée.

Ce fondement est, en l'état actuel de la jurisprudence, la responsabilité générale du fait des choses inanimées fixée par l'article 1384 du code civil. L'exploitant est donc responsable des dommages causés par la mine alors même qu'aucune faute n'a été prouvée contre lui et il ne peut s'en exonérer qu'en prouvant la force majeure, la faute de la victime ou d'un tiers. Il s'agit d'une responsabilité objective.

2. Les clauses minières d'exonération de responsabilité

Cependant, dans le but de dégager leur responsabilité, les compagnies minières ont inséré dans les actes de vente de leur ancien patrimoine immobilier une clause les exonérant des conséquences de leur exploitation 6( * ) , appelée " clause minière ". Il est vrai que le prix de vente des biens en tenait généralement compte.

La Cour de Cassation, par un arrêt du 4 novembre 1987, a considéré qu'une telle clause d'exonération était valable dès lors qu'elle n'était pas insérée de mauvaise foi par la compagnie minière dans les actes de vente.

Selon la Cour de Cassation, la mauvaise foi ne serait établie que si le concessionnaire minier connaissait, au moment de la vente, le caractère inéluctable des effondrements futurs, la mauvaise foi ne résultant pas de la simple connaissance du risque de mouvements du sol inhérents à toute activité minière.

A suivre cette jurisprudence, les personnes confrontées aux conséquences d'affaissements ne seraient pas indemnisées par la voie judiciaire.

Prenant en compte ce problème, le législateur a prévu, dans l'article 17 de la loi n° 94-588 du 15 juillet 1994 modifiant certaines dispositions du code minier et l'article L-711-12 du code du travail, qu'une telle clause serait frappée de nullité d'ordre public dès lors qu'elle figurerait dans un contrat de mutation immobilière conclu avec une collectivité locale ou avec une personne physique non professionnelle.

Cette disposition ne vaut cependant que pour l'avenir, c'est-à-dire pour les actes de vente postérieurs au 15 juillet 1994.

3. Auboué et Moutiers : des mesures d'indemnisation d'urgence

Eu égard à la situation brutale et dramatique qu'ont dû affronter les habitants de ces deux communes fin 1996 et en 1997, une solution spécifique a été retenue pour leur indemnisation.

A cette fin, des accords amiables ont été signés entre l'Etat, les mines, la compagnie d'assurance de cette dernière (l'UAP) et les sinistrés, concernant à la fois les biens immobiliers dont la vente avait fait l'objet d'une clause minière et ceux qui en étaient exempts.

D'après les informations fournies à votre rapporteur, l'indemnisation (des particuliers et des communes) porterait sur une somme totale d'environ 200 millions de francs.

Les protocoles ont retenu la même base d'indemnisation pour l'ensemble des sinistrés, sur la base du droit commun, qu'ils aient ou non signé des contrats assortis d'une clause minière.

Dans le cas où les maisons devaient être démolies, la méthode d'évaluation du bâtiment retenue a été la suivante : valeur vénale + 2/3 [valeur de reconstruction avec des matériaux modernes à surface identique - valeur vénale]. Elle a permis une indemnisation assez généreuse.

Faut-il tendre à généraliser ce type de protocole, comme semblerait l'envisager le Gouvernement ?

Telle n'est pas la solution préconisée par les propositions de loi soumises à l'examen de votre commission.

II. L'EXAMEN DES PROPOSITIONS DE LOI

Les six propositions de loi soumises à l'examen de votre commission portent sur deux sujets qui, bien que distincts, n'en sont pas moins liés :

- la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'activité minière, que visent les propositions n° 220 (1996-1997) de M. Jean-Luc Bécart et plusieurs de ses collègues, n° 298 rectifiée (1996-1997) de M. Claude Huriet et plusieurs de ses collègues, n° 235 rectifiée (1997-1998) de Mme Gisèle Printz et plusieurs de ses collègues et n° 247 (1997-1998) dont les premiers signataires sont MM. Jean-Paul Delevoye et Philippe Nachbar.

- la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation, avec les propositions n° 229 (1997-1998) de Mme Gisèle Printz et plusieurs de ses collègues et n° 248 (1997-1998) de MM. Jean-Paul Delevoye, Philippe Nachbar et plusieurs de leurs collègues.

Les premières de ces propositions de loi ont pour objet :

- d'une part, d'annuler rétroactivement les clauses de contrats de mutation immobilière exonérant l'exploitant de la responsabilité des dommages liés à son activité minière ;

- d'autre part, de prévoir l'indemnisation intégrale des dommages immobiliers consécutifs à l'exploitation.

Les deux dernières propositions de loi tendent à créer une Agence de prévention et de surveillance des risques miniers chargée de recueillir les données techniques permettant d'intervenir en cas de survenance d'un risque minier et de préparer les mesures de prévention et les plans de protection nécessaires en cas de sinistre.

Elles imposent, par ailleurs, à l'exploitant d'établir un bilan concernant les risques d'affaissement des terrains de surface.

Enfin, elles proposent de maintenir la possibilité de réactiver, si nécessaire, le régime de la police des mines pendant une période de cinquante ans après l'expiration du titre minier.

III. L'APPRÉCIATION PORTÉE PAR VOTRE COMMISSION

Votre commission approuve les dispositifs ainsi proposés qui sont de nature à répondre partiellement aux problèmes posés par les risques résultant de l'abandon de l'exploitation minière.

Les différentes propositions de loi portant sur les deux sujets exposés ci-dessus étant extrêmement proches, votre rapporteur a choisi de centrer son examen sur les deux plus récentes, dont il est d'ailleurs lui-même signataire, à savoir les propositions n°s 247 et 248.

Votre commission a retenu les dispositifs prévus par ces deux propositions, qui font l'objet respectivement du titre premier et du titre II du dispositif qu'elle a adopté.

Aucune des propositions n'a cependant pris en compte les problèmes spécifiques auxquels sont confrontés les commerçants, artisans et professions libérales en cas d'affaissement minier. Aussi, votre commission a-t-elle adopté un article tendant à leur appliquer les règles d'indemnisation prévues en cas d'expropriation.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER -

LA RESPONSABILITÉ EN MATIÈRE DE DOMMAGES CONSÉCUTIFS À L'EXPLOITATION MINIÈRE
Article premier -

Nullité des clauses d'exonération de responsabilité

Le paragraphe I de cet article tend à insérer un article 75-3 dans le code minier, dont les dispositions ont vocation à se substituer à celles de l'article 17 de la loi n° 94-588 du 15 juillet 1994 modifiant certaines dispositions du code minier et l'article L.711-12 du code du travail.

Ainsi qu'il a été précisé dans l'exposé général, cet article 17 frappe de nullité d'ordre public, dans les contrats de mutation immobilière que les exploitants concluent avec les collectivités locales ou les personnes physiques non professionnelles, toute clause exonérant l'exploitant de la responsabilité des dommages liés à son activité minière.

Introduisant un régime juridique différent selon la qualité de l'acquéreur, il sous-entend que les personnes physiques professionnelles -c'est-à-dire intervenant au titre de leur activité professionnelle et non en tant que particuliers- sont visées par les clauses d'exonération de responsabilité de l'exploitant. Cette rédaction n'apparaît pas satisfaisante au regard de la jurisprudence établie qui considère que de telles clauses sont valides uniquement entre professionnels de même spécialité -l'acheteur devant être en mesure d'apprécier les risques, défauts et nuisances inhérents au bien vendu-, c'est-à-dire lorsque l'acheteur exerce une activité similaire à celle du vendeur (Chambre commerciale 8 octobre 1973 et Chambre commerciale 19 avril 1980).

Elle met, par ailleurs, en situation délicate les collectivités locales qui peuvent -telles les communes d'Auboué ou de Moutiers- se trouver démunies et sans recours en cas de dommages atteignant leur patrimoine immobilier.

C'est pourquoi, le texte proposé par l'article premier prévoit de frapper de nullité d'ordre public les " clauses minières " dans quelque contrat de mutation immobilière qu'il figure . Tous les contractants, quel que soit leur statut, se trouveraient donc ainsi en situation d'équité.

En conséquence, le paragraphe II de l'article premier propose d'abroger l'article 17 de la loi du 15 juillet 1994 précitée.

Le paragraphe III de cet article donne un caractère rétroactif aux dispositions ainsi introduites qui concerneraient, sauf décision de justice passée en force de chose jugée , les dommages survenus postérieurement au 15 juillet 1994, quelle que soit la date de conclusion du contrat de mutation immobilière .

En effet, ainsi que le précise le Conseil d'Etat dans son avis du 23 septembre 1997 sur les arrêts des travaux miniers, la nullité des " clauses minières " prévue par l'article 17 de la loi du 15 juillet 1994 ne s'applique pas aux contrats conclus avant l'entrée en vigueur de ladite loi. En effet, sauf rétroactivité expressément prévue par le législateur, une loi nouvelle ne s'applique pas aux conditions d'un contrat définitivement conclu avant son entrée en vigueur.

En l'état, cet article 17 n'apporte donc pas de solution au problème de la responsabilité des dégâts liés aux affaissements miniers, puisqu'ils ne relèvent -sauf pour les contrats futurs- ni du code des assurances 7( * ) , ni de la responsabilité de l'exploitant. Les incidents d'Auboué et de Moutiers ont récemment illustré cette lacune.

C'est pourquoi il vous est proposé de prévoir cette rétroactivité.

D'aucuns s'interrogent sur la faculté du législateur d'adopter une telle disposition.

Plusieurs arguments peuvent leur être opposés :

- le principe de la non-rétroactivité des lois 8( * ) ne s'impose pas au législateur, sauf en matière pénale ;

- au plan juridique, rien ne permet de penser que la remise en cause des ventes déjà réalisées du fait de l'abrogation des clauses minière pourrait être envisagée.

Il ne faudrait certes pas qu'une telle disposition aboutisse à " geler " toute transaction immobilière, les exploitants ne trouvant plus d'intérêt suffisant à céder leur patrimoine. D'après les informations soumises à votre rapporteur, la nullité frappant les clauses minières depuis 1995 n'aurait cependant pas modifié sensiblement le rythme des transactions.

Par ailleurs, les sociétés minières n'auront sans doute pas intérêt à conserver ad vitam eternam des logements à l'issue de l'exploitation.

En définitive, dans l'intérêt de tous, il apparaît indispensable de mieux mesurer la nature et l'ampleur des risques potentiels.

A cet égard, on peut se féliciter du travail entrepris depuis 1988 par la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) de Lorraine. Celle-ci établit des cartes d'affaissements potentiels sur la base des archives d'exploitation : selon les zones, les constructions nouvelles sont gelées (zone rouge), limitées à l'habitat pavillonnaire (zone orange, emprise maximale au sol de 150 m², hauteur maximale d'un étage) ou semi-collectif (zone jaune, emprise au sol maximale de 400 m², hauteur maximale de trois étages).

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier dans la rédaction retenue par la proposition de loi n° 247.

Article 2 -

Régime d'indemnisation des dommages immobiliers liés à l'activité minière

Cet article tend à insérer un article 75-4 dans le code minier de façon à préciser le régime d'indemnisation devant être appliqué en cas de dommages immobiliers liés à l'activité minière présente ou passée. Il prévoit que cette indemnisation doit correspondre à la remise en l'état de l'immeuble sinistré. Ceci n'étant pas toujours possible en raison de l'ampleur des dégâts, elle doit, dans ce cas, être fixée à la valeur de reconstruction à neuf sans déduction pour vétusté .

Comme il a été dit précédemment, ce type de dommages relève du régime de réparation posé par les règles communes aux responsabilités délictuelles fixées par les articles 1382 à 1386 du code civil. Si en matière d'assurances l'indemnisation correspond le plus souvent à la valeur vénale, en application de ces règles, elle aboutit le plus souvent à une réparation intégrale du préjudice subi, ainsi que l'illustre la jurisprudence de la Cour de Cassation depuis 1970.

En matière immobilière, lorsque la reconstruction ou la remise en état est techniquement possible, le responsable doit en assumer le coût (Cass. Civ. II, 1er avril 1963, 8 avril 1970 ; Cass. Civ. III, 13 et 26 avril 1983).

La victime n'a pas à supporter une réduction de son indemnisation du fait de la vétusté de son patrimoine (Cass. Civ. II, 8 avril 1970, 16 décembre 1970, 9 mai 1972, 12 décembre 1973 ; Cass. Ass. Pl., 7 février 1986).

Plus récemment encore, la Cour de Cassation a posé qu'il importait peu que la reconstruction d'un immeuble procure un avantage à la victime dès lors qu'il n'y avait pas d'autre moyen de remplacer l'immeuble entièrement sinistré. Il convient donc de replacer la victime dans la situation qui était la sienne avant le dommage (Cass. Civ. II, 5 juin 1991).

Le principe de l'indemnisation totale, y compris par voie de reconstruction, est donc solidement posé par la jurisprudence.

Telle est d'ailleurs la solution qui a été retenue dans le cadre des protocoles organisant l'indemnisation d'urgence des sinistrés d'Auboué et de Moutiers.

Dans ces conditions, votre commission vous propose d'adopter cet article dans la rédaction prévue par la proposition de loi n° 247.

Article 3 -

Indemnisation des commerçants, artisans
et membres de professions libérales

L'article examiné ci-dessus ne règle pas les problèmes spécifiques des artisans, commerçants et membres de professions libérales auxquels les affaissements miniers font subir un préjudice direct ou indirect :

- le préjudice direct relève de l'indemnisation classique ;

- mais le préjudice indirect ne reçoit pas de solution en droit. Il résulte des problèmes économiques et financiers liés à la baisse de fréquentation d'une entreprise et à la diminution de son chiffre d'affaires.

Or, il s'agit là d'un problème non négligeable si l'on prend en compte la réduction drastique de la population des communes touchées par ce type de phénomène. C'est ainsi, par exemple, qu'après avoir perdu 26 % de sa population entre 1975 et 1990 -suite aux difficultés d'emploi liées à l'arrêt des travaux miniers-, la commune d'Auboué a encore subi une baisse de 13 % du nombre de ses habitants à la suite des affaissements de 1996.

En outre, des quartiers entiers peuvent ainsi se vider à la suite de tels incidents, mettant l'activité des artisans, commerçants et professions libérales en péril.

C'est pourquoi votre commission a jugé qu'il convenait, pour des raisons d'équité, de prévoir également un mode d'indemnisation à l'égard de ces professionnels.

A cet effet, elle vous propose d'adopter un article tendant à insérer un article 75-4 nouveau dans le code minier et de prévoir que les règles d'indemnisation en cas d'expropriation seraient applicables dans de telles hypothèses.


Rappelons qu'en vertu de l'article L.13-13 du code de l'expropriation, " les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ".

Il appartiendra à un décret en Conseil d'Etat de préciser la notion de préjudice et les critères à retenir afin de définir le champ de l'indemnisation.

Article 4 -

Précision rédactionnelle

Cet article a pour but de lever l'ambiguïté que comporte la rédaction du troisième alinéa de l'article 75-2 du code minier qui, en l'état, laisse supposer que ses dispositions -concernant l'obligation d'information par le vendeur d'un terrain sur le tréfonds duquel une mine a été exploitée- s'appliqueraient à toutes les formes de mutation immobilière à l'exception de la vente.

Or, bien entendu, le législateur de 1994 entendait viser la vente au premier chef.

Il s'agit, ici, de réparer cette imprécision rédactionnelle.

Votre commission vous propose, par conséquent, d'adopter cet article dans la rédaction prévue par la proposition de loi n° 247 (article 3).

TITRE II -

LA PRÉVENTION DES RISQUES MINIERS APRÈS LA FIN DE L'EXPLOITATION

Cette proposition de loi comporte six articles que votre commission vous propose de retenir.

Elle deviendra par conséquent le titre II de la proposition finale retenue par votre commission, dont les articles seront renumérotés en conséquence.

Article 5 -

Création d'une Agence de prévention et de surveillance des risques miniers

Cet article tend à créer un organisme chargé de la prévention et de la surveillance des risques, à en fixer les missions et le mode d'administration.

Dans son premier alinéa , il propose de créer l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers sous la forme d'un établissement public de l'Etat et de le placer sous la triple tutelle du ministre chargé de l'industrie, du ministre de l'intérieur et du ministre chargé du logement.

Dans son deuxième alinéa , il lui confère trois missions :

- recueillir et conserver les documents que les exploitants lui auront confiés en application de l'article premier ;

- mettre ces documents à la disposition du public, de toute personne ou collectivité concernée par la prévention ou la réparation des dommages liés à l'exploitation minière pouvant y avoir accès ;

- participer à la préparation des mesures de prévention liées aux risques miniers.

Cet alinéa satisfait à un objectif de transparence de l'information . Rappelons, à cet égard, que la Communauté européenne a adopté une directive relative à l'accès à l'information (directive n° 90/313 du 7 juin 1990) qui pose comme principe, dans son cinquième considérant : " qu'il est nécessaire de garantir à toute personne physique ou morale dans l'ensemble de la communauté, la liberté d'accès à l'information disponible sous forme écrite, visuelle ou sonore, ou contenue dans les banques de données auprès des autorités publiques concernant l'état de l'environnement, les activités ou mesures portant atteinte à l'environnement ainsi que celles visant à se protéger ". Dans ce cadre, la centralisation des données techniques et archives permet la constitution d'un centre d'information, de documentation et une base de travail indispensable à la mise en oeuvre des programmes d'aménagement futurs et à la sauvegarde de la mémoire industrielle.

Le troisième alinéa de l'article 2 précise la composition du Conseil d'administration de l'agence, avec la participation à la fois des collectivités locales -celles-ci sont, en effet, concernées au premier chef-, de l'Assemblée nationale et du Sénat, des services de l'Etat et des établissements publics concernés.

Enfin, le dernier alinéa renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser la composition de l'agence et de déterminer ses conditions de fonctionnement.

Il faut relever que, d'après les renseignements fournis à votre rapporteur, le Gouvernement semble défavorable à la création d'une telle agence, au double motif que cela alourdirait les frais de gestion et que le nombre d'experts requis pour la composer ne lui permettrait pas d'atteindre une taille critique.

Il semble plutôt pencher pour la prise en charge du contrôle de l'après-mines directement par l'Etat, en confortant les DRIRE concernées, dont le personnel se verrait renforcé.

Votre commission, quant à elle, estime que la création d'une agence ad hoc présente notamment pour avantage de permettre une représentation des élus, locaux et nationaux.

C'est pourquoi, elle vous propose d'adopter cet article dans une rédaction proche de celle prévue par la proposition de loi n° 248 (article 2).

Article 6 -

Obligation de communication de données et archives

L'article 84 du code minier dispose qu'à l'issue de chaque tranche de travaux et à la fin de l'exploitation et de l'arrêt des travaux, l'exploitant fait connaître les mesures qu'il envisage de mettre en oeuvre pour préserver les intérêts mentionnés à l'article 79 dudit code (notamment : impératifs de sécurité et de santé, solidité des édifices publics ou privés, environnement) et faire cesser, de façon générale, les séquelles, désordres et nuisances de toute nature générés par ces activités.

L'autorité administrative prescrit, en tant que de besoin, les mesures à exécuter et les modalités de réalisation qui n'auraient pas été suffisamment précisées ou qui auraient été omises par le déclarant. Le défaut de réalisation des mesures prévues entraîne leur exécution d'office par les soins de l'administration, aux frais de l'intéressé. La consignation des sommes nécessaires entre les mains du comptable public peut être exigée par l'autorité compétente.

En outre, l'article 44 du décret d'application n° 95-696 du 9 mai 1995 relatif à l'ouverture des travaux miniers et à la police des mines dispose que l'exploitant doit remettre à l'autorité préfectorale les plans des travaux et installations ainsi que le plan de surface correspondante, un mémoire exposant les mesures déjà prises et celles qu'il envisage de prendre pour assurer la protection des intérêts énumérés aux articles 79 et 79-1 du code minier, un bilan des effets des travaux et de l'évaluation des conséquences de leur arrêt, ainsi que la liste des mesures de compensation envisagées dans le domaine de l'eau.

Il doit également remettre un document relatif aux incidences prévisibles des travaux effectués sur la tenue des terrains de surface.

Il existe donc d'ores et déjà une obligation pour l'exploitant de communiquer à l'administration un certain nombre de documents indispensables pour assurer la connaissance et la prévention des risques miniers.

L'article premier de la proposition de loi n° 248 a pour objet de compléter cette obligation et de charger un organisme ad hoc -dont la création fait l'objet de l'article 2- de collecter les données concernées.


Il impose ainsi à l'exploitant de confier à cet organisme -nommé Agence de prévention et de surveillance des risques miniers- " l'ensemble de la cartographie minière, des relevés géologiques, des archives et de la documentation technique nécessaires à la connaissance et à la prévention des risques miniers ".

Cette obligation s'impose à l'exploitant dans deux cas :

- lorsqu'il perd la responsabilité de la concession, de l'exploitation ou de la maintenance d'installations minières ;

- avant sa disparition juridique.

Dans l'un ou l'autre de ces cas, la disparition de la capacité d'intervention opérationnelle de l'exploitant rend, en effet, indispensable que soient conservés l'ensemble des documents et archives nécessaires à la prévention.

L'objectif recherché est d'empêcher que les archives et données techniques ne disparaissent avec les exploitants ou à la fin de l'exploitation, ce qui est primordial dans la gestion de " l'après-mines " ainsi que dans un souci de transparence de l'information.

A l'occasion de certains incidents, il a pu être, en effet, constaté que la " mémoire " de la mine était insuffisante.

Votre commission vous propose d'adopter cet article.

Article 7 -

Bilan des affaissements et des risques miniers

L'article 84 du code minier prévoit qu'à l'occasion de la fin de chaque tranche de travaux ou dans le cadre de la procédure d'arrêt définitif des travaux, l'exploitant doit prendre (et peut, le cas échéant, se voir prescrire) les mesures nécessaires pour préserver notamment la sécurité et la salubrité publiques ainsi que le milieu environnant.

L'article 3 de la proposition de loi n° 248 tend à compléter et à préciser cette obligation , en imposant à l'exploitant d'établir un bilan des affaissements occasionnés par les travaux miniers et des risques de déstabilisation des terrains de surface liés aux vides laissés par l'exploitation.

Il précise que ce bilan doit concerner en particulier les zones où ces incidents ou risques posent le plus de problèmes, à savoir les zones habitées, urbanisées ou aménagées.

Votre commission vous propose d'adopter cet article , dont l'application permettra d'améliorer l'information et de faciliter la prévention des risques miniers.

Article 8 -

Coordination

Votre commission vous propose d'adopter cet article de coordination, qui tient compte de l'adoption de l'article précédent.

Article 9 -

Prolongation de la période d'application du régime de la police des mines

La procédure de l'article 84 du code minier, dans la rédaction adoptée par le législateur en 1994, comprend les étapes suivantes :

- l'exploitant ou l'explorateur fait connaître à l'autorité administrative, au plus tard au terme de la validité du titre minier, les mesures nécessaires à la préservation des intérêts protégés (visés à l'article 79) ou à la reprise éventuelle de l'exploitation ;

- l'autorité administrative, au vu de ces propositions et après consultation des communes concernées, en prend acte. Elle peut également compléter les mesures préconisées par l'exploitant par de nouvelles prescriptions ;

- à défaut de réalisation, l'autorité administrative peut exécuter d'office ces mesures aux frais de l'exploitant ou de l'explorateur, qui peut se voir imposer la consignation entre les mains d'un comptable public des sommes nécessaires à la réalisation des travaux. Cette disposition permet à l'autorité administrative d'imposer à l'exploitant l'exécution des mesures proposées ou prescrites même à l'expiration du titre minier, et même à défaut de déclaration de fin de travaux ou d'arrêt des installations par l'exploitant ;

- lorsque les travaux de sécurité ont été effectués, l'autorité administrative en donne acte à l'explorateur ou à l'exploitant.

Le dernier alinéa de l'article 84 dispose que le constat de réalisation des mesures prévues par l'exploitant ou prescrites par l'autorité administrative a pour effet de soumettre à nouveau le site au régime de droit commun, tant en matière de police que de responsabilité. Il met fin à l'exercice de la police spéciale des mines au profit de la police du maire.

Cependant, l'autorité administrative peut intervenir dans le cadre des dispositions de l'article 79 (lorsque sont en jeu la sécurité ou la salubrité publiques, l'atteinte à la solidité des édifices ou à l'environnement), jusqu'à l'expiration de la validité du titre minier .

Des incidents graves peuvent cependant surgir après cette date

L'autorité préfectorale n'est alors, on l'a dit, plus habilitée à intervenir au titre de la police des mines, seul le maire pouvant être amené à prendre les mesures qui s'avéreraient indispensables, au titre de la police municipale.

Mais, d'une part, la police municipale n'appréhende pas l'ensemble des intérêts actuellement protégés au titre de la police des mines ; d'autre part, ce mécanisme institue un transfert de responsabilités et de charges en direction des communes. Celles-ci n'ayant le plus souvent ni les moyens humains, ni les moyens financiers d'assumer de telles responsabilités, il peut en résulter une véritable impunité pour l'ancien exploitant et l'impossibilité concrète d'agir pour l'administration.

Enfin, de nombreuses concessions sont situées sous le sous-sol de plusieurs communes, ce qui rend difficile une action efficace des maires.

Au demeurant, le système de l'article 84 précité déroge aux règles qui existent dans les polices de l'environnement -que ce soit la police des installations classées, la police des déchets ou encore la police des eaux- pour lesquelles l'autorité préfectorale peut toujours demander à la personne concernée la mise en oeuvre des mesures complémentaires qui s'avèrent nécessaires pour assurer la défense des intérêts protégés par ces textes.

La police des mines est certes spécifique, mais il paraît souhaitable de la rapprocher, sur ce point, de ces législations.

Tel est l'objet de l'article 5 de la proposition de loi n° 248 qui propose de compléter le dernier alinéa de l'article 84 de façon à prévoir que l'autorité administrative pourra intervenir dans le cadre des dispositions de l'article 79 sus-mentionné pendant une période de cinquante ans au-delà de l'expiration du titre minier .

Votre commission vous propose d'adopter cet article.

Article 10 -

Gage

Cet article a pour objet de gager la perte de ressources résultant de la création de l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers sur le relèvement des taxes sur les tabacs.

Votre commission vous propose d'adopter cet article dans la rédaction prévue par la proposition de loi n° 248 (article 6).

*

* *

Sous le bénéfice des observations qui précèdent, votre commission, à l'unanimité, vous demande d'adopter la proposition de loi ci-après.

CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Proposition de loi relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière et à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation.

TITRE PREMIER

RESPONSABILITÉ EN MATIÈRE DE DOMMAGES

CONSÉCUTIFS À L'EXPLOITATION MINIÈRE


Article premier

I. - Après l'article 75-2 du code minier, il est inséré un article 75-3 ainsi rédigé :

" Art. 75-3. - Toute clause d'un contrat de mutation immobilière exonérant l'exploitant de la responsabilité des dommages liés à son activité minière est frappée de nullité d'ordre public. "

II. - En conséquence, l'article 17 de la loi n° 94-588 du 15 juillet 1994 modifiant certaines dispositions du code minier et l'article L. 711-12 du code du travail est abrogé.

III. - Les dispositions du présent article sont applicables, sauf décision de justice passée en force de chose jugée, pour les dommages survenus postérieurement au 15 juillet 1994, à tout contrat de mutation immobilière, quelle que soit la date de sa conclusion.

Article 2

Après l'article 75-2 du code minier, il est inséré un article 75-4 ainsi rédigé :

"Art. 75-4. - L'indemnisation des dommages immobiliers liés à l'activité minière présente ou passée doit correspondre à la remise en l'état de l'immeuble sinistré ou, si cela est impossible, à la valeur de reconstruction à neuf sans déduction pour vétusté. "

Article 3

Après l'article 75-2 du code minier, il est inséré un article 75-5 ainsi rédigé :

" Art. 75-5. - L'indemnisation des entreprises individuelles ou collectives immatriculées au registre du commerce ou au répertoire des métiers ou membres d'une profession libérale s'effectue par application des dispositions relatives à l'expropriation.

" Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions et les modalités d'application du présent article. "

Article 4

Au début du troisième alinéa de l'article 75-2 du code minier, après les mots : "Cet article s'applique" est inséré le mot : "également".

TITRE II -

PRÉVENTION DES RISQUES MINIERS APRÈS LA FIN DE L'EXPLOITATION

Article 5

Il est créé un établissement public de l'Etat dénommé "Agence de prévention et de surveillance des risques miniers", placé conjointement auprès des ministres chargés respectivement de l'industrie, de l'intérieur et du logement.

L'agence recueille et conserve, sous sa responsabilité, les documents mentionnés au deuxième alinéa de l'article 84. Elle les met à la disposition de toute personne ou collectivité concernée par la prévention ou la réparation des dommages liés à l'exploitation. L'agence participe à la préparation des mesures de prévention liées aux risques miniers.

L'agence est administrée par un conseil d'administration où sont représentés à parité les collectivités locales, les assemblées parlementaires, les services de l'Etat et les établissements publics concernés.

Un décret en Conseil d'Etat précise la composition de l'agence et détermine ses conditions de fonctionnement.

Article 6

Il est inséré, après le premier alinéa de l'article 84 du code minier, un alinéa ainsi rédigé :

"Lorsqu'il perd la responsabilité de la concession, de l'exploitation ou de la maintenance d'installations minières, ou bien avant sa disparition juridique, tout exploitant est tenu de confier à l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers, l'ensemble de la cartographie minière, des relevés géologiques, des archives et de la documentation technique nécessaires à la connaissance et à la prévention des risques miniers. "

Article 7

Il est inséré, après le deuxième alinéa de l'article 84 du code minier, un alinéa ainsi rédigé :

"De même, l'explorateur ou l'exploitant établit un bilan des affaissements miniers occasionnés par les travaux miniers, ainsi que des risques de déstabilisation des terrains de surface liés aux vides laissés par l'extraction des matériaux et les travaux miniers, notamment dans les zones habitées, urbanisées ou aménagées."

Article 8

Le début du troisième alinéa de l'article 84 du code minier est ainsi rédigé :

"Ces déclarations doivent être faites au plus tard... (le reste sans changement)."

Article 9

La dernière phrase du dernier alinéa de l'article 84 du code minier est ainsi rédigée :

"Toutefois, s'agissant des activités régies par le présent code, l'autorité administrative peut intervenir dans le cadre des dispositions de l'article 79 jusqu'à expiration de la validité du titre minier et pendant une période de cinquante ans au-delà de cette expiration."

Article 10

La perte de ressources résultant de l'article 2 ci-dessus est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575A du code général des impôts.

TABLEAU COMPARATIF
ANNEXE N° 1 -

PERSONNES ENTENDUES DANS LE CADRE DE L'EXAMEN DES PROPOSITIONS DE LOI RELATIVES AUX AFFAISSEMENTS MINIERS

Ces auditions se sont déroulées les mercredi 20 mai, mercredi 27 mai et mardi 9 juin 1998 .

I - Représentants de l'Administration

Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement

M. Jean-Pierre Henry, Directeur adjoint de la prévention des pollutions et des risques

M. Marcel Toulemont, Service chargé des risques naturels

Ministère de la Justice

M. Jean-Michel Sommer, Magistrat à l'administration centrale de la justice et chef du Bureau du droit immobilier à la Direction des Affaires civiles et du Sceau

M. Eric Alt, Magistrat à l'administration centrale de la justice

Secrétariat d'Etat à l'industrie

M. Guy Zacklad, Chargé de mission au Cabinet de M. Pierret

M. Bertrand de l'Epinois, Chef du Service des matières premières et du sous-sol

M. Paul Moissinac, Chef du bureau de la législation minière

DATAR

M. Olivier Moulin, Conseiller du Délégué

Mme Marie-Caroline Thery, Chargée de mission

BRGM

M. Michel Messin, Ingénieur

II - Entreprises

Mines de Potasse d'Alsace

M. Philippe Vecten, Président du Directoire

M. René Giovanetti, Directeur de l'Environnement et du Patrimoine

Fédération des Minerais et Métaux

M. Alain Colas, Président de la Chambre Syndicale des Industries minières

M. Gérard Jourdan, Délégué Général

Groupe Usinor

M. Roland Macrez , Directeur des affaires juridiques

M. Jean-Marie Schaak, Président-directeur général de LORMINES

Charbonnages de France

M. François Bertrand, Président du Directoire de CDF énergie, Directeur Général des Houillères du Bassin de Lorraine

M. Eric Dyèvre, Directeur financier et de la stratégie

III - Associations

Association des Communes minières de France

M. Jean-Pierre Kucheida, Député, Président de l'ACOM

Comité de défense des communes concernées par les affaissements miniers dans le bassin sidérurgique et ferrifère lorrain

Mme Colette Goeuriot, Présidente

M. Philippe Nachbar, Sénateur

M. Jean-Louis Péru, Groupement d'avocats interdisciplinaires associés

Mme Cascinelli, Maire de Moutiers

M. Olivier Tritz

ANNEXE N° 2 -


SCHÉMAS EXPLIQUANT LES PHÉNOMÈNES LIÉS À L'EXPLOITATION MINIÈRE
ANNEXE N° 3 -

EXEMPLE DE CLAUSE MINIÈRE
D'EXONÉRATION DE RESPONSABILITÉ




1 Procédure finale de fermeture d'une exploitation avant que la responsabilité n'en revienne à l'Etat.

2 On vise ici les ressources minières proprement dites (métaux de base, métaux précieux et minerais non métalliques), et non les minéraux industriels (granulats, craie, gypse, talc, etc.).

3 Voir le rapport de la Commission des affaires économiques (n° 216 - 1996-1997) présenté par notre collègue Jean Huchon, sur le projet de loi portant extension partielle et adaptation du code minier aux départements d'outre-mer.

4 Toute exploitation minière en sous-sol doit en permanence lutter contre les eaux d'infiltration provenant des niveaux aquifères supérieurs et des nappes profondes. Pour cela, l'eau est pompée dans les galeries et envoyée en surface : ce sont les eaux d'exhaure . Lorsque la mine n'est plus exploitée, les galeries et leurs réseaux électriques, d'aérage et de pompage, ne sont plus entretenus et le niveau de ces eaux remonte progressivement : c'est l'ennoyage.

5 Cette méthode a également été utilisée dans d'autres exploitations, comme les carrières de gypse d'Ile-de-France.

6 On trouvera un exemple d'une clause de ce type à l'annexe n 3 au présent rapport.

7 Voir l'exposé général (paragraphe I, B).

8 Principe établi par l'article 2 du code civil : " la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ".

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