C. UNE COMPOSITION ÉLARGIE À UNE MAJORITÉ DE MEMBRES N'APPARTENANT PAS À LA MAGISTRATURE

" Afin de permettre une approche plus ouverte de la gestion du corps judiciaire ", selon l'exposé des motifs, le projet de loi constitutionnelle prévoit que le Conseil supérieur de la magistrature comporte désormais une majorité de membres n'ayant pas qualité de magistrat, au sein d'une formation unique dont le nombre total de membres serait porté à 23 (contre 12 dans chaque formation actuellement).

1. Une nécessaire ouverture

L'ouverture ainsi réalisée à travers cet élargissement de la composition du Conseil supérieur de la magistrature apparaît comme la nécessaire contrepartie du renforcement proposé de ses pouvoirs.

En effet, le renforcement des garanties d'indépendance des magistrats comporterait des risques de dérives corporatistes si les magistrats demeuraient majoritaires au sein d'un Conseil supérieur de la magistrature aux pouvoirs accrus, ainsi que le montre l'exemple italien.

En effet, dans ce pays, le Conseil supérieur de la magistrature, doté de prérogatives particulièrement étendues et composé d'une forte majorité de magistrats, apparaît à bien des égards comme une instance d'" autogouvernement des juges " 7( * ) .

Or, ainsi que l'a fait observer M. René Rémond devant la commission des Lois de l'Assemblée nationale, la justice n'appartient pas plus aux magistrats que la santé aux médecins ou l'enseignement aux professeurs.

Une justice indépendante ne saurait donc être gérée par les seuls magistrats.

2. La nouvelle composition proposée

Le projet de loi constitutionnelle prévoit donc, dans cet esprit, une nouvelle composition du Conseil supérieur de la magistrature faisant place à un accroissement substantiel du nombre de personnalités n'appartenant ni à l'ordre judiciaire, ni au Parlement, qui passerait de trois à dix, la présence d'un conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'Etat étant en outre maintenue.

A ces personnalités extérieures à la magistrature s'ajouteraient dix magistrats du siège et du parquet élus (à comparer aux six magistrats actuellement présents dans chacune des deux formations).

La présidence et la vice-présidence du Conseil supérieur de la magistrature resteraient attribuées de droit au Président de la République et au garde des Sceaux, ce dernier pouvait suppléer le Président de la République, comme actuellement 8( * ) .

Les dix personnalités n'appartenant ni à l'ordre judiciaire ni au Parlement seraient désignées de la manière suivante : le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat et le Président du Conseil économique et social désigneraient chacun deux personnalités tandis que le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes désigneraient conjointement les deux dernières personnalités.

Le nombre de personnalités respectivement désignées par le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat serait donc porté de une à deux chacun.

L'intervention du Président du Conseil économique et social, également pour la désignation de deux personnalités, constituerait en revanche une innovation. Elle ne paraît pas revêtir la même légitimité que celle du Président de la République et des présidents des deux assemblées qui sont tous trois issus du suffrage universel et participent donc à l'exercice de la souveraineté nationale.

La désignation de deux autres personnalités par un choix conjoint du vice-président du Conseil d'Etat, du premier président de la Cour de cassation et du premier président de la Cour des comptes constituerait également une innovation originale.

Quant aux dix magistrats du siège et du parquet élus , ils devraient se partager, selon l'avant-projet de loi organique communiqué à votre commission, en six magistrats du siège et quatre magistrats du parquet. L'institution d'une formation unique aurait en effet comme conséquence indirecte une moindre représentation des magistrats du parquet qui sont démographiquement moins nombreux, alors que le système actuel des deux formations permet une représentation comparable du siège et du parquet (qui ont chacun six représentants en tout). Dans ces conditions, les différentes catégories hiérarchiques de magistrats du parquet pourraient-elles être représentées au sein de cette formation unique du Conseil supérieur de la magistrature ?

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