B. LES MESURES PROPOSÉES PAR LE GOUVERNEMENT : UNE AGGRAVATION DES PRÉLÈVEMENTS

Les mesures contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 tendent à ramener le déficit pour 1998 de 33 à 12 milliards de francs, soit une réduction de 21 milliards de francs qui se répartit entre trois types de mesures :

- des augmentations nettes de recettes : 14,5 milliards de francs

- des économies nettes sur les dépenses : 3,5 milliards de francs

- un report de la charge de la dette : 3 milliards de francs

Le solde prévisionnel pour 1998 s'analyse donc de la manière suivante :


En milliards de francs

Maladie + accident du travail


Vieillesse


Famille


Total

Solde tendanciel 1998

- 12,9

- 8,3

- 11,8

- 33

Solde prévisionnel 1998

- 5,1

- 4,3

- 2,6

- 12

1. Un alourdissement des prélèvements

Le présent projet de loi entraîne une aggravation des prélèvements sociaux à hauteur de 14,5 milliards de francs à travers sept mesures principales :

- le basculement cotisations assurance maladie/CSG : 4,6 milliards de francs ;

- un nouveau prélèvement sur l'épargne : 4,5 milliards de francs ;

- la majoration de cotisations (cotisation CRPCEN et employeurs et travailleurs indépendants) : 0,5 milliard de francs ;

- la taxe sur les contributions à la prévoyance : 0,5 milliard de francs ;

- la taxe sur les médicaments (vente directe et dépenses de promotion) : 0,6 milliard de francs ;

- la taxe sur les tabacs : 1,3 milliard de francs ;

- les recettes non reconductibles (excédents de la C3S et intégration de la CAMAVIC) : 2,5 milliards de francs.

a) Le basculement des cotisations d'assurance maladie sur la contribution sociale généralisée

Le basculement des cotisations d'assurance maladie sur la contribution sociale généralisée, prévu à l'article 3 du projet de loi ne sera pas une opération neutre .

Le rendement attendu de cette mesure est de 4,6 milliards de francs en 1998. En effet, la différence d'assiette conduit automatiquement, en dépit de l'ajustement des taux, à une aggravation du total des prélèvements.

Malgré des demandes réitérées, votre commission n'a pu obtenir aucune précision sur les modalités de ce chiffrage.

Les informations disponibles se limitent à l'estimation de la valeur en 1997 des points de cotisations maladie et des points de CSG maladie figurant dans le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

Valeur du point des cotisations maladie en 1997

(en millions de francs)

Cotisations maladie

1997

Valeur de point

PLFSS (1)

Arrêté de réparitition

Nouvelle estimation

Année pleine

TOTAL

37.859

37.643

37.526

Revenus d'activité

30.392

30.125

30.078

Revenus de remplacement/transfert

7.467

7.517

7.447

Année réelle (2)

TOTAL

34.354

34.487

34.506

Revenus d'activité

27.509

27.568

27.682

Revenus de remplacement/transfert

6.845

6.829

6.823

Source : Direction de la sécurité sociale

(1) Ces données n'ont pas été modifiées dans la LFSS pour 1997

(2) Hors DOM

Valeur du point de la CSG maladie

(en millions de francs)

CSG maladie

1997

Valeur de point

PLFSS

LFSS

Arrêté de répartition

Nouvelle estimation

Année pleine (1)

TOTAL

44.628

44.543

44.583

44.484

Revenus d'activité

31.196

31.196

31.213

31.721

Revenus de remplacement/transfert

8.445

8.445

8.466

8.283

Revenus du capital

4.588

4.588

4.588

4.257

Revenu sur les gains des jeux

400

315

315

222

Année réelle (1)

TOTAL

40.932

40.854

40.865

40.350

Revenus d'activité

28.253

28.253

28.278

28.767

Revenus de remplacement/transfert

7.741

7.741

7.727

7.497

Revenus du capital

4.572

4.572

4.572

3.883

Revenus sur les gains des jeux

367

289

289

203

Source :Commission des comptes de la sécurité sociale

(1) Hors DOM

Le rapport de l'Assemblée nationale 4( * ) avance que " l'opération devrait donc se traduire par un gain net d'environ 4,5 milliards de francs, si on se fonde sur les chiffres retenus par la Commission des comptes de la sécurité sociale et sur une extrapolation de la situation de 1996. "

Cette estimation, légèrement en deçà de celle du Gouvernement reste prudente dans sa formulation.

Les masses financières qui se croisent du fait de ce basculement massif sont de l'ordre de 160 milliards de francs en perte de cotisations, d'une part, et en accroissement de la CSG, d'autre part, soit au total plus de 300 milliards de francs. Le produit net attendu de cette opération, soit 4,5 milliards de francs est probablement équivalent à la marge d'erreur (1,4 %) que comporte nécessairement une " extrapolation de la situation de 1996 ".

Il n'est guère étonnant que le rapport précité 5( * ) , tentant de " tirer un bilan d'ensemble des incidences financières " non seulement de l'article 3 (basculement des cotisations) mais également des articles 2 (en principe neutre si l'on croit son exposé des motifs), 6 (majoration des prélèvements sociaux sur les produits du patrimoine) et 10 (majoration du taux de la taxe sur les contributions de prévoyance), estime que " l'effet global serait de + 3,4 milliards de francs pour la sécurité sociale " pour conclure que ces chiffres sont " très légèrement différents de ceux qui sont retenus par le Gouvernement à l'appui du projet ".

Force est de constater qu'une réponse claire n'est pas apportée à l'évaluation des recettes attendues pour la CNAMTS, mesure pourtant d'une ampleur exceptionnelle.

On mesure a fortiori les difficultés lorsqu'il s'agit d'évaluer l'impact de ce transfert sur la situation des différentes catégories d'assurés sociaux.

b) De nouvelles taxes

Le plan de financement de la sécurité sociale pour 1998 institue, par ailleurs, deux nouvelles taxes et augmente le taux de deux taxes plus anciennes. Il s'agit de:

- la taxe sur le tabac , au taux de 2,5 % et dont le rendement en année pleine est estimé à 1,3 milliard de francs. Ce produit sera affecté à la CNAMTS ;

- la contribution sur la vente en gros de spécialités pharmaceutiques dont le taux est fixé à 6,63 % et qui est assise sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France auprès des pharmacies d'officine, des pharmacies mutualistes et des pharmacies de sociétés de secours minières. D'un rendement de 300 millions de francs, ce produit sera également affecté à la CNAMTS ;

- l'augmentation du taux de la taxe assise sur les dépenses de promotion des laboratoires . Les taux de cette taxe pourront varier de 9 % à 20 %. Le rendement de cette mesure, destinée à financer le CNAMTS, devrait avoisiner 300 millions de francs ;

- l'aggravation de la taxe sur les contributions des entreprises au financement de prestations complémentaires de prévoyance dont le taux est porté de 6 % à 8 %. Instituée par l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 portant mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale, cette taxe devrait voir son rendement accru de 500 millions de francs au profit de la CNAVTS.

c) La majoration des contributions sociales

Le projet de loi procède à une majoration de certaines contributions.

Ainsi, l'article 4 du projet de loi prévoit le déplafonnement des cotisations personnelles d'allocations familiales des employeurs et travailleurs indépendants .

Même si le plafonnement ne concerne que 0,5 point de cotisation, le prélèvement supplémentaire s'élève à près de 300 millions de francs par an. Le plafonnement avait toujours été maintenu avec même un allégement progressif du taux au-dessus du plafond pour éviter des prélèvements trop disproportionnés avec les dépenses susceptibles d'être engagées par les assujettis. Le Gouvernement accroît cette charge sans aucune compensation.

De même, l'article 6 du projet de loi prévoit l'alignement de l'assiette des prélèvements affectés à la CNAF et à la CNAVTS sur celle de CSG . Le prélèvement de 1 % destiné à la CNAF est actuellement assis sur les produits des placements à revenu fixe soumis à prélèvement libératoire. Celui affecté à la CNAVTS, également au taux de 1 %, a une assiette plus large puisqu'il est assis à la fois sur les produits des placements à revenu fixe soumis à prélèvement libératoire et sur les revenus du patrimoine.

Cette disposition est sensée assurer une ressource supplémentaire de 4,5 milliards de francs dès 1998, soit 3,2 milliards de francs à la CNAF et 1,3 milliard de francs à la CNAVTS. Sachant que le produit de ces prélèvements en 1997 s'est élevé à 3,5 milliards de francs, l'augmentation ainsi prévue avoisine 130 %.

d) Les mesures diverses

Enfin, il convient de relever la mise en place de diverses mesures ayant pour seul objet d'augmenter les ressources du régime général.

Entre d'abord dans cette catégorie la modification du régime de la compensation bilatérale maladie entre le régime général et celui des clercs et employés de notaires ( CRPCEN ). Sous prétexte d'alignement des règles de compensation bilatérale maladie sur le droit commun, l'article 12 du projet de loi accroît la charge des transferts versés par ce régime d'environ 210 millions de francs. Or, l'argument d'équité masque une préoccupation d'abord financière, liée à la volonté de réduire le déficit de la branche maladie pour 1998.

L'utilisation des réserves de la contribution sociale de solidarité des sociétés , la C3S, prévue à l'article 11, s'inscrit dans la même logique. Le " siphonnage " du produit de cette contribution ne date certes pas du présent Gouvernement. Il ne s'est guère passé d'années, au cours de la présente décennie, où le régime de celle-ci n'a pas été modifié, en raison notamment de son fort rendement, surtout depuis 1995 où son assiette a été élargie. Ainsi, les encaissements de C3S se sont élevés à 15,1 milliards de francs en 1996 et à 15,5 milliards de francs en 1997. Fin 1997, les réserves de C3S sont estimées à 2,6 milliards de francs.

L'utilisation de ces réserves au profit du régime général à hauteur de 2,2 milliards de francs (soit 1 milliard de francs à la branche maladie et 1,2 milliard de francs à la branche vieillesse) soulève de vives réserves :

- d'une part, cette contribution a été créée en 1970 pour les régimes de non salariés (elle est prélevée sur les sociétés dont le chiffre d'affaires hors taxe est au moins égal à 5 millions de francs), afin de compenser les conséquences, pour les régimes de protection sociale des travailleurs non salariés non agricoles, de la transformation des entreprises individuelles en sociétés et le choix du statut de salariés par les dirigeants. L'article 11 modifie profondément la philosophie de cette contribution ;

- d'autre part, ce prélèvement prive les régimes, actuellement bénéficiaires, de la possibilité de constituer des réserves afin de faire face à la dégradation inéluctable de leurs comptes à partir de la prochaine décennie. C'est donc " une vision à court terme " qui aura des conséquences lourdes ;

- enfin, si le rendement de la C3S fait apparaître des excédents, la solution devrait être de le diminuer en abaissant soit le taux, soit l'assiette de cette contribution. Ainsi, si on ramenait son taux à 0,1 %, au lieu de 0,13 %, le rendement de cette contribution serait réduit de 2,3 milliards de francs -soit le montant que l'article 11 prévoit de transférer au régime général.

Au total, votre commission des Affaires sociales constate que, si l'évolution spontanée des recettes du régime général était de + 3,4 % 6( * ) en raison de l'amélioration de la conjoncture économique, les mesures d'aggravation des prélèvements contenues dans le projet de loi portent cette évolution à + 4,7 %.

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