3. Un ciblage préoccupant sur les familles, les épargnants et les professions libérales

Votre commission des Affaires sociales est donc conduite à un triple constat.

a) L'aggravation des prélèvements porte massivement sur l'épargne

Outre les effets du basculement de la CSG et de l'alignement de l'assiette des prélèvements 1 % CNAF et CNAVTS sur celle de la CSG qui ont été rappelés ci-dessus, il faut tenir compte des nombreuses dispositions pénalisantes contenues dans le projet de loi de finances pour 1998.

Le tableau ci-après précise l'aggravation du prélèvement sur chaque type de produits. Sur les produits d'épargne les plus populaires qui sont exonérés fiscalement, les prélèvements sociaux passent ainsi de 3,9 % à 10 %. Une telle évolution, particulièrement brutale, ne saurait être sans effet quant au comportement et aux arbitrages des agences économiques.

Les plus favorisés mettront à profit les facilités qu'offre une économie ouverte. Les autres opteront pour la rémunération garantie et nette de tout prélèvement et la totale liquidité du livret A.



LES PRÉLÈVEMENTS SUR LES REVENUS DE L'ÉPARGNE
(PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 ET PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1998)

RÉGIME ACTUEL

MODIFICATIONS PFLSS + PLFI

Prélèvement fiscal

Prélèvement social

Total

Prélèvement fiscal

Prélèvement social

Total

Prélèvement CNAVTS

1 %

CSG

7,5 %

Plus-values sur titres

16 %

CSG

3,4 %

20,9 %

16 %

CRDS

0,5 %

26 %

CRDS (non déductible)

0,5 %

Prélèvements " fusionnés "

2 %

4,9 %

10 %


15 % (ou barème

Prélèvement CNAVTS et CNAF

1 % +
1 %


15 % (ou barème


CSG


7,5 %

Revenus d'obligations

sur option, voir

CSG

3,4 %

20,9 %

sur option, voir

CRDS

0,5 %

25 %

dividendes)

CRDS

0,5 %

dividendes)

Prélèvements " fusionnés "

2 %

5,9 %

10 %

Prélèvement CNAVTS

1 %

CSG

7,5 %


Dividendes

Barème (après abattement

CSG (1 point déductible)


3,4 %


Barème

Barème (après abattement

CRDS

0,5 %


Barème

8 et 16.000 F)

CRDS

0,5 %

+ 5,9 %

8 et 16.000 F)

Prélèvements " fusionnés "

2 %

+ 11 %

+ 1 %

4,9 %

+ 1 %

(dont 5,1 % déductibles)

10 %

CSG

3,4 %

7,5 % > 8 ans

CSG

7,5 %

7,5 %

Assurance-vie

CRDS (non déductible)

0,5 %

Exo en cas

(lorsque retrait >

CRDS

0,5 %

en cas de

Exonération > 8 ans

de sortie

30.000 F)

Prélèvements " fusionnés "

2 %

sortie

+ 3,9 %

10 %

+ 10 %

CSG

3,4 %

CSG

7,5 %

Epargne logement

Exonération

CRDS (non déductible)

0,5 %

3,9 %

Exonération

CRDS

0,5 %

10 %

Prélèvements " fusionnés "

2 %

10 %

CSG

3,4 %

CSG

7,5 %

PEA

Exonération > 5 ans

CRDS (non déductible)

0,5 %

3,9 %

Exonération > 5 ans

CRDS

0,5 %

10 %

Prélèvements " fusionnés "

2 %

10 %

CSG

3,4 %

CSG

7,5 %

PEP

Exonération > 8 ans

CRDS (non déductible)

0,5 %

3,9 %

Exonération > 8 ans

CRDS

0,5 %

10 %

Prélèvements " fusionnés "

2 %

10 %

Prélèvement CNAVTS

1 %

CSG

7,5 %

CSG

3,4 %

Barème

CRDS

0,5 %

Barème

Revenus fonciers

Barème

CRDS (1 point déductible)

0,5 %

+ 4,9 %

Barème

Prélèvements " fusionnés "

2 %

+ 10 %

4,9 %

(dont 5,1 % déductibles)

10 %

b) La quasi-totalité des efforts d'économie porte sur la branche famille

L'approche retenue par le Gouvernement en matière de politique familiale apparaît très idéologique.

Les mesures susmentionnées, rendues publiques lors de la déclaration de politique générale du Gouvernement du 19 juin 1997 et au cours du mois de septembre dernier, n'ont fait l'objet d'aucune consultation préalable , notamment auprès des associations familiales ou de la CNAF.

L'annonce faite, il y a quelques jours à l'Assemblée nationale, par Mme Martine Aubry, d'une remise à plat de la politique familiale ne fait qu'accentuer l'impression d'improvisation dans ce domaine de la part du Gouvernement. En donnant, volontairement ou involontairement, l'impression de mettre en place un dispositif " transitoire " ou du moins " renégociable ", le Gouvernement accrédite l'idée selon laquelle ces décisions ont été arrêtées sans réelle évaluation préalable .

L'impact de ces mesures se conjugue de surcroît avec les effets des dispositions prévues dans le projet de loi de finances pour 1998 , à savoir la diminution du plafond de la réduction d'impôt pour les emplois familiaux et la suppression de la demi-part de quotient familial pour les personnes ayant élevé seules un enfant et ayant des revenus supérieurs à un certain plafond. Le gain attendu pour le budget de l'Etat de ces deux mesures était initialement de 3,9 milliards, soit autant de ressources retirées aux familles.

Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, la branche famille apparaît comme celle à laquelle le Gouvernement impose le plus d'efforts. Alors que la branche famille représente moins d'un cinquième des dépenses du régime général, elle devrait contribuer pour près de la moitié à l'effort de réduction du déficit pour 1998 .

Le souci légitime d'équilibrer les comptes de la branche famille doit conduire à une analyse objective de l'ensemble des causes de son déficit. C'est à juste titre que le président de la CNAF évoque " le poids de la minoration des recettes et de l'aggravation des charges intervenues tout au cours de l'histoire de la Branche en fonction de ses excédents ". Il est nécessaire aujourd'hui d'amorcer une classification de ses relations financières avec l'Etat et d'alléger les charges indues, car étrangères à sa mission, qui pèsent sur ses comptes.

c) Les professions libérales apparaissent également particulièrement pénalisées

En premier lieu, le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances pour 1998 comportent une série de mesures qui se traduisent par un relèvement des prélèvements obligatoires sur les professions libérales de l'ordre de 2,5 milliards de francs, compte non tenu de la prolongation pour cinq ans de la contribution au remboursement de la dette sociale. La décomposition des 2,5 milliards de francs est la suivante :

ACCROISSEMENT DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
SUR LES PROFESSIONS INDÉPENDANTES

Millions de Francs

1. Substitution de 4,1 points de CSG aux cotisations maladie (article 3)

- revenus d'activité

néant

- retraites

430

- revenus du patrimoine

943

Sous-total

1.373

2. Déplafonnement résiduel de la cotisation personnelle d'allocations familiales (article 4)


300

3. Harmonisation de l'assiette des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les revenus de placement de 1 % (article 6)


225

4. Suppression de la prise en charge par l'Etat de 30 % de la cotisation maladie pour les créateurs d'entreprise


600

Total

2.493

1°) Selon la CANAM, pour les dirigeants d'entreprises artisanales , industrielles, commerciales et libérales, la substitution de 4,1 points de CSG aux cotisations d'assurance maladie conduit, compte tenu de la distribution des revenus propres à ce groupe professionnel, à un relèvement des prélèvements obligatoires maladie des professions libérales de près de 800 millions pour 215.300 actifs. Ces mêmes actifs supporteront simultanément le déplafonnement résiduel de la cotisation personnelle d'allocations familiales.

Par ailleurs, la loi de finances pour 1998 supprime la prise en charge par l'Etat de 30 % de la cotisation maladie des créateurs d'entreprise . La combinaison de la baisse des cotisations maladie, de la hausse de la CSG et de la suppression de la prise en charge par l'Etat conduit à un relèvement net des prélèvements obligatoires maladie à la charge des créateurs d'entreprise de 22 % pour un revenu annuel de 49.400 F et de 35 % pour un revenu annuel de 65.900 francs.

Votre commission considère que cette pénalisation brutale des créateurs d'entreprise est particulièrement inopportune à un moment où tout doit être mis en oeuvre pour le développement de l'emploi. Il convient de rappeler qu'en 1996, la CANAM a accueilli 250.000 créateurs d'entreprises.

2°) Par ailleurs, pour les retraités indépendants, commerçants, artisans, professions libérales , le relèvement de la CSG ne peut pas être compensé par une réduction à due concurrence du taux du précompte maladie sur retraites puisque celui-ci n'est que de 2,4 %.

Ceci conduit donc à une baisse du pouvoir d'achat de 0,4 point sur les retraites de base et de 2,8 points sur les retraites complémentaires qui n'étaient pas jusqu'à présent assujetties au précompte maladie.

La réduction du pouvoir d'achat des retraités commerçants et artisans, qui perçoivent des retraites dont le montant moyen figure parmi les plus faibles des différentes catégories socioprofessionnelles , sera d'autant plus mal perçue que le projet de loi de financement de la sécurité sociale prélève 1,2 milliard de francs sur le produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés destiné jusqu'à présent aux seules professions indépendantes, pour les affecter au régime général.

Ainsi, par exemple, les retraités artisans devraient enregistrer un prélèvement supplémentaire de 72 millions de francs (30 millions de francs sur le régime de base et 42 millions de francs sur le régime complémentaire), soit un accroissement du prélèvement d'environ 19 % pour les retraités non exonérés de CSG, c'est-à-dire la moitié des retraités artisans .

3°) Enfin, pour les actifs des professions libérales, le basculement a un triple impact négatif :

- les professions libérales imposées sur leurs bénéfices non commerciaux (BNC) ne bénéficient pas de l'abattement de 5 % pour frais professionnels accordé aux salariés ;

- elles réintègrent dans l'assiette de la CSG un montant de cotisations sociales supérieur à celui que réintègrent les salariés. Les taux de cotisations sont, en effet supérieurs, soit 11,4 % jusqu'au plafond de la sécurité sociale et 9 % au-delà. Même en cas de baisse de la cotisation maladie, l'assiette de CSG reste toujours plus importante pour ces professions ;

- au-delà d'un revenu professionnel de cinq fois le plafond de la sécurité sociale, soit 823.000 francs, le travailleur non salarié perd, en cas de basculement de la cotisation maladie, le bénéfice du plafonnement . Or, celui-ci a été constitué pour tenir compte de la nature hybride des bénéfices non commerciaux qui ne représentent pas seulement la rémunération des intéressés, mais également leur capacité d'investissements.

Votre commission considère, faute d'obtenir des précisions sur les compensations qui seront mises en place pour ces professions, que l'ensemble de ces mesures constituent une rupture d'égalité devant l'impôt.

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