C. LA RÉFLEXION SUR L'AVENIR DE NOTRE SYSTÈME DE RETRAITE DOIT ÊTRE POURSUIVIE

Il faut dès à présent définir une position quant à la finalité du régime d'assurance veuvage, songer aux moyens de consolider la retraite par répartition et prendre des décisions quant à l'avenir des fonds de pension. Sur tous ces sujets, votre rapporteur ne peut qu'appeler à une reprise rapide de la réflexion et de la concertation.

1. La finalité de l'assurance veuvage doit être réexaminée

L'assurance veuvage garantit au conjoint d'un assuré relevant du régime général ou du régime des salariés agricoles et ayant élevé ou ayant à sa charge au moins un enfant une allocation veuvage dégressive dans le temps, dès lors que ses ressources sont inférieures à un plafond de 3481 francs par mois, allocation comprise. Elle repose sur une cotisation de 0,10 % à la charge des salariés portant sur l'ensemble du salaire. L'allocation veuvage est versée pendant trois ans après le décès du conjoint ; cette durée est portée à cinq ans si le bénéficiaire était âgé de plus de cinquante ans au moment du décès du conjoint.

L'allocation est versée selon un mécanisme dégressif : son montant est de 3.073 F par mois la première année, 2.019 F par mois la deuxième année, 1.537 F par mois de la troisième à la cinquième année.

Dès la deuxième année, cette allocation est donc inférieure au RMI, auquel les personnes veuves peuvent par ailleurs prétendre. Votre rapporteur juge cette situation anormale : il estime que l'allocation veuvage est une prestation de sécurité sociale, correspondante à un droit acquis après cotisation. Elle ne devrait donc pas être inférieure au RMI, prestation d'aide sociale qui relève d'une toute autre logique.

En outre, l'assurance veuvage dégage un solde systématiquement excédentaire de 1,5 milliard environ. Ce solde vient diminuer le déficit de la branche vieillesse. En 1997, les dépenses devraient être de 431 millions de francs pour un montant de cotisations de 2.014 millions de francs, soit un excédent de 1.583 millions de francs.

Pourtant, le deuxième alinéa de l'article L. 251-6 du code de la sécurité sociale prévoit que les " excédents du fonds national d'assurance veuvage constatés à l'issue de chaque exercice sont affectés en priorité à la couverture sociale du risque de veuvage ". Cette disposition n'a jamais eu de réelle portée pratique.

Votre rapporteur estime qu'il est temps d'utiliser l'excédent de ce fonds pour améliorer la situation des veufs et des veuves.

Les problèmes rencontrés par les veuves et les veufs appellent une réflexion plus générale sur la question des droits dérivés. Le risque veuvage est en effet aussi couvert par l'assurance vieillesse dans le cadre de la pension de réversion attribuée au conjoint survivant.

Le taux de calcul des pensions de réversion a été porté de 52 % à 54 % par le Gouvernement de M. Edouard Balladur, le 1 er janvier 1995. Dans un bilan publié en décembre 1996 4( * ) , la CNAVTS a tiré les premiers enseignements de cette augmentation : 27,8 % des retraités de droit dérivé ont tiré profit de cette augmentation dont le coût a été, en 1995, de 537 millions de francs. Le passage éventuel et progressif de 52 % à 60 % aurait un coût annuel de 2,2 milliards de francs.

Dans les circonstances actuelles, une augmentation du taux de la réversion n'est donc pas envisageable. Le coût serait trop élevé pour les régimes d'assurance vieillesse. Il n'en reste pas moins qu'un passage progressif vers le taux de 60 % est un objectif souhaitable.

2. L'avenir de notre système de retraites passe par une consolidation de la répartition et un développement maîtrisé de la capitalisation

Il convient tout d'abord de préciser que l'augmentation du coût des retraites pour la collectivité témoigne de l'allongement de la durée de la vie humaine, qui est, à ce rythme, une nouveauté absolue dans l'histoire de l'Humanité. On ne saurait à ce titre le déplorer.

a) La consolidation de la retraite par répartition

Votre rapporteur souhaite affirmer solennellement que la retraite par répartition doit rester le socle de notre système d'assurance vieillesse.

La période la plus faste des régimes de répartition est sans doute révolue, ce qui ne signifie pas que le système mis en place à la Libération n'ait pas rempli l'essentiel de sa mission. Il faut désormais réfléchir aux mesures qui permettront d'assurer sa pérennité.

A défaut de solution miracle, et pour préserver un système fondé sur la contributivité de chacun et la mutualisation des risques sociaux, différents leviers sont disponibles sur lesquels il est possible d'agir simultanément. Ils ont des effets plus ou moins différés dans le temps, mais leur utilisation doit résulter de choix politiques, qu'ils soient effectués par les pouvoirs publics ou par les partenaires sociaux.

Votre rapporteur souhaite simplement rappeler ici quelles sont ces différentes possibilités théoriques :

- l'action sur les ressources : augmentation des cotisations, élargissement de l'assiette ;

- le ralentissement des charges : modification du mode de revalorisation des retraites et de la législation sur les droits dérivés ;

- modification de la frontière entre périodes de constitution et de jouissance des droits : âge de la retraite, durée de cotisation.

b) Le développement maîtrisé de la retraite par capitalisation

La loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite ouvre la voie à l'instauration en France de fonds de pension et d'un dispositif facultatif de retraite par capitalisation. Les décrets d'application de cette loi n'ont pas encore vu le jour et il est douteux qu'il paraissent prochainement.

En réponse à une question de votre rapporteur, Mme Martine Aubry, Ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a indiqué, lors de son audition par la commission des Affaires sociales du Sénat le 4 novembre 1997, qu'elle n'entendait pas donner suite à cette loi avant d'avoir entrepris une réflexion d'ensemble sur l'avenir des régimes de retraite.

La loi du 25 mars 1997 semble donc ne jamais devoir entrer en vigueur.

Votre rapporteur le regrette. Il considère qu'il s'agissait là pourtant d'une initiative intéressante. Il rappelle qu'il est favorable au principe des fonds de pension, même si ceux-ci ne doivent en rien porter atteinte au principe de la retraite par répartition.

Votre rapporteur considère que la retraite par capitalisation est un complément indispensable à la répartition.

Il ne faut cependant pas croire que les fonds de pension constituent pour autant un remède miracle aux problèmes que connaîtront nos régimes de retraite. Comme le montre l'exemple des pays anglo-saxons, la crise des finances publiques oblige les gouvernements à réduire les avantages fiscaux dont jouissent les fonds de pension, tout en imposant des obligations nouvelles de transférabilité et de portage des droits pour tenir compte de la plus grande mobilité qui caractérise aujourd'hui le marché du travail.

De plus, la montée en charge d'un régime de capitalisation n'est que très progressive. Dans les circonstances actuelles de tables de mortalité et de taux d'intérêt, on peut estimer que pour faire face à une baisse du taux de remplacement des régimes en répartition de 1% à 60 ans, il faudrait consacrer 1% de son salaire en capitalisation à partir de 42 ans. 1% de ce salaire rapporterait 2,54% de taux de remplacement si l'effort en capitalisation était entrepris dès l'âge de 20 ans, mais seulement 0,26% si cet effort ne débutait qu'à 55 ans.

Enfin, la constitution des fonds de pension ne doit pas se faire au détriment des régimes de retraite par capitalisation. En particulier, les fonds de pension ne peuvent servir de prétexte à des versements de salaires différés qui se substitueraient aux salaires immédiats, privant ainsi les régimes de retraite par répartition des cotisations sociales dont ils ont besoin.

Mais, au total, votre rapporteur considère que l'expérience des fonds de pension, telle qu'engagée par la loi du 25 mars 1997 devrait être poursuivie. Il est en outre choquant que le Gouvernement, sans ouvrir un débat au Parlement sur une modification ou une abrogation de ce texte, bloque l'application de la loi en s'abstenant de prendre les décrets d'application.

La loi du 25 mars 1997 créant les plan d'épargne retraite

Elle crée des plans d'épargne-retraite (PER) au bénéfice des salariés du secteur privé (14 millions de personnes). Les PER seront créés après accord patronat-syndicats au niveau de l'entreprise ou de la branche professionnelle (faute d'accord après six mois de négociations, le chef d'entreprise pourra proposer directement aux salariés de cotiser à un plan ; en l'absence de proposition de son employeur un an après l'entrée en vigueur de la loi, un salarié pourra adhérer à un fond existant).

L'employeur pourra abonder le PER en versant jusqu'à quatre fois les sommes souscrites par le salarié. Il sera exonéré de cotisations sociales sur ses versements jusqu'à 85 % du plafond de la Sécurité sociale (soit aujourd'hui 140.000 francs par an). Le salarié, lui, pourra déduire ses cotisations de son revenu imposable dans la limite de 5 % de son revenu brut ou de 20 % du plafond de la sécurité sociale (soit actuellement 33.000 francs par an). Il aura aussi le droit de transférer ses droits d'un plan à un autre une fois au cours de sa vie et après un délai minimum de dix ans.

Les plans ne serviront pas de " prestations définies " (c'est-à-dire liées au montant dû ou des derniers salaires) : à la retraite, le salarié touchera une rente viagère, calculée sur la base de ses versements et des performances financières du fonds auquel il aura cotisé. La rente sera soumise à l'impôt sur le revenu et susceptible de réversion, sachant toutefois que le souscripteur devra prendre une contre-assurance décès s'il souhaite qu'un descendant en ligne directe puisse avoir droit à son PER si lui-même meurt avant la retraite.

Le retraité aura la possibilité de récupérer jusqu'à 20 % des sommes versées sous forme de capital plafonné à 75 % du plafond de la sécurité sociale (soit aujourd'hui 123.000 francs).

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