EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Gouvernement a décidé de présenter, selon la procédure d'urgence, un projet de loi modifiant le mode de scrutin pour les élections régionales et renforçant -pour la période nous séparant des prochaines élections régionales (2004)- le dispositif mis en place par la loi n° 98-135 du 7 mars 1998 concernant le fonctionnement des conseils régionaux et plus particulièrement la procédure d'adoption du budget.

Votre commission des Lois s'était déjà préoccupée de la réforme éventuelle du mode de scrutin pour les élections régionales, fixé par la loi n° 85-692 du 10 juillet 1985, la représentation proportionnelle ne permettant pas l'émergence de majorités stables dans toutes les régions.

A la suite d'une suggestion de notre collègue, M. Guy Allouche, approuvée par M. le président Jacques Larché, votre commission des Lois avait constitué un groupe de travail sur le mode de scrutin régional, présidé par M. Lucien Lanier et auquel tous les groupes politiques avaient participé.

Votre rapporteur avait eu l'honneur d'être désigné comme rapporteur de ce groupe de travail, dont la réflexion s'est appuyée sur de nombreuses auditions.

Dans ses conclusions, approuvées à l'unanimité le 28 mai 1996 1( * ) , le rapport du groupe de travail faisait valoir que " le mode de scrutin régional est lui-même trop récent -dix ans- pour qu'on puisse en tirer des enseignements définitifs. Dans ces conditions, il peut sembler préférable d'attendre les résultats des élections régionales de 1998 afin de vérifier ses effets réels avec un recul plus significatif ".

Le groupe de travail faisait observer qu'" une telle réforme supposerait un large consensus, lequel ne paraît pas susceptible d'être réuni d'ici fin 1996, date au-delà de laquelle il ne sera plus envisageable de modifier le régime actuel, compte tenu de l'approche des élections régionales de 1998 ".

Loin de s'opposer par principe à toute idée de réforme du mode de scrutin pour les élections régionales, le groupe de travail de la commission des Lois avait esquissé les principes qui pourraient guider celle-ci, le moment venu.

Le groupe de travail avait estimé impératif de maintenir le cadre départemental et considéré que l' attribution d'une " prime majoritaire " modérée pour la liste arrivée en tête ne pourrait être envisagée qu'avec circonspection et sous réserve de projections probantes.

Il avait recommandé de ne pas modifier les autres caractéristiques du scrutin, notamment le seuil de 5 % pour la répartition des sièges qui permet d'assurer la représentation des minorités au sein du conseil régional.

En revanche, à aucun moment le groupe de travail n'avait envisagé l'instauration d'une procédure d'adoption sans vote du budget de la région dont votre rapporteur avait dénoncé les effets prévisibles sur le fonctionnement des conseils régionaux lors de l'examen de la loi du 7 mars 1998 précitée.

En dépit des difficultés apparues lors de la mise en oeuvre de ce dispositif complexe dans les régions Centre et Ile-de-France, le présent projet de loi propose de l'étendre à d'autres délibérations que celles portant sur le budget primitif et de le compléter par une nouvelle procédure de " vote bloqué ", inédite dans le droit des collectivités territoriales.

L'urgence déclarée par le Gouvernement sur ce texte ne peut évidemment pas être motivée par la réforme d'un mode de scrutin à l'échéance lointaine. La déclaration d'urgence semble plutôt fondée sur les dispositions du projet concernant le mode de fonctionnement des conseils régionaux.

Le présent rapport s'attachera à évaluer les difficultés de fonctionnement des conseils régionaux avant de décrire le dispositif adopté par l'Assemblée nationale et de rendre compte des travaux de la commission des Lois.

I. LES DIFFICULTÉS DE FONCTIONNEMENT DES CONSEILS RÉGIONAUX

A. L'ABSENCE DE MAJORITÉ STABLE DANS CERTAINS CONSEILS RÉGIONAUX

Le mode de scrutin en vigueur a été défini par la loi du 10 juillet 1985 précitée.

Les conseils régionaux sont renouvelés intégralement tous les six ans et leur effectif a été actualisé après le recensement de 1990 par la loi n° 91-1384 du 31 décembre 1991 (tableau n° 7 annexé au code électoral).

Les conseillers régionaux sont élus au scrutin de liste à un seul tour, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.

Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation sur chaque liste mais celles qui n'ont pas recueilli au moins 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.

Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages.

En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être élus.

En 1986, quatorze présidents de conseils régionaux (sur vingt-deux en métropole) avaient pu être élus au premier tour, en bénéficiant d'une majorité absolue des suffrages.

En 1992, deux présidents de conseils régionaux seulement ont été élus à la majorité absolue et quatre régions bénéficiaient d'une majorité homogène (Auvergne, Basse-Normandie, Franche-Comté et Pays-de-Loire).

Les autres conseils régionaux ont été contraints de rechercher des majorités à partir d'accords avec un ou plusieurs groupes charnières très minoritaires, ces derniers jouant ainsi un rôle d'arbitre et exerçant une fonction-clé sans rapport avec leur représentativité réelle.

A l'issue des élections régionales de 1998, trois conseils régionaux seulement disposent d'une majorité absolue (Basse-Normandie, Limousin et Pays-de-Loire), ce qui ne signifie pas que les dix-neuf autres assemblées régionales soient en situation de blocage.

Le groupe de travail sur le mode de scrutin régional avait noté que les problèmes de majorité n'étaient pas propres à la région.

Ainsi, les conseils généraux, élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, connaissent également quelques difficultés, certains présidents étant élus au bénéfice de l'âge.

De surcroît, l'absence de majorité absolue n'a pas toujours empêché les conseils régionaux de fonctionner.

Avant 1998, deux régions seulement s'étaient heurtées à une impossibilité de faire adopter leur budget (Haute-Normandie en 1995 et en 1996 et Ile-de-France en 1997).

Sur cent trente budgets proposés entre 1993 et 1997, trois seulement ont été rejetés, soit une proportion de 2,3 %.


M. Robert Savy, président du conseil régional du Limousin, avait indiqué au groupe de travail que le budget de sa région avait toujours pu être voté, en dépit d'une majorité composée de conseillers élus sur cinq listes différentes.

Il n'en demeure pas moins que, depuis six mois, les difficultés rencontrées par plusieurs conseils régionaux se sont accentuées.

S'il existe désormais un consensus pour réformer le mode de scrutin, il reste encore d'importantes différences d'appréciation quant aux solutions à retenir.

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