B. IL NE DONNE PAS L'IMPULSION NÉCESSAIRE À L'ADAPTATION DE L'HÔPITAL PUBLIC AUX BESOINS DE LA POPULATION

Les dispositions de l'ordonnance du 24 avril 1996 ne sauraient être comprises comme devant entraîner l'inaction des pouvoirs publics au niveau national : non seulement, en effet, l'hôpital a un statut public qui implique des décisions nationales, mais le Gouvernement devrait jouer un rôle majeur pour donner aux établissements l'impulsion, notamment budgétaire, à leur adaptation aux besoins de la population.

Trois exemples montrent que le Gouvernement ne remplit pas cette mission :

- il semble avoir " oublié " pendant plusieurs mois de publier les décrets relatifs au Fonds d'accompagnement social pour la modernisation des hôpitaux institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 ;

- dans le projet de loi de finances pour 1999, il réduit, au lieu de les augmenter, les crédits du fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux ;

- l'objectif de dépenses hospitalières pour 1999 semble davantage configuré pour financer des mesures en faveur de la fonction publique que pour encourager à l'adaptation du tissu hospitalier.

1. Le Gouvernement semble avoir oublié pendant plusieurs mois de publier les décrets relatifs au fonds d'accompagnement social pour la modernisation des hôpitaux

L'article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a institué, pour une durée de cinq ans, un fonds d'accompagnement social pour la modernisation des établissements de santé (FASMO), géré par la Caisse des dépôts et consignations.

Ce fonds doit financer, par la prise en charge d'aides destinées à favoriser la mobilité et l'adaptation des personnels, l'accompagnement social des opérations de modernisation des établissements publics de santé.

L'article 25 de la loi prévoyait que les ressources du fonds seraient constituées par une contribution des régimes obligatoires d'assurance maladie, et que seraient éligibles aux aides du fonds les opérations agréées par le directeur de l'agence régionale d'hospitalisation compétent.

Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, votre commission avait adhéré à la démarche conduisant à l'institution de ce fonds. Elle avait toutefois regretté le faible montant (300 millions de francs) des crédits qui lui seraient alloués.

Un an après l'examen de ce projet de loi par le Sénat, cependant, aucun crédit n'a pu être engagé, aucune aide financée ; les décrets et arrêtés nécessaires à la mise en place du fonds (décret en Conseil d'état relatif à l'organisation et au fonctionnement du fonds, décret relatif aux missions du fonds, décret instituant une indemnité de départ volontaire, arrêté fixant le montant de l'indemnité de départ volontaire) n'ont en effet pas été publiés !

Tout se passe comme si, en préparant le projet de loi de financement pour 1999, le Gouvernement s'était souvenu de la création de ce fonds : les projets de textes réglementaires correspondants n'ont ainsi été examinés par le conseil supérieur de la fonction publique hospitalière que le 27 juillet dernier. Seul, un décret relatif au financement du fonds vient d'être publié le 27 octobre : sa disposition essentielle prévoit, à titre dérogatoire, le versement des contributions des régimes au plus tard le ... 31 décembre 1998.

Pour 1999, votre commission renouvelle la critique formulée l'an dernier : les 300 nouveaux millions de francs prévus pour l'année prochaine sont insuffisants au regard de l'ampleur des enjeux de modernisation de l'hôpital public.

Elle vous proposera donc d'augmenter, à coût constant pour l'assurance maladie, les dotations du FASMO pour 1999.

2. Au lieu d'augmenter les dotations du fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le Gouvernement veut les réduire en 1999.

Parallèlement à la création, par la loi de financement pour 1998, du FASMO, le Gouvernement a souhaité mettre en place, en loi de finances, un fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux (FIMHO), doté de 500 millions de francs en autorisations de programmes et de 150 millions de francs en crédits de paiement (imputés sur le chapitre 66-12 nouveau du budget de l'Etat).

Votre commission avait émis, à l'égard de la création de ce fonds, un jugement identique à celui concernant le FASMO : très favorable sur le principe mais réservé quant à l'ampleur des crédits inscrits.

Sur le principe, la création de ce fonds vient compenser, en effet, la décroissance continue des subventions de l'Etat à l'investissement hospitalier au profit des seules opérations de restructurations.

Article 66-1 du budget de l'Etat

(en millions de francs)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998
(prév.)

1999
(prév.)

AP

475,1

319,6

481

334,5

43,2

49,2

62,8

CP

485,7

407,1

475,7

344,6

251,7

132,7

108,5

Comptes de recettes d'investissements des hôpitaux publics (1996)

(en milliards de francs)

Subventions, participations

1,565

6,04 %

Emprunts et dettes assimilées

7,131

27,5 %

Autres recettes (affectations de résultats, cessions...)

3,631

14,01 %

Autofinancement brut

13,596

52,45 %

TOTAL

25,923

100 %

Cependant, votre commission avait regretté que le fonds ne soit pas doté de crédits plus importants.

48 dossiers ont été déclarés éligibles au titre du FIMHO en 1998. Ils se répartissent comme suit :

- 8 opérations de complémentarité entre établissements de santé publics et privés représentant 112 millions de francs, soit 22 % de l'enveloppe de 500 millions de francs ;

- 7 opérations de regroupement d'établissements de santé privés à but non lucratif représentant 130 millions de francs, soit 26 % de l'enveloppe ;

- 10 opérations de fusion ou de complémentarité entre hôpitaux publics représentant 72 millions de francs, soit 14,50 % de l'enveloppe ;

- 12 opérations d'amélioration des établissements de santé mentale représentant 50 millions de francs, soit 10 % de l'enveloppe ;

- 9 opérations de restructuration interne aux établissements publics représentant 135 millions de francs, soit 26 % de l'enveloppe.

Ayant regretté la modestie des 500 millions de francs ouverts en 1998, votre commission déplore que le Fonds ne soit doté, en 1999, que de 250 millions de francs supplémentaires en autorisations de programme.

3. L'objectif de dépenses hospitalières pour 1999 : des marges qui semblent plus destinées à financer des mesures salariales qu'à adapter l'hôpital

Les propositions gouvernementales de répartition de l'ONDAM 1999 (+ 2,6 %), présentées le 20 octobre pour avis, à la CNAMTS fixent à 2,5 % le taux d'évolution des dépenses hospitalières l'an prochain. Compte tenu de la progression du nombre de malades remboursés à 100 % par l'assurance maladie, ce taux devrait correspondre à une progression réelle de 2,39 % des budgets hospitaliers.

Il devrait en fait permettre le financement de l'accord salarial dans la fonction publique et, peut-être aussi, l'application des 35 heures à l'hôpital public, pourtant non prévue par la loi.

Votre rapporteur a interrogé le Gouvernement sur ce point : la réponse fournie ne donne pas beaucoup de précisions, ni sur le calendrier, ni sur le coût d'une telle mesure :

" Le relevé de conclusions sur le dispositif salarial applicable dans la fonction publique jusqu'au 31 décembre 1999, signé le 10 février 1988 avec cinq organisations syndicales représentatives des fonctionnaires, indique que la situation des trois fonctions publiques (de l'Etat, territoriale et hospitalière) au regard du temps de travail, présente des spécificités, en raison notamment de la grande diversité de la réglementation et des pratiques ainsi que des contraintes du service public. Il précise que la réflexion qui s'engagera sur la durée du travail dans les administrations devra tenir compte de ces particularités et de l'exigence de qualité des services rendus aux usagers.

" Il convient donc, pour pouvoir mesurer les conséquences, dans chacune des trois fonctions publiques, de la perspective d'une durée hebdomadaire du travail de 35 heures, de réaliser tout d'abord un état des lieux exhaustif de la réglementation et des pratiques au regard du temps de travail effectif.

" Le Gouvernement a confié cette mission à M. Jacques Roche, ancien membre de la Cour des comptes. Pour ce qui concerne la fonction publique hospitalière, un inspecteur général de l'inspection générale des affaires sociales a été chargé de procéder, sur le terrain, aux investigations nécessaires.

" Parallèlement, la direction des hôpitaux au ministère de l'emploi et de la solidarité a pris l'initiative de constituer un groupe de travail sur le thème " organisation et aménagement du temps de travail " ; il convient en effet d'organiser une discussion d'ensemble suffisamment approfondie pour aboutir à un cadre juridique rigoureux s'imposant à tous, même s'il doit laisser des marges de manoeuvre au plan local, et tenir compte des spécificités et des contraintes propres au service public hospitalier, lequel doit fonctionner 24 heures sur 24, dans des conditions d'efficacité et de sécurité irréprochables.
".

Le taux d'évolution des dépenses de l'hospitalisation publique permettra donc une reconduction des moyens globale au niveau national, sans donner d'incitation particulière aux établissements pour accélérer leur adaptation.

Votre commission estime qu'il eût été préférable de prévoir une progression inférieure des dépenses hospitalières encadrées, et de doter parallèlement le FASMO et le FIMHO de crédits bien plus élevés que ne le prévoit le Gouvernement.

Les opérations de restructuration, en effet, coûtent cher, tant en investissements qu'en mesures en faveur des personnels : pourquoi, dans ces conditions, les négliger en assurant, d'année en année, la quasi-reconduction des moyens ?

C'est pourquoi votre commission vous proposera de diminuer d'un milliard de francs le montant de l'ONDAM 1999 fixé par le projet de loi, et de consacrer cette somme à l'abondement supplémentaire du FASMO, seulement attributaire en 1999 de 300 millions de francs hors ONDAM selon les annonces gouvernementales.

*

* *

Sous réserve des amendements qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 pour ses dispositions relatives aux équilibres financiers généraux et à l'assurance maladie.

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