B. L'INCIDENCE DES MESURES DU PROJET DE LOI DE FINANCES SERA LIMITEE

1. Dans le souci d'afficher une stabilité de la pression fiscale, le gouvernement a surévalué le montant des "rebudgétisations"

Afin de ne pas confondre la hausse très importante du produit fiscal entre la loi de finances pour 1998 et le projet de loi de finances pour 1999 (+ 85 milliards de francs) avec un alourdissement de la pression fiscale, il faut mettre en valeur la progression spontanée des recettes et raisonner à structure constante.

Ce raisonnement à structure constante doit toutefois être particulièrement rigoureux.

D'après les documents annexés à la loi de finances, hors effet des "rebudgétisations", 63,5 milliards de francs de recettes supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale pour 1998 se répartiront comme suit :

- 74,2 milliards de francs de recettes fiscales nettes supplémentaires,

- 4,3 milliards de francs de recettes non fiscales supplémentaires

- les prélèvements sur recettes progresseraient en revanche de 15 milliards de francs dont 11,5 milliards de francs au profit des collectivités locales (10,8 milliards au titre de la compensation de la réforme de la taxe professionnelle) et 3,5 milliards de francs au profit de l'Union européenne.

Au total, le montant des "rebudgétisations" annoncées (10,9 milliards de francs) conduirait à des recettes fiscales nettes à 1522,4 milliards de francs, soit une diminution de 200 millions de francs par rapport à l'évolution spontanée des recettes fiscales .

Un examen plus précis des "rebudgétisations" doit toutefois être réalisé.

En effet, un certain nombre de "rebudgétisations" 30( * ) correspondent effectivement à la transformation d'une recette affectée à un compte spécial du trésor en recette du budget général (ex : rebudgétisation du fonds de soutien aux hydrocarbures) ou à la réintégration de recettes d'un fonds de concours (ex: rebudgétisation des charges de pension de la Poste) ou encore à la budgétisation de recettes affectées à un ministère (ex : compte de rémunérations accessoires du cadastre, compte de rémunérations accessoires des hypothèques).

Ces modifications s'expliquent essentiellement par le souhait de se conformer à des décisions du Conseil constitutionnel (réintégration de fonds de concours) et aux observations de la Cour des Comptes (rémunérations accessoires), dans un souci de sincérité budgétaire.

Cependant, deux opérations de "rebudgétisation" sont abusivement qualifiées comme telles.

En effet, la baisse du plafond par demi-part de l'avantage fiscal procuré par le quotient familial devrait accroître le produit de l'impôt sur le revenu de 3,9 milliards de francs. Bien que cette augmentation de la pression fiscale pesant sur les ménages soit réelle, elle est qualifiée de "rebudgétisation" car elle serait la contrepartie de deux décisions : la fin de la mise sous condition de ressources des allocations familiales (6,7 milliards de francs de dépenses supplémentaires pour la sécurité sociale) et la prise en charge par l'Etat de l'allocation de parent isolé (4,2 milliards de francs).

Il va de soi que toutes ces actions n'ont rien de commun : il ne s'agit pas d'un transfert de prélèvements (ce qui aurait pu être le cas s'il s'était agi de compenser une diminution des cotisations familiales par le plafonnement du quotient familial), mais bien d'une augmentation des prélèvements obligatoires, que celle-ci soit "compensée" ou non par des dépenses supplémentaires en faveur des familles 31( * ) .. On ne saurait en outre confondre le budget général et celui de la Sécurité sociale...

D'autre part, le relèvement de 1 à 4,8 % de la taxe sur les cessions de droits sociaux pour les sociétés à prédominance immobilière , pour 4,9 milliards de francs serait la contrepartie partielle de la prise en charge par l'Etat de l'allégement des droits de mutation à titre onéreux (8,6 milliards de francs) qui étaient versés au profit des collectivités locales. Or, il s'agit de deux mesures fiscales très différentes, qui ne touchent pas les mêmes contribuables et qui augmentent in fine la pression fiscale de l'Etat.

2. La pression fiscale sera légèrement alourdie en 1999 mais l'essentiel de la progression des impôts proviendra d'une évolution spontanée des recettes

Compte tenu de ces observations, il est possible de rectifier la présentation des recettes du projet de loi de finances.

Les recettes du budget général : de la loi de finances pour 1998 au projet de loi de finances pour 1999 (après rectification)

 

1998 (LFI)

1998 (révisé)

PLF1999

Ecart de recettes de PLF99/révisé 98

Ecart de recettes de PLF99/LFI 98

recettes fiscales nettes

1448,2

1459,8

1533,3

73,5

85,1

dont rebudgétisation

0

0

2,1

2,1

2,1

recettes non fiscales (hors recettes d'ordre)

141,2

144,9

167,2

22,3

26

dont rebudgétisation

0

0

21,7

21,7

21,7

prélèvements sur recettes

-256

-254,6

-271

-16,4

-15

recettes totales

1333,4

1350,1

1429,5

79,4

96,1

recettes totales (hors rebudgétisation)

1333,4

1350,1

1405,7

55,6

72,3

Ce tableau laisse apparaître que hors "rebudgétisations", les recettes fiscales nettes seront de 1.531,2 milliards de francs dans le projet de loi de finances . Or, les recettes fiscales nettes avant prise en compte des aménagements de droits s'élèvent à 1.525,2 milliards de francs. Les mesures du projet de loi de finances aboutissent donc à un léger accroissement de la pression fiscale de l'Etat (+ 6 milliards de francs) contrairement à la présentation initialement faite par le gouvernement, qui annonçait une stabilisation totale des prélèvements fiscaux par rapport à 1998.

Cette progression de la fiscalité est toutefois très modeste en pourcentage du PIB (moins de 0,1 %).

La plupart des impôts connaissent une évolution "spontanée" significative en raison des anticipations de croissance, alors que les mesures de la loi de finances portent sur des montants modestes.

L'impôt sur le revenu passe de 299,5 milliards de francs en évaluation révisée à 315,7 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 1999, soit une progression de 5,4 %. Cependant les mesures de la loi de finances pour 1999 alourdiront l'impôt de 1,3 milliard de francs seulement (+0,4 %). Le reste de l'augmentation résulte pour 13,2 milliards de francs de l'évolution spontanée des recettes et pour 1,6 milliard de francs de divers facteurs intervenant en 1999 (suppression de réductions d'impôts, instauration d'un crédit d'impôt pour les dépenses d'entretien dans les résidences principales).

A la suite de l'examen par l'Assemblée nationale, l'impôt sur le revenu a été allégé de 300 millions de francs (200 millions de francs de crédit d'impôt pour l'entretien de la résidence principale et 100 millions de francs pour la demi-part de quotient pour les invalides, anciens combattants et personnes seules ayant un enfant majeur de moins de 27 ans). La progression, hors effet spontané des recettes, est donc réévaluée à 1 milliard de francs.

L'impôt sur les sociétés brut passe de 223 milliards de francs en évaluation révisée à 232,4 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 1999. L'impôt net progresse de 182 milliards de francs (évaluation révisée pour 1998) à 194,4 milliards de francs, soit une progression de 6,8%. Cependant, les effets de la loi de finances pour 1999 seront limités à une progression de 900 millions de francs.

Toutefois, à la suite de l'examen par l'Assemblée nationale, l'impôt sur les sociétés est alourdi de 1.450 millions de francs en raison d'un durcissement du régime des sociétés mères-filles pour 1.550 millions de francs (rétablissement de la taxation des dividendes de la fille à la mère supprimée en 1993) et d'un allégement de 100 millions de francs pour les sociétés d'assurance mutuelle. Au total, l'impôt est donc alourdi de 2,3 milliards de francs, hors progression spontanée des recettes.

Par ailleurs :

Le principal allégement, s'agissant des impôts d'Etat, concerne la TVA , qui devrait toutefois progresser de 808 milliards de francs en 1998 à 830,9 milliards de francs en 1999, soit une hausse de 2,8 % (la hausse est particulièrement significative si on la compare aux estimations de la loi de finances pour 1998 : + 6,8 %). Les allégements portent sur 4,8 milliards de francs, alors que les effets de l'évolution spontanée sont évalués à 27,2 milliards de francs.

Suite à l'examen par l'Assemblée nationale, la TVA est allégée de 910 millions de francs (dont 710 millions de francs pour les achats de terrains à bâtir, 100 millions de francs pour les opérations de collecte séparative et 100 millions de francs pour certains établissements touristiques). Les allégements sont donc portés à 5,7 milliards de francs.

Les augmentations d'impôts prévues par la loi de finances sont relativement ciblées :

L'impôt de solidarité sur la fortune
progresse de 32 % par rapport à l'évaluation révisée de 1998, pour atteindre 14,9 milliards de francs. Les mesures de la loi de finances pour 1999 comptent pour la moitié de cette augmentation (2 milliards de francs).

La taxe intérieure sur les produits pétroliers progresse de 3,4 % pour atteindre 160,1 milliards de francs. Les mesures du projet de loi de finances entraînent un alourdissement de l'impôt de 1,6 %, soit 2,6 milliards de francs. L'examen à l'Assemblée nationale n'a permis d'alléger la TIPP que de 33 millions de francs en raison de diverses mesures sur les carburants propres.

Les droits d'enregistrement progressent de 3,7 % (5,7 milliards de francs) au titre des mesures du projet de loi de finances pour 1999, pour atteindre 160,6 milliards de francs. Cette progression résulte pour l'essentiel (4,9 milliards de francs) du relèvement de la taxe sur les cessions de droits sociaux pour les sociétés à prépondérance immobilière. Cette mesure est présentée comme une contrepartie de la suppression de la taxe régionale pour l'acquisition d'immeubles d'habitation.

Suite à l'examen par l'Assemblée nationale, les mutations à titre gratuit par décès seront toutefois allégées de 200 millions de francs en raison de la majoration de l'abattement pour les droits de succession entre conjoints . Par ailleurs, la suppression de la mesure gouvernementale sur l'assurance-vie (+ 500 millions de francs) est intégralement compensée par le prélèvement sur les compagnies d'assurance-vie. En revanche les prélèvements sur les bons anonymes sont majorés de 250 millions de francs.

Les recettes non-fiscales progresseront de 26 milliards de francs par rapport à la loi de finances pour 1998, mais de 4,3 milliards de francs hors rebudgétisations (pensions de La Poste, suppression du prélèvement au profit des fonds de concours au titre de l'article 6 de la loi du 31 juillet 1949). Cette progression correspond approximativement à l'évaluation révisée des recettes non-fiscales pour 1998. L'évaluation pour 1999 traduit une stabilité globale résultant de mouvements en sens contraire des recettes non fiscales.

Les prélèvements sur recettes atteindront 271 milliards de francs en 1999, soit 15 milliards de francs de plus que dans la loi de finances pour 1998.

Les prélèvements sur les recettes de l'Etat au profit des collectivités locales atteindront 176 milliards de francs. Hors effet de l'évolution spontanée, elles progresseront de 10,8 milliards de francs, résultant d'une diminution de 2 milliards de francs au titre de la dotation de compensation de la taxe professionnelle et de la dotation globale de fonctionnement et d'un prélèvement nouveau de 11,8 milliards de francs au titre de la compensation de la suppression de la part salariale de taxe professionnelle.

Suite à l'examen par l'Assemblée nationale, les prélèvements sur les recettes de l'Etat au profit des collectivités locales augmentent de 250 millions de francs supplémentaires (dont 240 millions de francs pour l'indexation des concours aux collectivités locales), soit une progression totale de 11,25 milliards de francs.

Les prélèvements sur les recettes de l'Etat au profit des communautés européennes atteindront 95 milliards de francs, soit une progression de 3,5 milliards de francs par rapport à la loi de finances pour 1998, résultant entièrement d'une évolution spontanée.

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