B. LA DEPENDANCE FINANCIÈRE N'INCITE PAS AU DYNAMISME ECONOMIQUE

La réforme de la taxe professionnelle constitue un allégement des charges pesant sur les entreprises. Considérée sous ce seul angle, elle n'est pas critiquable.

Cependant, il est regrettable que cet allégement soit opéré par le biais d'une réforme aboutissant, dans sa rédaction actuelle, à une réduction probable des ressources des collectivités locales 71( * ) à partir de l'an 2000 . En effet, la réforme de la taxe professionnelle se traduit par l'augmentation des prélèvements qui alimentent le budget général, notamment les cotisations minimale et de péréquation. En revanche, le mode compensation aux collectivités locales retenu dans le projet de loi de loi de finances pour 1999 est défavorable à celles-ci.

Le gouvernement avait le choix entre deux méthodes pour compenser la perte de recette des collectivités locales :

- le dégrèvement , qui consiste maintenir l'assiette salaire dans les déclarations fiscales des entreprises, cette part de l'assiette de la taxe professionnelle étant prise en charge par l'Etat et non plus par les entreprises. Cette solution permet aux collectivités locales de continuer à voter des taux et à percevoir le produit correspondant.

- la compensation , dont la base de calcul est déconnectée de l'évolution des taux votés par les collectivités.

Le gouvernement a choisi de recourir à la méthode de la compensation. Il a décidé que les sommes versées aux collectivités locales seraient calculées en fonction des taux de taxe professionnelle de 1998 et des bases de 1999 . Pour 1999, ces bases de calcul sont celles qu'auraient retenues les entreprises pour acquitter leur TP. La compensation se fera donc " au franc le franc ".

Entre 1999 et 2003 , le montant de la compensation sera obtenu en appliquant à la compensation de l'année précédente l'indice d'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF). A partir de 2004 , la compensation sera fondue dans la DGF.

La réforme se traduira vraisemblablement par une perte de ressource pour les collectivités locales car l'évolution de la masse salariale est nettement plus dynamique que celle de la DGF . En 1999, la première progressera de 4,3 % contre 2,78 pour la seconde. En outre, au bout de quelques années, la compensation ne reposera plus du tout sur des données correspondant à la réalité économique des communes.

Il est donc à craindre que la réforme de la taxe professionnelle ne conduise les collectivités locales à augmenter les impôts pesant sur les ménages pour compenser la réduction du produit de leur taxe professionnelle.

Mais surtout, un allégement des charges sur les entreprises par transformation d'une ressource fiscale locale directe en concours budgétaire témoigne d'une conception contre-productive du rôle des collectivités locales en tant qu'acteurs économiques , qu'il est intéressant d'analyser à la lumière de l'analyse ci-dessous, tirée d'un document de l'OCDE 72( * ) :

" La responsabilisation des collectivités locales - Dans un contexte décentralisé, les niveaux d'administration locaux doivent financer leurs actions par des ressources locales, et essentiellement fiscales. L'obligation de maintenir ou d'augmenter la base fiscale est une forme d'incitation à la mobilisation locale en faveur du développement économique. Des attitudes malthusiennes des collectivités locales face au développement d'activités économiques, comme par exemple un faible intérêt pour l'aménagement de zones d'activités et une préférence pour une activité résidentielle, cèdent le pas à de véritables stratégies de croissance économique. Un élu local dont les ressources se composent essentiellement de subventions centrales se trouve placé dans la position d'un quémandeur ; un élu local responsable des rentrées fiscales devient un acteur du développement. "

En 1998, les ressources des collectivités locales se répartissaient de la façon suivante 73( * ) :

en millions de francs

1. Fiscalité directe, dont :

- perçue** par les collectivités locales

- compensations et dégrèvement versés par l'Etat

306.549

243.682

62.867

56,5 %

44,9 %

11,6 %

2. Dotations sous enveloppe***

157.713

29,1 %

3. Fiscalité transférée

44.122

8,1 %

4. Autres (FCTVA, amendes, CST)

33.149

6,1 %

TOTAL

541.533

100 %

*Sources : commission des finances du Sénat (chiffres : rapport Bourdin/DGCL)

** Premières estimations

*** LFI 98 révisée

Le produit des taux votés par les collectivités locales en 1998, évalué à 306,5 millions de francs par le rapport Bourdin, représente 56,6 % des ressources des collectivités locales en 1998. Mais compte tenu des compensations et dégrèvements à la charge de l'Etat, le pouvoir fiscal direct des collectivités locales ne porte plus que sur 45 % de leurs ressources.

Cette tendance va s'accentuer en 1999 du fait de la réforme de la taxe professionnelle. Dans le projet de loi de finances pour 1999, les compensations et dégrèvements à la charge de l'Etat s'élèveront à 81,9 milliards de francs :

Prise en charge par l'Etat des allégements de fiscalité locale dans le PLF 99 74( * )

Compensation de la réforme fiscale

20.400

Réduction pour embauche et investissement

1.550

Contrepartie de l'exonération de la taxe foncière sur le bâti et le non bâti

320

Compensation de diverses exonérations relatives à la fiscalité locale

11.990

Contrepartie de divers dégrèvements législatifs

47.666

Total

81.926

Le constat du rétrécissement des ressources fiscales directes dans les ressources totales des collectivités locales est indéniable. A ce titre, il est permis de s'interroger sur le décalage entre, d'une part, la volonté du gouvernement de promouvoir la taxe professionnelle d'agglomération comme vecteur de l'intercommunalité de projet et, d'autre part, la restriction de la capacité des collectivités à lever des impôts de manière responsable dans le cadre de véritables stratégies de développement .

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