C. LA TAXE PROFESSIONNELLE DE FRANCE TELECOM : LE TEMPS DE LA REFORME EST VENU

" La Poste et France Télécom sont assujettis, à partir du 1er janvier 1994 et au lieu de leur principal établissement, aux impositions directes locales perçues au profit des collectivités locales et des établissements et organismes divers ".

Ce principe posé par l'article 21 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications est assorti de deux réserves qui le rendent inopérant :

- le taux applicable n'est pas celui de la collectivité où les deux exploitants détiennent une installation mais " le taux moyen pondéré national qui résulte des taux appliqués l'année précédente par l'ensemble des collectivités locales " ;

- le produit de cette fiscalité " est perçu par l'Etat ".

La fiscalité locale de La Poste et de France Télécom n'en a donc que le nom , puisque les collectivités locales ne la perçoivent pas, pas plus qu'elles n'en votent le montant.

La question du bénéficiaire légitime du produit de la fiscalité locale des deux entreprises n'est pas qu'un problème juridique , compte tenu des montants en jeu : en 1997, l'Etat a perçu 6,219 milliards de francs, dont 5,65 au titre de la seule taxe professionnelle de France Télécom.

1. Les limites du système actuel

Un système choquant

Sur le principe, il est choquant qu'un impôt qualifié d' " imposition directe locale " par la loi l'instituant soit perçu par l'Etat et ne profite pas aux collectivités dans lesquelles La Poste et France Télécom détiennent des installations.

Un système qui ne marche pas

La loi du 2 juillet 1990, prenant des libertés avec le principe de non affectation des recettes figurant à l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, prévoit que le produit de la fiscalité locale de La Poste et de France Télécom est perçu par l'Etat " qui l'utilise afin de contribuer au financement des pertes de recettes résultant de l'application de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 ", c'est à dire l'abattement général de 16% des bases de taxes professionnelle.

Ce mécanisme consiste donc à faire financer par une ressource qui aurait du revenir aux collectivités locales des abattements sur un impôt local consentis par l'Etat, qui s'engage à les compenser.

En réalité, la compensation de cet abattement s'opère par le biais de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP), qui est un concours de l'Etat compris dans l' " enveloppe normée " des concours aux collectivités locales. Par ailleurs, au sein de l'enveloppe normée, la DCTP joue le rôle de variable d'ajustement, si bien que son montant, depuis 1996, est déconnecté de l'évolution des bases de taxe professionnelle.

Aussi, la fraction de cette dotation résultant de l'abattement décidé par la loi de finances pour 1987 est impossible à individualiser. En pratique, aucun gouvernement n'a d'ailleurs mis en parallèle le produit de la fiscalité locale de La Poste et de France Télécom et le montant de la DCTP. Le montant de l'une ne saurait donc être liée au montant de l'autre.

Les collectivités locales bénéficient cependant, partiellement, du produit de la fiscalité locale des deux opérateurs par le biais du Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP). L'article 21 de la loi du 2 juillet 1990 prévoyait que, à partir de 1995, la différence entre le produit total de la fiscalité locale de La Poste et de France Télécom et le montant de l'abattement de taxe professionnelle qu'il était censé compenser était versée au FNPTP.

En réalité, le produit pour 1994 a été versé au budget général. Depuis 1995, le produit de la fiscalité locale des deux opérateurs est réparti entre :

- le budget général, pour un montant équivalent à celui de 1994 indexé sur l'inflation ;

- le FNPTP qui perçoit la différence entre le produit total et les montant de 1994 indexé. En 1999, la recette supplémentaire du FNPTP s'établira à 1.733 millions de francs.

Dans l'esprit de la loi du 2 juillet, le produit de la fiscalité locale de La Poste et de France Télécom était censé financer, par une ressource théoriquement locale, un abattement sur une taxe locale accordée aux entreprises par l'Etat. Ce dispositif, à la logique contestable, n'est même pas appliqué et les sommes perçues par l'Etat alimentent le budget général.

Un système contesté par ses redevables

La Poste et France Télécom contestent le dispositif de la loi de 1990, et plus particulièrement le régime de taxe professionnelle qui leur est imposé, en développant des arguments similaires.

Dans un avis adopté le 18 septembre 1998, la commission supérieure du service public des postes et télécommunications affirme qu' " il convient, dès à présent, de prendre en compte tant le renforcement de la situation concurrentielle de La Poste que les besoins des collectivités locales, et d'engager une réflexion sur l'intérêt d'une modification des règles de perception de la taxe professionnelle acquittée par l'opérateur et des modalités d'affectation du produit de celle-ci aux collectivités locales , par un assujettissement progressif de La Poste au droit commun de la fiscalité locale ".

France Télécom, dont la taxe professionnelle représente environ un sixième du montant total de la fiscalité acquittée à l'Etat, demande également à être assujettie au droit commun de la fiscalité.

Versements de France Télécom à l'Etat en 1997

(en millions de francs)

1. Fiscalité

- TVA nette

- Taxe professionnelle

- Impôt sur les sociétés

- Taxe d'apprentissage

- Participation à la formation professionnelle continue

- Participation à l'effort de construction

- Organic

- Taxe sur les bureaux en Ile-de-France

- Taxe sur les véhicules de société

- Vignette

2. Dividendes

(6,50 FF par action)

30.285

17.000

5.667

7.159

63

20

120

190

20

17

29

4.500

L'argument principal de France Télécom est celui de l'ouverture à la concurrence dans le secteur des télécommunications , qui justifierait qu'elle soit soumise au même régime fiscal que ses concurrents privés. L'entreprise craint que, dans le cadre d'appels d'offre, les collectivités locales ne penchent pour les opérateurs privés, dont elles perçoivent l'intégralité de la taxe professionnelle, au détriment de France Télécom.

En outre, France Télécom considère que le passage au droit commun de son régime de taxe professionnelle ne serait pas un facteur d'accroissement des inégalités de richesse entre collectivités locales puisqu'elle dispose d'installations dans 15.000 communes. Selon l'opérateur, en cas de développement rapide de l'intercommunalité, le nombre de communes bénéficiant du produit de la taxe professionnelle de France Télécom s'accroîtrait encore.

2. Sortir de l'impasse

Un premier pas : la réforme de la taxe professionnelle de France Télécom

Une proposition de loi a été déposée au Sénat au mois de novembre 1997 75( * ) . Selon son exposé des motifs, elle est inspirée par " la conviction que La Poste et France Télécom n'ont pas à obéir à un dispositif particulier. Toutefois, La Poste a été exclue de cette proposition de loi, pour tenir compte de son statut particulier et du rôle que cet établissement doit continuer de jouer, par ailleurs, en matière d'aménagement du territoire. D'ailleurs, le produit est faible puisqu'elle bénéficie d'un abattement de 85 % de ses bases imposables ".

Le débat qui s'est tenu au Sénat le 25 novembre 1997 sur un amendement reprenant le texte de la proposition de loi a permis de confirmer que le transfert aux collectivités locales du bénéfice du produit de la taxe professionnelle de France Télécom était un projet qui recueillait l'assentiment d'élus siégeant sur tous les bancs de notre Assemblée.

Promouvoir un système mixte alliant péréquation et efficacité économique

La réforme de la taxe professionnelle de France Télécom devra s'efforcer de prendre en compte trois paramètres difficilement conciliables :

- transférer aux collectivité locales le bénéfice du produit de l'impôt ;

- maintenir un mécanisme de péréquation, France Télécom ne disposant d'installations imposables que dans 15.000 communes sur 36.000 ;

- remédier autant que possible à la distorsion de concurrence entre France Télécom et les opérateurs privés.

A cet effet, votre rapporteur général préconise la mise en oeuvre d'une réforme dont les grandes lignes seraient les suivantes :

- afin de faire jouer la péréquation entre collectivités, 70 % (et non plus seulement " l'excédent ") du produit de la taxe professionnelle de France Télécom serait versé au FNPTP, l'instrument de droit commun ;

- le solde de 30 % bénéficierait directement aux collectivités d'implantation. En effet, il apparaît également fondamental de rapprocher les collectivités locales et leur tissu économique. Ainsi, celles-ci auraient un intérêt à mettre en oeuvre des stratégies d'attraction des investissements, et notamment ceux de France Télécom. En outre, l'implantation des établissements de France Télécom obéit à la même logique que celle des entreprises. La réalisation des infrastructures nécessaires à la venue des entreprises entraîne pour les collectivités des coûts, dont il est logique qu'ils soient partiellement financés par la fiscalité payée par ces entreprises ;

- les établissement de France Télécom acquitteraient l'impôt au taux en vigueur dans la collectivité d'implantation, de manière à ce que les paramètres pris en comptes par l'opérateur public dans le choix du lieu d'implantation de ses installations soient les mêmes que ceux de ses concurrents.

Le système décrit ci-dessus présente une faiblesse notable : il ne résout pas le problème de distorsion de concurrence entre France Télécom et ses concurrents puisque les collectivités locales continueront de percevoir l'intégralité de la taxe professionnelle des opérateurs privés, mais seulement 30 % de celle de France Télécom.

Néanmoins, ce dispositif est meilleur que le système actuel . Et si, du fait de la mise en oeuvre de la loi sur l'intercommunalité et du développement de la taxe professionnelle d'agglomération, le nombre de communes n'appartenant pas à une structure intercommunale bénéficiant de la taxe professionnelle de France Télécom devait se réduire considérablement, alors le passage au droit commun intégral deviendrait non seulement envisageable, mais souhaitable.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page