V. RÉNOVER NOS MÉTHODES BUDGÉTAIRES

Votre commission a déjà apporté une contribution à la réflexion sur l'amélioration de notre méthodologie budgétaire, par l'élaboration de "7 piliers de la sagesse budgétaire" destinés à rendre le budget plus lisible.

Ses propositions demandent encore aujourd'hui à être mises en oeuvre, mais il est nécessaire d'aller plus loin : le budget doit être également plus crédible.

A. UN BUDGET PLUS LISIBLE

Lors du débat sur le projet de loi de finances pour 1998, votre commission avait formulé sept propositions, qui méritent d'être répétées, tant elles restent d'actualité.

Propositions de la commission des finances pour une modernisation des procédures budgétaires : les sept piliers de la sagesse budgétaire

Rétablir la "sincérité" de la loi de finances

Au fil des années, la loi de finances est devenue un document à rendre perplexe un commissaire aux comptes. Le projet présenté au Parlement est incomplet (les fonds de concours n'y figurent pas), contracté (près de 250 milliards de francs de prélèvements sur recettes sont des charges n'apparaissant pas), hétérogène (des dépenses identiques sont traitées différemment selon qu'elles figurent au budget de l'Etat ou dans des comptes spéciaux du Trésor).

Ainsi, le budget voté pour 1995 prévoyait 1.616 milliards de dépenses à caractère définitif. En loi de règlement 76( * ) , le montant des charges s'est en définitive établi à 3.757 milliards de francs, soit une différence de 2.141 milliards de francs . Il est nécessaire de faire apparaître la réalité : le budget de l'Etat atteint 2.369 milliards en total net des crédits ouverts, et dépasse le budget social (2.300 milliards).

Institutionnaliser la distinction entre l'investissement et le fonctionnement.

Depuis 1992, une part du déficit budgétaire (115 milliards de francs en 1997) finance des dépenses courantes : l'Etat s'endette pour vivre au jour le jour. Sans en avoir conscience, nous laissons ainsi à nos enfants le soin et la charge de régler demain nos consommations d'aujourd'hui. Cette atteinte aux droits des générations futures n'est pas admissible. Par analogie avec la "règle d'or" inscrite dans la Constitution allemande, elle appelle une réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959, identifiant la section de fonctionnement de l'Etat et les conditions de son équilibre obligatoire, s eul l'investissement étant dorénavant financé par l'emprunt.

Certifier les méthodes comptables

L'évolution rapide des phénomènes économiques ne permet pas de comparer des projets de loi de finances à "structure constante". Cette instabilité inévitable -mais irritante- doit être corrigée par la présentation au Parlement, sous le contrôle de la Cour des Comptes, d'une annexe au projet de loi de finances recensant les modifications de présentation budgétaire. Inspirée du principe comptable de "permanence des méthodes", cette réforme préviendra les polémiques sur les "débudgétisations".

Instaurer une procédure de suivi des dépenses sociales

Le vote de la loi de financement de la Sécurité sociale implique que le Parlement puisse en contrôler l'exécution en cours d'année. Cela suppose la création d'indicateurs mensuels rendus d'autant plus nécessaires que les comptes sociaux se caractérisent par leur extrême émiettement et que les chiffres de l'ACOSS ne sont pas rendus publics.

Accélérer la mise en oeuvre de la comptabilité patrimoniale

L'appréciation de la fidélité des documents budgétaires implique une amélioration de la comptabilité patrimoniale de l'Etat, dans le sens des travaux initiés par Jean Arthuis. En effet, les déclassements d'opérations budgétaires en opérations de trésorerie, la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire de l'Etat et les systèmes de vases communicants entre le budget général et les comptes des entreprises publiques ne sont finalement retranscrits que dans le compte de la dette et non dans les lois de finances. Les pertes en capital n'apparaissent pas, et pas davantage les charges de retraite non provisionnées.

Moderniser les procédures de régulation budgétaire

Les rapports de la Cour des Comptes fournissent, chaque année, les exemples d'une "comptabilité créatrice" visant tant à lisser sur plusieurs exercices, qu'à réguler en cours d'année les flux de dépenses et de recettes. L'ordonnance de 1959 n'est plus respectée : les conditions mises à la publication de décrets d'avance, d'arrêtés d'annulation et de textes créant des dépenses nouvelles 77( * ) ne sont plus appliquées. Elles doivent être adaptées.

En revanche, et malgré quelques améliorations récentes, le Parlement ne peut accepter d'être mis en permanence devant des faits accomplis, d'apprendre que des correctifs sont apportés à la loi de finances dont l'encre est à peine sèche, voire de constater que des crédits annulés au printemps sont rétablis à l'automne. Deux pistes méritent d'être explorées . La Cour des Comptes pourrait être saisie pour avis du projet de loi de finances -à l'image du Conseil d'Etat- et porter un jugement sur l'adéquation du niveau des dotations inscrites. Les commissions des finances devraient être appelées à débattre des régulations mises en oeuvre.

Fixer un nouveau rendez-vous budgétaire


Les grandes entreprises arrêtent des comptes semestriels. L'Etat ne s'impose pas cette discipline. Il convient donc que le Parlement soit saisi, en fin de premier semestre, d'un état commenté de l'exécution des comptes publics, analogue au travail commandé aux deux magistrats de la Cour des Comptes 78( * ) -dont l'élaboration pourrait être confiée à la Cour dans l'esprit de l'article 47 de la Constitution. Un jugement politique pourra alors être porté sur la pertinence de l'exécution de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale.

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