III. DES OPÉRATEURS ÉNERGÉTIQUES À RENFORCER DANS LE NOUVEAU CONTEXTE CONCURRENTIEL

A. LA FRAGILITÉ D'EDF FACE À L'OUVERTURE PROCHAINE DU MARCHÉ DE L'ÉLECTRICITÉ

1. La transposition prochaine de la directive électricité

La directive 96/92/CE concernant des " règles communes pour le marché intérieur de l'électricité " a été adoptée par le Conseil des ministres européen le 20 juin 1996, après le vote positif du Parlement européen. La France, comme ses partenaires, a jusqu'au 19 février 1999 pour mettre sa réglementation en accord avec les termes de cette directive qui entraîne l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence.

Le texte de la directive est un compromis entre les dispositions initiales de la directive et la position française. Elle reconnaît notamment la légitimité des obligations de service public et de la programmation à long terme dans le secteur électrique, dans le respect du principe de subsidiarité.

La France a ainsi obtenu que les Etats aient le choix entre deux types de systèmes : l' accès des tiers au réseau d'une part, ou ATR, qui permet aux nouveaux producteurs d'électricité de contracter directement avec les consommateurs, et le système de l'acheteur unique , qui permet à l'opérateur chargé du monopole du réseau d'organiser la concurrence entre les opérateurs.

Ce concept permet d'ouvrir les marchés nationaux à plus de concurrence tout en excluant l'ATR et en préservant les missions d'intérêt général que les Etats confient aux opérateurs du secteur électrique, telles que la sécurité d'approvisionnement, la péréquation tarifaire, l'obligation de fourniture et la protection de l'environnement.

La directive comporte par ailleurs un certain nombre de dispositions obligatoires qui constituent les règles communes à tous les systèmes électriques. Elle fait ainsi obligation aux fournisseurs de présenter des comptes séparés relatifs à la production, à la distribution et au transport. C'est ce que l'on appelle l' " unbundling " comptable. Il s'agit également de permettre la liberté d'établissement pour de nouveaux producteurs et d'organiser une ouverture progressive des marchés nationaux, en particulier pour les grands consommateurs.

La directive comporte, également, un certain nombre de dispositions ouvertes aux choix des Etats membres : possibilité d'imposer des obligations de service public clairement définies aux entreprises du secteur électriques, possibilité de prévoir une planification à long terme des investissements de production, de désigner un gestionnaire unique du réseau pour le transport ou encore d'adopter un système d'autorisation ou d'appel d'offres pour la construction de nouvelles unités de production.

La directive fixe enfin avec précision les objectifs à atteindre en terme d'ouverture du marché . Conformément aux souhaits de la France, cette ouverture sera partielle et progressive : 25 % des ventes (en volume) seront ouverts à la concurrence en 1999, puis 30 % en l'an 2000, et 33 % en 2003. De 40 gigawattheures par an et par site, le seuil de consommation au delà duquel les consommateurs pourront s'adresser au fournisseur d'électricité de leur choix passera ainsi à 9 gigawattheures par an en 2006. Dans un premier temps, ce sont les 400 plus gros clients d'EDF qui pourront contracter avec des fournisseurs d'électricité de leur choix. Ce sont pour l'essentiel des entreprises industrielles pour lesquelles le prix de l'énergie est un élément important de leur prix de revient. Ils seront 2500 à la dernière étape.

EDF pourra demeurer une entreprise publique et conserver son caractère intégré, sous réserve d'appliquer une séparation comptable de ses activités de production, de transport et de distribution d'électricité.

Il revient maintenant au Parlement français de se prononcer sur les options qui sont ouvertes par le texte de la directive. Le débat devrait avoir lieu en janvier et février 1999.

Votre rapporteur souhaite à cet égard s'associer aux voeux de notre excellent collègue Henri Revol, rapporteur de la commission d'enquête sur la politique énergétique de la France, en faveur d'une loi d'orientation quinquennale sur l'énergie qui définirait notamment la programmation à long terme des investissements de production d'électricité. Il reviendrait ainsi aux pouvoirs publics de décider des modalités de renouvellement du parc nucléaire, comme de l'ampleur des efforts à consentir en faveur des énergies renouvelables, et non aux seules forces du marché qui ne se préoccupent ni de sécurité des approvisionnements, ni de protection de l'environnement.

EDF dispose de nombreux atouts pour s'imposer dans la bataille qui s'annonce. Encore convient-il qu'elle ne soit pas entravée à l'excès pour les valoriser, et puisse, par conséquent, exercer pleinement ses activités d'opérateur industriel.

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