CHAPITRE II

LES RÉSULTATS DU COMMERCE EXTÉRIEUR

I. L'ÉVOLUTION DU COMMERCE MONDIAL

A. LA CROISSANCE DU COMMERCE MONDIAL S'EST ACCÉLÉRÉE EN 1997 MALGRÉ LA CRISE QUI A FRAPPÉ CERTAINS MARCHÉS FINANCIERS EN ASIE

La production mondiale et le commerce international ont progressé à un rythme très soutenu en 1997 malgré les effets de la crise financière asiatique. Les exportations de marchandises ont crû de 9,5 %, taux le plus élevé enregistré depuis plus de deux décennies, sauf en 1994 où il avait atteint 10 %. Comme c'est régulièrement le cas depuis de nombreuses années, les exportations de marchandises ont augmenté beaucoup plus rapidement que la production mondiale -près de trois fois plus vite en 1997.

L'expansion du commerce mondial a été plus forte que prévu, et cela s'explique en grande partie par les résultats enregistrés par l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud. En raison du dynamisme économique de ces deux régions, le taux de croissance de leurs exportations et de leurs importations a dépassé les 10 %.

Les différences entre régions se sont amenuisées en 1997 grâce à la reprise de l'activité en Europe occidentale et dans les pays en transition. Ces deux régions ensemble représentent environ 45 % du commerce mondial de biens et de services. Malgré les progrès enregistrés en 1997, ces régions sont restées les moins dynamiques sur le plan du commerce extérieur.

En Asie, en Afrique et au Moyen-Orient, la croissance moyenne de la production a été plus faible en 1997 qu'en 1996. Le fléchissement de la croissance du PIB en Asie est principalement imputable au Japon. Dans les pays en développement d'Asie, la croissance moyenne n'a que légèrement ralenti, s'établissant à 7 % environ, ce qui reste deux fois plus élevé que la moyenne mondiale. D'après les estimations de l'ONU, en 1997, la croissance de la production par habitant a été positive dans 120 pays sur les 143 étudiés, soit autant qu'en 1996, meilleure année depuis 1990 à cet égard.

La valeur des exportations mondiales de marchandises en dollars a augmenté de 3 % en 1997, contre 4 % en 1996. Les exportations de produits manufacturés ont crû plus rapidement que la moyenne et les exportations de produits minéraux moins rapidement, tandis que la croissance des exportations de produits agricoles a diminué. La valeur des exportations mondiales de services commerciaux a augmenté de 2 %, mais la croissance en volume a été supérieure à ce chiffre.

Pour ce qui est des trois grandes catégories de services commerciaux, les exportations de services de transport ont stagné, celles de services de voyage ont légèrement augmenté et celles d'autres services commerciaux ont progressé à un rythme supérieur à la moyenne. Les exportations ont atteint un niveau record tant pour les marchandises que pour les services commerciaux, 5.300 milliards et 1.300 milliards de dollars, respectivement.

La crise financière qui a frappé certains pays d'Asie n'a eu qu'un impact modéré sur la croissance moyenne du commerce mondial en 1997, qu'elle soit mesurée en valeur ou en volume. Cela n'est guère surprenant car cette crise n'a pris toute son ampleur que dans les derniers mois de l'année et il faut un certain temps pour que la dépréciation des monnaies se répercute sur les courants d'échanges . En outre, la part des cinq pays d'Asie les plus touchés (République de Corée, Malaisie, Thaïlande, Indonésie et Philippines) dans le commerce mondial n'est que de 6 à 7 %.

B. LA CROISSANCE DU COMMERCE MONDIAL DEVRAIT SE TASSER EN 1998 ET 1999

En 1998 et 1999, le rythme de croissance des échanges mondiaux fléchirait en raison du ralentissement de certaines zones émergentes -Asie, Amérique latine et pays de l'OPEP ainsi que du tassement de la demande en Amérique du Nord et au Royaume-Uni.

Le ralentissement de la demande intérieure dans les pays anglo-saxons devrait affecter les importations de ces pays. La demande d'importations adressée hors de la zone Asie par les pays de l'Asie émergente touchés par la crise financière serait en recul en 1998 et les importations japonaises, de nouveau en baisse au premier trimestre, resteraient sur un rythme très faible tout au long de l'année 1998 en raison de l'atonie persistante de la demande intérieure. Les importations des pays de l'OPEP subiraient de plein fouet en 1998 les conséquences de la baisse du prix du pétrole, et ce, malgré la légère reprise en volume de leurs importations qui semble s'amorcer depuis le printemps.

Dans ces conditions, l'accentuation de la demande des pays de la zone euro fait jouer au commerce intra-zone un rôle d'amortisseur pour la France grâce auquel la demande mondiale de produits manufacturés qui lui est adressée passerait de 9,4 % en 1997 à environ 7,4 % en 1998, décélérant ainsi deux fois moins vite que la demande mondiale adressée à la zone euro.

Sous l'hypothèse - conventionnelle - d'un gel des changes à leur valeur du 22 juin 1998, la position compétitive des pays appartenant au coeur du SME se dégraderait en 1998 en raison des effets de la puissante dépréciation du yen vis-à-vis de leurs monnaies. La compétitivité-prix des exportateurs nippons bénéficierait bien évidemment de la dépréciation de la devise japonaise vis-à-vis des monnaies des pays du G10 tandis que les exportateurs anglo-saxons ne parviendraient pas à endiguer leurs pertes de compétitivité-prix en dépit de leurs efforts de marge.

Enfin, le déficit de la balance courante s'est creusé en Amérique du Nord en 1997, alors que les balances s'amélioraient globalement au Japon et en Europe. En 1998, l'évolution des écarts de conjoncture ne permettrait pas de résorber les déséquilibres courants entre les trois grandes régions du monde. En outre, l'évolution des charges renforcerait, tant l'amélioration du solde courant japonais que la dégradation du compte courant américain.

II. LA CROISSANCE DE L'EXCÉDENT COMMERCIAL DE LA FRANCE

A. LE COMMERCE EXTÉRIEUR FRANÇAIS EN 1997

En 1997, pour la sixième année consécutive, le commerce extérieur de la France a dégagé un excédent. Depuis 1990, le solde ne cesse de progresser, si l'on excepte une pause en 1994. Il s'est élevé en 1997 à 173,5  milliards de francs, soit environ 2 % du PIB. Il a doublé par rapport à 1996, et c'est le chiffre le plus élevé que l'on ait jamais enregistré .

Les exportations ont été très dynamiques : elles ont augmenté de 14 %, c'est-à-dire trois fois mieux que l'année précédente, où elles n'avaient crû que de 4 %. C'est la meilleure performance depuis 10 ans.

Avec 8 % d'augmentation, les importations ont aussi été très dynamiques. Là encore, le contraste est frappant avec l'année précédente puisque leur progression a été, comme celle des exportations, trois fois plus rapide qu'en 1996 (+2,6 %).

Cette reprise des achats à l'étranger a été particulièrement forte pour les biens d'équipements professionnels (+15 %). Cela montre que la demande intérieure repart, que l'investissement en France est vigoureux (l'INSEE prévoit une augmentation de 10  % pour l'investissement industriel en 1998).

Sur le plan géographique , la croissance des exportations a été tirée par la quasi-totalité des zones géographiques. Elle a été particulièrement remarquable en direction des Etats-Unis (+21 %), du Royaume-Uni (+21 %), de l'Espagne (14 %) et de l'Italie (13 %), mais aussi vers l'Asie émergente où nos exportations progressent de presque un tiers en dépit de la crise.

C'est vers les pays développés que l'économie française réalise les gains les plus forts. L'excédent avec l'Union européenne a été multiplié par trois l'année dernière -il atteint près de 90  milliards de francs- si bien que, pour la première fois, la France dégage un solde excédentaire avec l'OCDE.

Sur le plan sectoriel , les exportations de biens d'équipement professionnel (+17 %) expliquent plus d'un tiers de la croissance globale. Ainsi, les ventes d'Airbus (+29 %) ont fortement progressé, avec un niveau record de 107 avions livrés ainsi que celles de l'industrie électrique. Les ventes d'automobiles ont été dopées (+23 % par rapport à 1996) par une demande dynamique en Europe et une bonne compétitivité des produits français.

D'autres secteurs enregistrent aussi de très bons résultats comme l'industrie pharmaceutique, le textile et l'agro-alimentaire.

En outre, le caractère structurel de l'excédent du commerce extérieur de la France semblerait ne plus faire de doute. Ainsi, une étude de la direction des relations économiques extérieures 3( * ) estime qu' " il est largement abusif d'attribuer la totalité du montant de l'excédent à un décalage conjoncturel. La croissance du solde commercial français s'explique pour une partie importante par la progression de l'excédent avec les pays émergents et en développement. Cet excédent, qui représente environ la moitié de l'excédent total, est lié non pas à des écarts de conjoncture avec ces pays mais au fort contenu en importations de la croissance des pays en rattrapage économique en Asie, en Amérique latine et en Europe centrale et orientale. "

Les facteurs à l'origine de l'excellente performance des exportations sont de plusieurs ordres :


certains sont d'origine externe comme le dynamisme de la demande étrangère, l'évolution du dollar et d'autres évolutions spécifiques à tel ou tel secteur. La très forte croissance de nos exportations automobiles (+23 % en 1997 par rapport à 1996 pour un montant de ventes de 30 milliards de francs) s'explique essentiellement par le faible dynamisme du marché français par rapport aux marchés italiens et espagnols ;


les autres facteurs sont liés à la très bonne compétitivité des entreprises françaises, en matière de prix, de qualité, de positionnement de gamme, de capacité à réagir à la demande ;


enfin, certains facteurs psychologiques contribuent également à l'excédent commercial français, notamment le développement de la culture de l'international dans les petites et moyennes entreprises.

Par ailleurs, le commerce extérieur a un impact positif sur l'économie . Ce sont en grande partie les exportations qui ont tiré la croissance en 1997 : la contribution du commerce extérieur à la croissance a été de 1,3 % sur les 2,5 % de croissance du PIB, c'est-à-dire plus de la moitié.

Il a aussi un impact positif sur l'emploi. On peut estimer que, depuis 1990, le redressement de notre balance commerciale a contribué à créer en France 300 à 350 000 emplois.

B. LES PERSPECTIVES POUR 1998 ET 1999

En effet, la croissance en Europe devrait être, même en tenant compte de l'effet de la crise asiatique, légèrement plus soutenue en 1998 qu'en 1997. Or, la France réalise environ les deux tiers de ses échanges avec les pays européens . Par conséquent, les exportations devraient rester favorablement orientées cette année.

En outre, l'impact de la crise asiatique sur le commerce extérieur français, qui devrait passer principalement par une contraction de la demande adressée par les pays en crise aux entreprises françaises, devrait rester limité du fait de la faible présence de la France en Asie (7 % des exportations françaises).

Pour 1998, la direction des relations économiques extérieures prévoit une baisse des exportations française vers l'Asie en développement de 10 % par rapport à 1997. Toutefois, elle fait remarquer que l'impact à moyen terme risque d'être plus important, compte tenu de la baisse d'ores et déjà observée sur les signatures de grands contrats, notamment dans le secteur aéronautique.

Par ailleurs, certains secteurs particulièrement exposés à la concurrence ou à l'évolution des débouchés asiatiques seront plus durement touchés que les autres. Il s'agit notamment de l'industrie du luxe, de l'habillement, de l'horlogerie et de l'électronique grand public. Ainsi, le groupe de luxe français LVMH a annoncé le 12 octobre 1998 une baisse de son chiffre d'affaires en Asie de plus de 13 % pour le quatrième trimestre 1998. Le recul sur les neuf premiers mois est de 8 %.

Les dérèglements observés en Amérique latine et en Russie, l'effondrement général des bourses ainsi que le ralentissement économique observé au Royaume-Uni assombrissent encore davantage les perspectives pour 1999. Certes, la mise en place de l'euro devrait stimuler les échanges entre la France et les autres pays membres de l'Union économique et monétaire, en raison de la baisse des coûts de transaction liés aux conversions entre monnaies et à la disparition du risque de change. Toutefois, les bénéfices attendus du passage à la monnaie unique ne pourraient pas compenser les conséquences d'un environnement économique très dégradé.

En définitive, il semble aujourd'hui extrêmement difficile de pouvoir élaborer des prévisions assez précises sur l'évolution du commerce extérieur mondial et français pour l'année 1999. Si la perspective de baisse de l'excédent du commerce extérieur français ne laisse plus de doute, il est impossible d'évaluer son montant et sa durée.

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