VI. EXAMEN DU RAPPORT

Le mercredi 27 octobre 1999, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Louis Souvet sur le projet de loi n° 22 (1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail.

M. Louis Souvet, rapporteur,
a rappelé que le Gouvernement avait déposé, le 28 juillet dernier, un projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail et que ce projet de loi, sensiblement amendé et complété par une quinzaine d'articles supplémentaires, avait été adopté par l'Assemblée nationale le 19 octobre dernier.

Il a observé que la discussion de ce texte intervenait dix-huit mois après celle d'un premier texte déjà relatif à la réduction du temps de travail, en soulignant l'existence d'une différence essentielle entre ces deux textes : la loi du 13 juin 1998 fixait le principe d'un abaissement de la durée légale du travail à 35 heures par semaine à compter du 1 er janvier 2002 et dès le 1 er janvier 2000 pour les entreprises dont l'effectif est de plus de vingt salariés, alors que le nouveau projet de loi met en oeuvre ce principe.

Il a souligné que l'abaissement de la durée légale du travail ne se traduisait pas mécaniquement par une baisse de la durée effective du travail, son effet indirect étant un renchérissement du coût du travail pour les entreprises qui ne réduiraient pas la durée collective du travail.

Il a considéré que le débat ne portait pas aujourd'hui sur le principe de la réduction du temps de travail. Il a estimé en effet que l'opposition actuelle avait beaucoup oeuvré pour favoriser une réduction du temps de travail négociée en considérant que, dans un contexte de chômage massif, aucune piste ne devait être négligée.

Il a rappelé que la commission avait toujours été en pointe dans cette démarche, notamment lors de la discussion de la loi du 11 juin 1996 dite " loi de Robien " qui incitait les entreprises à réduire la durée collective du temps de travail, ainsi que lors de la discussion de la première loi Aubry, il y a dix-huit mois. Le Sénat avait alors voté les propositions de la commission qui privilégiaient une nouvelle fois une réduction volontaire du temps de travail selon un barème révisé de la " loi Robien " afin de maîtriser le coût budgétaire du dispositif, de préférence à un abaissement de la durée légale du travail.

M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé qu'il avait déclaré à cette occasion que " librement négociée, associée à une souplesse indispensable à la compétitivité de l'économie, la réduction du temps de travail pouvait sans doute créer des emplois ou en préserver dans certaines entreprises, en fonction du contexte qui est propre à chacune, contexte économique, contexte social, contexte psychologique également, c'est-à-dire volonté commune ".

M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que, depuis deux ans, la France était le seul pays au monde à avoir engagé une démarche de réduction de la durée légale du travail, cette question étant même devenue l'alpha et l'omega du débat économique et de la négociation collective. Il a observé qu'aucune autre réforme d'envergure n'avait été menée, que ce soit en termes d'allégements de cotisations sociales, de flexibilité, de réforme du marché du travail ou encore de formation professionnelle.

Il a estimé, dans ces conditions, que la comparaison du bilan de la loi du 13 juin 1998 d'une part et des résultats obtenus par les autres grands pays européens d'autre part, dans la lutte contre le chômage, devait permettre de porter un premier jugement sur la validité de l'option choisie par le Gouvernement.

M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que bilan de la loi du 13 juin 1998, en termes de créations d'emplois, ne pouvait pas être considéré comme satisfaisant.

Il a rappelé que le Gouvernement avait annoncé début septembre que les accords avaient donné lieu à environ 120.000 engagements de créations d'emplois, dont près de 18.000 emplois préservés et près de 19.000 créés par le secteur public, ce qui lui a semblé bien peu compte tenu des moyens mis en oeuvre par le Gouvernement pour inciter l'ensemble des entreprises françaises à signer un accord.

Il a remarqué que 98,8 % des entreprises occupant au moins un salarié n'avaient pas signé d'accord de réduction du temps de travail et que 90 % des salariés du secteur marchand n'étaient pas couverts par un accord.

Il a noté que les 120.000 créations ou préservations d'emplois ne représentaient que 0,58 % des effectifs actuels du secteur marchand.

Il a rappelé que la croissance à elle seule avait généré la création de 500.000 emplois dans le secteur marchand en deux ans.

M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé que le bilan présenté par le Gouvernement n'était donc pas à la hauteur des enjeux : 3 millions de chômeurs, un chômage de longue durée qui se maintient, une segmentation du marché du travail qui se confirme, alors même que la présentation des résultats de la loi du 13 juin 1998 n'était pas exempte de tout reproche.

M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré qu'il était aujourd'hui démontré que les 85.000 créations d'emplois annoncées (hors secteur public et hors emplois " préservés ") ne constituaient que des promesses d'embauches qui restaient encore à réaliser comme l'avait reconnu Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, lors de son audition par la commission. Il a observé qu'on ne pouvait dire, aujourd'hui, précisément combien d'emplois avaient été effectivement créés du fait de la loi du 13 juin 1998 et que ce fait à lui seul légitimait sa perplexité sur le dispositif dans son ensemble.

Par ailleurs, M. Louis Souvet, rapporteur, a souligné que 6 des 15.000 accords concernaient à eux seuls près de 600.000 des 2,2 millions de salariés couverts par un accord d'entreprise ou d'établissement, soit 27,5 % du total des effectifs concernés. Il a déclaré que ces accords avaient été signés par Electricité de France (EDF), Télédiffusion de France (TDF), la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), le Conseil général de la Nièvre, les Mines de potasse d'Alsace et La Poste, en remarquant que la prise en compte de ces structures publiques pouvait biaiser sensiblement le bilan.

Il s'est interrogé sur la véritable signification des 85.000 créations d'emplois annoncées dans le cadre des accords aidés, considérant qu'un certain nombre de ces emplois correspondait à des effets d'aubaine.

M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que le Gouvernement estimait à 15.000 les créations d'emplois relevant des effets d'aubaine. Il a estimé que ce chiffre ne pouvait être rapporté aux 120.000 engagements de créations ou de préservations d'emplois, compte tenu des 18.800 emplois relevant du secteur public et des 16.300 emplois créés ou préservés par des entreprises qui n'avaient pas reçu une aide financière.

Il a constaté que ces 15.000 emplois devaient être rapprochés des 85.000 emplois créés ou préservés par des entreprises ayant signé un accord aidé, ce qui représentait déjà un effet d'aubaine d'environ 18 %. Il a observé à ce stade que ce chiffre de 18 % ne distinguait pas entre emplois créés ou préservés, sachant toute l'ambiguïté que comportait la notion d'emploi " préservé ". Dans ces conditions, il a estimé que les chiffres du rapport préparé par le Gouvernement illustraient que les accords signés en vertu de la loi du 13 juin 1998 avaient permis 70.000 promesses d'embauches (82 % des 85.000 emplois prévus par les accords aidés) et non 120.000 comme on pouvait le croire en écoutant des lectures plus accommodantes.

M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré, néanmoins, que ce chiffre de 70.000 créations d'emplois ne pouvait, lui aussi, constituer une bonne approximation du nombre d'emplois créés, compte tenu de la technique retenue par le Gouvernement pour mesurer les effets d'aubaine.

Il a rappelé que le rapport présenté par le Gouvernement le 20 septembre dernier expliquait, en effet, que la mesure de l'effet d'aubaine avait été obtenue en comparant les entreprises ayant signé un accord Aubry avec celles qui, appartenant à un même secteur et ayant une taille comparable, n'avaient pas signé d'accord. Il a observé que les experts du ministère de l'emploi estimaient que la rupture observée dans l'évolution des effectifs de ces entreprises constituait une mesure de l'effet sur l'emploi de la réduction du temps de travail. M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que le raisonnement, développé à la page 13 du tome I du bilan, serait correct si l'on ne constatait pas avec étonnement à la page 6 du tome II, dans les annexes, un graphique tout à fait intéressant, et bien peu mis en valeur, qui expliquait que l'évolution des deux catégories d'entreprises examinées par les services du ministère différait déjà entre 1990 et 1996, c'est-à-dire avant le vote de la loi Robien et bien avant celui de la première loi Aubry.

M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé que cela signifiait que, bien qu'appartenant à un même secteur et ayant la même taille, les entreprises ayant signé un accord n'étaient pas comparables à celles qui n'en avaient pas signé, l'évolution de l'emploi dans les entreprises signataires étant spontanément plus favorable.

Il a considéré que, paradoxalement, les données rassemblées dans les annexes du rapport publié le 20 septembre par le Gouvernement démontraient que l'effet d'aubaine jouait à plein et que les entreprises qui avaient signé un accord en promettant d'embaucher étaient celles qui avaient déjà tendance à embaucher, c'est-à-dire celles qui bénéficiaient d'un avantage compétitif.

M. Louis Souvet, rapporteur, s'est interrogé sur la véritable mesure de l'effet d'aubaine. Il a rappelé que le Centre des jeunes dirigeants (CJD) estimait que 50 % des emplois créés relevaient de l'effet d'aubaine, que les chambres de commerce et d'industrie estimaient ce chiffre à 70 % tandis que M. Bernard Brunhes considérait que la " quasi-totalité " des embauches réalisées relevait de l'anticipation, c'est-à-dire littéralement de l'effet d'aubaine. M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que ces estimations ramenaient entre 25.000 et 43.000 le nombre d'emplois créés en vertu de la loi du 13 juin 1998.

Observant que 6,7 milliards de francs avaient été inscrits au budget en 1998 et 1999 pour financer la loi du 13 juin 1998, il a noté que si l'on retenait la fourchette haute de l'estimation, soit 43.000 vrais emplois créés, chaque emploi créé aurait été financé par l'Etat à hauteur de 156.000 francs (268.000 francs par emploi si l'on retenait l'hypothèse basse de 25.000 emplois créés hors effet d'aubaine). Il s'est interrogé sur le fait de savoir si cet argent n'aurait pas été mieux employé à réduire le coût du travail ou à développer la formation professionnelle.

M. Louis Souvet, rapporteur, a souligné que l'ensemble des pays européens avait bénéficié d'un retour de la croissance depuis 1997.

Il a observé que le taux de chômage français, supérieur à 11 % en 1999, était parmi les plus élevés de l'Union européenne, ce taux étant aujourd'hui de 7 % en Suède, 6,5 % en Irlande et au Royaume-Uni, 4,5 % au Portugal, en Autriche et au Danemark, 3,3 % aux Pays-Bas. Il a estimé que cette comparaison n'était pas à l'avantage de la politique de l'emploi menée par le Gouvernement, la France étant, en effet, le pays, parmi ceux qui avaient les plus hauts taux de chômage en 1997, à avoir obtenu les moins bons résultats depuis deux ans en termes de réduction du chômage.

Il a observé, que, depuis deux ans, la Suède, l'Irlande et la Finlande, trois pays qui avaient un taux de chômage compris entre 10 et 12 %, avaient réduit celui-ci de 20 à 33 % contre seulement 11 % pour la France. Il a remarqué que seule l'Italie avait obtenu des résultats moins favorables que la France, en termes de baisse du taux de chômage, soulignant qu'elle était le seul pays également à avoir manifesté un intérêt pour les 35 heures, bien qu'elle ait, depuis, renoncé à mener une politique d'abaissement généralisé de la durée du travail.

M. Louis Souvet, rapporteur, a conclu, aux termes de cette analyse du bilan réalisé par le Gouvernement, que les emplois n'étaient pas au rendez-vous de la loi du 13 juin 1998.

Il a cependant reconnu que la loi du 13 juin 1998 n'avait pas été sans conséquence, la centaine d'accords de branche et les 15.000 accords d'entreprise étant une réalité. Il a souligné que, sous la contrainte exercée par la perspective de la seconde loi, les partenaires sociaux avaient été amenés à négocier ce dont les entreprises avaient besoin : la flexibilité. Il a estimé que cette loi avait fait " tomber des tabous " sur l'organisation du travail, les salariés ayant dû accepter un accroissement de la flexibilité contre une amélioration des conditions de travail et une réduction du temps de travail. Il a remarqué que les accords signés avaient prévu, dans plus de 42 % des cas, une fluctuation des horaires, dans 25,2 % un redéploiement des qualifications des salariés et dans 21 % une augmentation de l'amplitude des horaires d'ouverture. Par comparaison, il a noté que seuls 18 % des accords avaient prévu une augmentation de la durée d'utilisation des équipements. Il a souligné que, selon les chiffres communiqués dans le bilan du 20 septembre, 12 % des salariés concernés par le nouveau temps de travail avaient une durée annuelle du travail supérieure à 1.600 heures et 21 % des accords prévoyaient une durée du travail hebdomadaire maximale supérieure à 44 heures.

Il a insisté sur ces deux points, compte tenu du fait que le second projet de loi avait prévu que le plafond de l'annualisation serait abaissé à 1.600 heures et la durée maximale du travail à 44 heures.

M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que les partenaires sociaux étaient peu nombreux à considérer le bilan de la loi du 13 juin 1998 comme satisfaisant.

Il a observé que le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) restaient résolument opposés à ce texte. Evoquant le Centre des jeunes dirigeants d'entreprises (CJD), il a observé que 200 de ses 500 adhérents, qui avaient décidé de mettre en oeuvre la loi Aubry, avaient renoncé en cours de route à négocier la réduction du temps de travail compte tenu de la complexité et de la rigidité des procédures, de l'absence d'interlocuteurs du côté salarié et des difficultés à mettre en oeuvre la modulation du temps de travail.

M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que M. Jean Delmas, président de l'Union professionnelle artisanale (UPA) avait déclaré, lors de son audition, que la loi du 13 juin 1998 s'était révélée impossible à appliquer pour la majorité des toutes petites entreprises du fait notamment de leur déficit d'expertise juridique.

Il a observé que, globalement, les syndicats de salariés redoutaient qu'à une première loi Aubry " réformant " la négociation collective, à travers une certaine pratique du mandatement, succède une seconde loi réorganisant le paysage syndical, à travers, par exemple, la pratique des " accords majoritaires ".

Il a souligné que les désaccords entre le Gouvernement d'une part et les partenaires sociaux d'autre part, portaient sur cinq points : la capacité de ce dispositif à créer des emplois, l'ouverture inopinée d'un débat sur la représentativité syndicale, l'articulation du second projet de loi avec les accords déjà signés, la question du financement et l'application des 35 heures aux trois fonctions publiques qui posait un problème de coût considérable.

Il a rappelé que l'article 2 de la loi du 13 juin 1998 appelait les partenaires sociaux à " négocier d'ici les échéances fixées à l'article premier (2000 ou 2002 selon la taille de l'entreprise), les modalités de réduction effective de la durée du travail adaptées aux situations des branches et des entreprises ".

Il a observé que les employeurs estimaient que les entreprises avaient " joué le jeu " et respecté la loi, " chacun ayant négocié selon les exigences de sa profession dans un dialogue parfaitement classique " et qu'ils considéraient, maintenant, que les accords étendus ne seraient pas opérationnels, compte tenu du refus du Gouvernement de reprendre les dispositions des accords concernant notamment le régime des cadres, la durée du travail en cas d'annualisation, le développement de la formation en dehors du temps de travail ou encore le nombre d'heures supplémentaires effectivement applicable.

Examinant le contenu des accords de branche, M. Louis Souvet, rapporteur, a constaté qu'ils prenaient en compte des exigences communes. Il a observé que plusieurs branches avaient retenu un contingent élevé d'heures supplémentaires, citant la métallurgie et le bâtiment et les travaux publics (BTP) (180 heures), les services de l'automobile (182 heures), la propreté (190 heures), le textile et l'habillement (175 heures). Concernant l'annualisation, il a observé que les durées annuelles retenues étaient souvent supérieures à 1.600 heures par an, comme pour le BTP (1.645 heures) ou la métallurgie, les services à l'automobile ou les industries chimiques (1.610 heures).

M. Louis Souvet, rapporteur, a indiqué que certains accords prévoyaient qu'une partie importante de la formation aurait lieu en dehors du temps de travail (services à l'automobile).

Concernant la compensation de la baisse de salaire en cas de réduction d'horaire, il a observé que les accords de branche se partageaient entre ceux qui renvoyaient aux accords d'entreprise et ceux qui posaient le principe d'une compensation sur les salaires réels.

M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que la procédure d'extension avait déjà constitué une première occasion de remise en cause des accords, leur examen s'étant fait à partir du cadre légal actuel, c'est-à-dire du droit existant. Il s'est demandé s'il ne fallait pas comprendre que la loi du 13 juin 1998 ouvrait un droit à l'expérimentation pour autant que les dispositions adoptées n'étaient pas sans lien avec l'objet de la loi et rejoignaient sur la forme la procédure des ordonnances législatives qui habilite le Gouvernement à adopter des actes de portée législative à " durée déterminée ".

Il a déclaré que les dispositions qui avaient fait l'objet d'une exclusion au motif d'une absence de base légale n'avaient rien de scandaleux, citant l'annualisation individuelle, le décompte en jours du forfait annuel de la durée du travail, la prise en compte des salariés à temps partiel dans la modulation, le remplacement de la rémunération des heures complémentaires par du repos, l'abondement par les repos compensateurs légaux et les majorations pour heures supplémentaires du compte épargne-temps ou encore la non-assimilation à du temps de travail effectif du temps consacré aux actions de formation prévues par le plan de formation.

M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé que l'étendue des réserves et des exclusions illustrait le fait que le Gouvernement ne souhaitait pas encourager l'innovation dans le contenu des accords, ce qui était contradictoire avec l'esprit même de la loi du 13 juin 1998. Il a observé que les employeurs pouvaient tout à fait, dans ces conditions, dénoncer le " double-jeu " du Gouvernement qui exerçait un droit de regard sur le contenu des accords tout en précisant que les dispositions étendues " ne préjugeaient pas du contenu de la seconde loi ".

M. Louis Souvet, rapporteur, a constaté que la négociation sur la réduction du temps de travail avait donc été sérieusement " encadrée " par l'absence de possibilité d'innover et qu'il apparaissait aujourd'hui que, non seulement les partenaires sociaux n'avaient pu négocier ce qu'ils souhaitaient, c'est-à-dire " les modalités de réduction effective de la réduction du temps de travail adaptées aux situations des branches et des entreprises " mais qu'il leur faudrait renégocier certains accords sur des clauses fondamentales comme l'annualisation du temps de travail, le régime des heures supplémentaires, la formation professionnelle, le temps de travail des cadres ou les salaires, compte tenu des dispositions figurant dans le présent projet de loi.

M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé, en conséquence, que le projet de loi ne reprenait pas le contenu des accords signés, mais qu'il se limitait à tenir compte des " enseignements des accords conclus ", ce qui lui semblait très différent. Il a remarqué que si la loi du 13 juin 1998 avait pu être présentée comme une loi-cadre sur la réduction du temps de travail, ce nouveau texte constituait un recadrage brutal compte tenu notamment des amendements souvent très contraignants adoptés à l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale.

M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé les principales dispositions du projet de loi.

Il a déclaré que l'article premier était sans doute le plus emblématique puisqu'il confirmait le principe de la réduction de la durée légale à 35 heures au 1 er janvier 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés et au 1 er janvier 2002 pour les autres. Il a remarqué que l'article 2 modifiait le régime des heures supplémentaires pour tenir compte de l'abaissement de la durée légale prévu par l'article premier. Il a souligné que l'article 3 unifiait et simplifiait le régime des modulations autour des 35 heures, tandis que l'article 4 pérennisait la possibilité d'organiser la réduction du temps de travail sous forme de journées ou de demi-journées de repos. Il a observé que l'article 5 distinguait trois catégories de cadres et que l'article 6 modifiait le régime du temps partiel.

M. Louis Souvet, rapporteur, a insisté sur l'article 11 du projet de loi relatif aux allégements de cotisations sociales pour les entreprises ayant conclu un accord de réduction du temps de travail. Il a observé que le paragraphe XVI de cet article prévoyait que ces allégements seraient financés par les régimes de protection sociale, d'assurance chômage et par l'Etat. Il a déclaré que l'article 12 définissait le barème d'allégement de cotisations sociales. Il a souligné que l'article 14 validait les accords conclus avant l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi mais seulement pour un an, tandis que l'article 15 traitait des conséquences du refus par un salarié d'accepter une modification de son contrat de travail consécutive à la réduction du temps de travail. Il a observé que l'article 16 garantissait les revenus des salariés rémunérés au niveau du SMIC et passés aux 35 heures.

M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré que l'étendue des dispositions du projet de loi comme leur complexité, notamment en ce qui concernait le régime des heures supplémentaires, illustrait bien le " recadrage " opéré par le Gouvernement à l'occasion de l'examen de ce projet de loi. Il a déclaré qu'il ne s'agissait plus seulement d'abaisser la durée légale du travail mais aussi de renforcer l'encadrement du pouvoir de gestion des chefs d'entreprise.

M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré que le débat à l'Assemblée nationale avait pris un tour très idéologique, l'objectif de création d'emplois étant clairement passé au second rang derrière la dimension sociale du projet de loi.

Il a cité Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, déclarant, au début de sa présentation du projet de loi à l'Assemblée nationale, que " les enjeux de la loi étaient clairs : non seulement rechercher un meilleur équilibre quantitatif entre le temps de travail, le temps pour soi, le temps pour les autres, mais aussi améliorer la qualité de la vie de travail comme de la vie personnelle " à travers le sport, le bricolage, le jardinage, la culture, la flânerie... Il a rappelé que la discussion avait inscrit le projet de loi " au coeur des grandes luttes sociales de notre pays pour l'amélioration des conditions de vie, pour la défense et le développement de l'emploi ".

M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré que l'adoption de nombreux amendements présentés quelquefois conjointement par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, les membres du groupe socialiste et les membres du groupe communiste, avait sensiblement durci le texte. Par ailleurs, il a souligné que des articles additionnels avaient été adoptés sans rapport direct avec la réduction " négociée " du temps de travail, ceux-ci réécrivant de nombreuses dispositions du code du travail.

M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé que le plus emblématique de ces ajouts " idéologiques " était sans doute l'amendement à l'article premier, déposé par la commission et les membres du groupe socialiste, qui imposait aux employeurs projetant un plan social d'engager préalablement une négociation tendant à la conclusion d'un accord sur la réduction du temps de travail (amendement " Michelin ").

Il a considéré que ces durcissements étaient perceptibles tout le long du texte, la définition du travail effectif (article premier ter) ayant été modifiée pour inclure le temps nécessaire à la restauration, les temps consacrés aux pauses ainsi que certains temps d'habillage et de déshabillage.

Il a observé que les horaires d'équivalence avaient été strictement encadrés (article premier quater) de même que les astreintes (article premier quinquies). Il a souligné que le délai de prise du repos compensateur avait été réduit de six mois par un amendement à l'article 2.

Il a remarqué que la durée maximale du travail hebdomadaire avait été abaissée à 44 heures par un article additionnel 2 bis et qu'un repos hebdomadaire de 35 heures avait été créé par un article additionnel 2 ter, sans possibilité de dérogation, contrairement à ce que prévoyait la directive européenne.

Il a noté que le régime unique de modulation de l'article 3 avait été durci par un amendement qui prévoyait que l'accord devait préciser les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation, qu'un article 4 bis avait renforcé les modalités de contrôle du repos dominical.

Il a souligné que la catégorie des cadres dirigeants de l'article 5 avait été strictement délimitée.

Par ailleurs, il a observé que des conditions supplémentaires pour obtenir le bénéfice des allégements de cotisations sociales prévus à l'article 11 avaient été introduites.

M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé que les modifications apportées par l'Assemblée nationale avaient toutes privilégié le renforcement et le durcissement de " l'ordre public social " de préférence à l'élargissement du champ d'intervention des partenaires sociaux. Il a remarqué que " l'ancrage à gauche " du texte revendiqué par Mme Martine Aubry et M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour l'Assemblée nationale, avait donc été confirmé et accentué par la première lecture à l'Assemblée nationale.

M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que les auteurs du projet de loi avaient souhaité le situer dans la lignée des " grandes lois de gauche " sur le renforcement des garanties accordées aux salariés.

Il a observé que les effets de ces " grandes " lois contredisaient souvent leurs objectifs, en considérant qu'elles avaient, non seulement tendance à privilégier l'amélioration des conditions de travail des salariés en place au détriment des perspectives d'emploi pour les chômeurs, mais aussi à faire que les contraintes imposées aux chefs d'entreprise les amènent à augmenter encore la productivité, la substitution du facteur capital au facteur travail, et donc à pénaliser l'emploi salarié.

M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré qu'au-delà d'un principe, la réduction du temps de travail, et d'une méthode, l'abaissement de la durée légale du travail, il existait donc une véritable rupture entre la vision de la société qui portait ce projet de loi et les convictions profondes que partageait la majorité des membres de la commission. Il a remarqué que, bien que les " 35 heures " aient constitué la 23 ème des 110 propositions de M. François Mitterrand en 1981, elles n'avaient pas été appliquées, la durée légale ayant simplement été ramenée de 40 à 39 heures. Toutefois, il a observé que l'idée était restée, notant qu'en 1982, deux des inspirateurs du présent projet de loi, MM. Yves Barou et Jacques Rigaudiat, écrivaient déjà que la réduction du temps de travail était la seule voie permettant d'éviter la solution néo-libérale. Il a observé que ces deux auteurs considéraient alors que " travailler deux heures par jour, et 40.000 heures tout au long de sa vie ", ce vieux rêve de " l'humanité était aujourd'hui à notre portée " en concluant que " le droit à la paresse était d'abord une conquête à réaliser avant que d'être une jouissance à savourer ".

Sans dénier l'importance des loisirs pour les salariés, M. Louis Souvet, rapporteur, a souhaité réaffirmer combien le travail restait aujourd'hui pour lui un principe de liberté indispensable à la cohésion de la société. Il a rappelé ce qu'avait expliqué Max Weber, à savoir que la division du travail qui caractérisait nos économies contraignait chaque individu à travailler pour les autres et constituait ainsi un puissant facteur d'unité et de solidarité.

M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré préférer penser avec Hannah Arendt que " la condition humaine du travail est la vie elle-même " plutôt que de considérer le travail comme une aliénation. Il a rappelé à cet égard les termes de la première phrase du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : " Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ".

Il a estimé que la commission ne pouvait pas accepter ce texte en l'état. Il a remarqué que ses objections se trouvaient aujourd'hui renforcées par les incertitudes qui entouraient le financement du dispositif.

M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que le 29 juin 1998 lors du débat sur la proposition de loi relative à l'allégement des charges sur les bas salaires dont le premier signataire était M. Christian Poncelet alors président de la commission des Finances, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, avait déclaré au Sénat que le Gouvernement n'avait pas souhaité poursuivre cette politique d'allégement des charges sociales pour trois raisons : le niveau des charges ne constituait pas selon lui un obstacle certain à l'emploi, l'efficacité des allégements de charges lui semblait relative et le financement d'un tel dispositif lui apparaissait comme difficile.

M. Louis Souvet, rapporteur, a remarqué que le Gouvernement était aujourd'hui revenu sur ses deux premières objections, reconnaissant que le coût du travail constituait bien un obstacle à l'emploi et que les allégements de charges étaient efficaces, mais il a observé que le troisième point relatif au financement continuait à lui poser un problème.

M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que le Gouvernement avait en effet prévu dans ce projet de loi un allégement de cotisations sociales spécifique pour les entreprises signataires d'un accord de réduction du temps de travail ayant abaissé la durée collective du travail à 35 heures au plus. Il a observé que tout emploi inscrit dans ce cadre donnerait droit, à partir de l'an 2000, à un abattement de cotisations patronales compris entre 21.500 francs par an au niveau du SMIC et 4.000 francs à 1,8 SMIC et au-delà. Il a souligné que les entreprises qui ne seraient pas éligibles au nouveau dispositif continueraient de bénéficier de la ristourne dégressive sur les bas salaires (" ristourne Juppé ").

M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré qu'à plusieurs reprises, le Gouvernement avait fait état d'une estimation d'une baisse de 4 à 5 % du coût salarial pour un salarié à 1,6 SMIC, une fois pris en compte l'effet " négatif " des 35 heures.

Il a souligné que le financement des allégements de cotisations sociales était assuré par un fonds de financement créé par l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale auquel se référait le paragraphe XVI de l'article 11 du présent projet de loi.

Il a déclaré que ce fonds avait un double objectif : financer les aides accordées aux entreprises passant aux 35 heures et financer les allégements de charges sociales sur les bas salaires. Il a observé que ce fonds était alimenté par des recettes d'origines diverses : une fiscalité affectée (pas moins de trois prélèvements : droits sur tabacs, contribution sociale sur les bénéfices, taxe générale sur les activités polluantes) et, dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, examinée présentement, une contribution de l'Etat, de l'UNEDIC et des régimes de sécurité sociale.

M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que pour l'an 2000, le financement de la ristourne " Juppé " sur les bas salaires actuelle était assuré par 85,5 % des droits sur les tabacs dans la limite de 39,5 milliards de francs.

Il a observé que l'extension de la ristourne " Juppé " actuelle sur les bas salaires serait financée par le conglomérat improbable de la taxe générale sur les activités polluantes (3,2 milliards de francs) et de la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés (4,3 milliards de francs).

Il a remarqué que les 17,5 milliards de francs résultant directement des 35 heures devaient être financés en 2000 par une contribution de l'Etat à hauteur de 18 %, une contribution des régimes de protection sociale à hauteur de 32 % et une contribution de l'UNEDIC à hauteur de 50 %.

Il a également rappelé que le produit de la contribution de 10 % sur les quatre heures supplémentaires entre 35 et 39 heures, payée par les entreprises dont la durée collective du travail n'aurait pas été abaissée à 35 heures, serait affecté au fonds.

Concernant le financement du fonds " à terme ", M. Louis Souvet, rapporteur, a observé que l'exposé des motifs de l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale indiquait que " les dépenses seraient de l'ordre de 100 à 110 milliards de francs par an ". Il a remarqué que le coût proprement dit des 35 heures atteindrait alors 40 milliards de francs et l'extension de la " ristourne Juppé " 25 milliards de francs, les 40 premiers milliards de francs d'allégements devant être toujours financés par les tabacs et les 25 milliards supplémentaires par la taxe générale sur les activités polluantes et la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés. Il a observé que la contribution des organismes sociaux et de l'Etat était estimée à 40 milliards de francs.

M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que la majorité des membres de la commission ne pouvait qu'être très défavorable à ce plan de financement.

Il a estimé que l'affectation des droits sur les tabacs à un fonds de financement mélangeant allégements et aides pérennes à la réduction du temps de travail ne répondait en rien à un impératif de santé publique.

Il a considéré que la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, dont l'affectation au fonds de financement était proposée à l'article 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale constituait, en réalité, une majoration déguisée de l'impôt sur les sociétés, le produit de la taxe générale sur les activités polluantes étant détourné de son objet qui devrait être la réparation des dommages causés à l'environnement.

Par ailleurs, M. Louis Souvet, rapporteur, a estimé que demander des contributions à la sécurité sociale et à l'UNEDIC pour financer des allégements de charges et la réduction du temps de travail constituait un détournement de la finalité des ressources de ces régimes, compte tenu notamment des ambiguïtés qui entouraient la notion de " recyclage " des bénéfices à attendre des créations d'emplois dans le cadre des 35 heures.

Il a observé que les gestionnaires des régimes sociaux et les partenaires sociaux avaient réaffirmé en juillet et en septembre leur opposition totale à cette contribution.

M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré qu'en maintenant son dispositif jusqu'au terme de la première lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait pris le risque de mettre fin au paritarisme dans les régimes sociaux, ce qui lui semblait très grave.

Au surplus, M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré que ces contributions présentaient le caractère d'impositions, le législateur étant seul compétent pour fixer les règles concernant " l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ", comme le précisait l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958.

M. Louis Souvet, rapporteur, a souligné que l'annonce par le Gouvernement de l'abandon du principe d'une contribution de la part des régimes sociaux et de l'assurance chômage, si il devait être salué comme un " retour à la raison ", ne laissait pas moins la question du financement en suspens.

Il a observé que le Gouvernement avait annoncé que cette contribution serait remplacée par une fraction des droits de consommation sur les alcools. Ce faisant, il a considéré qu'en privilégiant le financement des allégements de charges et la réduction du temps de travail au détriment du financement futur des retraites, le Gouvernement semblait contredire lui-même sa priorité de " sauvegarder les régimes par répartition " par l'intermédiaire du fonds de réserve.

M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré qu'en dépit des annonces faites par le Gouvernement, le financement des 35 heures pour 2000 n'était pas assuré à hauteur de 8 milliards de francs et qu'à terme, le plan de financement montrait un " trou " d'une vingtaine de milliards de francs.

M. Louis Souvet, rapporteur, en a conclu que le projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail n'était toujours pas financé.

M. Louis Souvet, rapporteur, a pris acte des reculs et des hésitations du Gouvernement. Il a souhaité proposer une solution radicale aux problèmes posés par ce projet de loi en le modifiant selon quatre principes.

Il a souhaité supprimer les dispositions relatives à l'abaissement de la durée légale du travail, et notamment l'article premier (abaissement de la durée légale du travail), l'article 2 (régime des cadres), l'article 11 (allégement de charges subordonné à la réduction du temps de travail), l'article 12 (barème de l'allégement), l'article 16 (double-SMIC) et l'article 17 (35 heures dans le secteur agricole).

Il a présenté des corrections aux dispositions adoptées à l'Assemblée nationale pour durcir le texte en supprimant ou en amendant notamment les articles premier bis (contreparties à l'aménagement du temps de travail), premier ter (modification de la durée du travail effectif) et 4 bis (renforcement du contrôle du travail dominical).

Il a proposé d'enrichir les dispositions non liées à l'abaissement de la durée légale du travail par des amendements importants, notamment sur les articles 3 (régime unique de modulation), 6 (travail à temps partiel), 9 (compte épargne-temps).

Il a souhaité développer la négociation collective et garantir l'application des accords à travers l'adoption de quatre amendements créant des articles additionnels : le premier appelle les partenaires sociaux à participer à une conférence nationale sur le développement de la négociation collective, le deuxième valide pour cinq ans les clauses des accords conclu en application de la loi du 13 juin 1998, le troisième valide l'accord signé par les partenaires sociaux le 8 avril 1999 qui reconduit le mandatement tel qu'il avait été défini par l'accord interprofessionnel de 1995 et, enfin, le quatrième prévoit que les établissements du secteur sanitaire, social et médico-social pourront bénéficier de l'aide prévue par la première loi Aubry jusqu'en juin 2000 afin de tenir compte des contraintes spécifiques auxquelles doivent faire face ces établissements du fait de la procédure d'agrément.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a considéré que les conclusions du rapporteur sur le bilan de la loi du 13 juin 1998 étaient sombres et sans nuance. Elle a estimé que le nouveau projet de loi, en associant étroitement la loi et le recours à la négociation collective, permettait d'affirmer des garanties pour les salariés et d'assurer une application sur le terrain au plus près des réalités. Elle a constaté que la première loi avait permis une reprise du dialogue social dans les entreprises. Rappelant que les simples incitations à la négociation n'avaient pas donné beaucoup de résultats après avoir cité l'accord interprofessionnel de 1995 et la loi du 11 juin 1996, elle a réaffirmé la nécessité d'une loi pour promouvoir la réduction du temps de travail.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard ayant observé que M. Louis Souvet, rapporteur, considérait que le projet de loi privilégiait dorénavant un projet de société et un renforcement des garanties sociales des salariés, s'est félicitée que la dimension sociale ne soit pas absente de ce texte.

Elle a observé que le projet de loi proposait un dispositif dégressif d'allégement des cotisations sociales dont pouvait bénéficier l'essentiel des entreprises françaises.

M. André Jourdain a déclaré qu'il aurait préféré que la commission propose d'adopter une exception d'irrecevabilité. Il a rappelé que les organisations d'employeurs considéraient que les dispositions des accords n'avaient pas été reprises entièrement par le second projet de loi.

M. André Jourdain , évoquant le financement du dispositif, a observé que le montant de la contribution de 10 % liée aux heures supplémentaires étant estimé à 7 milliards de francs, cela signifiait qu'un milliard d'heures supplémentaires était pris en compte. Il a estimé que ce milliard d'heures supplémentaires entre 35 et 39 heures correspondait au fait que dix millions de salariés n'étaient pas passés à 35 heures, ce qui illustrait l'échec du dispositif.

M. Guy Fischer a exprimé la volonté du groupe communiste républicain et citoyen de clarifier nombre de points de ce projet de loi et de sécuriser certains articles afin d'affirmer un objectif de créations d'emplois. Il a déclaré que les allégements de cotisations sociales opérés depuis une dizaine d'années n'avaient pas donné de résultats tangibles et a estimé que les nouveaux allégements prévus devaient être subordonnés à des engagements de la part des entreprises bénéficiaires. Il a considéré que la France n'était pas le pays où le coût du travail était le plus élevé et qu'au contraire le rapport entre le capital et le travail s'était dégradé.

M. Guy Fischer a déclaré que les propositions du rapporteur revenaient à supprimer l'essentiel du texte adopté par l'Assemblée nationale et illustraient l'existence de deux philosophies complètement opposées sur la réduction du temps de travail. Il a considéré qu'une loi était nécessaire afin de libérer du temps pour les salariés. Il a affirmé que son groupe s'opposerait aux propositions de la commission des affaires sociales.

M. Jean Chérioux a déclaré que la question de la réduction du temps de travail n'était pas au centre du débat et que les différences d'appréciation reposaient plutôt sur les modalités à retenir. Il a considéré qu'il n'était pas réaliste de s'en remettre à la loi et qu'il convenait de laisser une plus grande latitude aux partenaires sociaux. Il a observé que la négociation sur la réduction du temps de travail aurait tout intérêt à trouver sa place dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire.

Mme Annick Bocandé a souligné les faibles résultats en termes d'emplois de la loi du 13 juin 1998. Elle s'est inquiétée des modalités de financement de ce dispositif et notamment du fait que la taxe générale sur les activités polluantes soit détournée de son objectif premier, c'est-à-dire la réparation des dommages causés à l'environnement.

M. Serge Franchis a estimé que le projet de loi était moins moderne que ne le pensaient ses auteurs. Il a considéré que si l'objectif de créations d'emplois n'était pas atteint cela signifierait qu'une occasion avait été manquée. Il a souhaité connaître les modalités d'articulation des différentes aides relatives à la réduction du temps de travail.

M. Philippe Nogrix a fait part de son désaccord sur la vision qui sous-tendait ce projet de loi qui a tendance à ne pas tenir compte des modalités d'application et des oppositions qui se manifestaient, y compris sur le terrain. Concernant le financement, il s'est étonné que des ressources soient détournées de leur objet, notamment en ce qui concernait la taxe générale sur les activités polluantes. Il a évoqué la question de l'application des 35 heures dans le secteur public qui demeurait une inconnue. Il a souligné les problèmes que posait l'abaissement de la durée légale pour les établissements du secteur social compte tenu des contraintes spécifiques liées à la procédure d'agrément.

M. Claude Domeizel a considéré que les conclusions du rapporteur étaient très catégoriques et s'est interrogé sur la contradiction qu'il y avait à supprimer l'essentiel des dispositions du texte tout en prônant le développement de la réduction du temps de travail.

M. Claude Huriet a souligné les conséquences de l'abaissement de la durée légale du travail sur l'augmentation des coûts salariaux des entreprises. Il a déclaré que de nombreuses entreprises avaient déjà des problèmes pour recruter des salariés possédant les qualifications requises.

En réponse aux différents intervenants, M. Louis Souvet, rapporteur, a souligné les difficultés qu'il avait pu rencontrer dans l'examen d'un texte dont le Gouvernement avait changé l'ensemble des modalités de financement en cours d'examen. Il a considéré que le Gouvernement avait semé ainsi un grand désordre dans l'organisation de la procédure d'examen du projet de loi.

Il a déclaré qu'aux termes de ses nombreuses auditions, la majorité de ses interlocuteurs s'interrogeaient sur la façon dont ce projet de loi pourrait être appliqué. Il a estimé que l'application des 35 heures dans le secteur public poserait d'énormes difficultés, notamment au niveau local.

M. Louis Souvet, rapporteur, a réaffirmé qu'il existait des visions différentes de l'évolution de la société et que cette opposition reposait notamment sur la place qui devait être accordée au travail. Il a rappelé que le projet de loi ne tenait pas les engagements pris en 1998 concernant la reprise des clauses des accords signés.

Il a observé que l'intérêt d'une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité avait perdu de son intérêt depuis que le Gouvernement avait renoncé à mettre à contribution les régimes sociaux et l'assurance chômage.

Concernant la question des allégements de charges, M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat, avait déclaré en 1998 que les allégements de charges ne constituaient pas une priorité du Gouvernement ; il a salué la récente volte-face du Gouvernement sur ce sujet.

M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré qu'il n'y avait pas de contradiction entre les dispositions proposées et le souhait de favoriser une réduction du temps de travail étant donné la place qui était réservée aux partenaires sociaux dans le cadre du nouveau dispositif.

Concernant les articulations des différentes aides à la réduction du temps de travail, M. Louis Souvet, rapporteur, a déclaré qu'il avait demandé par écrit à Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, un récapitulatif de ces aides. Il a précisé qu'il n'avait pas encore reçu de réponses à ce questionnaire bien qu'il avait souhaité les obtenir avant le 27 octobre.

M. Jean Delaneau, président, a souhaité rappeler les termes du huitième alinéa du Préambule à la Constitution du 27 octobre 1946, selon lesquels " tout travailleur participe par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ". Il a considéré que telle était la philosophie du dispositif d'amendements proposés par le rapporteur.

Ensuite la commission a procédé à l'examen des articles et des amendements proposés par le rapporteur.

Elle a adopté un premier amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier prévoyant que les partenaires sociaux seraient appelés à participer à une conférence nationale sur le développement de la négociation collective.

Elle a adopté ensuite un second amendement tendant également à insérer un article additionnel avant l'article premier validant, dans la limite de cinq ans, les clauses des accords conclu en application de la loi du 13 juin 1998.

La commission a adopté un amendement de modification de l'article premier du projet de loi supprimant les paragraphes I, II et IV de cet article et coordonnant ces suppressions avec les dispositions de l'article premier de la loi du 13 juin 1998 au regard de la suppression de l'abaissement de la durée légale du travail.

Elle a adopté un amendement tendant également à insérer un article additionnel avant l'article premier bis afin de valider l'accord signé par les partenaires sociaux sur le renouvellement du dispositif relatif au mandatement.

Elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier bis pour prévoir que les établissements du secteur sanitaire, social et médico-social pourront bénéficier de l'aide prévue à l'article 3 de la loi du 13 juin 1998 jusqu'au 1 er juin 2000.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article premier bis (affirmation des contreparties pour le salarié de l'aménagement du temps de travail).

Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de l'article premier ter , prévoyant que le temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé, est rémunéré selon des modalités fixées par convention ou accord collectif de travail.

Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de l'article premier quater tendant à prévoir, en l'absence de décret, la possibilité pour les partenaires sociaux de définir des durées d'équivalence.

Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de l'article premier quinquies relatif à la définition de l'astreinte.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 2 relatif au régime des heures supplémentaires dans le cadre de l'abaissement de la durée légale du travail.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 2 bis relatif à l'abaissement de la durée maximale du travail hebdomadaire.

Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de l'article 2 ter afin de prendre en compte les dispositions d'une directive sur le repos hebdomadaire minimal.

Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de l'article 3 relatif à un régime unique de modulation des horaires de travail.

Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de l'article 4 relatif à la réduction du temps de travail par l'attribution de journées ou de demi-journées de repos.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 4 bis qui renforce le contrôle et l'interdiction du travail hebdomadaire.

Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de l'article 5 relatif à la durée et à la rémunération du travail des cadres.

Elle a adopté une nouvelle rédaction de l'article 6 relatif au travail à temps partiel, comportant huit modifications aux différents paragraphes de cet article.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 6 bis relatif à l'abrogation d'un dispositif d'exonération de charges sociales pour les contrats de travail à temps partiel.

Elle a adopté conformes les articles 7 (travail intermittent) et 8 (dispositions relatives aux congés) du projet de loi.

Elle a adopté un amendement qui modifie plusieurs dispositions de l'article 9 (compte épargne-temps).

Elle a adopté un amendement qui modifie plusieurs dispositions de l'article 10 relatif à la possibilité d'organiser des périodes de formation pour partie en dehors du temps de travail.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 10 bis portant sur la transposition de certaines dispositions d'une directive européenne du 22 juin 1999 relative à la protection des jeunes au travail.

Elle a adopté trois amendements de suppression des différents paragraphes de l'article 11 relatif à un allégement de cotisations sociales pour les entreprises signant un accord de réduction du temps de travail et prévoyant ses modalités de financement.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 11 bis prévoyant des dispositions relatives au SMIC pour les salariés des entreprises créées postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 12 qui définit le nouvel allégement de cotisations sociales lié à la réduction du temps de travail.

Elle a adopté un amendement de modification de l'article 12 ter relatif à la réduction du temps de travail par étapes des entreprises de moins de vingt salariés.

Elle a adopté un amendement comportant plusieurs modifications de l'article 12 quater relatif aux formalités administratives imposées aux entreprises de moins de vingt salariés applicables pour bénéficier de l'aide financière à la diminution du temps de travail.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 12 quinquies relatif à l'adaptation de certaines dispositions du projet de loi à la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Elle a adopté un amendement de modification de l'article 13 relatif aux groupements locaux d'employeurs.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 14 relatif à une validation partielle des accords signés en application de la loi du 13 juin 1998.

Elle a adopté un amendement modifiant l'article 15 relatif au licenciement d'un salarié refusant les conséquences de l'application d'un accord de réduction du temps de travail.

Elle a adopté un amendement modifiant l'article 15 bis qui exonère du paiement de la contribution Delalande l'entreprise ayant licencié un salarié refusant la modification de son contrat de travail consécutive à la mise en place d'un accord de réduction du temps de travail.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 16 garantissant la rémunération des salariés payés au SMIC en cas de réduction du temps de travail au motif que cet article était intrinsèquement lié à la baisse de la durée légale du travail, supprimée par la commission à l'article premier.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 17 qui abaisse à 35 heures par semaine la durée légale du travail des salariés agricoles.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 18 relatif à la présomption de salariat qui constitue un " cavalier législatif ".

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 19 relatif à l'information du comité d'entreprise sur les aides reçues par l'entreprise, dépourvu de portée normative.

Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de l'article 20 relatif à un rapport sur la mise en oeuvre de l'allégement de cotisations prévu par le projet de loi.

La commission a approuvé à sa majorité le projet de loi ainsi amendé.

" La réduction de la durée du travail (...) peut créer des emplois, beaucoup d'emplois "

Martine Aubry

(JO - débat AN - 27 janvier 1998 - p. 977)

" La réduction du temps de travail crée des emplois, beaucoup d'emplois "

Martine Aubry

(JO - débat AN - 5 octobre 1999, p. 6861)

" On peut estimer à environ 30.000 à 40.000 les emplois déjà créés à cette date pour l'ensemble des accords. "

Réponse de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité à un questionnaire écrit de M. Louis Souvet, rapporteur, 28 octobre 1999

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