N° 58

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 novembre 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME II

FAMILLE

Par M. Jacques MACHET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ;
Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale
( 11 ème législ.) : 1835 , 1873 , 1876 et T.A. 368 .

Sénat : 40 (1999-2000).


Sécurité sociale.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MME NICOLE PRUD'HOMME, PRÉSIDENTE DE LA CAISSE NATIONALE D'ALLOCATIONS FAMILIALES (CNAF), ACCOMPAGNÉE DE M. PHILIPPE STECK, DIRECTEUR DES PRESTATIONS FAMILIALES

Réunie le mercredi 13 octobre 1999, sous la présidence de M. Jean Louis Lorrain, vice-président, la commission a entamé son programme d' auditions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

La commission a tout d'abord entendu Mme Nicole Prud'homme, présidente de la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), accompagnée de M. Philippe Steck, directeur des prestations familiales.

Evoquant la situation de la branche famille, Mme Nicole Prud'homme a fait part de deux motifs de satisfaction : d'une part, le retour à l'excédent, d'autre part, l'achèvement prochain de la modernisation informatique de la gestion, grâce au système " crystal ". Elle a souhaité que cette modernisation informatique puisse s'accompagner d'une modernisation plus profonde des méthodes de travail au sein des différentes caisses de la branche, afin d'améliorer l'efficacité et la qualité du service rendu au public.

Mme Nicole Prud'homme a rappelé que les caisses d'allocations familiales devaient répondre aux attentes à la fois des familles et des plus démunis. Soulignant que les caisses d'allocations familiales (CAF) étaient quotidiennement confrontées à la précarité, elle a indiqué que 40 % des allocataires n'étaient pas chargés de famille, que 30 % ne vivaient que grâce aux prestations versées par la branche et que 40 % ne franchissaient le seuil de pauvreté que grâce à ces prestations. Après avoir déclaré que les CAF se devaient naturellement de répondre à cette demande, elle a souligné que la branche famille ne pourrait pas continuer à porter indéfiniment la misère du monde et a formulé le souhait qu'on allège quelque peu son fardeau.

Mme Nicole Prud'homme a fait observer qu'il était également nécessaire d'informer de manière claire et précise les allocataires. Elle a considéré que les 15.000 règles de droit en vigueur pour la branche famille provoquaient des dysfonctionnements, comme les caisses d'Ile-de-France en avaient subis au cours de l'été, et dont la presse s'était largement fait l'écho.

Elle a expliqué que les difficultés qui avaient été observées en Ile-de-France provenaient à la fois de la complexité de la législation, d'un afflux de demandes liées à l'extension au premier enfant de l'allocation de rentrée scolaire, à l'insuffisance en personnels formés au nouveau système informatique " crystal " et au congé annuel d'été. Elle a souligné que le conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) avait réagi rapidement en affectant des renforts de personnels d'autres caisses qui étaient venus appuyer les personnels des caisses d'Ile-de-France. Elle a fait valoir qu'il y avait eu des retards, mais jamais de ruptures de paiement, et que les CAF s'étaient toujours efforcées de servir les plus démunis en priorité. Elle a souligné que ces difficultés étaient désormais en cours de règlement.

M. Charles Descours, rapporteur, a souhaité savoir quel avait été l'avis du conseil d'administration de la CNAF sur l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 qui prévoyait un prélèvement de 1 milliard de francs sur la branche famille pour financer les 35 heures. Il s'est interrogé sur l'utilisation qui devait être faite des excédents à venir de la branche famille et a souhaité savoir si le système " crystal " était compatible avec le système informatique " Racine " mis en place à l'ACOSS. Il a enfin demandé si les comptes de la branche famille étaient établis en encaissements/décaissements ou en droits constatés.

En réponse à M. Charles Descours, Mme Nicole Prud'homme a rappelé que le conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) avait voté contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale, à l'exception de l'Union nationale des associations familiales (UNAF), qui avait émis un vote favorable. Elle a précisé que ce vote négatif était essentiellement motivé par l'article 2 du projet de loi qui avait fait l'objet d'un rejet unanime des membres du conseil d'administration, y compris les représentants de l'UNAF.

S'agissant de l'excédent à venir de la branche famille, Mme Nicole Prud'homme a considéré que ce dernier se voyait quasiment préaffecté à la pérennisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (MARS) qui représenterait à terme une charge de 7,2 milliards de francs par an pour la branche famille. Elle a souligné que la prise en charge de la MARS par la branche famille à hauteur de 2,5 milliards de francs en 2000 n'était compensée que par la prise en charge par l'Etat du fond d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FASTIF), pour un montant annuel de 1 milliard de francs, ce qui laissait une charge nette de 1,5 milliard de francs à la branche famille.

M. Philippe Steck, directeur des prestations familiales, a précisé que les comptes 1999 de la branche étaient établis en encaissements/décaissements et seraient vraisemblablement établis en droits constatés en 2000. Il a estimé qu'il semblait n'y avoir aucune incompatibilité entre " crystal " et " racine " dans la mesure où la gestion par ces systèmes informatiques des deux dossiers communs que constituait le versement de l'allocation pour la garde d'enfant à domicile (AGED) et de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA) n'avait jusqu'à présent suscité aucune difficulté.

M. Jacques Machet, rapporteur, a souhaité savoir quelle appréciation portait le conseil d'administration de la CNAF sur les mesures annoncées par le Gouvernement lors de la Conférence de la famille de juillet dernier et dont certaines trouvaient leur traduction dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a demandé si la CNAF avait été associée à la décision concernant le prélèvement de 1 milliard de francs sur la branche famille pour alimenter le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale. Il a souhaité savoir comment ce montant avait été évalué et s'il figurait également parmi les recettes de la branche famille dans les comptes " tendanciels " de l'année 2000 établis par la commission de comptes de la sécurité sociale.

M. Jacques Machet, rapporteur, a interrogé Mme Nicole Prud'homme sur ce que devaient être, selon elle, les prochains axes d'action prioritaires en matière de politique familiale. Il a enfin souhaité savoir quel est le degré d'avancement de la réforme du système de calcul de la prestation de service " accueil collectif ", versée aux crèches par les caisses d'allocations familiales.

En réponse à M. Jacques Machet, Mme Nicole Prud'homme a détaillé les différentes mesures relatives à la branche famille prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Elle a estimé que l'augmentation de 250 millions de francs des moyens affectés au fonds national d'action sociale (FNAS) était un élément positif même si la progression importante de 5,2 % ainsi accordée était inférieure aux augmentations enregistrées les années précédentes.

Elle a jugé que la revalorisation de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF) annoncée pour l'an 2000 constituait un coup de pouce intéressant même si certains membres du conseil d'administration de la CNAF avaient trouvé ce geste insuffisant.

Evoquant la nouvelle garantie de ressources dont bénéficiera la branche famille, Mme Nicole Prud'homme a indiqué que les appréciations portées sur ce dispositif étaient contrastées au sein du conseil d'administration de la CNAF dans la mesure où beaucoup de ses membres s'interrogeaient sur l'efficacité réelle du mécanisme proposé. Elle a fait observer que la base de référence choisie pour cette garantie de ressources -l'année 1997- était la plus défavorable pour la branche famille.

S'agissant du prélèvement de 1 milliard de francs sur la branche famille pour alimenter le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, elle a précisé que la CNAF avait été informée, mais pas associée à cette décision, et qu'elle n'était pas en mesure d'indiquer comment le montant de 1 milliard de francs avait été évalué et si ce montant figurait parmi les recettes de la branche dans les comptes " tendanciels " de l'année 2000 établis par la commission des comptes de la sécurité sociale.

S'agissant des axes d'actions prioritaires en matière de politique familiale, Mme Nicole Prud'homme a souligné que les avis étaient très partagés au sein du conseil d'administration de la CNAF. Elle a jugé qu'il convenait d'aider les familles à accueillir les enfants dans de bonnes conditions, ce qui supposait une réflexion globale portant sur des aspects tant démographiques qu'économiques.

Elle a indiqué que le conseil d'administration souhaitait que les prestations familiales évoluent au moins comme le coût de la vie, et que les modes de garde de la petite enfance soient les plus divers possibles. Après avoir précisé qu'il ne fallait pas privilégier tel ou tel mode de garde, elle a formulé le souhait que l'on ne néglige pas la situation des personnes qui souhaitent arrêter momentanément leur activité professionnelle pour élever leurs enfants. Elle a souligné qu'il convenait de s'interroger sur un éventuel assouplissement de l'allocation parentale d'éducation (APE).

Après avoir insisté sur l'importance des aides à la parentalité, Mme Nicole Prud'homme a considéré que la question du logement devait également constituer un axe prioritaire d'action : il convenait de faire en sorte que toutes les familles puissent élever leurs enfants dans de décentes conditions de logement. S'agissant de la réforme du système de calcul de la prestation de services " accueil collectif ", versée aux crèches par les allocations familiales, elle a indiqué qu'il s'agissait là d'une oeuvre de longue haleine, qui faisait l'objet de fortes controverses.

M. Alain Gournac a rendu hommage à l'action menée par la CAF des Yvelines. Il s'est dit favorable à une évolution des modes de garde collectifs par le développement de haltes-garderies-crèches et par une ouverture plus large de ces établissements en termes d'horaires. Il a souhaité savoir quels moyens seraient affectés au développement des contrats-temps libre. Il a mis l'accent sur les difficultés que pouvaient parfois susciter les procédures de recouvrement de trop-perçus menées par les caisses d'allocations familiales.

M. Gilbert Chabroux s'est félicité de l'excédent de la branche famille et a rappelé les progrès ainsi accomplis depuis 1994. Il a souhaité connaître les propositions de la CNAF pour simplifier les règles de droit en matière de prestations familiales. Il a souligné les difficultés de réinsertion professionnelle que connaissaient les femmes à l'issue de la période pendant laquelle elles avaient bénéficié de l'allocation parentale d'éducation (APE). Il a exprimé la crainte qu'un prolongement de la durée de l'APE ne se traduise par des difficultés de réinsertion accrues. Se félicitant de l'augmentation des moyens accordés au fonds d'action sociale de la branche famille, il a relevé que les prestations représentaient 95 % des dépenses de la branche et l'action sociale seulement 5 %. Il a souhaité par conséquent un meilleur équilibre entre les prestations et l'action sociale au sein des dépenses de la branche famille.

Mme Gisèle Printz a souligné les risques d'éviction du marché du travail que comportait une allocation parentale d'éducation prolongée.

M. Louis Souvet s'est interrogé sur le montant des rentrées de cotisations sociales supplémentaires éventuellement générées par la loi sur les 35 heures. Il a regretté que les CAF soient conduites à fermer certaines haltes-garderies et a souhaité une uniformisation des règles régissant les crèches et les haltes-garderies.

En réponse aux différents intervenants, Mme Nicole Prud'homme a rappelé que l'APE était aujourd'hui versée pendant les trois premières années de l'enfant. Elle a jugé qu'il convenait de réfléchir non à un prolongement de la durée de cette allocation, mais à un prolongement de la période pendant laquelle elle pouvait être demandée. Elle a souligné qu'une réflexion était nécessaire sur les conditions de reprise du travail à l'issue de l'APE.

Mme Nicole Prud'homme a rappelé que la convention d'objectifs et de gestion signée par la CNAF prévoyait que les CAF se désengageraient progressivement de la gestion directe des haltes-garderies et des crèches. Elle a considéré qu'il conviendrait d'instituer une forme de sas entre la crèche et l'école, du type jardin d'enfant, afin d'éviter une rupture trop brutale.

Evoquant la nécessaire simplification des règles de droit applicables aux prestations familiales, Mme Nicole Prud'homme a suggéré qu'une mission parlementaire se consacre à cette tâche. Elle a fait valoir que les services de la CNAF avaient d'ores et déjà travaillé sur cette question et formulé un certain nombre de propositions. Elle a ajouté que la CNAF était prête à participer activement à toute tentative de réforme de la législation. Elle a ajouté que la seconde loi 35 heures allait obliger les crèches à réfléchir à leurs horaires d'ouverture.

M. Philippe Steck, directeur des prestations familiales, a précisé que le recouvrement des indus représentait un montant annuel de 11 milliards de francs et que le système de récupération serait amélioré en 2001. Il a considéré qu'il convenait effectivement de rééquilibrer le rapport entre l'action sociale et les prestations au sein des dépenses de la branche famille. Il a rappelé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 allait précisément dans le sens d'un rééquilibrage dans la mesure où la dotation du fonds d'action sociale progressait de 5,2 %, tandis que les prestations familiales n'augmentaient que de 0,5 %.

M. Philippe Steck, directeur des prestations familiales, a rappelé que les femmes sortant du dispositif de l'APE retrouvaient une activité professionnelle si elles avaient effectivement quitté un emploi pour bénéficier de l'APE. Il s'est interrogé sur la nécessité d'un éventuel durcissement des conditions d'accès à l'APE, afin d'éviter aux femmes une éviction durable du marché du travail.

Il a considéré que la politique de développement des crèches avait connu plusieurs phases : tout d'abord, l'augmentation de l'offre quantitative, ensuite, l'amélioration de la qualité ; il a jugé que l'on était sans doute à la veille d'une nouvelle phase, caractérisée par une souplesse accrue afin de s'adapter à la diversité des situations familiales.

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