DEUXIÈME PARTIE : LA CORRECTION DES CONSÉQUENCES DE LA RÉFORME DE
LA TAXE PROFESSIONNELLE


I. LES CONSÉQUENCES DE LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE

L'article 44 de la loi de finances pour 1999 a pour but d'exonérer entièrement les entreprises du paiement des cotisations de taxe professionnelle correspondant à la fraction de l'assiette de cet impôt assise sur les salaires.

Votre commission des finances avait critiqué les modalités de cette réforme, et notamment la décision de supprimer purement et simplement les bases " salaires ", plutôt que de mettre en place un dégrèvement. Elle avait considéré que la disparition des bases salaires permettait au gouvernement de mettre en place une compensation déconnectée de l'évolution réelle des bases, ce qui était préjudiciable à la fois au dynamisme des collectivités locales dans leurs relations avec les entreprises et à leurs ressources.

En outre, elle avait mis en garde le gouvernement contre les éventuels " effets pervers non maîtrisables " que pourrait engendrer la disparition des bases " salaires ", notamment sur les potentiels fiscaux et sur les seuils d'écrêtement des bases communales au profit des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP).

A. LA RÉFORME SUPPRIME LA FRACTION DE L'ASSIETTE ASSISE SUR LES SALAIRES

1. La disparition progressive des bases " salaires "

L'article 44 de la loi de finances pour 1999 prévoit la suppression en cinq ans de la fraction de l'assiette de la taxe professionnelle assise sur les salaires.

Les bases de chaque entreprise sont réduites de 100.000 francs au titre de 1999, de 300.000 francs au titre de 2000, de 1.000.000 francs au titre de 2001 et de 6.000.000 francs au titre de 2002. En 2003, les bases " salaires " auront totalement disparu.

En conséquence, les bases de taxe professionnelle situées sur le territoire de chaque collectivité locale seront réduites d'autant.

2. La compensation versée aux collectivités locales

En contrepartie de la disparition du produit de la taxe professionnelle assise sur les salaires, les collectivités locales, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle perçoivent une compensation calculée en appliquant aux bases imposables en 1999, donc les bases existantes en 1997, les taux votés pour 1998.

Le montant de cette compensation est actualisé chaque année, " compte tenu du taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement entre 1999 et l'année de versement ".

Au fur et à mesure que les bases existantes s'écarteront des bases de 1997, le montant de la compensation correspondra de moins en moins à la réalité de chaque collectivités locale. La compensation perdra de plus en plus sont caractère de contrepartie de perte de recettes fiscales pour devenir une dotation de l'Etat classique.

La loi de finances pour 1999 anticipe cette évolution en prévoyant que, à compter de 2004, la compensation est intégrée à la DGF et évolue comme cette dernière.

B. LES EFFETS SECONDAIRES DE LA RÉFORME

1. La réduction des ressources du FSRIF

Le fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France est alimenté par deux prélèvements sur les communes réputées riches de cette région. Le deuxième prélèvement a été créé par l'article 95 de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la coopération intercommunale. Ces crédits sont ensuite redistribués entre les communes de cette même région.

Le " premier " prélèvement, auquel sont soumises les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur d'au moins 40 % au potentiel fiscal moyen des communes de la région Ile-de-France, est perçu sur la base du potentiel fiscal excédant le potentiel fiscal moyen par habitant multiplié par le nombre d'habitants de la commune considérée , et calculé de la manière suivante, en application du I de l'article 2531-13 du code général des collectivités territoriales :

Potentiel fiscal de la commune (Pfc)

(Pfc) > 1,4 x (Pfm) (Pfc) < 2 x (Pfm)

(Pfc) > 2 x (Pfm) et (Pfc) < 3 x (Pfm)

(Pfc) > 3 x (Pfm)

Prélèvement

0,08 x (Pfc - Pfm) x Population

0,09 x (Pfc - Pfm) x Population

0,10 x (Pfc - Pfm) x Population

où Pfm = potentiel fiscal moyen des communes d'Ile-de-France,

et Population = population de la commune définie à l'article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales, modifié par le paragraphe I du présent projet de loi.

La suppression de la part salaire des bases de la taxe professionnelle instituée par l'article 44 de la loi de finances pour 1999, modifie le montant du potentiel fiscal des communes, défini à l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales comme le montant des bases brutes des quatre taxes directes locales pondérées par le taux moyen national d'imposition à la taxe concernée. En effet, la suppression d'une partie des bases d'une commune aboutit à une diminution de son potentiel fiscal.

Le seuil de déclenchement du prélèvement pour le FSRIF, défini par le rapport entre le potentiel fiscal de la commune et le potentiel fiscal moyen des communes d'Ile-de-France, n'est pas affecté par la diminution de la base de la taxe professionnelle puisque le numérateur et le dénominateur connaissent tous les deux une diminution, dans des proportions comparables.

En revanche, l'assiette du prélèvement est constituée par la différence entre le potentiel fiscal de la commune contributrice et le potentiel fiscal moyen des communes d'Ile-de-France . Or, puisque la suppression de la part " salaires " de l'assiette de la taxe professionnelle conduit à une diminution de l'ensemble des potentiels fiscaux, le montant du prélèvement résulte désormais de la différence entre deux montants réduits. Ce montant est donc nécessairement inférieur à son montant d'avant la réforme.

Par exemple 7 ( * ) , avant la suppression de la part salaire, une commune contributrice avait un potentiel fiscal par habitant de 6.000 francs et le potentiel fiscal moyen des communes de la région Ile-de-France était de 4.000 francs. La différence entre les deux était de 2.000 francs.

Avec la suppression de la part salaire, le potentiel fiscal de la commune est passé à 4.500 francs et le potentiel fiscal moyen à 3.000 francs. La différence entre les deux n'est plus que de 1.500 francs. L'assiette du prélèvement de cette commune a donc diminué de 500 francs après la mise en oeuvre de la réforme.

L'étude d'impact présentée par le ministère de l'intérieur évalue la perte de recettes résultant pour le FSRIF de la suppression de l'assiette " salaires " de la taxe professionnelle à plus de 100 millions de francs, à comparer avec le montant total du premier prélèvement au profit du FSRIF, qui s'établissait à 726 millions de francs pour l'année 1999.

2. La perturbation des potentiels fiscaux

La suppression des bases " salaires " de la taxe professionnelle entraîne une diminution du potentiel fiscal pour l'ensemble des communes. Par conséquent, a priori, les écarts de potentiels fiscaux ne devraient pas être remis en cause.

Cependant, l'ampleur de la baisse enregistrée par chaque commune n'est pas la même car les bases salaires représentent une part variable des bases de la taxe professionnelle, en fonction de l'intensité capitalistique des entreprises implantées sur le territoire des communes.

Puisque le rapport entre le potentiel fiscal d'une commune et du potentiel fiscal d'autres communes sert de critère de répartition pour le calcul de plusieurs attributions des dotations, le fait que l'ampleur de la diminution du potentiel fiscal due à la suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle ne soit pas la même dans toutes les communes entraîne une modification du classement des communes :

- les communes sur le territoire desquelles des entreprises à forte intensité de main d'oeuvre sont installées verraient leur position relative par rapport aux autres communes se dégrader, et bénéficieraient ainsi plus facilement des attributions de dotation de solidarité ;

- a contrario, les communes pour lesquelles les bases salaires représentent une proportion moindre que pour la moyenne des communes, verront leur potentiel fiscal diminuer de manière moins importante que la moyenne des autres communes. Par exemple, pour le calcul des attributions de DSU, l'amélioration de la position relative de ces communes entraînera une perte de rang dans le classement des communes éligibles, et une diminution des attributions de dotations.

3. La baisse des seuils d'écrêtement au profit des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle

La suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle aboutit à diminuer la moyenne nationale des bases de taxe professionnelle par habitant, en fonction de laquelle est calculé l'écrêtement au profit des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) des communes qui bénéficient de l'implantation d'un établissement exceptionnel 8 ( * ) .

Or, souvent, par exemple lorsque l'établissement exceptionnel est une centrale nucléaire, la part des salaires dans les bases des établissements exceptionnels est relativement faible. Par conséquent, les bases des communes qui bénéficient de ces implantations baissent moins que la moyenne nationale.

Le décalage entre l'ampleur de la baisse des bases au niveau national et dans la commune a pour effet de faire baisser le seuil de l'écrêtement, donc de réduire le produit perçu par la commune et d'augmenter le montant de l'écrêtement au profit du FDPTP.

Il est concevable que, dans certaines communes, les bases baissent plus que la moyenne nationale. Dans ce cas, le seuil d'écrêtement augmenterait, au profit de la commune et au détriment du FDPTP. Ce cas de figure devrait être rare car, comme le relève le rapport sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle remis au Parlement en application de l'article 100 de la loi de finances pour 1999, " la part relative des salaires dans la base brute des établissements exceptionnels est plus faible que dans la généralité des autres établissements ".

Votre rapporteur s'étonne que ce rapport, tout en constatant que la réforme de la taxe professionnelle " devrait être globalement favorable aux fonds départementaux compte tenu de la structure même des bases des établissements exceptionnels écrêtés ", n'en tire aucune conséquence et n'analyse pas l'impact de ce phénomène sur les ressources des communes.

* 7 Cet exemple illustre un mécanisme. Il est totalement fictif. Les montants sont sans rapport avec les montants réels constatés en Ile-de-France.

* 8 Il y a écrêtement lorsque " dans une commune les bases d'impositions d'un établissement, divisées par le nombre d'habitants, excèdent deux fois la moyenne des bases de taxe professionnelle par habitant constatées au niveau national ".

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