TABLEAU COMPARATIF
ANNEXE 1


LES TRAVAUX DE LA COMMISSION
DU MERCREDI 8 MARS 2000

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AUDITION DE ME PATRICK MAISONNEUVE,
AVOCAT, RESPONSABLE DE LA COMMISSION PÉNALE
DE L'ORDRE DES AVOCATS À LA COUR D'APPEL DE PARIS

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M. Jacques Larché, président, a noté que l'Assemblée nationale avait tiré parti des améliorations apportées par le Sénat en première lecture, en particulier l'appel devant les cours d'assises, que le Gouvernement n'avait pas voulu proposer initialement.

Me Patrick Maisonneuve a estimé que les travaux parlementaires allaient dans la bonne direction en renforçant le principe du contradictoire, l'égalité des armes entre les parties et la séparation entre les fonctions de jugement et de poursuite.

S'agissant de la garde à vue, il a remarqué que les arguments avancés lors de l'institution de la présence de l'avocat à la vingtième heure, selon lesquels l'efficacité de l'enquête serait battue en brèche, n'avaient pas été vérifiés dans la pratique. Il a fait part de plusieurs propositions tendant à affirmer le principe de la nécessaire compatibilité des conditions de la garde à vue avec le respect du droit à la dignité de toute personne, tout en reconnaissant qu'il était très difficile d'énumérer de façon exhaustive ces conditions. Il a estimé que les temps de repos ne s'effectuaient pas conformément aux règles d'hygiène et de sécurité, la garde à vue plaçant la personne en position de faiblesse physique et psychologique. Il a ajouté que l'intégrité et l'intimité des personnes n'étaient pas respectées et qu'il était faux d'affirmer que les fouilles à corps étaient toujours effectuées par des médecins.

Me Patrick Maisonneuve a jugé important d'informer la personne gardée à vue des raisons de son arrestation et des accusations portées contre elle, conformément à l'article 5-2 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il a estimé que l'enregistrement des interrogatoires de garde à vue, facteur de transparence, était aussi une garantie pour les fonctionnaires de police. Il s'est déclaré favorable à l'enregistrement vidéo, mais a craint que cette solution ne soit trop difficile à mettre en oeuvre, et ne soit finalement pas appliquée. En conséquence, il a proposé que l'avocat puisse assister aux auditions lors de la garde à vue. Il a ensuite insisté sur la nécessité de retranscrire, dans les procès-verbaux, les questions posées à la personne gardée à vue. Enfin, il a attiré l'attention sur les pratiques de conditionnement et de déstabilisation dans la première phase de la garde à vue.

Interrogé par M. Jacques Larché, président, Me Patrick Maisonneuve a considéré que la présence de l'avocat pouvait être envisagée comme une alternative à l'enregistrement de la garde à vue. Il a regretté certaines dérives par lesquelles des policiers orientaient le choix d'un avocat par la personne gardée à vue. Il a souhaité qu'en cas de contestation, la transcription de l'enregistrement ou son écoute par le magistrat soit de droit et non une simple faculté laissée à l'appréciation du juge.

Constatant que la garde à vue était utilisée comme moyen de pression, M. Henri de Richemont a marqué l'intérêt d'informer la personne gardée à vue de son droit de garder le silence.

Me Patrick Maisonneuve a approuvé l'information sur le droit au silence, mais a ajouté qu'elle ne devait pas mettre en cause le principe du contradictoire. En particulier, il a estimé que certains comportements des officiers de police judiciaire pouvaient, en pratique, faire échec au droit au silence.

M. Charles Jolibois, rapporteur, a précisé que l'information sur le droit de garder le silence avait d'ores et déjà été adoptée par les deux assemblées.

M. Jacques Larché, président, a insisté sur l'intérêt de formuler les questions posées dans les procès-verbaux de garde à vue.

M. Henri de Richemont s'est demandé s'il ne convenait pas de prévenir la personne gardée à vue que toutes ses déclarations pourraient être utilisées contre elle.

M. Charles Jolibois, rapporteur, a fait part des critiques sur l'enregistrement audiovisuel des déclarations des mineurs victimes, avancées lors de l'adoption de la loi relative aux infractions sexuelles, l'utilisation de l'enregistrement à tout moment de l'instruction ou à l'audience pouvant nuire à la personne mise en examen. Il a ajouté que la question de l'admissibilité en preuve de l'enregistrement et de son utilisation éventuelle devant la Cour était d'autant plus sensible que la phase de garde à vue se déroulait sans la présence de l'avocat ni du juge.

Me Patrick Maisonneuve a réfuté l'argument selon lequel les policiers manipuleraient les bandes sonores. Il a estimé que l'objectif principal des enregistrements était de rendre plus transparentes les gardes à vue et d'éviter les pressions sur la personne.

M. Jacques Larché, président, a remarqué que certains magnétophones permettaient un enregistrement sécurisé, toute manipulation de la bande sonore étant immédiatement décelable. M. Nicolas About a précisé que tel n'était pas le cas avec les enregistrements numériques.

Constatant les incertitudes sur la fiabilité de l'enregistrement, Me Patrick Maisonneuve a indiqué sa préférence pour la présence de l'avocat lors des auditions en garde à vue. A défaut, il lui a semblé que l'enregistrement constituait un progrès.

Interrogé sur la capacité des barreaux d'assurer la présence effective de l'avocat à la vingtième heure, il a fait part de la régionalisation en cours des barreaux.

Me Patrick Maisonneuve a jugé très important que l'attribution du statut de témoin assisté aux personnes visées par une plainte ou mises en cause par la victime, en application de l'article 113-2 du code de procédure pénale, s'exerce à peine de nullité.

Il a ajouté que le statut de témoin assisté devait être appliqué dans le cadre d'une enquête préliminaire, cette procédure intéressant 80 à 90 % des affaires pénales.

S'agissant de l'appel devant les cours d'assises, Me Patrick Maisonneuve a indiqué que la commission pénale du barreau de Paris était favorable depuis longtemps à la " deuxième chance ". Il a souligné l'intérêt de maintenir le jury populaire afin d'associer les citoyens au jugement des affaires pénales les plus graves.

Me Patrick Maisonneuve s'est déclaré très hostile à la motivation des arrêts de cour d'assises. En pratique, il a précisé que les plaidoiries devant les cours d'assises visaient très rarement l'acquittement et portaient majoritairement sur le quantum de la peine. Il a donc estimé qu'il y aurait très peu de contestation des arrêts d'assises, remettant ainsi en cause l'argument de l'encombrement des juridictions.

M. Jacques Larché, président, s'est interrogé sur une alternative à l'appel tournant qui aurait consisté à introduire la notion d'" erreur manifeste d'appréciation " utilisée par la justice administrative, afin de permettre à la Cour de cassation, dans les circonstances de l'espèce, de casser une affaire si elle l'estime nécessaire.

Interrogé par M. Charles Jolibois, rapporteur, Me Patrick Maisonneuve a approuvé la disposition permettant au seul accusé de faire appel d'un jugement d'assises. M. Pierre Fauchon a estimé que l'appel ne devait bénéficier qu'à l'accusé, l'objectif de la deuxième chance étant d'éviter la condamnation d'un innocent.

S'agissant du juge de la détention, Me Patrick Maisonneuve a considéré que la séparation des fonctions de jugement et d'instruction constituait un progrès, dans la mesure où les magistrats instructeurs utilisaient très fréquemment la mise en détention provisoire comme moyen de pression. Il a estimé que la garde à vue constituait un moyen de pression très efficace contre les personnes qui n'avaient encore jamais eu affaire au système judiciaire.

Enfin, il a insisté sur la nécessité de préserver la possibilité pour le juge d'instruction de prononcer un contrôle judiciaire afin de limiter le nombre de mises en détention provisoire. M. Charles Jolibois, rapporteur, a indiqué que les deux assemblées avaient adopté cette disposition à l'article 10 du projet de loi.

M. Pierre Fauchon s'est demandé si l'introduction du " plaider coupable " n'était pas de nature à simplifier le traitement des affaires pénales. M. Jacques Larché, président, a noté que la composition pénale, introduite par la loi améliorant l'efficacité de la procédure pénale, constituait une amorce du " plaider coupable ". Me Patrick Maisonneuve a remarqué que le " plaider coupable ", bien qu'existant en fait sur le terrain, ne faisait pas partie de notre culture juridique.

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