B. LE JEU DES PUISSANCES AUJOURD'HUI COMMANDÉ DANS UNE LARGE MESURE PAR LES INTÉRÊTS DES ETATS D'ASIE CENTRALE

L'éclatement de l'Union soviétique en 1991 avait suscité en Asie centrale un vide stratégique mis à profit par les Etats-Unis pour favoriser leur pénétration dans une région dont ils étaient jusqu'alors absents. Cette évolution rencontre aujourd'hui ses limites car la Russie qui demeure le premier partenaire des nouvelles républiques, tente aujourd'hui de regagner, par des voies différentes, l'influence que lui disputait Washington. Ce rééquilibrage, il importe de le souligner, ne résulte pas d'une évolution du rapport de force entre les deux grandes puissances -comme c'était précisément le cas au XIXe siècle. Il semble obéir avant tout aux intérêts propres des Etats de la région . Telle est sans doute l'un des principaux changements introduits par les indépendances.

1. Le « retour » de la Russie

La Russie n'a jamais cessé d'être présente en Asie centrale. Evoquer un « retour » de ce pays dans la région peut donc paraître excessif. Il n'en reste pas moins que son influence avait été battue en brèche après l'éclatement de l'Union soviétique par la combinaison de plusieurs facteurs : la volonté d'émancipation des nouveaux Etats, les ambitions des autres puissances au premier rang desquelles les Etats-Unis et... ses propres faiblesses. L'arrivée au pouvoir du Président Poutine marque la volonté de porter un coup d'arrêt à ce déclin et de regagner les positions perdues, non pas à la façon d'un ancien empire nostalgique de sa puissance, mais sur un mode pragmatique qui tienne mieux compte des aspirations des Etats d'Asie centrale.

. Une volonté d'émancipation vis-à-vis de la Russie centrale qui se décline différemment selon les Etats d'Asie centrale

La Russie a toujours accordé une grande importance stratégique à l'Asie centrale en raison, notamment, de son rôle de zone tampon par rapport au monde islamique, des intérêts liés à la richesse des ressources de la région, et enfin d'une forte présence humaine russe principalement au Kazakhstan. Il était donc logique que pour Moscou, les nouvelles républiques entrent dans la catégorie particulière de « l'étranger proche ». La création, le 8 décembre 1991, de la Communauté des Etats indépendants devait permettre de fonder l'intégration de l'espace qui formait l'ancienne Union soviétique sur de nouvelles bases.

Les Russes visaient en particulier à préserver un système de solidarité militaire avec la conclusion du Pacte de sécurité collective en mai 1992 et à conserver des relations économiques privilégiées à travers la formation en septembre 1993 d'une union économique.

Cependant ces efforts ont connu une portée limitée.

Ainsi, sur les 886 documents signés par les chefs d'Etat et de gouvernement de la CEI, seuls 130 ont été effectivement mis en oeuvre. Sur le plan économique, le commerce intracommunautaire a sensiblement diminué : dès 1997, il ne représentait plus que 27 % des importations totales et 40 % des exportations.

La responsabilité de cette situation incombe en fait pour une part à la Russie souvent plus soucieuse de préserver ses intérêts que de « transformer les dépendances économiques existantes en rapports cohérents mutuellement avantageux et donc durables » 9 ( * ) . Mais elle s'explique aussi de manière déterminante par la volonté d'émancipation des pays d'Asie centrale. Cette préoccupation se décline cependant de manière différente selon les républiques. Schématiquement, trois groupes peuvent être distingués :

- le Tadjikistan demeure dans l'orbite de la Russie qui y entretient des forces ainsi que des gardes-frontières sous commandement russe ;

- l' Ouzbékistan et le Turkménistan (qui a choisi un statut de neutralité et s'oriente, de fait, vers un isolement accru par rapport à l'extérieur) ont pris leurs distances vis-à-vis de la Russie sans manifester cependant une volonté de rupture ;

- le Kazakhstan et le Kirghizistan ont conservé des liens très privilégiés qui ménagent cependant leur souveraineté ;

Les positions différentes de l'Ouzbékistan et du Kazakhstan sont inspirées par des contraintes d'ordre différent .

La Russie s'impose comme un « partenaire stratégique » pour le Kazakhstan compte tenu d'une frontière commune de 7 500 km, de la présence d'une importante minorité russe (35 % de la population) et de l'étroite dépendance qu'entraînent aujourd'hui les conditions d'évacuation des hydrocarbures.

Le Kazakhstan s'est cependant montré soucieux d'éviter l'emprise directe de son grand voisin : il a privilégié un cadre multilatéral de coopération avec la CEI afin d'éviter un face-à-face trop inégal. S'il a toujours recherché des solutions négociées aux difficultés bilatérales, il n'en a pas moins refusé de transiger sur ses intérêts, qu'il s'agisse des contreparties apportées au maintien de la base spatiale russe de Baïkonour 10 ( * ) ou encore du statut de la Caspienne. En outre, le Kazakhstan, on le sait, a résolument conduit sa politique linguistique et la nationalisation de l'administration aux dépens, souvent, des intérêts immédiats de la communauté russe.

L' Ouzbékistan , quant à lui, n'était pas soumis aux mêmes contraintes. Sa volonté d'indépendance s'est d'abord traduite sur le plan économique ; ainsi, alors qu'avant l'indépendance, l'Ouzbékistan était la république la plus intégrée de l'Union soviétique, la part des échanges avec la CEI au sein de son commerce extérieur s'est progressivement réduite : 60 % en 1993, 40 % en 1995, 28 % en 1999. Dans le domaine de la défense, l'Ouzbékistan a toujours refusé le stationnement de troupes russes sur son territoire. En février 1999, il s'est retiré du système de sécurité collective de la CEI -traité de Tachkent de 1992- et choisi de privilégier le seul cadre bilatéral (traité de coopération conclu en décembre 1999). Par ailleurs, il a adhéré, le 24 avril de la même année, au groupe GUAM (Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan, Moldavie) dont l'objectif explicite est d'éviter tout retour à l'hégémonie russe.

. Le resserrement des liens avec la Russie

Depuis un an, la politique russe en Asie centrale a pris un cours nouveau ; cet infléchissement inspiré par le Président Poutine, porte moins sur les objectifs que sur les méthodes. Conscient de l'importance du soutien que peuvent apporter les pays de la CEI pour redonner à la Russie son rang sur la scène internationale, M. Poutine a compris que cet appui ne pouvait être imposé. La diplomatie russe dans la région tient donc mieux compte des aspirations des nouvelles républiques, tant sur le plan politique qu'économique.

Dans le domaine politique , Moscou met en avant une perception commune de la menace islamique considérée comme une véritable internationale dont le noyau se trouverait en Afghanistan et les ramifications s'étendraient à l'Asie centrale et au Caucase. Ce thème rencontre un écho particulier dans les pays de la région dans un contexte marqué par une certaine désillusion vis-à-vis des partenaires occidentaux. Les nouvelles républiques ont pris conscience que la Russie, seule pouvait efficacement contribuer à leur sécurité, sinon la garantir. Dans le même temps, les déconvenues russes en Tchétchénie ont levé certaines réticences vis-à-vis d'un rapprochement avec Moscou : elles ont montré les limites d'une puissance militaire en mesure, certes, de fournir une aide utile, mais non de menacer la souveraineté des Etats. L'appui de la Russie est d'autant plus apprécié que Moscou n'intervient pas dans la situation intérieure de ces pays (contrairement à la situation dans le sud Caucase) et ne fait pas des droits de l'homme une question de principe.

L'évolution de l'Ouzbékistan est particulièrement significative à cet égard. Ce pays, le plus directement confronté à la menace islamique et soucieux jusqu'alors de manifester sa distance à l'égard de Moscou s'est montré réceptif à la nouvelle politique russe. Il est d'ailleurs révélateur que le président Poutine ait réservé à Tachkent sa première visite à l'étranger, en mai 2000. A cette occasion, le chef de l'Etat, M. Karimov, reconnaissait que lors de la Conférence de l'OSCE à Istanbul en 2000, aucun pays occidental ne s'était montré disposé à protéger la sécurité de l'Ouzbékistan - « les Occidentaux ont donné des conseils pour faire avancer la démocratie mais n'ont pas voulu comprendre la situation de l'Ouzbékistan ».

Le ministre ouzbek de la défense, M. Goulamov, nous a d'ailleurs indiqué que l'équipement de l'armée de son pays -principalement constitué de matériels d'origine soviétique- ne laissait guère d'autres choix qu'une coopération privilégiée avec Moscou. En revanche, il s'est montré très ferme sur le refus de l'Ouzbékistan d'intégrer un « bloc militaire » : les relations avec les Russes doivent s'inscrire dans un cadre purement bilatéral conforme aux intérêts de l'Ouzbékistan.

L'Ouzbékistan a toutefois accepté de prendre part aux nouvelles initiatives régionales prises par Moscou et dont seul le Turkménistan s'est, pour l'heure, tenu écarté : déclaration sur la coopération antiterroriste et création conjointe d'un centre antiterroriste basé à Moscou dans le cadre de la CEI, projet d'un centre régional de lutte contre le terrorisme qui serait établi à Bichkek dans l'enceinte plus informelle du groupe de Shanghai.

L'orientation plus pragmatique de la politique russe a également connu un prolongement dans le domaine économique .

Moscou apparaît désormais plus sensible au souci manifesté par les républiques d'Asie centrale de fonder les relations sur les principes d'égalité . Ainsi, depuis 1999, les achats de coton ouzbek ont repris et sont payés au prix du marché mondial. De même, en novembre 1999, la Russie a accepté de réduire de moitié ses taxes de transit. Le ministre ouzbek des affaires étrangères nous a d'ailleurs rappelé que Moscou demeurait le premier partenaire commercial de Tachkent et que les deux pays souhaitaient encourager leurs échanges. La Russie tend, de manière générale, à privilégier les opérations de court terme sur les investissements plus longs et plus coûteux (elle n'a pas participé, ainsi, à l'exploitation des gisements de la Caspienne). Cette position, qui permet de ménager les intérêts des élites locales, montre aussi les limites de l'engagement russe.

A l'exception des initiatives prises pour la lutte contre le terrorisme, les relations s'inscrivent aujourd'hui désormais davantage dans un cadre bilatéral dans l'intérêt bien compris des partenaires. A titre d'exemple, la Russie a quitté en août 2000 l'accord de Bichkek -qui dispensait les citoyens de la plupart des pays de la CEI de l'obligation de visas- et renégocie à titre bilatéral la levée de cette obligation avec chacun des Etats membres.

Même si la capacité d'action de la Russie reste obérée par le manque de moyens -particulièrement sensible dans le domaine culturel où Moscou n'a pas réussi à enrayer le déclin de la langue russe -la relance de sa diplomatie dans la région a commencé de porter ses fruits : elle s'est gagné des alliés - l'Ouzbékistan a soutenu la position russe dans le conflit en Tchetchénie ; elle est également parvenue à déstabiliser la ligne de force Est-Ouest qui menaçait de se constituer : le premier sommet du Guam prévu les 6 et 7 mai derniers a été reporté sine die ; enfin, l'ouverture d'un nouvel oléoduc Tenguiz-Novorossisk a confirmé la Russie comme la voie principale d'acheminement des hydrocarbures de la Caspienne.

2. Un repli américain ?

Les Etats-Unis poursuivent dans la région des objectifs de plusieurs ordres : stratégique (tirer parti de l'effacement russe, limiter l'influence de l'Iran, promouvoir le rôle de la Turquie), politique (favoriser la stabilisation de la région, le développement des solidarités transversales, la lutte contre le trafic de drogue et le terrorisme), économique (soutenir le développement des ressources énergétiques).

La stratégie américaine n'a cependant pas fait l'objet d'une mise en oeuvre planifiée ; elle a plutôt donné lieu à des initiatives successives qui dans le domaine politique ont d'abord mis l'accent sur le soutien aux réformes, et ensuite, plutôt sur la sécurité et la coopération militaire. Washington ne s'est pas résolu cependant à apporter des garanties de sécurité. Plutôt que d'un repli américain ou de désillusions, il vaut mieux évoquer une plus juste appréciation de la part tant des Etats-Unis que des pays d'Asie centrale de la portée et des limites de leur coopération respective. Dans le domaine économique, les Etats-Unis et leurs entreprises demeurent très actifs.

. Du soutien aux réformes à la coopération dans le domaine de la sécurité

Au lendemain des indépendances, les Etats-Unis ont considéré que la stabilisation de l'Asie centrale passait par la promotion des réformes politiques et économiques. En octobre 1992, le Congrès a adopté dans le cadre du Freedom Support act les bases d'une coopération destinées à favoriser la transition des nouveaux Etats indépendants vers la démocratie (formation juridique, développement des partis politiques, organisation d'élections libres).

Progressivement, Washington a également pris en compte la sécurité comme facteur de stabilité . Les pays d'Asie centrale ont ainsi pu participer au programme de partenariat pour la paix de l'OTAN , créé en janvier 1994 et organiser des manoeuvres communes de maintien de la paix 11 ( * ) . La coopération s'est également développée dans un cadre bilatéral, en particulier avec l'Ouzbékistan. Washington contribue ainsi activement à la refonte de l'outil de défense ouzbek (octroi d'une assistance de 100 millions de dollars, présence de conseillers). Parallèlement, la dénucléarisation du Kazakhstan, en 1996, a constitué un motif de satisfaction majeur pour les Etats-Unis particulièrement soucieux de confiner l'arsenal nucléaire de l'ancienne Union soviétique à l'intérieur des frontières russes et de limiter tout risque de prolifération.

L'avènement du régime des Talibans en Afghanistan a constitué un nouveau motif de renforcement de la coopération dans le domaine de la sécurité : lors de son déplacement en Asie centrale, en avril 2000, le secrétaire d'Etat américain, Mme Madeleine Albright a ainsi proposé à chacun des Etats visités une enveloppe de 3 millions de dollars d'aide à la sécurité. Cet appui ne va pas jusqu'à la reconnaissance de garanties de sécurité. Il s'accompagne aussi d'observations parfois critiques sur les lenteurs du processus de démocratisation. Les Etats-Unis et les républiques d'Asie centrale savent donc mieux ce qu'ils peuvent attendre les uns des autres.

. Une présence active sur le plan économique

Les Etats-Unis apparaissent comme un acteur économique majeur dans la région. Ils figurent au premier rang des investisseurs au Kazakhstan -avec un stock d'investissements de l'ordre de 3 026 millions de dollars ; les entreprises américaines sont particulièrement présentes dans le secteur des hydrocarbures (Chevron pour le gisement de Tenguiz, Exxon Mobil au sein du consortium Okiok chargé de l'exploitation de l'offshore caspien).

Aujourd'hui, la diplomatie américaine dans la région se jugera à l'aune des perspectives de réalisation de l'oléoduc Bakou-Ceyhan. Ce projet représente la priorité de Washington dans la région davantage on le sait pour des raisons stratégiques qu'économiques. Seul, le report sine die de sa réalisation marquerait un véritable revers pour Washington.

3. Le pragmatisme des puissances régionales

La politique des autres puissances régionales voisines porte désormais le sceau du pragmatisme : la prise en compte des aspirations des pays concernés constitue l'une des conditions indispensables pour exercer une influence.

. La Turquie

L'exemple de la Turquie paraît particulièrement significatif de cette évolution. Dès 1992, ce pays a nourri de grandes ambitions en Asie centrale en s'appuyant sur les liens linguistiques et culturels avec la région. Le « panturquisme » n'avait cependant pas toujours la faveur des intéressés. En tout état de cause, il n'a jamais empêché les nouvelles républiques de faire prévaloir leurs intérêts nationaux. Ainsi le refus de livrer des opposants ouzbeks réfugiés en Turquie a provoqué une certaine tension entre Ankara et Tachkent -aujourd'hui apaisée après la visite du président Sezer en octobre 2000 qui s'est conclue par la signature d'accords de coopération militaire et dans le domaine de la lutte antiterroriste. Interrogé par notre délégation sur les relations entre l'Ouzbékistan et la Turquie, le ministre ouzbek des affaires étrangères a eu ces mots révélateurs : « Nous ne souhaitons pas qu'au grand frère russe succède un autre grand frère... ». Par ailleurs, la Turquie qui réalise, dans le cadre de ses relations commerciales avec le CEI, 90 % de ses échanges avec la Russie et l'Ukraine, n'entend pas disputer à Moscou sa place prépondérante en Asie centrale.

C'est pourquoi, à partir de 1994, la diplomatie turque a adopté une position plus prudente et pragmatique. Son influence s'exerce d'abord principalement dans le domaine économique : les entreprises turques sont très présentes en Asie centrale, en particulier dans certains secteurs tels que la construction. Par ailleurs, Ankara cherche à valoriser auprès de ses partenaires, le choix de son territoire comme voie d'acheminement des hydrocarbures. La coopération culturelle constitue l'autre volet prioritaire de la diplomatie turque dans la région : création d'une agence de coopération pour l'Asie centrale, politique généreuse de bourses - plusieurs milliers de boursiers ouzbeks se forment dans les universités turques chaque année. Au-delà des affinités culturelles, le modèle turc de développement de l'Etat fondé sur la laïcité peut également constituer une référence pour les nouvelles républiques.

. L'Iran

L'Iran conduit en Asie centrale une diplomatie dénuée de toute visée idéologique. Il est vrai qu'il ne peut s'appuyer dans cette région sur aucune minorité chiite influente, même si, par ailleurs, le Tadjikistan compte une majorité de persanophones. Téhéran cherche principalement à rompre l'isolement que lui imposent les Etats-Unis. A cet égard, l'Iran tend à se présenter comme le débouché le plus rationnel pour l'évacuation des ressources énergétiques du bassin caspien. La convergence de vues avec la Russie constitue un atout indéniable pour les autorités iraniennes. Les deux pays se sont d'ailleurs impliqués dans le règlement de la guerre civile au Tadjikistan.

. La Chine

Le rôle, aujourd'hui encore discret de la Chine, sera certainement appelé à se renforcer dans les années à venir. L'influence chinoise prend plusieurs formes :

- politique et sécuritaire : la Chine a d'abord souhaité s'assurer que les séparatistes ouigours ne disposent d'aucun soutien de la part du Kazakhstan (200 000 ouigours) et du Kirghizistan (40 000) ; le règlement des litiges frontaliers hérités de l'époque soviétique représentait de ce point de vue une priorité ; ce fut l'objet du groupe de Shanghaï créé en 1996 qui associe la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan. Après avoir favorisé une solution aux différends frontaliers, le groupe de Shanghai se consacre désormais principalement à la coopération en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière ;

- économique : Pékin a signé depuis 1997 plusieurs accords avec le Kazakhstan de prospection et d'exploitation de gisements de pétrole et souhaité promouvoir le projet de construction d'un oléoduc de 3000 km pour son approvisionnement énergétique.

- démographique : le peuplement du Sin-Kiang, frontalier du Kazakhstan, est encouragé par les autorités de Pékin. L'Asie centrale pourrait, à terme, devenir une zone d'émigration chinoise. Le Kazakhstan, vaste pays de 2,7 millions de km2, habité par seulement 15 millions d'habitants, présente à cet égard une position exposée. On estime d'ores et déjà le nombre de clandestins chinois dans ce pays à un nombre qui oscille entre 250 000 et 300 000 . Le secrétaire du conseil de sécurité du Kazakhstan, M. Tajine, ne nous a d'ailleurs pas caché que l'un des principaux risques indirects auxquels se trouverait confronté son pays dans l'avenir, résidait dans le développement de l'immigration illégale.

. Le rôle marginal de l'Union européenne

Malgré les attentes des pays de la région, soucieux de diversifier leurs partenaires extérieurs, l'Union européenne n'est pas en mesure, aujourd'hui, de jouer un véritable rôle dans cette région. On ne peut qu'être frappé par le contraste évident entre l'ampleur des moyens déployés et la modestie des résultats .

Les accords de partenariat et d'adhésion ont été signés avec l'Ouzbékistan (21 juin 1996) et le Kazakhstan. Ces textes, entrés en vigueur en juillet 1999, prévoient un dialogue politique régulier ainsi que des dispositions de caractère commercial (clause de la nation la plus favorisée). L'Union européenne représente le principal bailleur de ces Etats à travers le programme TACIS (depuis 1991, 103 millions d'euros pour l'Ouzbékistan - 3 ème bénéficiaire après la Russie et l'Ukraine, 94 millions d'euros pour le Kazakhstan) principalement destiné à la restructuration du secteur public et au soutien aux PME, à la réforme de l'administration et aux secteurs sociaux, ainsi qu'au secteur agricole.

L'Union européenne appuie aussi des programmes régionaux :

- le programme TRACECA ( Transport Corridor Europe Caucasus Asia) doté d'un budget de plusieurs centaines de millions d'euros qui a pour objectif la mise en place d'un couloir de transport reliant l'Union européenne à l'Asie centrale en passant par le Caucase et la Caspienne (par routes, voies ferrées, ponts...). Ce programme a surtout jusqu'à présent permis le financement d'études préalables à des investissements ;

- le programme INOGATE, correspondant de TRACECA pour l'évacuation des hydrocarbures.

Pour la période 1998-1999, le Kazakhstan a bénéficié de 24 millions d'euros au titre de ces deux programmes.

Malgré l'importance de ces fonds, nos interlocuteurs se sont accordés sur la faible visibilité des actions conduites.

* 9 Anne de Tinguy, Russie-Asie centrale : la fin d'un « étranger proche » in Revue internationale et stratégique, été 1999.

* 10 Le centre de tir est loué 115 millions de dollars par an aux Russes, payables en dollars à hauteur de 59 millions et en biens de consommation, matières premières, armements pour le reste.

* 11 Les Etats-Unis prennent en charge une large part du financement des exercices, tous les ans, du bataillon de maintien de la paix d'Asie centrale « Centrazbat » associant l'Ouzbékistan, le Kazakhstan et le Kirghizistan.

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