B. LES CONDITIONS D'ÉVACUATION DU PÉTROLE

Les conditions d'évacuation du pétrole de la Caspienne sont au coeur des rivalités entre les puissances -grandes et régionales- qui s'intéressent à l'Asie centrale. Les enjeux soulevés par l'acheminement du pétrole impliquent non seulement les Etats de la région mais aussi de nombreux acteurs, pour plusieurs raisons :

- géographiques : compte tenu de l'enclavement de la région, les oléoducs doivent passer au minimum par un autre Etat ;

- financiers : les investissements requis dépassent de loin les moyens des Etats producteurs ;

- économiques , en raison des perspectives d'accroissement considérables de la production pétrolière au Kazakhstan ;

- stratégiques , dans la mesure où la maîtrise des voies d'acheminement permettra de peser tout à la fois sur les centres de production et sur leurs débouchés.

. La voie russe

La Russie exerce aujourd'hui un quasi-monopole sur l'évacuation du pétrole de la Caspienne. Elle a cherché à maintenir sa position privilégiée en menant à bien la construction d'un nouvel oléoduc entre le gisement de Tenguiz et le port russe de Novorossisk sur la mer Noire. Le CPC (Caspian Pipeline Consortium) a été inauguré le 26 mars dernier et le brut sera chargé sur les tankers à partir de juin 2001. Son tracé (1 500 km) permet de contourner les zones troublées du Caucase. Sa capacité initiale de 28 millions de tonnes par an pourrait être portée progressivement à 67 millions de tonnes.

. La voie transcaspienne

Les Etats-Unis soutiennent très activement un projet d'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (port turc de la Méditerranée) -projet dit MEP (Great Means Export Pipeline) . Aux yeux des Etats-Unis, cette voie permettrait de répondre à trois séries d'objectifs :

- réduire la dépendance des pays producteurs vis-à-vis de la Russie et mettre en réseau les riverains (Turkménistan, Kazakhstan) favorisant ainsi les solidarités transversales ;

- limiter l'attrait d'autres voies concurrentes , en particulier par l'acheminement par l'Iran ;

- répondre aux préoccupations de l'allié turc , par le renforcement de la sécurité d'approvisionnement de ce pays dont la consommation tend à croître et par l'allégement de la charge d'un trafic saturé dans le Bosphore.

Le projet américain s'inscrit ainsi dans une vision stratégique soucieuse de contenir le rôle de la Russie et de l'Iran et de promouvoir la place de la Turquie. Il rencontre, cependant, plusieurs objections de caractère économique : les conduits existants permettent aujourd'hui d'acheminer le pétrole disponible à l'exportation ; les prix demandés par la Russie satisfont désormais les pays d'Asie centrale.

Les compagnies américaines ont d'ailleurs marqué leurs distances par rapport à la position défendue par leur gouvernement. Ainsi, le vice-président de Chevron a déclaré en mai 2000 : « Ce sont les réalités commerciales et non les impératifs des perceptions géopolitiques qui doivent déterminer la construction de Bakou-Ceyhan ».

La nouvelle administration américaine semble, toutefois, continuer d'accorder son soutien à ce projet, en mettant cependant désormais l'accent sur les arguments commerciaux (l'ampleur des gisements requiert une diversification des voies d'évacuation).

Une première étude d'ingénierie (26 millions de dollars) devait être ainsi achevée en avril prochain. Une seconde étape pourrait être lancée prochainement -une étude échelonnée sur 12 mois, soit une enveloppe de 120 millions de dollars- avant la décision définitive de construction. BP, maître d'oeuvre délégué pour ce chantier, s'est montré très confiant dans l'avenir de ce projet -la construction du tronçon reliant les gisements du Kazakhstan à Bakou n'inspire pas le même optimisme : les investisseurs paraissent tabler davantage sur le développement, après 2005, des flottes de pétroliers pour transporter les chargements d'une rive à l'autre. La construction du pipeline (1 730 km) pourrait débuter en 2002 et durer 32 mois (capacité prévue de 45 millions de tonnes par an).

. La voie sud

La voie iranienne, la plus courte, apparaît sans doute la plus rationnelle du point de vue économique. Elle reposerait, en effet, sur la construction d'un oléoduc entre le nord de la Caspienne et les raffineries du nord de l'Iran -aujourd'hui alimentées par le pétrole produit dans le Golfe qui, dès lors, pourrait être directement acheminé vers les marchés porteurs de l'Asie. Un communiqué final de la visite du Président Nazarbaev en Iran les 5 et 6 octobre 2000, indiquait l'attachement des deux pays à la multiplicité des voies d'évacuation et rappelait que l'option iranienne apparaissait la plus pratique. Cette option se heurte cependant à l'opposition de Washington et aux sanctions (interdiction de tout investissement supérieur à 20 millions de dollars en Iran). Un infléchissement de la politique américaine ne peut évidemment être exclu pour l'avenir. Total Fina Elf, présent en Iran et au Kazakhstan, a manifesté son intérêt pour cette voie sud.

. La voie orientale

Un oléoduc pourrait relier la Caspienne et le Sin-Kiang, voire se prolonger jusqu'à Pékin.

Le coût en est évidemment très élevé compte tenu de l'immensité des distances. Cependant, la Chine constitue un débouché considérable pour le pétrole de la Caspienne. Ces perspectives ont d'ores et déjà justifié la signature d'une série d'accords entre Pékin et Astana 7 ( * ) et suscité également l'intérêt des investisseurs, notamment japonais.

* 7 Un accord sino-kazakh signé en septembre 1997 prévoit la construction par la CNPC d'un oléoduc reliant l'ouest du Kazakhstan au complexe pétrolier de Karamy dans le Sing-Kiang.

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